Chambre d'Ivy et Jenifer

Jenifer sentit que son compagnon n'était pas franchement emballé à l'idée de donner un coup de pouce à une Cassandre déprimée, en même temps, même s'il avait fait de gros progrès, Nan n'avait jamais été très doué pour les longues tirades psychologiques. Aussi, Jen lui sourit simplement et répondit :

- Tu as raison, ce n'est pas vraiment à nous de faire cela. Adam est là, et même peut-être Carrie ou Sahari pourront essayer de lui parler... ou même les nouveaux, même s'ils n'ont pas vécu ce qu'on vient de traverser...

Au hochement de tête de l'agonquin, la jeune mutante posa sa joue contre le torse de son ami et lui confia :

- Tu sais... je crois que j'ai peur de ne plus être là si tu as besoin de moi maintenant qu'on est plus dans la même équipe. Je sais que ça va à l'inverse du preux chevalier qui sauve sa belle mais après tout, on est moderne ou on l'est pas !?

Elle posa sa main sur le coeur de son cher ex-équipier et prit une calme mais profonde inspiration.

- Je revois encore l'hélicoptère tomber... c'est horrible ! Combien j'ai tué de personnes innocentes tout ça parce que j'ai pas réfléchi avant d'agir ?! dit-elle avec une voix de plus en plus tendue.

Jenifer fut touchée par la réponse de Nan. Lui aussi aurait voulut pouvoir veiller sur elle. Mais ils devraient tous les deux faire confiance aux équipiers de chacun pour s'en charger. La jeune mutante ne s'en faisait pas trop avec la présence d'Anna, elles n'avaient pas eu l'occasion de collaborer depuis la base Eden. Anna était l'une des mutantes les plus puissantes...

Jenifer s'en faisait plus pour Nan aussi lorsqu'il parla de son professeur, Jen essuya un peu ses yeux et embraya, la voix un peu tendue au début puis s'améliorant :

- Tu veux dire comme les russes de notre mission ? Oui puisqu'il semble venir de là-bas. Il a l'air un peu... coincé comme ça mais regarde les Justix ou plutôt les ex-Justix, ils ne voulaient plus quitter Mlle Marcin alors que personnellement je préfère cent fois Adam ! En tout cas s'il ne s'occupe pas bien de toi je vais lui refaire le bronzage et il aura une bonne raison d'être tout rouge ! dit-elle en riant.

Jen avait aussi remarqué le nouveau prof... en fait qui ne l'avait pas remarqué d'ailleurs ?! C'était dans son équipe que Wind avait atterri. Lui par contre semblait bien moins impressionnant que le géant rouge (HRP: "How ow ow !" ^^) mais s'ils avaient fait appel à lui comme prof c'est qu'il devait être un mutant puissant. Par contre ils n'avaient pas mentionné son pouvoir ce qui était particulièrement intriguant... Il fallait espérer que la séparation de l'équipe n'allait pas encore ajouter à la tristesse de Wind qui commençait à inquiéter la jeune luminokinésiste.

- Tu crois vraiment que Iacobo va réussir à remonter le moral de notre anglaise ? J'ai peur pour elle, ça fait 2 mois déjà et elle est toujours habillée en noir alors qu'avant elle portait que des couleurs... j'ai envie de retrouver la Wind qui nous préparait des bons petits plats, des gâteaux, avec son sourire maternel... J'ose pas lui en parler mais c'est peut-être le moment ?!

[ Cuisine]

Wind n'avait pas pressé particulièrement le pas pour monter à l'étage, songeuse : Elle supposait que ses co-équipiers voulaient lui parler des nouvelles équipes. Anciens co-équipiers... Il faudrait s'y habituer, et ça n'allait pas être facile. De même que de côtoyer Chris régulièrement. Il n'était pas responsable, elle aurait bien voulu le lui faire comprendre, mais il fallait croire que l'institut était suffisamment grand pour qu'ils arrivent à ne jamais se croiser. Ou qu'il faisait tout pour l'éviter. Et elle penchait plutôt pour la deuxième solution... D'un autre côté, elle ne devait pas lui faciliter les choses, à toujours porter le deuil de sa cadette, mais elle ne voyait pas comment faire autrement. Même si la plupart à l'institut avait tourné la page, reprenait peu à peu une vie normale, bien qu'il fût évident qu'aucun d'eux ne parviendrait à oublier tout ça de sitôt, elle, elle n'arrivait pas à se défaire de la dernière image de sa cadette, donc ils avaient retrouvé le corps dans le salon.

