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Prélude d'une époque Empty Prélude d'une époque

Mer 17 Oct 2007 - 21:54
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La bibliothèque de l’Université d’Etat de Louisiane avait ses familiers. Ses habitués si vous préférez, pas ces petites bêtes qui suivent les sorcières à la trace, quoique selon les cas, on aurait éventuellement pu accepter les deux définitions. Tel qu’on le voyait, assis, studieux à l’une des tables de la bibliothèque, Olivier était certainement loin de se douter qu’il faisait l’objet de cette réflexion existentielle de la part de l’auteur. Le jeune homme était à cet endroit précis de la faculté ce qu’Adam était aux tubes à essais, et que les rats étaient aux laboratoires… ou aux bibliothèques.

Désireux d’exceller dans la voie qu’il avait choisie, il s’était jeté à corps perdu dans la génétique. Pour lui, découvrir ses mystères pourrait peut-être répondre à des questions bien plus personnelles que le commun des étudiants de sa promotion.
Le mutant leva le nez de son bouquin, et pencha la tête de toutes parts pour se délier les muscles de la nuque, raidie par la position qu’il avait adoptée. Ce qu’il venait de lire n’était pas édifiant, mais sa mémoire avait déjà analysé et emmagasiné les informations, sans même un effort de sa part. Son esprit se mit à vagabonder quelques instants par la fenêtre, seulement troublé par le bruit de pas sec de la documentaliste hargneuse, qui telle une harpie fondant sur une proie pour la dépecer, se précipitait sur le malheureux étudiant boutonneux qui avait laissé tomber le sixième volume des pensées de Woody Allen au rayon philosophie, ou sur la jeune fille innocente qui demandait une gomme à son voisin de gauche.

Malgré tout cela, Olivier était bien ici. Il était à sa place. L’odeur des pages vieillies des livres avait valeur de brise marine. Les étagères et la classification Dewey n’avaient plus de secrets pour lui. Sans qu’il y fasse bien attention, il s’était mis à griffonner dans un coin de sa feuille, comme cela arrive à tout étudiant dont l’attention est momentanément (ou pas) détournée d’un professeur soporifique. Seulement… Olivier n’était pas n’importe quel étudiant. Réalisant que sa main s’était enhardie, il sursauta et posa les yeux sur sa feuille : ouf, il avait dessiné un petit cœur. Rien de bien méchant. C’était même plutôt mignon quand on connaissait Olivier, ce jeune homme rêveur et idéaliste. Mais qu’importe, vous ne le connaissez pas encore. Il poussa un petit soupir de soulagement, et se dit qu’il était plutôt chanceux de ne pas avoir pensé à un dinosaure, une guillotine, ou une muselière à bibliothécaire, qui se seraient aussitôt matérialisés. Cette pensée lui amena un petit sourire en coin, mais il se ravisa rapidement et jeta quelques regards furtifs autour de lui pour vérifier que personne ne le regardait de travers. La dernière fois, le bouquet de fleur qu’il avait fait apparaître sans le vouloir avait bien failli lui attirer des ennuis.

C’est à ce moment qu’il la remarqua, comme au ralenti : plutôt grande, élancée, le teint pâle et le visage creux, presque émacié, mais sommes toutes pas déplaisante à regarder malgré les lunettes de soleil qui lui barraient le visage, Cassandre, un livre à la main, se dirigeait vers la table qu’occupait le jeune homme. Les cheveux lui croquant une partie des joues, elle tira la chaise en face de lui, posa l’ouvrage et s’installa doucement, sans un bruit.
La Grecque venait souvent à la bibliothèque, c’était d’ailleurs là qu’Olivier et elle s’étaient rencontrés, ou plutôt que son séant avait écrasé le sac à dos d’Olivier, posé sur la chaise voisine. Mais Olivier était certain que son sac ne s’en serait pas plaint s’il avait été doué de parole et d’ailleurs, il le jalousait un peu.
Olivier observa la belle quelques instants, en admirant bêtement, comme seuls les amoureux transis peuvent le faire, l’habileté avec laquelle elle s’était furtivement installée, de sorte sûrement, de ne pas s’attirer les foudres de la documentaliste.

« Salut, Cassandre. » chuchota-t-il au bout de quelques secondes, durant lesquelles la jeune femme avait, sans un signe vers lui, ouvert son livre devant elle. Pourtant, elle ne se pencha pas au-dessus de l’ouvrage. Derrière ses lunettes, impossible de dire si elle le regardait ou pas, mais lorsqu’elle ouvrit la bouche, Olivier oublia toutes ces considérations concrètes.
« Ah, tu es là, Olivier ! Excuse-moi, je ne t’avais pas vu. » lui répondit-elle à mi-voix en écorchant quelques syllabes au passage, mais Olivier pouvait tout lui passer, après tout, elle n’était pas native. Elle lui sourit avec douceur, puis son visage prit une expression plus grave.

