[NeXus]2.15 Oeil pour oeil

Conformément à la discussion qu'une partie de l'équipe avait eue la veille dans le bureau de Cassandre, l'équipe quitta l'institut le mardi en début d'après-midi. Il faisait toujours aussi froid et neigeux, mais le soleil était au beau fixe, l'après-midi s'annonçait sous de bons auspices.

Avant de partir, Cassandre recommanda aux élèves de se vêtir chaudement. Elle prit également Myou à part pour lui conseiller des vêtements qui n'attireraient pas trop l'attention sur les parties "sensibles" de son anatomie. L'idée de base était de passer pour un groupe scolaire ordinaire.

La non-voyante était habillée avec sa sobriété habituelle d'un jean, d'un chemisier noir et d'une paire de bottes noires. Une veste trois quart, une écharpe et un bonnet, qui l'avait d'ailleurs déjà accompagnée dans l'Orégon et dont sa frange dépassait complétait son attirail hivernal.
Les mains enfoncées dans les poches de son manteau, elle marchait derrière les élèves en direction de la gare de Salem Center, s'aidant de leur environnement sonore pour s'orienter à leur suite.
Ils prirent le monorail pour New York avec simplicité, une simplicité que les aléas de leur vie de mutants ne leur laissait que rarement le loisir de ressentir. Dans l'urgence des situations, ils étaient souvent amenés à sortir les grands moyens. Maintenant qu'ils provoquaient les événements, ils se noyaient dans la masse hétéroclite des voyageurs.
Les regards de ces derniers ne s'attardèrent d'ailleurs pas vraiment sur les NeXus, survolant seulement timidement la chevelure de Myou avant de replonger dans leurs journaux. Comparés à certains jeunes de leur génération, le look de la mutante était relativement soft.

En l'absence de Léo, Kirsten s'était joint au groupe. Cassandre profita du transport pour clarifier discrètement la raison de leur sortie scolaire pour tous : le périphérique de stockage contenant la maquette intégrale de l'article préparé par Alice Porter, qui dénonçait les expériences menées par Bishop Industries et révélait tout ce que l'équipe et Alice avaient découvert, devait venir remplacer la prochaine édition de la Sentinelle à l'insu du personnel journalistique.
Les élèves avaient eu l'air enthousiasmés de pouvoir river son clou au journal autant qu'à Bishop, et Cassandre s'était elle-même laissée gagner par une certaine bonne humeur à cette perspective. Son visage, pour une fois dégagé, n'affichait pas son inquiétude coutumière, bien que sa main soit légèrement crispée sur la barre du wagon : la non-voyante n'appréciait que très moyennement les transports en commun, qui avaient pour inconvénient de brouiller ses repères spatiaux et sensoriels.

New York ne tarda pas à pointer le bout de son nez par les vitres du monorail. Une fois descendus à la station Manhattan, Cassandre pointa du doigt la direction à suivre, puis posa sa main sur l'épaule de Jessica pour ne pas risquer de perdre les NeXus "de vue".
La foule était dense dans les rues à cette heure de la journée, une véritable fourmilière.

"Vous devez vous poser des questions sur la façon dont nous entrerons, mais ce n'est pas le coeur du problème. Nous entrerons par la porte principale, ni plus ni moins, après tout, nous n'avons strictement rien à nous reprocher." expliqua Cassandre avec son calme tranquille.

"Vous êtes élèves, je suis professeur, nous venons juste... visiter l'immeuble. J'ai trouvé l'interlocuteur i-dé-al." leur assura-t-elle avec un léger sourire, la main toujours posée sur l'épaule de son jeune guide.

"Je compte sur toi pour adoucir certaines dispositions d'esprit en notre faveur si besoin est, Kirsten." ajouta-t-elle à l'intention de la jeune fille.

"Vous pouvez utiliser vos prénoms, ça n'aura pas d'incidence. Si vous avez besoin de vos communicateurs, soyez discrets par contre. Une fois à l'intérieur, observez, écoutez, notre visite nous en apprendra beaucoup. En posant les bonnes questions, nous aurons les réponses qui nous seront utiles..."

Elle se tut, puis leva les yeux au ciel, bien qu'elle ne puisse pas voir.

"Nous y sommes." dit-elle, en palpant la poche intérieure de sa veste, de laquelle elle sortit sa paire de lunettes, qu'elle avait presque oubliées de porter. Elle les déplia sans un mot et les chaussa.



Le groupe traversa la rue, et passa la porte tourniquet qui menait dans le hall de la Sentinelle. Il y était : il était au coeur de la haine anti-mutante, eux, des mutants... au nez et à la barbe de ces fanatiques.

"Restez naturels, tout se passera bien."