Elle secoua la tête pour chasser ces pensées peu joyeuses (mais ces derniers temps, quelles pensées joyeuses avait-elle pu avoir ?) et inspira profondément avant de frapper à la porte de la chambre où on l'attendait, semblait-il avec une bonne raison...

Deux coups à la porte, à peine plus audibles que des pas dans le couloir à vrai dire, et elle ajouta :

- Jen ? Nan ?

Elle ne doutait pas qu'ils reconnaîtraient sa voix, et n'ajouta rien de plus, attendant patiemment qu'ils lui ouvrent la porte...

C'était bien compréhensible que Nan préfère s'inquiéter de l'état de Wind plutôt que de leurs professeurs. Après tout, c'était plutôt au corps enseignant de veiller sur les élèves et non l'inverse ?! Mais d'après ce qu'elle avait vu et entendu ces derniers temps, le malêtre de Cassandre pouvait aussi venir du comportement accusateur de certains élèves. Comment s'imaginer ce qu'on ressent lorsque tous les avenirs possibles que l'on voit impliquent la mort d'un ou plusieurs être chers et qu'il faut choisir quelle personne va mourir ? Et dans ce cas la psychologue avait peut-être juste besoin qu'on lui dise que ce n'était pas de sa faute...

Nan semblait avoir une idée, mais fut interrompu par de timides coups sur la porte de la chambre. Ils reconnurent la voix de leur londonienne préférée. Nan proposais que Jen change la couleur des vêtements de Wind, mais elle n'avait jamais tenté cela. Il aurait fallut qu'elle influe sur "le chant des ondes", qu'elle le modifie... et elle eut l'idée du siècle !

* Le noir c'est juste... toutes les couleurs qui sont absorbées... et si j'en force à être réfléchies... *

Ca pouvait fonctionner ! Il fallait essayer !

Jen attendit que sa grande copine s'installe sur leur tapis de mousse et de gazon et que Nan revienne à côté d'elle. Il y avait de quoi gêner Wind, comme si elle passait devant un tribunal aussi Jen n'attendit pas plus et arborait un visage aussi chaleureux que possible.

- On a plusieurs choses à te dire mais on préférait être entre nous plutôt que de faire un déballage devant d'autres. Nous voilà dans trois équipes différentes, c'est vrai, mais pour moi rien n'enlèvera ce qu'on a vécu ensemble chez les X-Rays, et je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que si l'un de nous en a un jour besoin il pourra compter sur les autres. dit-elle en passant son regard sur Wind et Nanikana.

Puis elle reprit :

- Et à ce titre, on s'inquiète pour toi, Windy. Toi qui étais un souffle léger et rafraichissant, ton sourire, ta douceur, tes petites attentions... on a envie de retrouver la Wind qu'on aime tant ! Tu ne peux pas rester tout le restant de ta vie à broyer du noir. Nous aussi on a de la peine, mais... River n'aimerait pas te voir ainsi !

Alors qu'elle parlait, Jenifer tenta sa manipulation. Elle se concentra pour que les vêtements de Wind, au lieu d'absorber les couleurs, renvoient un bleu pastel presque blanc. Jenifer fit un mouvement de tête pour que la britannique jette un oeil à ses habits avant de continuer :

- Je ne vais pas pouvoir faire ça là où tu vas aller, mais passe dans ta chambre pour mettre quelque chose de plus gai car... il sera content de te revoir comme avant... dit-elle en lançant un bref regard complice à Nan.

- ... Iacobo est revenu, il est en bas, on l'a croisé avec Nan. Il était dans le foyer quand on est monté il y a pas si longtemps. On pense que tu devrais aller le voir...

Jenifer avait un sourire profondément amical sur le visage. Elle n'était pas certaine de la réaction de Wind mais il lui avait bien semblé qu'elle avait cherché Iacobo après que tout le monde fut rentré de mission. Peut-être l'aiderait-il à passer à autre chose et à redevenir la Wind d'avant ?