« Aïe… dit-elle simplement en secouant la tête sans raison apparente.
-Tu t’es fais mal ? lui souffla-t-il en se penchant sur la table pour écourter la distance vocale.
-Non… répondit-elle sans plus de précisions. »

Olivier était si prévenant. Cassandre l’appréciait beaucoup, malgré cette intuition bizarre qu’elle avait en sa présence. Mais des intuitions bizarres, elle en avait à la pelle, aussi ne se préoccupait-elle pas trop celle-ci. Tant que ce n’était pas une aura de mort, d’apocalypse et de dévastation, tout allait bien. Elle le trouvait quelque peu distant ces derniers temps, comme si quelque chose était venu entamer leur amitié, pourtant l’Hellène ne se souvenait de rien en particulier, et elle n’avait pas le courage d’aller fouiner pour le découvrir : elle avait encore passé sa nuit à tourner en rond dans sa chambre sans réussir à fermer la porte aux hallucinations qui la saisissaient parfois, occupation secrète qui, si elle n’avait pas constamment porté ses lunettes, lui aurait sûrement valu la réputation de morte vivante dans les couloirs de la fac, où on la prenait déjà pour une étrange étrangère. Elle était fatiguée et ses problèmes de sommeil risquaient de compromettre son trimestre. Elle avait songé que, dans un éclair de lucidité, elle pourrait orienter une hallucination pour avoir une idée du sujet de partiel. D’ailleurs, autant être honnête, elle avait essayé, mais son esprit s’était retrouvé coincé sur le sujet de philosophie passé un siècle plus tôt dans l’amphithéâtre de psycho. Le jeu n’en valait pas la chandelle, du moins l’aurait-il valu si elle n’avait pas passé une nuit blanche à essayer de revenir en 2101.

Les talons de la bibliothécaire martelèrent le sol alors qu’elle se précipitait vers une élève qui semblait être prise d’un fou rire de l’autre côté de la salle, provoquant à elle seule plus de boucan que l’élève en question. Cassandre eut un petit soupir et pinça les lèvres en signe de compassion. C’était idiot : elle pouvait prédire qu’une élève se ferait remonter les bretelles mais ne pouvait rien pour elle-même. De même, elle aurait aimé qu’Olivier se confie plus à elle, car par délicatesse envers son ami, elle n’avait que très modestement laissé son esprit s’aventurer autour de sa personne. A tous les coups, elle aurait pu connaître la date de son dernier rendez-vous chez le dentiste, mais pas ce qui importait vraiment.
Olivier reprit la parole :

« Je me disais que… toi et moi… tu sais… commença-t-il dans un murmure, tout en tortillant son crayon de papier entre ses doigts.
-Oui, je sa… Non, vas-y, dis-moi. »

Olivier hésita un instant. Il aurait bien voulu l’inviter au bal de promo, mais il n’était pas sûr de ce qui pourrait encore se produire d’inattendu. Depuis qu’il avait découvert ce… cette chose qu’il pouvait faire, il n’était plus sûr de rien. Et puis en plus ce cela, il y avait ce livre ancien qu’il avait trouvé en aidant la bibliothécaire à faire l’inventaire des vieux ouvrages aux archives. Il avait subi les outrages du temps, mais ce qu’il contenait resterait impérissable tant qu’Olivier vivrait. Le seul souci était que lorsqu’il s’éteindrait comme son mystérieux auteur, un certain McCoy quelque chose, il n’y aurait plus personne, aucun héritier pour faire vivre le secret de ses pages jaunies. Cette pensée l’attristait, mais il comptait bien faire en sorte que l’œuvre du docteur ne tombe pas dans l’oubli. Le jeune homme avait discrètement ramené le livre avec lui, et n’avait eu de cesse de dévorer l’ouvrage pour saisir toute l’immensité du monde mutant qu’il lui avait fait découvrir. Aurait-il le temps d’aller à ce bal de fin d’année ? Rien n’était moins sûr.

« Ben… je me disais qu’avec Adam, vous pourriez peut-être venir réviser chez moi… »

C’était loin de ce qu’il avait voulu dire, et comme sa main un peu plus tôt qui avait outrepassé ses droits, sa bouche cette fois, avait trahi la relation de confiance qui s’était instaurée entre eux depuis son premier biberon.
Cassandre parut surprise. Encore loupé. C’était toujours quand elle était le plus sûre d’elle qu’elle se trompait de pronostic. Un léger sourire égaya son visage blême.

