[Suisse- Sion] Séance courses

Samedi, fin d'après-midi. Il semblait que le vent glacial qui frappait la ville ne décourageait personne et défiait la saison. Pourtant il fallait avoir du cran pour oser se faire rougir le nez sous cette bise bien sentie. Mais il fallait avouer que la grande majorité des gens ne le faisaient pas vraiment par choix, mais par nécessité. Un peu comme Charis qui avançait rapidement, son écharpe lui remontant juste sur le nez, les yeux plissés par les courants d'airs, ses cheveux lui fouettant le visage. Elle aurait vraiment dû penser à mettre un bonnet. Le trajet n'était pas long, à peine dix minutes à pieds et le grand centre commercial orné de son énorme "M" orange se dressait, défiant le vent et la chute de température. Quel soulagement!

Les derniers mètres furent dévorés au pas de course et elle se glissa promptement entre les portes vitrée, se prenant le rideau d'air chaud de plein fouet. Mais qu'est-ce que ça faisait du bien! Il fallait vraiment que ce soit indispensable pour sortir faire les courses un samedi soir, à un quart d'heure de la fermeture. Mais entre son entraînement du jour et son père qui devait impérativement être libre pour un appel, elle devenait la seule personne apte à se prendre un bain de foule pour nourrir le foyer familiale ces prochains jours. Les mains dans les poches de sa veste, Charis franchit les barrières automatiques et s'arrêta. Mince... Rien sous ses doigts. Elle avait oublié la liste des courses? Elle glissa une mains dans la poche gauche de son jeans, puis la droite, la gauche arrière... Ah!

Café, pain, sauce tomate... Jusque-là, pas de difficulté majeure. Son panier en plastique en main, elle le remplissait peu à peu, jusqu'à se retrouver devant un affreux dilemme. Le prochain mot sur la liste: mouchoir. Rien de bien exceptionnel. Sauf qu'il fallait, bien évidemment, qu'il existe au moins cinq variétés différentes de mouchoirs. Compact, parfumés,à l'huile de soin, normaux, au décor de saison... Charis lorgna sur le renne au nez rouge qui ornait l'emballage. Avec son regard vitreux, il passait plus pour un ivrogne qu'un symbole de fête. Un d'éliminé, plus que quatre. Non, trois en fait, elle écarta d'office la version parfumée, affreusement irritante quand on se voyait soumis aux affres d'une sinusite. Bon, au moins, le reste de la liste de course se trouvait au fond de son panier, c'était toujours ça de pris...

Continuant sa progression dans les rayons, Charis eut la surprise de découvrir au tournant du magasin une curieuse scène...



Une personne dans un costume de pingouin plutôt bien fichu furetait dans le rayon.



Non loin de là, une jeune fille, jetant des coups d'œil furtifs, tentait de cacher un paquet de chips sous son sweat shirt.

Avant que Charis ne puisse dire ou faire quoique ce soit, le pingouin fonça à grands pas sur la jeune hydrokinésiste en battant vigoureusement des nageoires et en se dandinant en rythme. Dans quelques instants il serait sur elle...

Bon! Assez réfléchit! Charis empoigna l'emballage refermant une dizaine de paquet de mouchoirs normaux. La prochaine fois, papa n'aurait qu'à se donner la peine de préciser ce qu'il voulait. Il ne lui restait plus grand chose avant de devoir débuter le marathon caisse qui serait sans doute l'épreuve ultime de sa soirée speed. Hop! Une plaque de chocolat alla rejoindre le butin payant de Charis et elle envisagea de se diriger vers les caisses quand, au détour d'un couloir...

Charis resta quelque peu figée, une expression de profonde perplexité sur le visage. C'était grand, avec des ailes noires, le ventre blanc, des pieds palmés... Les produits surgelés fournissaient aussi les pingouins maintenant? Encore une promo pour un produit certes avantageux, mais probablement pas terrible une fois dans l'assiette. Mieux valait sagement contourner la chose en passant par le rayon d'à-côté. Oui, voilà, c'était le bon plan stratégique du moment. L'air de rien, Charis détourna les yeux dans l'espoir que le type en pingouin ne l'aperçoive pas. Jusque-là, elle pensait que tout allait bien, quand son regard se porta cette fois-ci sur une jeune fille blonde un peu plus loin, qui jetait des coups d'eils à répétition autour d'elle. Stressée, celle-là. A croire qu'elle avait l'intention de...

Non mais c'était pas vrai! Elle essayait vraiment de piquer un truc? Un paquet de chips en plus. Franchement, il y avait plus rentable comme produit. Charis jeta un coup d'oeil autour d'elle. A première vue, personne n'avait encore remarqué le manège de la jeune femme. Mais elle ne pouvait pas ignorer un délit quand elle en voyait un. Et puis elle ne pouvait pas laisser cette jeune fille prendre le risque de s'attirer des ennuis. Elle Fit un pas dans sa direction, dans l'idée d'aller lui demander poliment de reposer ce qu'elle avait prit, parce que franchement, le jeu n'en valait pas la chandelle, quand elle senti un mouvement peu orthodoxe derrière elle.

Grillée... C'était pas de chance. Charis fit un sourire désolée au... A l'homme qui devait logiquement se trouver quelque part dans le pingouin, préparant déjà sa réplique classique du "navré, mais ce produit ne m'intéresse pas". Avec un peu de chance, elle en aurait pour deux secondes et pourrait se rapprocher de la fille.