Lorsque la porte s’ouvrit, un léger sourire éclairait le visage de Wind et elle répondit à l’algonquin d’une voix douce, en entrant à sa suite dans la chambre :

- Tu sais, je ne crois pas que changer de couleur modifie grandement mon humeur…

Elle s’installa avec eux, face à eux, sur le tapis de mousse et d’herbe made by Ivy, et il fallait avouer qu’en effet, ça avait quelque peu des airs de tribunal improvisé. Elle hocha simplement la tête tout d’abord, lorsque Jen prit la relève de l’indien, sans grande surprise : il n’était pas vraiment du genre bavard…

- Bien sûr ! s’entendit-elle répondre avec enthousiasme, et elle en fut elle-même surprise.

Bien sûr, qu’elle serait toujours là pour eux, autant qu’ils en auraient besoin. Même si elle doutait beaucoup de ses capacités à aider les autres depuis… Elle secoua la tête, les yeux baissés sur ses doigts noués. Jen reprenait son discours et ses propos ne la mirent pas davantage à l’aise, il fallait l’avouer. Elle n’avait sans doute pas tord, la plupart d’entre eux avait tourné la page, finalement. Même Kitty avait rangé les vêtements sombres et elle devait avouer que ça l’avait quelque peu rassurée de voir la fillette redevenir – presque – comme avant. Presque. Evidemment, ça n’effaçait pas la peine qu’elle ressentait d’avoir perdu son parrain et son amie, mais… c’était exactement ce qu’elle avait pensé un peu plus tôt, n’est-ce pas ? En définitive, la petite fille s’en sortait mieux que son aînée… Elle secoua de nouveau la tête et releva vers ses anciens coéquipiers un regard douloureux.

- Je suis désolée si je vous ai inquiétés, tous les deux. Mais je… Je ne peux pas faire comme si rien ne s’était passé… Je ne peux pas être comme avant… Pas sans Riv… Je suis… J’étais sa grande sœur, j’aurais dû la protéger… et je n’étais même pas là quand c’est arrivé…

River n’aimerait pas la voir ainsi ? Elle avait beau savoir que ce que la brunette disait était vrai, c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait pas oublier ça. Elle suivit le regard de Nova, cependant, et son tour de passe-passe lui arracha un sourire… et quelques larmes. Elle pouvait encore en verser ? Elle garda la tête baissée, songeant avec amertume que le bleu, même pastel, n’était pas tout à fait sa couleur, mais plutôt celle de sa cadette… Elle les sécha bien vite, cependant, relevant finalement la tête pour reprendre le fil de ses propos. Il…

- Iacobo…

Elle les dévisagea tour à tour, pas vraiment sûre de croire à cette nouvelle tout d’abord, puis incertaine de ce qu’elle devait faire. Evidemment qu’elle avait envie d’aller le voir, de s’assurer que oui, il était bien là, et en vie, qu’il était vraiment revenu… mais… est-ce que lui avait envie de la revoir ? Il n’avait pas donné signe de vie pendant les derniers mois, et leur dernière discussion n’était pas vraiment ce qu’on pouvait appeler un bon souvenir.

- Vous croyez ? leur demanda-t-elle d’une voix faible avant de baisser de nouveau la tête. Moi je n’en suis pas si sûre… Il n’a pas eu besoin de moi depuis alors…

Elle ignorait complètement ce par quoi il était passé…

- Wind... dit-elle dans un soupir.

Il fallait se résoudre au fait que sans un coup de pouce du destin, la britannique aurait du mal à se décrocher du souvenir de sa soeur et de la culpabilité qu'elle s'était infligé injustement. Aussi, Jenifer tenta de diluer la responsabilité de la mort de Riv, et trouva peut-être les meilleurs arguments :

- On aurait tous pu être là quand c'est arrivé, mais si j'ai bien compris comment ça s'est passé, tu aurais pu être celle qui aurait tué Riv sous l'influence de l'empathe... la seule chose qui aurait pu la sauver c'est qu'elle fut seule et que l'empathe ne trouve pas d'autre cible près d'elle. Tu n'as pas à t'en vouloir... le seul responsable est ce pourri d'empathe et crois-moi que si je le retrouve il va passer un sâle quart d'heure ! Et qu'il essaie de me rendre encore plus en colère pour voir !

Jen se crispa à cette idée. En son sein combattaient deux forces destructrices : la peur, celle de tuer des innocents avec son pouvoir, de devenir un monstre, et la colère, celle aussi qui lui donne le courage de continuer le combat coûte que coûte. La rage contre ceux qui les attaquaient injustement était tout ce qu'il lui restait pour ne pas sombrer. Et ce qui l'empêchait de ne pas devenir comme leurs ennemis, c'était certainement Nan, avant tout, mais aussi Wind et Ivy.