« J’en serai ravie. » dit-elle en conjuguant au futur. Autant s’amuser un peu.
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Prélude d'une époque Empty Re: Prélude d'une époque

Mer 17 Oct 2007 - 21:57
Adam était passé chercher Cassandre pour la guider jusque chez Olivier. Lui, il connaissait le chemin par cœur, et pour cause : il était, et de loin, le meilleur ami d’Olivier depuis leur plus tendre enfance. La bâtisse familiale des Fleury n’avait plus de secrets pour lui. Il avait passé bien des après-midi à jouer dans son jardin, tandis que leurs pères respectifs discutaient entre adultes d’affaires dont les deux garçons n’avaient aucune idée ; après tout, ces trucs là, c’était pour les autres, pas pour Adam et Olivier. Ils ne seraient jamais concernés par les affaires importantes de leurs pères…
Pourtant, il y avait quelque chose dont Adam était maintenant certain : mieux valait pour son intégrité physique ne jamais se révéler porteur du gène X, ou Thadeus, son père, ferait sûrement un malheur. Ce gène, était d’après son bien-aimé père, une malédiction que les Zachary se devaient d’éradiquer. De fils en aiguilles, cette mission s’était transmise à travers trois générations, et la quatrième n’avait d’autre prénom qu’Adam, bien malgré lui. Le jeune scientifique ne se sentait que très peu concerné par cette destinée manifeste nouvelle génération : ses études l’accaparaient bien trop pour lui laisser le temps de planifier un génocide.
D’ailleurs, il était déjà bien trop évaporé pour ne serait-ce que constater les manières étranges de Cassandre, qui marchait près de lui. D’une certaine façon, l’intégralité du trio était aveugle.
Les deux étudiants arrivèrent sous le porche de la maison d’Olivier. Là, Adam sonna, puis, en familier (non, toujours pas de sorcière), ouvrit la porte. Il s’effaça pour permettre à Cassandre de pénétrer dans la maison, mais la jeune femme resta immobile sur le seuil, le nez en l’air. Souhait-elle rester dans le jardin ?
Adam s’éclaircit la gorge.

« Après toi. » dit-il avec un geste de main théâtral pour l’inviter à entrer. Enfin consentit-elle à entrer, non sans trébucher bêtement sur le pas de porte.
Adam appela alors Olivier dans la maison. Ce dernier vint rapidement les accueillir. Il avait auprès de lui deux des personnes les plus chères à son cœur, et sa joie n’avait d’égale que sa maladresse. Il ne remarqua même pas l’air complètement perdu de Cassandre, ni qu’elle semblait s’absorber, d’après la direction de son visage, dans la contemplation pour le moins douteuse de la litière du chat.

« Ne restez pas dans l’entrée ! Venez dans ma chambre, on sera plus à l’aise pour travailler. » expliqua Olivier. Pour l’occasion, il avait fait un ménage de printemps précoce et préparé un pichet d’orangeade. Les trois compères montèrent l’escalier jusqu’aux quartiers d’Olivier, puis s’installèrent tranquillement pour commencer à réviser ; car malgré l’atmosphère détendue, ils n’en étaient pas moins là pour travailler.
Ils sortirent donc cahiers, livres, polycopiés, et ce qui était deux minutes plus tôt une chambre rangée reprit son apparence d’origine de bibliothèque désordonnée. Olivier sentit venir le moment pour lequel il s’était préparé la vieille au soir : dans un souci manifeste de plaire à sa belle, le mutant avait potassé un dictionnaire de grec. Olivier avait toujours tout assimilé à une vitesse extraordinaire, même avant le déclenchement de son pouvoir, seulement l’apprentissage d’une langue allait bien au-delà de l’ingestion théorique d’un dictionnaire, qui plus est, quand les échelons du barème ne sont pas atteints.

« θέλετε του δηλητηρίου, γασανδρε ? » demanda-t-il en affectant la décontraction. Cassandre tourna vivement la tête vers lui, la bouche légèrement entrouverte. Puis ce que son œil de médecin identifia comme les (charmants) muscles zygomatiques de la jeune femme décidèrent de suivre l’hilarité qui se faisait déjà jour dans son esprit. En effet, ce qu’Olivier avait pris pour une invitation à boire un verre d’orangeade s’était transformé en invitation à ingérer du poison. Fait exceptionnel, Cassandre éclata de rire.