Le hall démontrait une effervescence presque aussi vive que les rues de la grosse pomme elle-même. Des coursiers, des hommes, des femmes, des secrétaires, des photographes, des pigistes... Tout ce petit monde s'affairait, allait et venait d'un couloir à un ascenseur, de la machine à café à la sortie, de la sortie au comptoir... Comptoir d'accueil vers lequel les NeXus se dirigèrent également.
Une secrétaire, un combiné téléphonique coincé contre chaque côté de son menton, s'évertuait à répondre à toutes les demandes du standard et de l'accueil.
Elle s'adressa enfin au groupe avec un air empressé.

"Bonjour, mademoiselle, nous aimerions voir Archibald Lonesome, s'il vous plaît." s'enquit Cassandre.

"Archie ?" demanda la secrétaire, en regardant les NeXus, un sourcil arqué.

"Il est dans le local technique, c'est la porte juste là." indiqua-t-elle en pointant une porte entrouverte du doigt. Un chariot de menage la maintenait ouverte.

"Hé Archie ! Y a du monde pour toi !" appela la secrétaire, avant de répondre à nouveau au téléphone, laissant le groupe s'avancer vers la porte.

Un petit homme à moitié chauve et bedonnant sortit du local en bleu de travail en s'essuyant les mains.



Il cligna des yeux en voyant les NeXus. Son regard s'attarda, un peu penaud sur Cassandre.

"J-Je peux vous aider madame ?" s'enquit-il. Il avait l'air mal à l'aise, ou autre chose peut-être.

"Mademoiselle." rectifia simplement Cassandre intentionnellement avec un sourire. "Vous ne vous souvenez pas de moi ? Le mariage de votre cousine Samantha il y a 6 mois... Vous m'aviez proposé de passer visiter les locaux avec une de mes classes." poursuivit Cassandre sans montrer l'once d'une hésitation.

Le petit homme se tortilla les doigts dans son chiffon.

"Je... euh..." bafouilla-t-il, le rose aux joues.

"Un mariage ? S'il vous remet pas, c'est qu'il avait un coup dans le nez !" s'esclaffa la secrétaire en raccrochant le téléphone.

"Absolument pas ! Je me souviens parfaitement de vous ! Et d'abord, c'est Archibald, pas Archie !" rétorqua-t-il finalement en remontant son pantalon, comme si la raillerie l'avait tiré de son embarras. Visiblement, il voulait faire bonne impression.

"Ce sont vos élèves ? Qu'est-ce que vous voudriez voir ?" demanda-t-il ensuite, en prêtant attention aux NeXus, qui avaient été spectateur du petit numéro de leur professeur. Cassandre s'écarta légèrement, laissant les élèves jouer leur rôle d'élèves en sortie scolaire, l'ombre d'un sourire sur les lèvres.

[Hrp : Début du mode jeu ! Vous connaissez les règles. Il durera 6 semaines. Ce mode jeu est relativement différent de ceux que vous avez l'habitude de faire, adaptez votre jeu en conséquence. Les résolutions partielles seront essentielles. Amusez-vous bien !]

En entrant dans le hall, Frank se mit à défaire son écharpe tout en observant les va-et-vient. Tous semblaient très pressé, comme si leur travail avait une importance majeure; et il se demanda combien le faisait à contrecoeur, combien le faisait avec joie, combien avait une puce dans la tête ?

Il décida de mettre de coté sa haine du journal pour se laisser porter par l'ambiance du lieu; et observa avec sourire Cassandre embrouiller la réceptionniste et le technicien. Le type n'avait pas l'air d'être une flèche, mais il devait sans doute connaître tous les détails "intéressants" sur l'impression du journal.

Il fit lentement un tour sur lui-même pour observer le hall dans son ensemble. Il y avait probablement des portes marqués "Réservé au personnel" qui cachait des choses intéressantes. Le hall de la Sentinelle n'avait a première vue rien de particulier. Il s'agissait d'une sorte de plateforme de transit où les visiteurs ne s'attardaient pas. La plupart s'engouffraient dans l'un des trois ascenseurs qui desservait le bâtiment. Frank remarqua néanmoins de loin des plaques descriptives à côté de chacun d'eux, et faisant sûrement la liste des services desservis par chaque ascenseur. Les seules autres portes du rez-de-chaussée étaient effectivement réservées au personnel, mais au petit personnel pour la plupart, comme le local technique d'Archie. Tout semblait se passer ailleurs. Frank nota également qu'il n'y avait pas de trace d'un quelconque poste de sécurité à au RDC.

Il recentra son attention sur Archibald. Qu'avaient-ils envie de voir ? Le bouton marqué "Echanger la prochaine édition contre la notre", si il existait.

"Bah on sait déjà que les journalistes se posent devant un ordinateur pour écrire leurs articles. Moi je voudrais voir le reste, les trucs cool. La maquette, l'impression, tout ça !"