La mention de Iacobo semblait avoir l'effet d'électrochoc escompté. Mais elle semblait timide à l'idée de le revoir et pensait que l'inquiétude qu'elle avait eu à son égard n'était pas réciproque. Nan eut la bonne réponse, trouvant la raison de son absence mais il manquait encore la raison de son silence, et Jen en profita pour rebondir sur l'information :

- Oui moi aussi j'ai entendu lorsqu'il a dit ça. Il était au Mexique et s'est fait arrêter... tu sais il a peut-être pas voulut que tu t'inquiète pour lui, il a sa fierté notre Iacobo ! Je parie que si tu avais su, tu serais partie le rejoindre et il a dû se dire la même chose ! Profites-en tant qu'il est toujours dans le foyer ! On sait jamais, qu'il ait une soudaine envie d'aller se saouler dans un bar en ville...

Jenifer se rendit compte qu'elle n'aurait pas dû dire ça, mais c'était trop tard. Elle faisait signe de la tête pour que Wind y aille. Restait à savoir s'ils avaient été suffisamment convaincants...

Nan commenta sa "nouvelle tenue, made by Jen", et elle esquissa un pâle sourire... le blanc lui allait pas trop mal, elle en portait souvent, avant, avec du rouge ou du rose... Ils l'avaient écoutée, en silence, et à présent l'algonquin parlait de sa propre expérience, qui lui fit froid dans le dos. Il avait perdu deux soeurs ? Il n'en parlait jamais, et elle n'avait jamais tenté de le faire parler, à vrai dire, trop respectueuse du silence qu'on pouvait rechercher sur certains points de son passé pour imposer aux autres de révéler quoi que ce soit. Mais d'un autre côté... Pendant des mois, ils avaient été dans la même équipe, et elle venait de dire qu'ils seraient toujours là les uns pour les autres... Et jamais elle ne s'était doutée de ce que son camarade avait pu vivre. Pourtant, en venant ici, lui aussi, Jen aussi, avaient dû abandonner leurs familles, non ?

- Je suis désolée... balbutia-t-elle sans oser croiser le regard de Nan.

Il s'en référait toujours aux esprits, comme elle l'avait toujours entendu faire, et quelque part, elle l'enviait. Elle, elle n'était plus trop sûre de croire en son Dieu, après ce qui s'était passé. Comment continuer à croire qu'Il était là pour protéger les siens quand Il avait laissé River mourir ? Elle ne portait d'ailleurs plus sa croix de baptême, seulement le pendentif que sa cadette lui avait offert, autour de son cou. Jen essayait de la déculpabiliser, mais ce qu'elle évoqua lui fit froid dans le dos. Si elle avait été, elle, l'instrument de mort ? Elle songea qu'elle ne serait peut-être plus là pour l'évoquer... et se demanda - comme bien souvent au cours des deux derniers mois - comment Chris pouvait endurer tout ça... La colère de Nova envers l'empathe était bien compréhensible, et elle même serra les poings lorsqu'elle l'évoqua. Elle n'aimait pas ça, mais elle devait bien avouer que face à lui, elle aurait du mal à garder en tête le précept qu'elle avait tenté de faire appliquer à sa cadette : toute vie était précieuse... Elle n'était pas sûre de ne pas vouloir voir celle-ci s'éteindre...

Elle redressa la tête, plongeant ses yeux vers pâle dans ceux de son camarade lorsqu'il expliqua ce qui avait retenu Iacobo loin de l'institut, et à la tristesse qui y couvait toujours depuis de mois se mêlait à présent la peur comme elle imaginait - mal sans doute - ce qu'il avait pu vivre. Un "Oh my God..." faiblard passa ses lèvres et elle porta la main à sa bouche comme pour éviter de citer encore un Dieu auquel elle n'était plus très sûre d'accorder beaucoup de foi. Elle se tourna de nouveau vers Jen, comme pour essayer d'en apprendre plus en sondant son regard émeraude. Ce qui ne tarda pas. Son ancienne coéquipière lui expliqua ce qu'elle songeait du silence du serbe, et la londonienne devait avouer que c'était plutôt cohérent. Elle baissa aussitôt le regard, quelque peu gênée d'être aussi... transparente à leurs yeux à tous. Il pouvait aller se saouler quelque part ? Jo lui fournirait peut-être ce dont il avait besoin, songea-t-elle, ou elle referait ce qu'elle avait déjà fait : écumer les bars à sa recherche... Mais à choisir, il y avait sans aucun doute moyen de le voir plus facilement, comme le suggérait la brunette...