Le pingouin se postant devant Charis se saisit brutalement d'un paquet de cacahuètes dans le rayon, non sans en faire tomber quelques autres au sol, et lança d'une voix suraiguë :

"Voici les cacahuètes..."

Brève pause pour lire le nom du produit sur le paquet.

"Les cacahuètes Yummy Yum Yum, les cacahuètes qui rendent intelligent ! Douces, légères, veloutées, sensuelles, fondantes, craquantes, sucrées, légèrement caramélisées, névrosées et aphrodisiaques, les cacahuètes..."

Nouvelle pause pour relire le nom du produit sur le paquet.

"Les cacahuètes Yummy Yum Yum sont l'équivalent de deux repas complet et sont recommandées par l'Union Helvétique pour la Santé Bucco-Dentaire"

Charis remarqua que le pingouin malgré tout son cinéma jetait des coups d'œil en arrière. Et il se dandinait également de gauche à droite masquant par là même, dans une large mesure, ce qui se passait derrière lui. La jeune hydrokinésiste put néanmoins remarquer que la jeune fille venait de coller un autre produit sous son sweat et s'éloignait vers la sortie du magasin...



A ce moment, le pingouin fut interpellé par les vendeurs :

"Hey l'abruti en costume ! Casse toi, tu fais fuir la clientèle !" lança l'un d'eux depuis la caisse.

Pour toute réaction l'homme costumé cessa son petit manège et se dirigea vers la sortie du magasin.

La blonde, quant à elle, était sur le point de passer la porte de sortie située juste à côté des deux vendeurs.

Mais quelle horreur... Charis était juste sidérée par la quantité d'ineptie qu'un pingouin pouvait déblatérer dans un supermarché. Elle n'a même pas eu l'occasion d'en placer une, et recula même de quelques pas pour ne pas se pendre la chute de cacahuètes sur les baskets. Sauvage!! C'était ça, la publicité agressive? Et bien Charis n'aimait vraiment pas. Dommage qu'elle savait pas où regarder exactement pour fusiller ce type du regard. Allons bon, faisait-il son boulot? Bonne question. Charis essayait vainement de jetaer des coups d'oeil pour voir ce que fabriquait la jeune fille derrière lui, mais ce volatile aquatique lui obstruait la vue et... Surveillait dans la même direction? Pas besoin d'avoir lu beaucoup de roman policier pour remarquer qu'ils étaient de mèche.

Cruel dilemme. En un sens, elle ne voulait pas vraiment nuire à la fille. Après tout, elle ne piquait que quelques paquets de nourriture (certes pas la meilleur pour la santé qu'on puisse trouver dans un magasin) et le système à deux semblait trop bien rôdé pour un simple petit délit de réputation. Peut-être qu'ils en avaient tout simplement besoin? Soit elle hurlait aux vendeurs d'arrêter la fille, soit...

Papa allait râler, tant pis. Charis posa son panier sur le sol, à côté des paquets de cacahuètes tombés précédemment, et elle s'élança à son tour vers la sortie. Soit elle rattrapait la fille une fois à l'extérieur, soit elle se rabattrait sur le pingouin. Avec un costume pareille, elle avait des chances de courir plus vite que lui. Mais en tous les cas, elle n'avait pas l'intention de les laisser filer tous les deux sans rien faire.

Les vendeurs suivirent du regard la sortie en trombe de la jeune mutante...

"L'est louf' la gamine" commenta simplement l'un des deux types avant de reporter son attention sur tout autre chose.

Charis dépassa l'homme pingouin qui semblait avoir un peu du mal à avancer aussi vite qu'il l'aurait voulu avec son costume, pour le moins encombrant.

A l'extérieur du magasin, elle repéra rapidement la silhouette de la jeune voleuse qui s'éloignait d'un pas pressé. La rejoignant à grandes enjambées, Charis se retrouva à hauteur de la fille.

Cette dernière se retourna brusquement, le regard mauvais, tenant toujours de ses deux mains ses trouvailles planquées sous son sweat.

"Tu veux ma photo ou quoi ?" lança t'elle, assez remontée.

Tant pis si elle passait pour une folle, après tout, ce n'était pas la première fois, et encore moins la dernière. Le volatile arctique n'allait pas bien vite, ce qui n'était pas une mauvaise chose. Au moins celui-ci n'arriverait pas à fuir facilement si elle en venait à le balancer. Quoiqu'elle n'avait pas de preuve, c'était embêtant. Peu importait, en sortant du magasin, elle jeta rapidement un coup d'oeil autour d'elle, repérant assez vite la voleuse. Que comptait-elle faire exactement? Appliquer la loi? Quelle brave file, n'est-ce pas? Pourtant elle n'était pas naïve et doutait franchement d'avoir une quelconque influence sur la jeune fille.

Elle pressa le pas, arrivant à la hauteur de la blonde, et s'apprêtait à lui poser une main sur l'épaule quand celle-ci se retourna, visiblement en colère. Évidemment, se faire pincer, même par une gamine, ce devait être frustrant. Charis ne se démonta pas pour autant. Elle resta neutre, assez polie, pour commencer.

"Non. Par contre je veux bien que tu rapporte ce que tu as pris au magasin."