C'était sympathique d'agir normalement, et si personne autour d'eux ne se lancait dans un grand débat sur le problème mutant, la sortie pourrait même être amusante.
Par contre il ne voyait pas sur qui compter pour partager ses sentiments envers les jolies filles qu'ils pourraient croiser. Ils auraient dû amener Angel avec eux...

Les voyages en général, et les transports en commun en particulier, avaient toujours été la source d'un émerveillement sans bornes pour Sven. Et il n'avait pas manqué de le faire savoir, en observant avec le plus grand intérêt tous les lieux parcourus, faisant remarquer que la sonnette d'annonce dans la gare monorail était différente de celle en Norvège (un demi ton plus basse), que la voix de la speakrine était différente (et il était plutôt curieux qu'elle ne s'exprime pas en bokmål, comme tous les annonceurs faisaient.
Dans le monorail, il ne se priva pas d'observer tout ce qui était observable, sans aucune discrétion ni circonspection, trouvant que les gens ici étaient globalement bizarres, vu que ça manquait de blonds, ce qui était sans doute du à quelque complot d'une puissance venue d'une autre galaxie.

Finalement, c'est en arrivant à Manhattan que ses yeux s'arrondirent. Immédiatement, il fit observer à ses coéquipiers que cette ville avait visiblement été construite à une époque où les gens étaient beaucoup plus grands. Probablement une dizaine de mètres de haut, selon les premières estimations. Il s'agissait de toute évidence d'un reste d'une ville mutante de la dernière génération, qui partageaient toutes la particularité d'une taille surhumaine. La ville avait sans doute été réadaptée ensuite pour des êtres de tailles normales lors de l'extinction mutante, ce qui avait nécessité l'invention de dispositifs sophistiqués tels que les ascenseurs. Sven réfuta tout argument historique par une simple théorie de l'histoire revisitée par la Comission Eden.

Pensant à des ascenseurs, l'esprit de Sven ne put s'empêcher de dériver vers Ivy, dont il était sans nouvelles depuis la veille au soir, ce qui était anormal de la part d'une jeune fille qui, habituellement, était capable d'avoir une moyenne de 1497 idées par minute.

Ses pensées se détournèrent lorsqu'ils arrivèrent à la sentinelle. Sven fut un peu déçu : il s'attendait à quelque chose dans le genre bastion médiéval comme il avait vu sur les films vikings chez lui, mais finalement non... Juste un autre bâtiment très étroit. Il s'agit selon toute vraisemblance d'un coupe papier pour les mutants géants. Pour couper de très grosses feuilles de papier.

Sven observa Cassandre faire son numéro, et comprit que ses renseignements provenaient de son pouvoir, bien qu'il eut subitement un doute... Peut-être avait-elle été invitée à ce mariage ? Ou bien Cassandre était la mariée ? Mais dans ce cas, où était son mari ? Cassandre était-elle une de ces femmes qu'on appelait des veuves noires, croqueuses d'hommes, dont les maris disparaissaient les uns après les autres en laissant leur fortune ? Ces pensées formèrent une ride sur le front de Sven... Ce n'était pas impossible. Il faudrait qu'il mette en garde Olivier à l'occasion.

Déjà, Frank préparer le programme de la visite avec le fameux Archibald. Sven s'avança à son tour. Il tenait absolument à faire part de ses idées :

"Et bien en fait, moi j'aimerais bien voir les machines à café. Et puis les toilettes. Parce qu'il paraît que les plus grandes découvertes ont été imprimées sur des carrés de serviette de fast-food lors d'une rencontre informelle entre deux chroniqueurs qui recoupaient leurs informations. Ce serait intéressant non ? Qu'est-ce que tu en dis Fabrisio ? Sinon, j'aimerais bien voir aussi les gens qui font les petits dessins humoristiques. Vous en avez chez vous ? Et puis comment ça se passe le choix des articles, et puis la mise en page ? Et puis qui c'est qui décide à la fin ? Oh... Vous voulez une fraise tagada ?" Sven sortit une de ces sucreries de sa poche et la tendit à Archibald. "Je viens de la retrouver à l'instant. Je vous la donne telle qu'elle m'arrive. Sinon, aussi, vous croyez que si Gutemberg revenait, il reconnaîtrait son invention ? Et Gallilée ? Parce qu'il a dit, et pourtant, elles tournent, mais est-ce que les rotatives tournent encore ? Parce que du temps de Gutemberg, c'était une presse, même s'il y avait une vis à tourner. Elles sont où les rotatives ? C'est vrai qu'il y a eu des morts dans les rotatives, et qu'on a retrouvé des restes d'ADN pendant 25 numéros ?"

Sven interrompit sa diatribe pour engloutir un bonbon croco, et heureusement laisser un peu de place à ses comparses. Il avait visiblement totalement oublié l'objectif de la mission. Ce qui était heureux, sans quoi il aurait très probablement posé directement la question.