Elle hésita un instant, puis posa les mains sur celles de ses anciens équipiers, plongeant tour à tour son regard dans les leurs. Il y restait de la tristesse, bien sûr, elle ne pouvait pas passer subitement des larmes au rire, mais... Il semblait peut-être qu'un peu d'espoir l'éclairait enfin, au moins un minimum.

- Merci, leur souffla-t-elle avant de se lever et de se diriger vers la porte. Elle s'arrêta pourtant la main sur l'encadrement, et se retourna de nouveau vers ses deux camarades, pour leur adresser un sourire - enfin - sincère.

[ Foyer]

Jenifer était fière. Fière de Nan et d'elle, car à voir leur amie, ils avaient réussi dans leur entreprise de lui changer les idées et de lui redonner le sourire. Et pourtant ce ne fut pas facile. Wind semblait être d'une humeur à dramatiser tout ce qu'elle apprenait. Certes l'histoire de Nan n'était pas des plus heureuse, et mettre son courage devant la tristesse de la britannique n'était pas pour la sortir de sa grisaille émotionnelle. Mais lorsque vint la mention du séjour de Iacobo derrière les barreaux, l'explication de Jen sembla faire "tilt". Voilà ce qui devait la bloquer, quelque part elle pensait que Iacobo l'avait oubliée, ou ne s'intéressait pas à elle de manière réciproque.

Le sourire sincère de Wind fit chaud au coeur de la jeune X-Rays, cela faisait bien 2 mois qu'elle espérait revoir ce visage si sympathique et rayonnant. C'était difficile de se faire à l'idée que le seul remède efficace était le serbe acide et tranchant, mais il fallait reconnaître que si les contraires s'attirent, ces deux-là seraient inséparables.

Et lorsque la porte de referma derrière cette joyeuse vision de leur ex-équipière, Jenifer ne pouvait pas s'attendre à ce qui suivrait. Le coeur encore chaud d'avoir vu leur amie sortir l'âme plus légère, son tendre algonquin fit la chose qu'elle n'espérait plus depuis la fuite de Versailles. A ce moment précis, Nova avait tellement eu peur pour lui, pour elle, peur de ne plus le revoir, tellement envie d'être dans ces bras que son coeur avait parlé à haute voix. Elle avait bel et bien été se blottir contre lui, n'essayant pas d'espérer un mot en retour, sachant Nan très discret sur ses sentiments. Et là...

Les mots raisonnèrent dans sa tête et un tourbillon l'emporta. Elle se sentit fondre dans les bras de son amoureux et le serra de toutes ses forces. Rien ne put arrêter le flot d'émotion qui se déversa de ses joues. Elle pleurait, mais elle souriait aussi comme jamais. C'est la gorge serrée comme dans un étau qu'elle lui répondit :

- Je t'aime tellement Nan...

Elle se laissa aller, rien ne pouvait troubler ce moment qui l'avait prise totalement au dépourvu. Elle ne voulait que savourer cet instant de bonheur sans penser ni au passé ni à l'avenir... rien que le doux présent.

Jenifer se laissa bercer dans les bras de son Amour. L'atmosphère de la pièce ajoutait à la magie de l'instant. La décoration bucolique de la pièce lui donnait l'impression d'être dans un parc au printemps, assise sur un tapis de verdure. Ses larmes séchèrent, elle se sentait bien, un profond sentiment de plénitude. Jen aurait souhaité que cet instant magique dure pour l'éternité, qu'il n'y ait rien d'autre au monde qu'eux deux, dans les bras l'un de l'autre, et que le seul sentiment qu'ils connaissent ne soit que l'amour de l'un pour l'autre. Elle entendait le coeur de son brave guerrier battre paisiblement et sa respiration lente et profonde comme le vent soufflant dans les arbres.

Lorsqu'il s'écarta un peu, elle leva les yeux et vit qu'il voulait lui dire quelque chose, puis hésita. Elle s'apprêtait à lui demander ce qu'il avait sur le coeur quand il parla de Frost et de la neige. C'est vrai qu'elle commençait déjà à fondre, l'hiver s'éloignait déjà. Elle lui dit d'une voix douce :

- Bientôt c'est le printemps qui va arriver, Ivy va pouvoir redécorer le parc de l'institut et on pourra de nouveau s'installer à l'ombre d'un arbre et goûter à la douceur d'une belle et chaude journée...