« J’essaie de freiner sur l’arsenic dernièrement, par contre, de l’orangeade ça serait avec plaisir. » finit-elle par répondre en posant sa main sur sa bouche pour s’arrêter de rire. Olivier lui avait toujours caché qu’il parlait grec, c’était étrange… Cela faisait quelques mois qu’ils se connaissaient pourtant. Malgré sa taquinerie, la non-voyante était impressionnée. Les Anglo-saxons avaient cette suffisance qui croyaient-ils, les dispensaient d’apprendre d’autres langues sous prétexte que la-leur était internationale. Le grec n’était répandu que dans le bassin méditerranéen, il était d’autant plus notable de l’entendre dans la bouche de ce scientifique de formation. Jusqu’ici, elle avait toujours fait l’effort de parler anglais naturellement : elle était étrangère, c’était à elle d’aller vers les autres. L’inversion des rôles par Olivier la toucha et la flatta à la fois.
Cassandre tendit son verre, toute à ses réflexions linguistiques, et loupa le pichet, qu’Olivier inclinait pour la servir. Le glouglou rendu spongieux par l’absorption de la moquette la tira de sa rêverie. Elle sursauta.

« Oh ! με συγχωρήστε, je ne sais pas où j’avais la tête ! » se confondit-elle littéralement en excuses. Adam leva son nez de sa copie pour observer la catastrophe ambulante. Il la trouva bien maladroite en cette belle journée.

Un morceau d’essuie-tout et un coup de séchoir plus tard, il n’y paraissait plus, même si les quelques acariens qui habitaient la moquette d’Olivier devaient se croire en plein happy hour. Les jeunes s’étaient replongés dans leurs bouquins. Olivier avait l’air passionné par sa lecture. Cassandre de son côté, une main posée à plat sur son livre ouvert, avait l’air de rêvasser. Adam quant à lui, semblait éminemment concentré. Il avait toutes les raisons du monde de l’être vu la complexité des exercices qu’il était censé résoudre pour le partiel. Pourtant c’était une réflexion bien moins scientifique qui l’animait. Une fois de plus, son esprit dérivait sur la capacité de mémorisation d’Olivier. Depuis tout petit, Olivier le supplantait en tout grâce à cette mémoire d’éléphant, de mammouth même, dont la nature l’avait si généreusement pourvu. Encore une fois, il venait de démontrer avec quelle facilité il pouvait tout apprendre. Il ne lui avait jamais confié connaître le grec et cela turlupinait Adam : n’était-il pas son meilleur ami ? De même, il ne se rappelait pas avoir jamais vu le bout de dictionnaire qui dépassait de sous le lit d’Olivier, plus accusateur que s’il eût trouvé une revue pornographique sous son matelas. Il était vrai qu’Olivier était de plus en plus secret ces derniers temps. Peut-être lui cachait-il quelque chose ? Mais quoi ? Adam leva les yeux et observa le visage de son ami par-dessus ses lunettes. Olivier avait l’air transcendé par sa lecture. Amusé, Adam haussa un sourcil perplexe.

« On peut savoir ce qui te met dans cet état, certainement pas le cours du Dr Weber ? » lui demanda-t-il, avec une pointe d’ironie dans la voix. Olivier sursauta et leva les yeux par-dessus son livre pour répondre au regard d’Adam. Il sentit la culpabilité l’envahir : feignant de consulter un ouvrage médical, Olivier avait profité de la largueur de la couverture pour y déposer le précieux livre de Henry McCoy à l’insu de ses camarades. Les trois amis étaient loin de se douter qu’ils se trouvaient devant ce qui allait devenir une véritable relique du monde mutant. Peut-être que Cassandre aurait pu, mais elle non plus n’avait pas complété son barème.

« En fait, je… » commença-t-il, avant d’être interrompu par un mouvement soudain de Cassandre : la jeune femme s’était redressée sur le lit d’Olivier où elle s’était installée, puis s’était levée précipitamment, faisant choir le livre qu’elle étudiait pour le même coup, et manquant de renverser à nouveau son verre par terre. Le problème, c’est qu’elle n’avait pas encore eu le temps de mémoriser la maison d’Olivier. Elle tourna une fois sur elle-même comme un chien se mord la queue, puis se précipita enfin vers la porte.