Jess se laissait porter par la foule, sans ne plus penser à rien d'autre qu'aux gens qui l'entouraient. Certain prenaient leur temps, d'autres semblaient au contraire plutôt pressé et regardaient leur montre toutes les deux secondes. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas retrouvé dans une telle foule. La sortie du monorail... Et Sven qui continuait de débiter tout ce qu'il savait... Et puis qu'est-ce que c'était que le bokmål ? Pour ne pas vexé son coéquipier, elle s'efforça de l'écouter, tout en étant gêné de la façon dont il parlait de ces théories fumeuses à voix hautes et parfaitement intelligible en plein milieu du wagon bondé. Une fois sortie, ce fut la main de Cassandre la ramena à la réalité, et un léger sourire s'afficha tandis qu'elle remettait ses mains dans les poches de son jean après les en avoir sortie à l'intérieur des wagons. Le froid était assez mordant, comme le leur avait dit Cassandre. Suivant ses conseils elle avait enfilé un sweat donc la capuche dépassait de sa veste noir. Une écharpe se chargeait de bloquer les éventuelles courant d'air autour de son coup.

Elle adorait ce temps. Froid et sec, avec un soleil qui réchauffait le visage. Sa humeur n'avait qu'un seul point noir, l'absence de Léo. Il était partie rejoindre son père, et elle le comprenait. Cependant il lui manquait déjà... et les meilleurs excuses n'y changeraient rien. Jess n'avait rien contre Kirsten, mais elle aurait préféré qu'elle ne soit pas là. Cela aurait signifié que leur membre était encore présent, ou reviendrais très bientôt. Cette légère morosité s'effaça, remplacé par de l'appréhension, lorsque l'immeuble abritant la sentinelle se dressa devant eux. Il était imposant... Mais ils n'y allaient pas avec les mêmes intentions que leurs dernières excursions, et cela lui remonta le moral. Une fois de plus, Sven avait des théories sur l'origine des immeubles qui ne laissait aucun doute quand à l'imagination débordante du mutant.

Une fois entré dans le bâtiment, elle ouvrit sa veste et suivit les autres vers l'accueil, où elle observa, tout comme les autres Nexus, la petite scène de Cassandre. Jess se demanda tout d'abord ce qu'elle faisait, songeant que personne ne pouvait être aussi idiot pour gober une histoire pareil. Mais Cassandre ne s'était pas trompé en disant qu'elle avait trouvé la personne idéale. Et en plus l'aide de la réceptionniste, tout y était pour leur facilité la tâche. En tout cas... jusqu'à présent. Remplacer les articles de la prochaine édition risquait d'être un poil plus compliqué.

La jeune fille ne sut trop quoi dire lorsque le dénommé Archibald, et pas Archie, leur demanda ce qu'ils voulaient voir. Frank répondit le premier, d'un air parfaitement naturel, suivit de Sven. Jess l'observa, se demandant quand est-ce qu'il aurait atteint sa limite de salive, ou qu'il se serait vider les poumons. Il devait être fort en apnée... Cette idée l'effleura, mais elle l'abandonna très vite. Il avait fini de parler. Elle enchaîna rapidement derrière lui.

« Bof l'écriture c'est pas passionnant... Comment vous faites les montages pour que tout tienne dans le journal ? On pourrait voir comment vous faites l'original ? »

Jess attendit qu'Archie se décide à les emmener quelque part, espérant qu'il ne changerait pas d'avis en cours de route. Dans le hall, ils étaient un peu coincé, et il n'y avait pas grand chose d'intéressant. Les seules portes fermés n'étaient sans doute que les locaux pour le matériel d'entretiens et se genre de chose, soit ce qui les intéressaient le moins du monde. Déjà qu'il fallait faire le ménage à l'institut...

Myou n'affichait pas la mine réjouit prévue au programme. Savait-elle déjà réellement en faire une : c'était à voir... Mais les choses s'annonçait plus difficiles pour elle que prévu.
Déjà, bien qu'elle appréciat les conseils de Cassandre pour leur petite escapade, au sujet de sa tenue vestimentaire, elle ne s'en sentait pas moins diminuée dans sa fierté. Elle détestait parler de tout ce qui touchait son apparence : elle-même cherchait déjà tellement à se cacher que si en plus on venait en rajouter...
Mais elle savait bien qu'elle avait raison. Elle ne connaissait pas grand chose du "dehors", n'y ayant absolument pas grandi. Si Myou voulait contribuer avec succès à la mission, il lui fallait accepter ce petit moment de... honte. Aussi, elle accepta les conseils, mais se tue pendant tout le trajet, comme pour marquer sa mauvaise humeur.

