[Soirée des Stryx] Passer ses nerfs...

[Iacobo > Comment tu dois galérer ! Je veux même pas imaginer ! – Alicia > No problemo, on peut être un peu patient, hein ^^ - Rob > Bah c’est normal, non ? ]

C’est étrange comme certains détails peuvent vous revenir en mémoire, rappelés à votre souvenir par des petits riens qui pourraient être insignifiants, qui le seraient, en définitive, s’ils ne ravivaient pas ainsi quelque élément du passé… La voix de Iacobo résonna toute proche de son oreille et dans ce qu’il lui dit à cet instant se trouvaient justement certains de ces petits riens sans importance. Elle aurait sans doute pu l’entendre même d’un peu plus loin, mais se garda de tout commentaire. Ce qui attirait son attention, c’était surtout ces mots, et non comment il les avait prononcés. Il parlait de son arcade sourcilière qui se souvenait d’un mauvais coup reçu à son arrivée. Elle ne se souvenait pas qu’il eût parlé de cela, lors de leur toute première entrevue, mais d’autres éléments de son discours lui revenaient en tête à présent : comme le fait que pour avoir trop regardé une blondinette, il avait failli se faire « plasmater »… Ses pensées s’arrêtèrent sur cette phrase parmi tout le flot plus ou moins cohérent qu’il avait débité en plein « trip » dans le jardin. Elle comprenait aujourd’hui que ses propos à ce moment-là se rapportaient à sa sœur, dont elle ignorait alors la relation avec Roscart, celui-là même dont le pouvoir lui permettait de générer des projectiles de plasma. C’était juste après la mission à laquelle elle n’avait pas participé – un des facteurs qui l’avaient poussé à travailler son pouvoir avec acharnement pour ne plus être un fardeau pour son équipe, un des facteurs qui l’avaient poussée à demander l’assistance de Miss Marcin, sa condition physique laissant clairement à désirer.

En soi, ça n’était pas très surprenant, à vrai dire, que l’on regarde River. Elle y était habituée en quelque sorte, elle trouvait ça presque normal, même si c’était toujours difficile pour elle de réaliser que son petit trésor était presque adulte à présent. Sa cadette était très jolie – à ses yeux peut-être plus encore qu’à ceux des mâles de l’institut – et elle avait de surcroît l’avantage de ne pas surpasser les trois quarts des garçons en taille. Pourtant, une légère pointe de jalousie crispa ses gestes un court instant, et un frisson lui parcourut l’échine, qu’elle mit sur le compte du gel de tout à l’heure. Elle n’aurait pas avoué y attacher d’importance, et pourtant…

Elle profita des préparatifs pour se réchauffer auprès de la théière qui fumait déjà. Depuis tout à l’heure, elle ne parvenait décidément pas à se réchauffer. Iacobo commentait ses mains, et elle se surprit à les observer à son tour, comme si elle ne les connaissait pas encore. Elles tremblaient toujours, de froid sans doute.

- C’est plutôt ma voix que j’utilise, quant à la musique. Mes mains sont plus habituées à la cuisine et la couture à vrai dire. Oui, oui, une vraie petite femme au foyer…

Elle leva les yeux au ciel sur ces derniers mots, prête à les entendre – ou pire – dans la bouche du serbe, avant de lui tendre une tasse de thé brûlant, additionnant le sien de miel et d’une rondelle de citron.

- Désolée du peu, fit-elle, mitigée quant à sa remarque sur les boissons mises à sa disposition, tout en remuant la cuiller au fond de sa tasse.

Elle l’écouta poursuivre quant à la piste de danse, et garda le silence jusqu’à la fin de sa tirade, le regard baissé sur son thé. Elle n’avait pas décollé de la gazinière, restant près de la source de chaleur. Iacobo faisait étrangement écho à ce à quoi elle avait elle-même songé un peu plus tôt dans la soirée. Et voilà qu’un autre de ces petits riens qui éclairent certains passages restés obscurs pointait le bout de son nez. Elle avait beau être blonde, elle ne pouvait pas ne pas remarquer la rancœur de l’ancien drogué à travers son discours, et le lien se fit tout naturellement avec ce qu’elle lui avait lancé – sans vraiment vouloir le vexer, à moins que ce fût inconscient – et avec la question qu’il n’avait pas posée le matin même.

- C’était donc ça… murmura-t-elle avant d’avaler une nouvelle gorgée et de poser sa tasse sur le plan de travail derrière elle.

Ses yeux plongés dans les siens, elle poursuivit.

- J’avoue que je n’ai pas trop la notion de ce qu’est le « bal des teens », en effet. Non seulement ça ne se fait pas trop, en tout cas pas dans de telles proportions, chez moi, mais de toute façon, je n’étais pas vraiment de celles qu’on invite à aller danser. Les « teenagers » apprécient moyen qu’une fille les dépasse en stature.