« Désolée, je… J’avais complètement oublié que j’avais un… une affaire urgente à régler ! » dit-elle sans même récupérer ses affaires. Sans réfléchir, la pythie avait immédiatement réordonné ses priorités, et son après-midi vision passait après la vision qu’elle venait d’avoir. Elle s’apprêta à quitter la pièce les mains vides mais la tête soudainement pleine, avec malgré tout cette démarche gracieuse qui avait charmé Olivier au premier regard, de ses regards à lui j’entends. L’élan de la jeune femme était assez bien calculé vu les circonstances, mais orienté de quelques centimètres trop à gauche. Cassandre fonça droit dans le mur attenant à la porte de la chambre, qui s’il avait eu des bras, l’aurait accueillie à bras ouverts, du moins c’est ce que songea Olivier sans comprendre la fuite frénétique de sa muse.
Sans même songer à protéger sa dignité, Cassandre plaqua simplement sa main sur son front après avoir réajusté ses lunettes, et quitta la pièce en trombe, laissant ses affaires sur le lit d’Olivier. L’histoire d’amour entre les effets de Cassandre et les lits d’Olivier venait de commencer.
Cet imprévu laissa les deux garçons sans voix. Ils n’avaient pas eu le temps de réagir. La bonne nouvelle c’est qu’Adam avait complètement oublié sa question, et Olivier, parmi toutes ses cellules mémorielles et leur capacité infinie, n’avait de place à cet instant que pour le regret d’avoir vu disparaître Cassandre.
Olivier se passa une main dans les cheveux, puis répondit au regard perplexe d’Adam. Sans un mot, ils se remirent à travailler. Olivier ne bougea pas les affaires de la jeune femme. Elle était partie sans son sac et ses livres. Etait-ce là une promesse de retour, un peu plus tard ? Peut-être quand Adam serait parti ? Olivier connaissait mieux les parades nuptiales du règne animal que les stratégies amoureuses du beau sexe, aussi l’espoir était-il permis.
Le futur directeur de l’Institut Charles Xavier et son futur adjoint occultèrent donc la disparition soudaine de leur future psychologue, qui deviendrait la marque de fabrique de la jeune femme par la suite, et s’autorisèrent une pause seulement deux heures plus tard : l’orangeade avait fait effet. Alors qu’Olivier s’était absenté, Adam se leva pour se dégourdir les jambes et s’étirer un peu. L’esprit absent, il se mit à rassembler les affaires de Cassandre éparpillées sur le lit, et de les ranger dans le sac de la jeune femme. Alors qu’il saisissait le livre qu’elle lisait avant son départ, il tomba sur le titre de l’ouvrage. Il s’agissait de L’interprétation des rêves, de Freud. Adam n’en fut que peu surpris, après tout, Cassandre étudiait la psychologie. Ce dont il s’étonna surtout c’était qu’elle lise un ouvrage de première année en fin de dernière année. Elle lui avait dit être en retard sur son programme de travail, mais il ne s’était pas imaginé qu’elle avait tant de retard ! Elle était mal partie pour le partiel !
Une fois qu’il eut terminé son petit ménage, il se pencha au-dessus du livre qui semblait avoir tant émoustillé l’intérêt d’Olivier. Les quelques bribes de mots qu’il put y voir l’interloquèrent. « Mutants », « gène X », « évolution »… Les mots du Malin si on en croyait Zachary senior. Que pouvait bien faire Olivier avec un ouvrage pareil ? Les interrogations d’Adam furent interrompues par le retour d’Olivier, aussi souriant qu’à son habitude. Adam se détourna vers la fenêtre comme s’il n’avait rien remarqué, mais son cerveau était en ébullition (car à cette époque, il était encore localisé). D’après son père, le souvenir des mutants avait été effacé de la mémoire collective il y avait de cela des années. Seuls les gardiens de l’humanité, les membres de la Commission Eden en avaient encore connaissance. Cela signifiait-il que le père d’Olivier en faisait partie ? Non, Adam avait été éduqué à la base Eden, il connaissait les membres du projet. L’aspect génétique du phénomène avait peut-être attiré l’attention d’Olivier, mais quoi qu’il en fut, il possédait sûrement là l’un des seuls documents d’époque au monde faisant encore état de la période précédant l’extinction.
A nouveau, un flot de non-dits pesa sur la pièce alors que les deux amis se remettaient à travailler. Des secrets s’étaient insidieusement multipliés entre chacun des membres du trio, de sorte qu’ils étaient désormais prisonniers des révélations qu’ils n’avaient jamais eu le courage de se faire.
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Mer 17 Oct 2007 - 21:58
Ces secrets n’en furent d’ailleurs pas plus révélés à la fête de fin d’année, quelques semaines plus tard. Le trio s’était retrouvé sans véritablement se donner rendez-vous (ni s’inviter officiellement), comme la main trouve le bouton du réveil le matin : naturellement. L’habitude d’être ensemble les dispensait presque d’avoir à s’organiser pour se retrouver. Adam et Olivier s’était rencontrés sur le campus par hasard, alors qu’ils convergeaient tous les deux vers le gymnase, où avait lieu le bal, tradition séculaire qui offrait à tous une bonne raison de se défouler. Adam portait un costume élégant composé d’une veste et d’un pantalon noir assortis, ainsi qu’une chemise blanche : classique et efficace. Olivier avait opté pour sa plus belle chemise multicolore, sous une veste noire histoire de ramener un peu de sobriété dans sa tenue.
Fidèle aux clichés des bals américains, le gymnase avait été décoré par le comité organisateur de la fête, composé d’étudiants volontaires : des banderoles étaient pendues d’un bout à l’autre des murs, on avait remonté les paniers de basket pour placer une scène et des coulisses, scène sur laquelle défilaient différents groupes musicaux d’étudiants, et une grosse boule à facette était suspendue au milieu de la salle, là où les jeunes dansaient pendant que d’autres se servaient aux buffets contre les murs. L’ambiance était déjà au rendez-vous.
Un festival de paillettes, de strass, diadèmes et autres robes aux couleurs voyantes accueillirent les deux mutants dans la salle. La plupart des garçons arboraient des costumes, parfois même assortis à ceux de leur cavalière, le tout se trémoussant sur la piste.
Là, en retrait dans un coin de la salle, Cassandre, vêtue d’une longue robe noire à bretelles dont la sobriété n’avait d’égale que l’élégance distinguée. Les yeux d’Olivier la repérèrent immédiatement. Elle sirotait un verre seule, avec ce calme tranquille qui la caractérisait tant, et semblait observer la foule se dandiner de derrière ses verres fumés.
Les deux garçons filèrent la rejoindre. Bizarrement, personne n’avait songé ou osé venir accompagné. Et si chacun d’eux le nota, personne n’en fit la remarque. Le reste des étudiants oblitéraient le souvenir de cette année scolaire, l’enterraient dans les brumes de l’alcool. Les trois mutants quant à eux, échangèrent quelques paroles sur leurs résultats d’examen. Ils avaient tous été reçus, et chacun avec les honneurs dans leur spécialité. Mais cette réussite avait un goût amer. Ils se trouvaient à la croisée des chemins. Le preuve en était qu’Adam s’était déjà vu proposer un poste à responsabilités. Le noyau dur, le trium virat qu’ils formaient allait être éclaté par leur nouvelle vie, dispersé aux quatre vents.
Devant cette réalité, les jeunes diplômés restèrent silencieux, et s’absorbèrent dans la contemplation de ceux qui parvenaient à s’amuser sans trop se poser de questions.
Cassandre rompit finalement leur silence, la mine sombre.