Puis soudain, une question qui lui mordait la langue depuis longtemps lui revint à l'esprit. Elle ne savait pas si c'était le bon moment mais il fallait bien qu'elle lui pose un jour, aussi elle se lança :

- Est-ce que tu m'emmèneras voir ton village ? J'aimerais bien voir où tu as grandi et rencontrer ta famille...

Elle savait qu'il n'y était pas retourné depuis qu'il était à l'institut et que beaucoup de choses le troublait surtout à propos de sa soeur malade. Elle ajouta :

- Si tu as une photo ou quelque chose on pourrait demander à Rachou de nous y emmener et de venir nous rechercher un peu plus tard, qu'est-ce que t'en dis ? Ca nous évitera un long trajet...

Jenifer scrutait les yeux de Nan, cherchant la réponse et une éventuellement gêne, elle n'était pas sûr de sa réponse malgré le besoin indéniable qu'il avait de savoir comment allait sa famille.

Il la faisait craquer quand il perdait ses mots, c'était Nan... son Nan. S'il était soudain devenu un maître de la prose elle se méfierait et le prendrait certainement pour un usurpateur de Nan. Par contre le retour de boomerang fut nettement plus piquant pour la jeune mutante. Elle les avaient revus... un peu. Mais comme à leur habitude ses parents étaient... des courants d'air. L'image lui plut aussi elle répondit à son amoureux avec un sourire malicieux lorsqu'il lui dit qu'il ne les avait jamais vu :

- Moi non plus... blague à part je pense que tu t'entendrais très bien avec eux, mes parents sont des vrai courants d'air ! Je les voyais environ 1 minute par jour quand je ne m'endormais pas en les attendant... Je pense qu'il vaudrait mieux que je te montre chez moi et si par hasard on les croise je te les présenterai... bien sûr je leur dirai que tu viens mais les connaissant ils vont de toute manière oublier. Mes parents sont des gens... occupés... préoccupés aussi mais pas par moi sauf quand ils reçoivent un message de l'hôpital par exemple mais sinon...

Elle se rendit compte de la tempête dans l'esprit de l'algonquin et du voile dans son regard. Son visage à elle devint plus sérieux et le couperet tomba. Elle aurait dû s'en douter et surement que quelque part elle s'était effectivement attendue à cette réponse car elle l'accueillit plutôt bien et se contenta de hocher la tête en plongeant son regard dans le sien. Pas besoin d'en dire plus, elle avait l'habitude d'économiser les mots avec lui.

Elle cherchait un autre sujet pour ne pas peser plus sur cet instant, et comme une transmission de pensée, le sujet qui lui vint n'aurait pas pu mieux tomber :

- Dans ta tradition, vous vous mariez vers quel âge ?

[HRP : c'est pas du méta jeu, ça m'arrive tout le temps avec ma fiancée ]

[HJ : je vois pas où il y aurait eu du méta-jeu...?]

Nan' trouvait bien triste que Jen connaisse aussi peu ses parents. Pour lui, la famille était importante. Pas seulement en tant que véhicule socio-culturel et moral, mais aussi en tant que communauté. Ils étaient tous prêt à donner la vie ou la mort pour protéger leur clan, et c'était ce qui leur avait permis de survivre aussi longtemps. Lui seul était une exception : il avait donné la mort ou tous les autres auraient donnée leur vie. Il avait sauvé la sienne, et peut-être deux autres, aussi ce choix était considéré par les rares camarades qui le connaissait comme un bon choix, mais sa famille ne le verrait sûrement pas ainsi, et il le savait. Iraient-ils jusqu'à considérer qu'il avait désobéi aux esprits? Il l'ignorait. Probablement que les parents de Jen, s'ils avaient su qu'elle avait crashé un hélicoptère, s'en ficheraient complètement, contrairement aux siens propres...

L'algonquin laissa la new-yorkaise planter son regard dans le sien et établir cet espèce de contact silencieux et bienfaiteur qu'il avait eu, une fois, avec Ivy et qu'il avait de plus en plus souvent, aussi, avec Jen. Leurs yeux avaient la même couleur, mais étaient différents. Ceux de Jen avait un iris plus développé et complexe, alors que ceux d'Ivy étaient d'un vert plus pur. D'une certaine façon, ça les représentait plutôt bien toutes les deux... Leur mentalité et leur environnementalisme.