C'était dit sans agressivité, contrairement à la jeune fille qui semblait peu avenante. Charis n'avait pas la moindre intention de lui nuire, bien au contraire. Mais sa délicate intention sera très certainement mal reçue. Elle fixa la demoiselle dans les yeux, sans la moindre hésitation. Si la jeune fille était remontée, Charis, elle, était déterminée.

La proposition de Charis laissa la jeune fille impassible. Puis au bout de quelques instants qui parurent assez longs, la blonde sortit de sous son vêtement un paquet de chips qu'elle jeta à la figure de la mutante.

"Tiens t'as qu'à les ramener toi même !" lança-t-elle d'une voix cassante.

Le pingouin qui venait de les rejoindre intervint pour calmer le jeu :

"Eh oh, Jo, calme, calme !"

Il ramassa le paquet de chips comme s'il s'agissait d'un trésor des plus précieux.

"On n'est pas là pour se battre, je te rappelle" continua-t-il de sa voix horripilante et perchée trop haute pour être honnête... "Souviens toi que c'est pas bon pour toi de t'énerver... C'est pas bon pour nous"

"Jo" détourna le regard, affichant la mine de celle qui savait qu'elle avait tort mais ne voulait pas l'admettre... Sans ajouter un mot, elle se remit en route sur le bord de la route.

Le pingouin qui semblait vouloir suivre sa complice bredouilla quelques mots pour Charis :

"Écoute, t'as l'air d'une gentille fille... T'as qu'à nous oublier. Ca serait le plus simple et le mieux pour tout le monde..."

"Hey!"

Charis leva par réflexe son bras, détournant les yeux, quand le paquet de chips lui arriva dans la figure. Elle regarda la jeune femme visiblement surprise de sa réaction quand même poussée, puis elle se baissa pour ramasser le paquet quand le pingouin la repointa le bout de son bec, la devançant dans son geste. Comme Charis, il n'avait pas l'air de chercher ouvertement les ennuis, même si ce n'était que dans les mots. Pour avoir couvert une voleuse, il n'avait pas la confiance de Charis avec une simple phrase.

Ce n'était pas du pur altruisme, il avait l'air de craindre pour le comportement de la jeune femme. Peut-être celle-ci était-elle instable? Ou cardiaque? En tout cas, l'énervement ne devait pas lui réussir puisqu'elle détourna les yeux sans pour autant démentir les paroles de monsieur le pingouin. Son regard allait de l'un à l'autre, quand la dénommée Jo se détourna pour s'en aller. C'était trop... Illogique. On ne volait pas sans raison. Les plus défavorisés le faisaient pour manger, les moins défavorisés pour essayer de se donner une personnalité face aux autres. Et eux, à quelle catégorie appartenaient-ils?

"Je veux bien, mais à une condition. Dîtes-moi pourquoi tant de manigance pour un bête paquet de chips. Très franchement, ça n'en valait pas du tout la peine, vous ne pensez pas?"

Elle montra du doigt le paquet entre les mains de monsieur pingouin. Charis avait très très légèrement haussé la voix, pour que malgré son début d'éloignement, Jo puisse l'entendre.

Le pingouin ne trouva pas quoi répondre. Jo, quant à elle, s'arrêta en entendant les paroles de Charis. Elle se retourna, ses petits poings crispés le long de son corps. Ne retenant plus ses trouvailles, celles-ci s'étalèrent sur le sol : des barres chocolatées, une petite flasque d'alcool qui se brisa au sol, un paquet de cigarettes, des petits beurres...

Jo semblait furax. Et elle le fit savoir :

"Mais bon sang, QU'EST CE QUE CA PEUT TE FAIRE ?" brailla t'elle, hors d'elle.

Le pingouin se mit à battre des nageoires, comme pour calmer son amie. Sans grand succès. Cette dernière se dirigea à pas rapides vers Charis et s'arrêta, le visage à moins de 20 cm de celui de la mutante.

"T'es qui ? La fille du proprio du supermarché ? Ma mère ? Le Pape ? Si ON PIQUE CES COCHONNERIES C'EST PEUT ETRE POUR LES BOUFFER, NON ???"

L'homme costumé se repositionna entre les deux jeunes filles, écartant légèrement Jo.

"Calme toi, calme toi... Tu vas encore faire n'importe quoi... Et je suis sure qu'elle est gentille... Elle sait pas de quoi il en retourne, c'est tout..."

Jo croisa les bras affichant une moue mécontente.

"Moui... Vas y, joue les jolis coeurs... T'as qu'à enlever ton costume... On verra, si Miss Droit & Vertu sera aussi gentille après ça..."

Elle termina quelques instants plus tard.

"Oh, pis ça me saoule... La bouteille de scotch est cassée en plus... Avec tout le mal que je m'étais donnée pour la chourer..."

La succession d'objets chutant sur le sol fit sursauté Charis. Elle avait embarqué de quoi ouvrir une épicerie ou bien? Il y avait vraiment n'importe quoi... Mais rien de nécessairement sain. Quoique les petits beurre, ça pouvait aller. Mais le reste... Dire qu'elle ne cherchait même pas à les énerver... C'était raté en ce qui concernait Jo. D'ailleurs elle revenait en force et Charis eut comme seul réflexe celui de reculer d'un pas, s'attendant à se prendre une gifle. Les paroles eurent le même effet, à quelques détails près. Au moins son pote le pingouin était déjà plus sympathique. D'ailleurs il remontait considérablement dans l'estime de Charis. Devoir supporter une nana aussi colérique, ce n'était pas à la portée de tout le monde.