C'est dans le monorail qu'elle prit conscience d'autre chose : que ce serait une mission bien plus dur que les autres pour elle. Pas de filature, pas d'entrée discrète. A mesure qu'ils approchaient des locaus de la sentinelle, elle sentait qu'ils allaient devoir jouer dans le social, au grand air... La plus difficile des épreuves, pour elle.

Enfin, depuis la veille, elle avait du se faire à l'idée que l'équipe ne serait pas au complet. Bien que remplacé, Léo n'était pas là... Et ça aussi, c'était difficile pour la jeune mutante, qui s'attachait de plus en plus à chacun de ses membres. Non pas encore par de profondes affinités, mais pour le sentiment d'appartenir à quelque chose de fort : un groupe qui portait un nom, une identité. Kirsten s'y introduisait sans qu'elle soit prête à effriter cette idée d'appartenance, de stabilité. Myou ne lui avait pas encore adressé la parole, et ne faignait pas de ne point apprécier sa présence. Elle en voulait même à peu à Cassandre de l'avoir invité à les aider...

Mais pour l'heure, elle ne pouvait se permettre de lâcher ses nerfs sur cette nouvelle venue. L'approche avait débutée : Cassandre maniait les mots et son attitude à merveille semblait-il, puisque la proie avait déjà mordue. Ils n'avaient plus qu'à faire état de leurs exigences d'élèves... Mais Myou, bien trop occupée à calmer ses ardeurs, préféra se taire : ses coéquipiers avaient de toutes façon formulé de bien bels interêts. Elle n'aurait pas su quoi rajouter de façon "naturelle".

Aussi, elle préféra plutôt regarder discrètement autour d'elle et sur les panneaux, pour savoir s'il existait une autre entrée, ou plutôt une autre sortie possible. Si jamais la mission tournait mal, si on les découvrait en ce terrain plus qu'ennemi, il leur faudrait pouvoir fuir au plus vite. C'était peut-être son instinct qui la poussait à chercher celà, se rendant compte de tous les obtacles personnels qu'elle éprouvait déjà.

Le petit bonhomme gratta pensivement son crâne dégarni tout en écoutant les jeunes répondre. Fabrisio et Kirsten ne s'étaient pas prononcés.
L'intervention de Sven ne manqua pas de laisser le technicien perplexe d'ailleurs.

"Galiquoi ?" releva-t-il, ses sourcils broussailleux froncés, après avoir décliné la sucrerie de Sven. Il regarda Cassandre, un air interrogateur sur le visage.

"De quel genre d'école vous m'avez dit que vous veniez déjà ?" demanda-t-il, plus par incompréhension que par suspicion, d'après l'air de chien battu qu'il arborait. Son regard s'attarda sur Myou, avant de revenir sur la psychologue. Cette dernière ne tiqua d'ailleurs pas du tout à la question.

"D'une école pour jeunes surdoués." répondit-elle tranquillement.

"Ah, d'accord, je comprends mieux !" répondit Archie, avant de faire quelques pas vers le comptoir de réception.

"Becky, tu peux leur donner un badge, ils sont avec moi. Je vais prendre ma pause." dit-t-il à la réceptionniste.

"C'est pas Becky, c'est Rebecca pour toi, gros malin !" lui répondit la réceptionniste avec une petite moue sournoise, avant de lui tendre des badges "VISITEUR" à tous.

"Tenez, la direction n'aime pas voir des inconnus déambuler seuls dans les couloirs." expliqua Archibald en tendant les macarons au groupe.

"Comme je les comprends." répondit Cassandre, avec un sourire complice aux élèves. "Merci beaucoup, Archibald, je savais que nous pouvions compter sur vous."

Sur ces entrefaits, le guide des NeXus indiqua aux mutants de le suivre vers les ascenseurs, tout en ajoutant :

"Des dessins humoristiques ? On est pas chez Marvel ici, les enfants ! Vous êtes à la Sentinelle, c'est du sérieux ! Les journalistes qui travaillent ici font des recherches très poussées sur leurs sujets. Mais apparemment ce n'est pas ce détail qui vous intéresse si j'ai bien compris. De toute façon, toute la conception se passe au département de la rédaction. Il y a les journalistes qui rédigent les articles, chapeautés par les rédacteurs en chef. Une fois les articles validés, ils partent chez les maquettistes, c'est au même étage, on va commencer par là si vous voulez." dit-il avec candeur, avec un clin d'oeil pour Jessica.
Archibald était loin d'être une lumière, mais il avait l'air d'être un brave homme et Cassandre comptait bien ne laisser derrière eux aucun détail qui puisse incriminer le technicien aux yeux de la direction.