« On sort ? » dit-elle seulement après s’être délicatement penchée vers Olivier en prenant appui sur son avant-bras, pour porter ces mots jusqu’à son oreille. Elle posa son verre vide sur un coin de table, puis slaloma entre les danseurs pour rejoindre, non sans quelques bousculades, la porte du gymnase. Olivier avala sa salive et lança une œillade à Adam. Ils n’en avaient jamais parlé, mais Adam devait bien se douter des sentiments d’Olivier à l’égard de la jeune femme, du moins c’est ce que croyait Olivier. Il réajusta ses lunettes sur son nez avec son index, prit une grande inspiration et suivit la belle Hellène dehors. Adam quant à lui, s’interrogea sur ce regard. Un peu dans son monde, il n’avait même pas remarqué l’attraction inavouée de ses deux amis. De nouveau seul, il partit en quête d’une boisson au buffet.

L’air était bien plus frais dehors et vivifia les deux promeneurs. On entendait clairement la musique et les éclats de voix en provenance du gymnase, et le va et vient devant la porte était agaçant, aussi Cassandre, une fois rejointe par Olivier, lui prit le bras et se laissa guider sur les chemins du campus. Olivier se demandait si c’était là sa chance de dévoiler ses sentiments à la jeune femme. Il s’était renfermé depuis qu’il avait mis la main sur le livre mutant, et s’était plongé à corps perdu dans ses recherches. S’il n’en avait pas eu pleinement conscience, Cassandre, elle, avait immédiatement remarqué ce revirement. Il s’était progressivement éloigné d’elle, et le mur du silence qu’ils avaient tous deux entretenu en taisant leurs secrets respectifs y était pour beaucoup. Que penserait Olivier s’il apprenait maintenant que Cassandre était aveugle ? Que penserait Cassandre si elle apprenait maintenant qu’Olivier était un mutant ?
Leur marche resta un moment rythmée par le bourdonnement de leurs pensées tourmentées et par le bruit des talons de Cassandre sur le sol. Finalement, la jeune femme s’arrêta une fois suffisamment éloignée du gymnase pour pouvoir profiter de la quiétude de la nuit. D’une légère pression sur le bras d’Olivier, elle lui fit comprendre qu’elle voulait s’arrêter ici. Elle se sentit soudain très seule et frissonna dans l’obscurité du campus, seulement éclairé par des lampadaires à intervalles réguliers du chemin.