"Y'a mieux que des chips et de l'alcool pour manger."

C'était peut-être pas la bonne chose à dire, mais elle gardait un ton parfaitement calme, en se reportant sur le pingouin. Visiblement, il y avait quelque chose de louche entre ces deux-là. Quelque chose qu'ils avaient l'air de vouloir cacher. Si c'était du domaine de l'illégale, ils étaient déjà grillés. Ou alors quelque chose n'allait vraiment pas. Elle plissa les yeux, essayant de détailler le type en costume. Difficile à voir ce qu'il pourrait y avoir d'anormal dans un pingouin géant... Hormis le fait que le pingouin n'était pas un animal appartement à l'écosystème helvétique.
Elle baissa les yeux sur la bouteille au sol, et les débris qui se mêlaient aux restes d'alcool.

"ça aurait été moins problématique de la payer... Soit dit en passant, y'a des organismes qui aident les gens, si c'est un problème d'argent."

Elle haussa les épaules, glissant ses mains dans ses poches. Sa remarque allait très certainement lui valoir une autre hurlée de la part de Jo, elle se préparait à encaisser une insulte ou quelque chose du genre. Quitte à se faire appeler "Miss Droit & Vertu", autant y aller à fond.

Jo s'esclaffa bruyamment. Visiblement cette fille était un peu perturbée.

"Ouais, mais un quartier de viande c'est quand même plus coton à piquer ! Et je te parle même pas de la plaque chauffante !"

Le pingouin avait l'air toujours aussi gêné d'être là. S'il pouvait disparaître sur sa banquise, il l'aurait fait.

"Calme Jo, calme..."

La fille ramassa un paquet de cigarettes, le déballa frénétiquement et s'en colla une au bec.

"Bon, tu le trouves mignon le pingouin, Miss Chasteté et Bonnes Manières ? Tu me trouves peut être même mignonne, sait on jamais..."

Pendant ce temps ses mains luttaient contre le bordel ambiant des poches de son pantalon dans une quête improbable pour trouver des allumettes ou un briquet.

Le pingouin semblait plus nerveux.

"Non, Jo... Je veux pas... Je préférerai ne pas avoir à le faire..."

L'homme costumé semblait jeune... Cultivé, poli... Et très troublé. S'il exhortait la blonde au calme, lui même avait beaucoup de mal à suivre son propre conseil.

Mais le pompon fut atteint quand Charis mentionna les organismes qui aident les gens...

Il se produisit quelque chose de surprenant.

"Peeeeer-ssssssonnnnnne nnnnne ppppeut nous sssssaiiiider"

Le bruit provenait de Jo. Mais ce n'était pas la voix de Jo. C'était beaucoup plus guttural, haché et radicalement différent de la voix pleine de gouaille et de rage adolescente de la blonde. Jo ne bougeait pas les lèvres non plus.

Reportant son regard plus bas, pour mieux examiner la blonde, Charis comprit d'où provenait le son...



Jo avait l'air aussi surprise que Charis et elle posa en grande hâte ses mains sur son cou, pour masquer sa seconde bouche. Cette dernière poursuivit tout de même, mais en plus étouffé :

"Auuuuuucuuuune chanccce. On n'a auuuuucuuunne channnce de sssss'en sssssortir vivants"

A ce moment, le pingouin dézippa en quatrième vitesse son costume en braillant.

"Purée Jo, je t'avais dit de pas T'ENERVER" répétait il tout en bataillant avec sa tenue animalière.

Jo était toujours interdite, essayant vraisemblablement de contrôler son appendice buccal surnuméraire.



Le garçon difforme, débarrassé de sa tenue de carnaval, affichait maintenant une mine résolue, comme pour pallier à la crise de panique de sa comparse.

S'adressant à Charis, il lança sèchement :

"Bon, ben t'es contente maintenant ?"

Décidément elle ne devait plus avoir toute sa tête pour changer d'attitude aussi facilement. Charis ne savais plus vraiment sur quel pied danser. Peut-être qu'elle devrait simplement renoncer. Après tout, entre les clopes et l'alcool, elle commençait sérieusement à douter du fait qu'il puisse encore y avoir quelque chose de sain chez cette fille.Peut-être même était-elle droguée, à voir ses gestes frénétiques tant pour déballer le paquet de cigarette que pour chercher de quoi s'en griller une, elle n'était probablement pas clean. Finalement, Charis aurait mieux fait de ne pas s'en mêler du tout. Et vu le ton du pingouin, lui aussi aurait certainement préféré qu'elle ne s'en mêle pas.
Elle fronça les sourcils, sans vraiment comprendre pourquoi la fille en venait à poser une question qui avait juste absolument rien à voir avec la situation. Qu'est-ce que ça pouvait faire,qu'ils soient mignons ou pas? Elle ne voyait pas du tout le rapport.

Jusqu'à-ce que cette horrible voix lui parvienne. Elle manqua de sursauté, surprise par le son qui n'avait pas grand choe de très humain à son sens, set son regard suivit tout naturellement la direction d'où pouvait provenir cette voix, et là... Yerk! Charis eut un mouvement de recul. C'était plus fort qu'elle. Elle dégluti, retenant une envie soudaine de fuir à toute jambes tandis que Jo essayait de faire taire ce... Machin qu'elle avait dans la gorge. A-t-on idée d'avoir une deuxième bouche plantée en pleine gorge? C'était quoi ça, une déformation de naissance?