Ils arrivèrent près des ascenseurs, après avoir slalommé entre les autres personnes, nombreuses, qui encombraient le hall bruyant.
Profitant de ce que les autres occupaient le guide, Myou avait scruté le hall à la recherche d'une issue autre que l'entrée principale, en vain, bien qu'elle ne sache pas ce que les portes de services pouvaient cacher.
Les ascenseurs affichaient des panneaux indicatifs des étages desservis par chacun d'eux.

Ascenseur de droite (pairs) :

• 2 : Rédaction US
  
• 4 : Comptabilité


Ascenseur central (sous-sol) :

• Sous-sol : Reprographie - impression


Ascenseur de gauche (impairs) :

• 1 : Archives
  
• 3 : Rédactions internationales - Département de traduction
  
• 5 : Direction

Archibald appela l'ascenseur de droite. Une fois le groupe à l'intérieur, il appuya sur le deuxième étage.
Le petit homme poursuivit, un soupçon de fierté dans la voix :

"Cela dit, il est vrai que les plus grands scoops tiennent leur origine dans un bon hamburger." plaisanta-t-il, avant de moucher bruyamment.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur le département de rédaction américaine. D'après Archie, les articles étaient conçus et mis en forme à cet étage.



La même agitation que dans le hall régnait ici. Des employés, journalistes probablement, fusaient en tous sens. On entendait de multiples téléphones sonner un peu partout à travers la pièce.

"Attendez-moi ici, je vais voir si je peux vous trouver un maquettiste libre à qui poser vos questions." dit-il. Sur ces mots, le petit homme s'en fut à travers la vaste de pièce, laissant le groupe libre de ses mouvements et de ses discussions. Personne ne semblait prêter attention aux NeXus.

La pièce était globalement uniforme : des stations de travail, des bureaux paysagers. Rien ne différenciait le service de mise en page de celui des journalistes. Le long du mur sur la gauche, on pouvait voir des bureaux cloisonnés de verre, dans lesquels se trouvaient certainement les rédacteurs et autres cadres du journal. Au mur, des anciennes éditions agrandies étaient encadrées et affichées, faisant office de décoration corporate.

Dans la cacophonie ambiante, Cassandre s'était rapprochée des élèves, autant pour sentir leur présence comme point de repère que pour leur parler discrètement, les mains jointes dans le dos.

"Vous voyez, impossible n'est pas mutant." dit-elle avec amusement à être ainsi invitée royalement dans les locaux de leurs plus grands détracteurs.

"De toute évidence, l'impression n'a pas lieu dans ce service, ils doivent faire suivre les maquettes à qui de droit dans un autre service. Comment vous comptez vous y prendre ?" s'enquit-elle avec légèreté, avec ce ton pédagogue qu'ils avaient l'habitude d'entendre en entraînement. Il n'était d'ailleurs pas exclus que comme lors des sessions d'entraînement, Cassandre sache déjà comment résoudre le problème, bien qu'elle n'en ait rien dit jusqu'ici.

*Jeunes surdoués...*

Frank ne pût s'empêcher de sourire. Il avait été beaucoup de choses, mais jamais encore un jeune surdoué. Certains de ces anciens professeurs seraient d'ailleurs mort de rire en entendant ça. Comment un jeune surdoué était-il censé se comporter ? Il aurait peut-être du amener un carnet de note.
Ou alors il était tellement bon qu'il n'avait pas besoin de prendre de note.
Le comportement de Sven lui paraissait assez crédible; mais c'était le même que d'habitude. Sven était-il réellement un surdoué ? Cette simple pensée lui fit regretter les quelques bonnes notes qu'il avait eu durant sa scolarité normale.

Dans l'ascenseur, le jeune homme se place juste derrière Myou et la chatouilla juste sous les côtes. Il savait que la jeune fille risquait de mal réagir, mais il voulait la décoincer un peu, et un coup de colère serait déjà mieux que rien.

"Relax ! C'est plutôt cool par rapport à nos sorties précédentes, profites-en !"

Il lui paraissait assez évident qu'ils n'étaient pas dans le bon ascenseur pour leur mission, mais ils auraient sans doute l'occasion de redescendre une fois qu'ils auraient rencontrés le maquettiste qu'Archie était parti chercher. Cassandre fit la même remarque, aussi continua-t-il sa réflexion tout haut.

"Si vous voulez mon avis de jeune surdoué, on pourrait demander à suivre tout le chemin de la maquette jusqu'à l'impression. Ce qui nous intéresse le plus est forcement quelque part sur cette route.
Eh ! On pourrait peut-être même demander à concevoir une page !"

Cette idée l'amusait beaucoup, mais les gens d'ici étaient sans doute trop occupés pour s'embêter avec une bande d'élèves.