Elle mima un instant la taille, une main tendue au niveau de son regard, pour désigner où lui arrivaient les garçons de sa classe, à l’époque ; puis elle haussa les épaules.

- C’est donc ainsi que tu me vois ?…

Croyait-il donc qu’elle se fiait tant que ça au paraître ? Elle reprit sa tasse, sirota encore quelques gorgées, laissant planer le silence, mais reprit finalement la parole. Sa voix resta calme et posée, une chose que le chant et son pouvoir lui avaient permis de travailler, mais quelque part, c’était un peu décevant, et l’absence de sourire sur son visage devait sans doute en attester.

- Le regard des autres… ? C’est si important que cela, crois-tu ? Admettons… Pour reprendre ceux que tu cites, je crois que Rivy serait bien mal placée pour me juger sur quoi que ce soit alors qu’elle me demande elle-même de ne pas porter de jugement sur ce qu’elle fait. Et je n'ai que faire de l’avis de son cher et tendre.

Elle haussa les épaules, et finit par reposer sa tasse pour ôter les bracelets qui tintaient à chacun de ses gestes, ce qui l’agaçait davantage encore.

- Quant aux autres…

Elle poursuivit une fois que les bijoux se trouvèrent bien sagement posés à côté de sa tasse à présent vide, et croisa les bras sous sa poitrine, maigre rempart contre les frissons qui la parcouraient toujours.

- Mes choix, tant qu’ils ne mettent personne d’autre en danger, ne concernent que moi, je pense. Enfin, quant à savoir qui il m’est plus « sympathique » de prendre comme cavalier… j’estime avoir le droit d’en être la seule juge. De toutes les manières, jusqu’à preuve du contraire, il est le seul à m’avoir proposé sa compagnie. Et je ne suis pas vraiment du genre à courir après les autres…

Elle décroisa les bras pour se servir une seconde tasse de thé, avant de réaliser son impolitesse vis-à-vis d’Alicia et Rob, tendrement enlacés, ce qui ramena un léger sourire sur ses lèvres.

- Si vous voulez un peu de thé, il y en a largement assez…

Bon évidemment, ils préféreraient peut-être s’éclipser et rester tranquilles, seuls. A priori, c’était ce que sous-entendait l’Atom’X. Et d’ailleurs, le New-Genesix la prenait au mot. Elle fronça les sourcils comme il l’emmenait vers les jardins sans lui avoir même adressé une parole, et secoua doucement la tête. Bah… Ils avaient mieux à faire, sans doute. Et puis ça n’était ni la première, ni la dernière fois qu’une de ses propositions passaient à la trappe, certainement. Elle prit le temps d’agrémenter le breuvage de la même manière que le précédent, avant de reprendre, cherchant le regard du Stryx bien que celui-ci fût posé sur le mur.

- On ne peut pas dire qu’il ait eu les meilleures occasions du monde pour me « brancher » comme tu dis.

Nouveau haussement d’épaules. En même temps, les « teenagers » évoqués tout à l’heure n’étaient pas les seuls complexés par sa propre taille. Elle-même n’était pas à l’aise face à plus petit qu’elle, sauf lorsqu’il s’agissait de ses protégés, parce qu’elle campait le rôle d’une petite maman quelque part… Sans doute recherchait-elle quelqu’un avec qui inverser les rôles, un psychologue de bas étage aurait sans doute tiré cette conclusion. Elle n’en savait trop rien à vrai dire, et ne s’était jamais réellement posé la question. Ce qui devait arriver arrivait, elle ne cherchait pas vraiment plus loin… Ca non plus, elle n’était pas prête à en parler. Elle termina sa seconde tasse de thé et prit le temps de ranger ce qu’elle avait sorti, de laver les ustensiles utilisés, laissant tasse et cuiller sur l’égouttoir – ils serviraient bien demain matin – avant de faire un pas vers la sortie, puis de se souvenir qu’elle avait ôté ses bracelets et de se retourner de nouveau pour les récupérer. Elle réprima un éternuement, fermant un instant les yeux, et passa une main sur son front, un peu trop chaud à son goût. Rideau pour ce soir, mlle la chanteuse…

- Je crois que je vais déclarer forfait pour l’heure… fit-elle d’un ton las, trahissant peut-être son état de santé, à moins que ce ne fut son abandon de la discussion dont il s’agît ? Bonne nuit Iacobo. A demain…

Sans vraiment s’en rendre compte, elle posa sa main libre sur son épaule en tournant les talons, et se dirigea à son tour vers la sortie.