Mais c'était loin d'être terminée. Elle fit un pas sur le côté, s'écartant du pingouin qui commençait à s'agiter pour s'extraire de son costume et à nouveau, elle sursauta. C'était pas possible, on était en plein mois de mars. Halloween, c'est en octobre normalement. Elle n'avait jamais rien vu de pareil, pas même dans un des bouquins glauque de médecine qui traînait chez elle. C'était pas... Normal. Ses mains se crispèrent dans ses poches. Difficile de rester neutre dans ses circonstance. Un mélange de peur et d'incompréhension déformait ses traits.
Elle baragouina d'une voix étranglée.

"Dé... Désolée. Je voulais pas... Mais c'est quoi ce truc?"

Elle tendit un doigt hésitant en direction de la gorge de Jo.

"ça fait mal?"

Elle ne savait même pas pourquoi elle posait une question aussi hors de propos.

Jo n'avait toujours pas bougé. Elle inspirait / expirait bruyamment, comme pour, à force bouffées d'air, se calmer. Ou calmer sa seconde bouche qu'elle continuait à cacher tant bien que mal.

Le garçon difforme expliqua, sobrement :

"A ton avis ? C'est une bouche..."

Puis se rendant compte que la réponse, si elle était logique, était, dans une large mesure incomplète.

"Jo est une mutante. Comme moi. Enfin depuis quelques mois..."

Il se passa une main sur le crâne avant d'ajouter :

"Et comme on a beaucoup de chances, chez nous ça se voit un peu..."

La blonde aux deux bouches lança, un peu suffoquante :

"Non ça fait pas vraiment mal, c'est juste... bizarre... En revanche faut faire gaffe aux dents..."

Son ami la regarda avec tristesse. Puis termina :

"En fait le plus étrange c'est... qui parle à travers cette bouche ? Jo n'a aucune prise sur elle. Elle réagit à ses émotions, ça c'est sur... Mais on n'en sait pas plus".

Jo opina de la tête, confirmant gestuellement les propos du garçon.

Et les éventuelles factures du dentiste? La réponse de "Pingouin" (à défaut d'un nom pour le moment) ne l'éclairait pas vraiment. Mais il fallait avoir que c'était vraiment pas terrible comme situation, surtout pour ces deux-là. Charis regarda autour d'elle, histoire de s'assurer qu'il n'y avait pas des personnes trop proches pour suivre la conversation. La suite pourrait être délicate. Ses mains sortirent de ses poches pour se porter à son propre cou, et elle défit son écharpe pour la tendre à Jo.

"Tiens, ça pourrait toujours aider."

Sauf si sa seconde bouche avait besoin d'être à l'air libre. Auquel cas, c'était effectivement inutile. La révélation sur leur mutation lui fut nettement moins choquante qu'elle ne l'aurait pensé. Néanmoins, ce simple mot la fit tressaillir. Charis détourna les yeux, visiblement embarrassée, plus par sa réaction précédente que par leur apparence. Elle s'en voulait d'avoir reculé. Quoiqu'en même temps, ils devaient probablement en avoir l'habitude. La question soulevée par le garçon laissait Charis suspecte. Si elle n'avait pas vraiment de prise sur cette voix, quelle conscience la faisait bouger? C'était inquiétant comme interrogation.

"Il y a peut-être quelqu'un qui pourrait répondre à vos question, je crois."

Aux États-Unis, ces informations dont elle avait entendu parlé, et qu'elle avait été chercher sur internet, sans vraiment trouver beaucoup d'infos soit dit en passant.

"Il existe un institut pour les mutants, à Salem Center. Mais..."

Charis se passa une mains dans les cheveux, gênée.

"Mais il faut encore pouvoir s'y rendre."

Elle enfonça à nouveau ses mains dans ses poches, regardant Jo et son ami alternativement. Elle supposait qu'ils en avaient entendu parler, alors... Peut-être que ses paroles ne leur serviront à rien.

Jo accepta l'écharpe en tirant une drôle de tête : mi figue, mi raisin, la jeune fille semblait surprise... Elle bredouilla, néanmoins, un merci gêné avant d'enrouler le vêtement autour de son cou.

Les deux complices écoutèrent les paroles de Charis attentivement. Puis à l'annonce du nom de Salem Center, le garçon sourit :

"L'Institut Xavier ? Ouais, on connait..."

Il se passa une main sur le crâne en dévisageant Jo. Cette dernière ajouta :

"Bartleby y es déjà allé. C'est le plus ancien de nous tous. C'est le cerveau de la bande. Moi je suis que les nerfs et les petits poings agiles..."

La blonde aux deux bouches souriait enfin. Visiblement, le sujet lui convenait plus que la discussion sur la moralité de ses actes de l'instant d'avant.

Elle dévisagea Charis à nouveau, puis ajouta :

"Et toi ? Pourquoi tu t'intéresses à l'Institut ? Hum ?"

Visiblement, la méfiance préventive semblait être l'un des défauts majeurs, ou l'une des qualités essentielles, de la jeune fille.

Bartleby termina :

"Bon, Jo, les autres nous attendent... Faudrait peut être y aller, non ? On ramasse les trucs que t'as piqués et on s'arrache ?"