Il mit les mains dans les poches de son manteau et s'éloigna doucement du groupe, passant entre les bureaux et observant le travail de ceux qui s'y trouvaient. Les postes de travail étaient actuellement occupés pour la plupart. Certains journalistes semblaient s'échiner sur leur clavier, comme un lycéen que l'on presse à rendre sa copie, d'autres étaient pendus au téléphone tout en prenant des notes. De ce que Frank en vit en passant entre les bureaux, les journalistes rédigeaient sur un logiciel de traitement de texte tout ce qu'il y a de plus banal. Au milieu de la rangée, une jeune femme leva le nez de son travail pour dévisager le promeneur. Son regard s'attarda sur le badge que portait Frank.

"Je peux vous aider ?"

Sven ne cilla pas quand Cassandre parla de jeunes surdoués. Après tout, Olivier avait bien parlé d'une école de sorcellerie, ou d'autres choses du même acabit. Donc pourquoi pas des sorciers mutants surdoués, ce serait pas un drame en soi. Il fut toutefois assez déçu de voir que ce dessin ne faisait pas de caricatures. Ce qui était d'ailleurs un mensonge, vu à quel point certains articles étaient caricaturaux.

Il s'abstint toutefois de tout commentaire, vu qu'il se dirigeait vers les ascenseurs. Visiblement, ils se dirigeaient vers la salle de rédaction. Un endroit stratégique s'il en était. Peut-être pourraient-ils convaincre un rédacteur de publier leurs articles ? Après tout, il n'y avait pas de raisons, s'ils laissaient passer ce genre de torchons, qu'ils refusent leurs serviettes.

Il ne partageait pas l'enthousiasme de Frank, et fronça les sourcils de désapprobation. Ce n'était pas une page, qu'il fallait concevoir, mais tout le journal ! Décidément, le leader n'avait aucune touche de bon sens.

La jeune femme semblait proposer son aide. Sven se présenta alors.

"Non merci madame, nous ne sommes pas en danger de mort. Par contre, je me demandais si vous pourriez nous expliquer exactement comment vous faites pour rédiger autant de copies d'un article. Vous avez une photocopieuse perfectionnée ? Et comment vous faites pour être publiés le matin même partout dans le monde ? Parce que là, mettons que c'est le matin à Bora Bora, mais vous n'avez pas encore fini votre édition. Vous voyagez dans le temps ? Ou bien vous avez une très grande photocopieuse... Avec une sortie à Bora Bora."

Il fit un geste très large, pour évoquer la photocopieuse.

Jess sourit tout en prenant l'un des badges VISITEUR qu'elle épingla à sa veste désormais ouverte. Elle n'aurait jamais cru qu'entrer à l'intérieur des bureaux de la sentinelle soit aussi simple, mais peut-être l'était-ce simplement à cause de la présence de Cassandre et son incroyable pouvoir, pourtant naturelle, de persuasion. Un illusionniste ou un télépathe n'aurait certainement pas fait mieux, elle en était convaincue. Le fait qu'ils fassent tous parties d'une école pour jeunes surdoués ne la troubla pas plus que cela, trop fière d'en faire partie en d'en connaître les véritables capacités de ses pensionnaires.

Arrivée devant l'ascenseur, Jess s'empressa de sourire à Archie qui lui lançait un clin d'œil, non sans se demander ce qui lui valait cette honneur. Pour dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité, elle n'avait pas vraiment écouté ce qu'il leur avait dit... Préférant détailler la panneau où était indiqué tous les étages avec ce qu'ils abritaient.

« Les maquettistes ? »

Mais elle n'y pensait pas vraiment. Pour le moment, elle se demandait si Archie allait leur faire l'honneur d'aller dans l'ascenseur centrale, car celui de droite menait à des endroits plus qu'inintéressants, et ils allaient vers celui de gauche. Cependant, l'étage de la rédaction leur serait sans doute utile, car avant de pouvoir imprimer quoique ce soit, il leur fallait une maquette. Du moins c'était ce qu'elle pensait.

Une fois arrivé à l'étage, elle observa les lieux sans bouger, cherchant un détail qui sortirait de l'ordinaire. Mais ne connaissant pas ce genre de lieu, elle ne savait pas vraiment ce qui pourrait en ressortir. Elle attendit que leur guide se soit suffisamment éloigné, avant de demander.

« On a besoin de créer une maquette avant d'aller la remplacer à l'imprimerie non ? Je veux dire... Tout ce qui est sur la clé, va bien falloir en faire une mise en page. Mais, si jamais c'est comme Frank le dit et qu'ils nous proposaient de faire une maquette, ou qu'on insiste pour essayer au choix... comment faire pour qu'ils ne la lisent pas ? »

Elle observa Frank s'éloigner, suivit de Sven. D'ailleurs, elle ne put qu'imaginer ce que Sven répondit à la journaliste qui interpella Frank, à cause du brouhaha ambiant et incessant qui régnait ici.