-On ne se marie pas, pas de votre manière.

Il y avait des rituels, certes, pour définir l'union d'une femme et d'un homme, mais ils étaient beaucoup plus sobres et terre à terre. Et puis, l'union pouvait se terminer à tout moment, avec le consentement des deux parties.

-Les femmes s'unissent entre 14 et 17 ans à des hommes de 16 à 20 ans.

Et ont généralement un enfant assez rapidement.

La voix de Hjördis retentit à ce moment dans leurs oreilles, mais Nan' ne bougea pas d'un cil. Comme la plupart des élèves de l'institut, elle avait tendance à dénaturer la nourriture avec trop de choses étranges.

Jenifer souleva les sourcils en entendant la réponse de Nan. Elle se doutait bien qu'ils ne devaient pas se marier de la même façon, mais se marier en robe blanche ou s'unir autrement peu importe c'est l'intention de vivre ensemble qui compte après tout. Elle se demanda d'ailleurs comment cela se passerait quand... si ils se mariaient tous les deux... sa famille serait-elle chagrinée si elle ne se mariait pas à l'église ? Ou est-ce qu'ils s'en ficheraient comme de l'an 40 ?... Et ses parents... comment allait-ils réagir en rencontrant Nan ?!... autre question à laquelle il faudrait bien réfléchir !

Lorsqu'il évoqua l'âge auquel ils se "mariaient" dans son clan, Jen ouvrit de grands yeux et s'empressa de répondre :

- Alors si t'étais resté tu serais peut-être déjà marié ?! Et moi encore plus ?!

Se rendant compte qu'elle avait réagi peut-être un peu rapidement, elle continua :

- Enfin je veux dire... pour ta famille on pourrait déjà se marier... c'est ça ?! Et sans qu'on soit mariés pour l'administration par exemple... Et est-ce que mes parents devraient être d'accord si on décidait de se marier comme chez toi ?!... Il faudrait qu'ils soient présents aussi ou pas ?

Elle semblait avoir une idée derrière la tête et c'était aussi net que le nez au milieu de la figure. Elle fronça un instant les sourcils, un petit sourire mi malicieux mi tentateur avant de lancer plus lentement comme pour donner du poids à ses mots :

- Et je suppose qu'une fois mariés vous... consommez le mariage et... agrandissez le... clan ?!

A ce moment là, le sourire devint réellement mutin, et ses yeux pétillaient de malice. Il était loin le poids qui pesait il y a quelques minutes encore sur ses épaules, la proximité de son algonquin et peut-être aussi le fait de la discussion avec Wind avaient changé l'humeur de la yankee qui redevenait un peu la Jen vive d'esprit et malicieuse et non pas la guerrière combattant pour l'avenir des mutants.

Jen aurait bien aimé pouvoir se marier un peu comme à Vegas, enfin avec la famille à Nan en plus mais sans ses parents, pour le moment au moins. Lorsque Nan l'éclaira sur la façon dont ils s'unissaient dans sa famille, elle fit une moue agacée et regarda dans le vide en disant :

- Ah... si on veut que mes parents en soient il faut que je leur envoie un mail dès maintenant et sans garantie qu'ils n'en fassent pas une jaunisse... et quant au cadeau j'ose même pas imaginer comment je vais leur faire comprendre... de ce que j'ai cru comprendre, pour mes grands-parents leurs esprits devraient être ravis ! dit-elle en plongeant son regard dans celui de l'algonquin, un sourire chaleureux éclairant son visage.

- Le mariage comme chez nous ça sera de loin pas pour tout de suite et personnellement je ne suis pas plus pressée que ça ! C'est certainement bien plus lourd à mettre en place et sans parler que tu n'as pas été élevé dans la même croyance, et si tu parles d'esprits au prêtre il risque d'en faire une attaque... donc ça on verra !

La suite de la discussion aurait pu être sous-titrée "l'arroseur arrosée" car à la réponse de Nan et à son sérieux, Jenifer en eut du pourpre aux joues. Elle avait dit ça plus pour blaguer, peut-être ne voulait-elle pas penser à cela réellement et pourtant la réalité la rattrapa. Elle écarquillait les yeux en entendant qu'il "fallait" faire des enfants. Le terme était très fort, certes c'était le but de la vie mais...