Elle n'était pas si agressive que ça finalement, cette Jo. Charis fut soulagée qu'elle accepte son écharpe. C'était pour elle une petite victoire, de réussir à faire comprendre qu'elle ne leur cherchait pas du tout des ennuis. Elle reglissa la main dans sa poche après ça, se reportant sur Bartelby qui répondait à sa question. Alors ils étaient au courant? Mais alors pourquoi diable faire du vol à l'étalage au lieu de se faire simplement aider par l'institut? A moins qu'ils ne préparent simplement un départ? Charis peinait à comprendre la situation. En revanche, tout sembla brusquement s'accélérer quand Jo lui posa sa question. La surprise, puis la gêne étaient visible sur les traits de la jeune fille qui baragouina sans vraiment savoir quoi dire, prise de court.

"Et bien... Heu... Je... Enfin..."

Peine perdue. Pourtant ce serait nettement plus simple de leur rendre la pareille en avouant simplement. Le regard fuyant, elle cherchait désespérément une bonne excuse quand Bartelby coupa court à la conversation.

"Attendez! Heu... Vous aller y aller? Je veux dire, pour rejoindre l'institut?"

Il fallait qu'elle sache, sans trop savoir pourquoi. Vouait-elle s'y rendre? Elle y pensait depuis un moment. Mais comment y aller sans abandonner toute sa vie derrière elle? Comment se décider à partir et abandonné son père seul? Abandonner, ses rares amis, son entraîneur, sa grand-mère, la compétition...? Rien que de penser à toutes les implications, elle en avait le tournis.

Jo venait de ramasser les dernières cochonneries qu'elle avait chipées, non sans avoir regardé tristement la flaque alcoolisée formée par la flasque brisée... La demande de Charis déclencha chez elle un grand sourire.

"L'Institut ? Ouais, en quelque sorte on va y aller... Mais c'est pas le Paradis, n'est ce pas Bartleby ?"

Le garçon, tout en roulant en boule sa tenue de pingouin, lança simplement :

"On peut le dire comme ça, Jo... L'Institut c'est tout ce qu'on a mais c'est pas forcément grand chose... Un peu d'espoir dans la nuit. Un tout petit peu d'espoir dans les ténèbres absolues"

L'expression de Jo devint plus grave.

"Ouais, mais ça vaut peut être le coup quand même... Pour les p'tits au moins. Hein Bartl' ?"

Le garçon se contenta de décocher un regard résigné à sa comparse, avant de s'éloigner en marchant. Jo fixa son ami, puis Charis. Rapidement. Un sourire apparut à nouveau sur ses lèvres. Un sourire enfantin.

"Écoute, Miss, t'as qu'à nous suivre. Mon p'tit doigt me dit que t'es trop intéressée par l'Institut pour être honnête... si tu vois ce que je veux dire ?"

Et elle ponctua ces dernières paroles par un clin d'œil appuyé, avant de partir à petites foulées à la suite de son ami...

Y aller... C'était toujours ça pour eux. Le mieux, pensait-elle sincèrement. Alors elle ne dit rien quand Jo récupéra son butin sur le sol. Qu'aurait-elle pu dire de toute manière? Charis se trouvait en quelques instants dans une situation qu'elle avait fuit ces dernières années du mieux qu'elle le pouvait. Et eux, devant elle, y allaient. Malgré le bémol placer par Bartleby, l'un comme l'autre avait le courage de faire ce qu'elle n'avait jamais osé accomplir, et malgré tout, ça semblait si facile pour eux.

La seule question qui retenait Charis était... cet espoir, existait-il réellement? Un mutant pourrait-il se cacher toute sa vie et exister parmi les humains? Parce que cette existence terrée, elle était prête à l'essayer. Seulement... Comment rester caché quand un pouvoir vous échappe? Elle ne contrôlait rien. Sa seule chance pour le moment était de se retrouver seule quand ça arrivait. Mais pourrait-elle se dissimuler indéfiniment?

Elle regarda Bartleby s'éloigner, incapable de se décider sur ce qu'elle devait dire ou faire. Les mots de Jo étaient peut-être ceux qu'elle attendait? Elle n'en savait rien. Mais sans s'en rendre compte, elle s'était mise à marcher à leur suite. Il fallait au moins qu'elle sache. Ils étaient plusieurs, c'est ce qu'elle avait compris. Tous étaient prêts à abandonner leur vie? Et elle? Elle pensa à son téléphone portable... Appeler son père ne lui servirait à rien. Elle aurait dû lui dire les choses en face, mais pourrait-il comprendre? Accepterait-il ce qu'elle était ou la détesterait-il? Qu'aurait-il dit? Aurait-il pu lui conseiller d'aller dans cet institut ou au contraire lui aurait-il promit une vie normale ici, là où elle avait toujours vécu? Charis leva les yeux vers le ciel, sans trop savoir.
La seule chose qu'elle savait, c'était qu'elle les suivait.

La marche parut durer des heures. Charis suivait en silence les deux compagnons. Il faisait nuit, rendant d'autant plus difficile toute tentative de la jeune hydrokinésiste pour se repérer. Elle gardait pour seuls repères les deux mutants.

La ville devint forêt puis colline. Progressant à travers les silhouettes inquiétantes des arbres, le petit groupe semblait se diriger vers un point lumineux, dans les hauteurs.

Finalement, ce point s'avéra être un feu de camp et avant d'atteindre celui-ci, Jo lança tout de même à Charis dans un grand sourire :

"Bienvenue à l'Institut Xavier"

4 tentes misérables nichées au beau milieu d'une clairière en pente, un feu de camp et 3 jeunes gens autour : voilà, ce que Jo appelait l'Institut Xavier.