« Olivier… Je vais rentrer chez moi. » dit-elle après s’être mordillé la lèvre inférieure, comme elle le faisait souvent quand elle était tiraillée entre deux pensées contradictoires. Ce qu’elle avait cru déceler dans la chaleur de sa voix, lors de leurs quelques moments d’intimité l’avait fourvoyée. Il n’y avait rien pour elle aux Etats-Unis. Du travail, elle pouvait en trouver n’importe où, et selon toute vraisemblance, elle ne trouverait que frustration sentimentale en restant en Louisiane. Elle avait fait l’erreur d’explorer les quelques prochains mois à venir en ce qui la concernait… Et puis, elle ne pouvait nier le fait qu’elle avait le mal du pays. Elle avait presque oublié le sentiment que chacun éprouvait à être chez soi, réellement chez soi.
Olivier la contempla à la lueur fanée de l’éclairage. A quoi s’était-il attendu au juste ? Une déclaration d’amour ? Une pensée lui vint alors dans sa déception : elle l’avait pris à l’écart pour lui confier qu’elle rentrait chez elle… Ca sonnait comme une invitation, une proposition indécente, et l’idée que la personne la plus décente qui ait foulé cette terre lui fasse une proposition indécente avait de quoi faire voir de petites étoiles. Ou peut-être étaient-ce les moucherons qui passaient à la lumière. Non, c’était beaucoup plus romantique de penser aux petites étoiles. Que faire dans une pareille situation ? Répondre à ses avances en ayant conscience de toutes les implications que cela pouvait avoir ? C’était dangereux, Olivier le savait. Mettons que dans un moment d’égarement tout légitime, il se mette à faire des choses… bizarres ? S’impliquer sur le plan affectif présentait ce risque, malgré le coup de foudre qui l’avait frappé à leur rencontre. Avait-elle une place dans la croisade qu’il espérait mener pour les mutants ? La réponse était claire, certainement pas. Après tout, elle ne pouvait pas comprendre le phénomène qui le touchait. Et pourtant, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Il avait trop hésité, trop attendu, trop réfréné ses sentiments depuis le début. Dans ses réflexions, il ne remarqua pas la mine mélancolique de sa belle, qui jurait totalement avec les raisonnements qui occupaient son esprit.

« Tu… Tu veux que je te raccompagne ? » demanda-t-il après une légèrement hésitation. Il savait que dans ce contexte, cette seule phrase avait valeur de déclaration, de signal déclencheur, et qu’à partir de ce moment, tout risquait de changer dans leur relation. Sa tension était à son comble.
Bien qu’il ne le vit pas, Cassandre cligna des yeux. Résignée à ce que leur relation demeure platonique, elle avait toutefois espéré que la réaction d’Olivier à la nouvelle montre un quelconque attachement à sa personne, un regret de la voir partir probablement pour toujours. Elle n’avait pas été jusqu’à espérer une larme ou une étreinte… En réalité si, elle l’avait espéré sans se l’avouer, cela aurait à la fois adouci et attisé sa peine, mais cela lui aurait fait un souvenir à emporter avec elle. Mais là… Il allait juste la raccompagner chez elle et la laisser sortir de sa vie comme ça ? Abasourdie, elle ne se rendit compte qu’elle pleurait silencieusement que lorsque sa première larme atteignit la naissance de ses lèvres. Elle se trouvait bien bête d’avoir nourri tant d’espoir dans cette conversation. Elle souleva légèrement ses lunettes pour s’essuyer rapidement le visage. Olivier ne savait plus comment il devait répondre aux signaux de Cassandre. L’instant d’avant, elle lui offrait sa nuit, et le moment d’après elle fondait en larmes. Pourtant le geste qu’elle avait esquissé pour essuyer ses yeux captiva son attention, plus que le malaise qu’il éprouvait devant la situation maladroite. Les yeux, symboles, résumé de toute personne. Le regard qui brisait tant de cœurs. Olivier ne connaissait même pas la couleur des yeux de Cassandre. Si on lui avait demandé de décrire la fille de ses pensées, il aurait été bien incapable de mettre un regard sur son visage. Il se prit à détester ces lunettes qu’elle portait constamment sans aucune raison. Il se rapprocha d’elle, et tendit les mains vers les branches des lunettes de Cassandre. L’instinct de conservation sans doute, activa le pouvoir de la jeune femme, qui s’écarta d’Olivier, s’arrachant à l’espace personnel qu’elle avait pourtant si longtemps souhaité occuper.