Éludant la question provisoirement, elle tenta de répondre à la question suivante, mais son trouble persistait :

- Mes parents devaient manquer de temps et d'envie pour ça... oui j'aurais bien aimé, au moins j'aurais eu quelqu'un à qui parler, avec qui partager tous les moments de solitude... c'est pour ça que je me sens bien ici, en plus d'être avec toi ! Quand je suis arrivée la première personne que j'ai rencontrée c'était Ivy, et depuis on est colloc, je la considère un peu comme une soeur même si on est pas toujours ensemble. Wind c'est aussi un peu comme une grande soeur...

* Et Tim... et Gaël... *

Lorsqu'elle sentit la nostalgie poindre, Jen s'empressa de faire remonter l'idée des enfants comme pour étouffer la tristesse et d'autres sentiments contrastés... Tim avec Garrisson... et Garrisson, Helios...

- Mais si on se marie ça veut dire qu'on va... faire des enfants ! Je suppose que si vous êtes mariés à 17 ans vous n'attendez pas 30 ans pour les avoir... les enfants... et donc pour faire des enfants il faut... tu vois quoi !

Regardant dans le vide, Jenifer ajouta :

- Si je tombe enceinte Adam va s'en rouler en pelote...

Tournant de nouveau ses grands yeux émeraude dans ceux de son amoureux, Jen sentit une vague de chaleur l'envahir comme une déferlante. Son corps libéra une douce chaleur alors qu'elle plongeait dans les yeux pâle de Nanikana. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'y penser, comment ne pas y penser en en parlant ainsi, elle avait essayé de les retenir mais des images étaient passées, fugitivement, dans son esprit, mais assez longtemps pour qu'un mélange de gêne et d'excitation commence à monter en elle. Elle n'y avait jamais sérieusement songé, surement car elle n'avait pas encore rencontré une personne qui le valait mais Nan... qui d'autre sinon lui ?!...

Elle ouvrit la bouche mais rien n'en sorti, et son regard glissa lentement jusqu'aux lèvres de son amour...

Comment pouvait-elle lui demander de comprendre ? Tout semblait si simple, tout était si simple et si naturel chez lui. Les enfants étaient dans l'ordre des choses, on s'unissait et on avait des enfants... Mais pour elle la citadine, la première fois était... spéciale. Et Jen ne s'était jamais sentie proche au point de passer à l'étape suivante...

Au fil des mois, elle avait appris à déceler la pointe d'humour dans son regard. Il n'était pas expressif, ne faisait pas de mimiques ou de grands gestes ni même parfois le moindre sourire, mais son oeil pétillait et ça la faisait craquer. Tout comme cette tendresse qui avait mis un peu de temps à apparaître mais dont il faisait preuve maintenant. Elle n'eut pas le temps d'en rajouter qu'il se levait déjà, coupant un baiser qu'elle aurait bien fait durer encore un peu. Mais il avait raison, c'était l'heure du repas et même si Jen pouvait retrouver des forces rien qu'à la lumière, il lui fallait toujours les nutriments de base pour que son corps se renouvelle.

Elle se leva à son tour et se blotti dans les bras de Nan avant de lancer :

- Tu crois que Wind et Yak sont ensemble là en ce moment ? Tu sais... quand le frère LeBrehan m'a soigné, et que je me suis réveillée en sursaut, j'ai le souvenir de m'être accrochée à lui. Je suis sûr qu'il a bon fond, Nan. Et s'il y a bien quelqu'un sur cette Terre qui peut le faire ressortir c'est bien Wind. J'espère que ça va marcher entre eux, je leur souhaite vraiment... On descend ?!

Déposant un "smack" sur la joue de l'algonquin, elle ajouta en murmurant, le sourire aux lèvres :

- Je t'aime...

Les roucoulades des deux tourtereaux furent interrompus par des coups brefs à la porte, immédiatement suivis par son ouverture, laissant entrevoir la face affable, quoiqu'un peu inopportune, d'Adam.

Il entra sans faire de façons, puis déclara simplement.

"Bonjour. Désolé de vous interrompre tous les deux..."

Il leur adressa un petit clin d'œil, puis enchaîna sans faire plus de façons.

"Nous avons à discuter de choses importantes. De ce qui s'est passé pendant mon absence. J'ai demandé à Anna de nous rejoindre. Son éclairage particulier... pourra nous être d'un grand secours."