L'arrivée de Jo, Bartleby et Charis provoqua des réactions vives chez les 3 autres personnes présentes.



"T'as amené de la bouffe ?" marmonna le premier à l'attention de Jo.



"Bartleby, c'est qui la dame ? C'est Madame Deneos ?" demanda le petit garçon aux cheveux verts.



Enfin, la dernière, une blonde qui faisait Dieu seul savait quoi avec ses mains, termina, le visage grave :

"Pat et Sandy sont pas encore rentrés, Jo... J'suis un peu inquiète quand même..."

Qu'aurait-elle pu faire d'autre? Charis suivait, parce qu'elle n'avaait pas vraiment la moindre idée sur ses possibilités de salut. En revanche, au bout de plusieurs de marche (ou du moins ce qu'elle supposait être plusieurs heures), elle se doutait déjà qu'il ne s'agissait pas de l'institut à proprement parler. Ce n'était pas à travers la forêt qu'on pouvait rejoindre les Etats-Unis. Mais elle suivait quand même, pour plusieurs raisons, dont l'une étant qu'ils seraient quand même les seuls personnes pouvoir lui apporter des commencements de réponses. Et puis, avec l'arrivée de la nuit, rebrousser chemin ne serait pas très malin. C'était pas dit qu'elle puisse retrouver des repères pour revenir en ville. Charis espérait sincèrement qu'en cet instant, son père était trop accaparé par une garde pour se rendre compte que sa fille avait déserté la maison un samedi soir alors que c'était loin d'être dans ses habitudes.

Le point lumineux attirait son attention. Au moins il semblait y avoir une destination, ils ne la promenaient pas n'importe où. Quoiqu'avec ces arbres baignés de noirceur qui les entouraient, elle ne se sentait pas pour autant rassurée. A l'orée de la clairière, Charis se figea. C'était quoi ça? Le commentaire de Jo fit se décomposer les traits de la jeune fille. Pas étonnant que Bartleby soit aussi peu enthousiaste. C'était quoi, ça, l'île enchantée de Peter Pan? Les yeux de Charis s'immobilisèrent sur le petit aux cheveux verts. Il avait l'air si jeune, et où étaient ses parents? Quelle idée d'embarquer autant de gamins en pleine forêt montagneuse sans adulte à proximité? Bartleby était responsable d'eux et les laissait seul pour aller chaparder dans des magasins? La question enfantine sur son identité la fit tiquer. Et qu'est-ce qu'il allait répondre à ça, Bartleby, hein?

"Non."

Pas de malentendu sur le sujet comme ça. Elle allait quand même lâcher des commentaires cinglants sous la colère quand une autre blonde tout aussi bizarre que le reste de la bande signala des disparitions.

"Quoi? Parce qu'il y en a encore deux autres?"

Elle se tourna vers Bartleby.

"Mais vous êtes tous cinglés! C'est pas un endroit pour des mômes ici! Ils devraient être avec leurs parents!"

Là, impossible de rester calme.

Jo jeta au gamin aux lunettes de soleil le résultat de ses actes de filouteries : 3 barres chocolatées, un paquet de petits beurres et les chips...

Le garçon les récupéra avec un grand sourire.

"Merci, t'es la meilleure ! On pourra faire un repas avec la limonade que Simplette", il désignait la seconde blonde du doigt, "a tiré et le reste de marshmallows ! En plus quand Pat et Sandy seront revenus, je suis sur qu'on aura même un dessert : genre une orange ou un sachet de bonbons !"

Le gamin aux cheveux vert eut, quant à lui, l'air très déçu...

"Ah, donc t'es pas venue nous chercher pour nous emmener avec toi ?"

Simplette répliqua gentiment :

"Ben tu vois bien, Salade, que ça peut pas être Madame Deneos. C'est pas une vieille dame et elle a même pas l'air enceinte !"

Jo regarda d'un oeil contrarié Charis puis elle reporta son attention sur la petite troupe :

"Faites pas gaffe à elle... Elle est pas méchante. Mais elle est un peu pas marrante. On l'appellera Miss Chasteté, OK, les p'tits ?"

Ils semblaient acquiescer vigoureusement.

Salade ajouta tout de même à l'attention de Charis :

"Pis, on n'est pas des mômes d'abord. On est des mutants. Et Bartleby c'est notre professeur, même qu'il est allé à l'Institut Xavier d'Amérique avant de créer celui là en Suisse..."

Bartleby, l'air un peu gêné montra les petits un à un pour Charis :

"Alors le gamin avec les lunettes c'est Roland alias la Taupe... Le petit avec les cheveux verts c'est Peter alias Salade. La blonde, Tina qu'on appelle tous Simplette... Jo c'est Double Dents et moi... Professeur X... Ensemble avec Pat et Sandy, nous sommes la Ligue Suisse des Mutants... Et on n'a plus de parents ou c'est tout comme..."

C'était... Lamentable. Charis ne trouvait pas d'autres mots pour qualifier la situation dans laquelle se trouvaient ces gamins. Elle n'écouta que d'une oreille le commentaire de Jo aux petits. De fait, elle se fichait pas mal d'un surnom ou n'importe quoi d'autre. Aucun d'eux ne semblait réaliser l'étendue désastreuse de leur situation. Et non, elle ne ressemblait effectivement pas à un professeur de l'institut. Charis se contenait pour ne pas hurler.
Les explications de "Salade" (pauvre petit, un nom pareil...) commençaient à éclaircir un peu la lanterne de Charis. Elle se tourna vers Bartleby, lui attrapant le bras pour se pencher à son oreille et murmurer, les dents serrées.