« Non… Il vaut mieux que tu ne saches jamais. » dit-elle en baissant la tête. Sur ces mots, elle se frotta les bras, et laissa Olivier seul. Un bruit de pas derrière lui le fit sursauter. Adam était venu le rejoindre.

« Qu’est-ce qu’elle a ? demanda-t-il benoîtement.
-Elle a dit qu’elle rentrait chez elle, soupira Olivier en pensant que malheureusement pour lui, on avait dû égarer le manuel de Cassandre à sa naissance.
-Ah, alors ça y est, elle t’a annoncé la nouvelle… » reprit Adam en hochant la tête d’un air compréhensif. Il donna une accolade à Olivier. Ce dernier fronça les sourcils, une expression amusée sur les traits.

« C’est pas non plus le scoop du siècle, Zac…
-Je pensais que ça te ferait plus d’effet que ça, quand même, rétorqua Adam, tout en menant Olivier vers la sortie du campus. Après tout, ça risque de devenir compliqué de la voir. La Grèce c’est pas la porte à côté, et avec les tarifs aériens en ce moment… Enfin moi je serai souvent en déplacement encore, mais toi…
-Attends… De quoi tu parles ?
-Bah, Cassie repart en Grèce, elle te l’a pas dit ? Elle appréhendait de t’annoncer la nouvelle. »

Olivier plaqua une main désemparée sur son visage. Ils avaient tout les deux loupé le coche en beauté. Et avec le malentendu qui venait de se créer, il n’oserait pas se montrer chez elle pour s’excuser. Les trois lignes temporelles d’Olivier Fleury, Adam Zachary et Cassandre Deneos se séparaient là, pour rejoindre quelques années plus tard, celles de Nahik, Loom et Sibylle, non pas à l’Université d’Etat de Louisiane, mais à l’Institut Charles Xavier.
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Prélude d'une époque Empty Re: Prélude d'une époque

Mer 17 Oct 2007 - 21:59
Assise comme à son habitude sur les marches menant au hall de l’Institut, Cassandre s’était laissée envahir par les réminiscences du passé qu'elle partageait avec ses deux camarades de fac. L'esprit ailleurs, elle ne pouvait s'empêcher de contempler leurs actions passées avec nostalgie certes, mais également, avec une pointe d'amusement. Qu'ils avaient pu être maladroits tous autant qu’ils étaient ! Qui aurait cru qu’ils deviendraient les adultes responsables de dizaines d’élèves mutants de cette école très spéciale, des guides alors qu’eux-mêmes avait évolué à tâtons dans l’obscurité ?
Sa tasse fumante de thé à la main, la psychologue se leva des marches, et laissa ses pas la mener au gré des ses pérégrinations télépathiques dans le jardin reposant. Le jardin respirait la vie grâce aux élèves qui s’y promenaient et vaquaient à leurs occupations, aux haies odorantes prodiguées par les jardiniers en herbe, aux oiseaux invoqués par certains mutants résidents… Un peu plus, et ils auraient pu croire les mutants de retour à l’Eden.
Ses pas la menèrent non loin du Mémorial de l’Institut, sur lequel elle se recueillit quelques minutes, pour une fois assez informelle. Le bruissement de l'herbe l'informa de l'arrivée de quelqu'un. C'était le parfum d'Olivier. Sans un mot, il vint se placer à côté d'elle, et bien qu'elle ne vit pas son visage incliné en avant en signe de recueillement, son silence en disait long sur son activité. Debout tous les deux devant les tombes, il leur sembla inutile de communiquer pour se comprendre enfin. Cette ère était révolue, s’était achevée le jour où elle avait décidé d’abandonner définitivement ses lunettes.
Olivier tendit son bras :

« Je te raccompagne ? demanda-t-il doucement à la jeune femme.
-Oui, rentrons à la maison. » répondit Cassandre avec un sourire timide, mais néanmoins présent, avant de poser sa main libre sur le bras d'Olivier, prête à se laisser guider. Rien n’était dit, rien n'était fait, et pourtant le statut quo actuel leur apparaissait comme la normalité. Bras dessus bras dessous, ils regagnèrent le manoir en partageant un silence éloquent.
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