"T'as jamais mis les pieds à l'institut, hein... Tu te rend compte de ce que tu es en train de faire à ces gamins? Tu pourras pas les nourrir éternellement avec des chips et du chocolat!"

Elle avait occulté les excuses du genre "c'est finalement comme si on avait pas de parents", la jugeant certes troublante, mais en aucun cas valable pour justifier cette mascarade.

"Je t'en ficherais des ligues suisses des mutants! C'est une mascarade, rien de plus! Avec ou sans pouvoirs, ils ne pourront pas vivre comme ça!"

Elle s'avança de quelques pas vers le feu.

"Vous pouvez pas rester là! Si quelqu'un vous découvre, vous allez avoir de gros problèmes. J'ose même pas imaginer ce qu'ils pourraient faire à des mutants qui se réunissent comme ça sans aucune reconnaissance légale."

"D'abord j'y suis allé à l'Institut" lacha séchement Bartleby. Interpellant le reste de la bande, il lança :

"Hein que j'y suis allé à l'Institut ?"

Jo fut la première à réagir.

"Ouais même que c'est le seul d'entre nous à y être allé. Là bas, il a été le bras droit et le meilleur copain du Docteur Fleury. Pis il s'est battu contre des monstres mécaniques lors de la journée portes ouvertes. Et même que Madame Deneos était amoureuse de lui... Et maintenant elle porte son enfant !"

Bartleby, modeste, baissa les yeux, se passant la main sur le crâne.

Jo ajouta :

"Il est revenu pour nous sauver. Pour nous guider, nous unir et pour le moment on se débrouille plutôt bien !"

Peter tenta timidement :

"Pis, Bartleby il est super intelligent. Il connaît tout. Même qu'avec lui on n'a plus besoin d'aller à l'école. Il remplace tous les profs"

Quant à la Taupe, l'argument de la nourriture semblait l'inspirer :

"On mange pas que des chips et du chocolat... De temps en temps on a aussi des gommes à macher, des pâtisseries... Une fois Jo a même réussi à trouver un bout de viande dans la poubelle d'un restaurant ! Et pis, niveau saveur, fait moi confiance, ma jolie, je fais la cuisine comme un chef !"

L'argument de la sécurité leur fit marquer à tous une pause. Visiblement c'était un sujet sensible... Mais Jo ne se démonta pas et, effectuant un tour rapide dans la tente qui devait être la sienne, revint avec un pistolet à la main.

"Une mutante armée en vaut deux. Et on sait tous se défendre"

L'air était déterminé : elle semblait prête à défendre bec et ongle le groupe.

Simplette qui avait écouté toute la conversation sans rien dire tira timidement sur la manche de Charis.

"Et toi, tu viens faire quoi ici ? T'es comme moi ?" demanda-t-elle...

Tu parles d'une excuse... Il a juste réussi à leur faire croire n'importe quoi. ça étonnerait même pas Charis que ce soit en rapport avec son pouvoir. Elle se pencha à peine vers Bartleby, préférant que les autres n'entendant pas ça.

"En fait, ton pouvoir, c'est celui de faire gober n'importe quoi à n'importe qui. Tes infos, n'importe quel petit malin pourrait les trouver sur le net ou en fouinant bien. T'as pas l'air de te rendre compte de ce que t'es en train de leur faire..."

Elle secoua la tête, l'air navré. Elle voulait bien croire qu'il était très intelligent. Il fallait l'être, pour mener tout un groupe aussi étrangement docile pour lui. Mais ce n'était pas ça qui allait vraiment les aider. De là à croire qu'en plus il avait mise enceinte une prof... Les vaches violettes ne peuplaient pas les alpes non plus! Il aurait pu rester dans du crédible, mais là, c'était juste trop énorme pour paraître normal. Elle se tourna vers le renommé "la Taupe" site à son argument bancal.

"Ce n'est pas une question de goût! C'est pas avec ça que vous allez pouvoir rester en bonne santé! ça m'étonne même que l'un d'entre vous ne soit pas encore tombé malade en mangeant ces cochonneries. Vous devriez être au chaud devant un vrai repas au lieu de faire les poubelles!"

L'exemple de Jo et de son arme fit tiquer Charis.

"Tu penses sincèrement pouvoir protéger des enfants avec un flingue? Imaginons... ça m'étonnerai que tout le monde ici contrôle assez bien son pouvoir. Si ça se trouve, vous pourriez même vous entretuer par acident! Toi, Jo, quand tu t'énerve, tu ne contrôle même pas ta deuxième bouche. Imagine avec un pouvoir beaucoup plus dangereux, et sous la menace de mort? Et si vous tuez ne serait-ce qu'un humain, les gens voudront vos tête au haut d'une pique!"

Bon, elle dramatisait peut-être un peu. La voix de Simplette calma le flot de ses paroles alors qu'elle se reportait sur elle, gênée d'avoir déblitéré autant de trucs peu rassurants.

"Je crois juste que je me suis trompée d'endroit."

Elle recula, se passant une main derrière la tête.

"Laissez tomber, je me tire."