« Jamais, mais alors jamais je travaillerais dans un endroit pareil. »

Jess préféra attendre le retour d'Archibald avec son maquettiste, plutôt que de rejoindre les deux Nexus auprès de la journaliste. Elle ne savait pas ce qu'elle leur disait, mais s'ils étaient tous autour d'elle rien n'irait plus, et ils n'obtiendraient aucun renseignement.

Dans l'ascenceur, Myou ne bougeait pas. Elle était déjà heureuse que ce genre de "truc" arrive à la soulever. Miracle...
La mutante ne sentit absolument pas le geste de Franck, vu qu'elle n'éprouvait plus aucune sensation sur sa peau, métallique ou non. C'était vitale pour elle, car avec toutes les "protèses" qu'elle portait... elle serait morte de douleur bien plus jeune.

Elle remarqua qu'il s'adressait à elle quand il se pencha un peu pour lui proposer de se relaxer... Pourquoi, elle ne l'était pas ? S'il comptait sur un sourire par ci par là, il pouvait toujours attendre. En toute réponse, elle lui adressa un regard noir comme à son habitude, scellant une fois de plus sa bouche. Cool, hein... bah tient. Pour elle c'était plus difficile qu'une mission où il fallait s'infiltrer.

Elle en fut encore plus convaincue quand ils arrivèrent dans le brouhaha de la salle de travail des journalistes. Jessica fit d'ailleurs une remarque très juste, une fois qu'Archie s'était un peu éloigné, et que Franck et Sven vaguabondait entre les bureaux.

Je suis bien d'accord avec toi...

Puis elle repensa à son idée. C'est clair : comment faire pour que les autres ne lisent pas leur possible essai de maquette ? Elle souffla donc discrètement :

... On devra peut-être en faire deux... S'ils nous proposent de faire un essai de maquette, sur quoi il faudra insister, ils nous donneront surement un article déjà écrit... Il faudra donc trouver un moyen de la faire comme demandé, et par derrière, de faire la nôtre...

Elle ne savait pas si c'était réalisable, mais c'est tout ce qui lui venait comme idée pour le moment...

Cassandre réprima un sourire aux paroles de Frank. Tout le monde semblait plus ou moins se prendre au "jeu".

"Et si vous voulez mon avis de professeur tout aussi surdoué, si nous demandons aussi ouvertement à concevoir une page, il sera assez facile de faire la relation entre nous et le contenu de cette page..." commenta doctement Cassandre.

"Tout est déjà prêt sur la clé... Cela dit, Jessica, tu as mis le doigt sur quelque chose d'important : il va falloir trouver un moyen de faire cela en toute discréation..." ajouta-t-elle. La dernière remarque de la jeune fille attisa sa curiosité.

"Dans ce cas, dans quoi te verrais-tu travailler ?" s'enquit-elle à mi-voix avec intérêt. Depuis la mort d'Ashern, et peut-être même avant ça, la psychologue s'était sentie responsable de Jessica. Maintenant qu'elle était plus ou moins seule au monde, Cassandre se considérait, sans vraiment en avoir parlé avec la jeune fille, comme sa responsable.


Alors que le reste du groupe devisait tranquillement, Frank et Sven parlaient avec une journaliste non loin. Cette dernière parut amusée par les questions de Sven.

"On peut dire ça comme ça. Nous imprimons tous nos exemplaires au sous-sol. C'est comme une grosse photocopieuse oui. Pour les éditions internationales, il faut savoir que les éditions classiques sont préparées à l'avance, et non pas la veille pour le lendemain, sauf pour le cas de scoop particulèrement important. Ca nous permet donc de les faire traduire puis de les envoyer à nos distributeurs à l'étranger par email. D'ailleurs, c'est grâce à notre réseau d'email interne que nous envoyons les maquettes à l'impression. La technologie nous fait gagner un temps précieux !" expliqua la journaliste.

Frank sourit à la jeune femme et dû réprimer son habitude de flirter avec les inconnues qu'il croisait; il était actuellement en territoire ennemi. D'ailleurs il n'eut pas le temps de faire de bêtise, car Sven vint le rejoindre et posa sa question; étrange, mais pleine de sens.
La réponse leur donna de précieux renseignement, mais le jeune homme se garda bien de manifester sa joie, et il espérait que le norvégien ferait de même.

"Vous éditez partout dans le monde ?! Waouh, j'avais jamais réalisé..."

En réalité Frank avait tendance à oublier qu'il y avait un monde autour des Etats-Unis. Et le Mexique et le Canada, bien sûr; la main d'oeuvre et les médicaments.

"Enfin c'est dommage, j'aimais bien l'idée d'une photocopieuse qui va jusque Bora-bora. Je me serais photocopié directement jusqu'au soleil ! Je vous aurais emmené avec moi bien sûr, les îles tropicales c'est mieux à deux."

*Ah merde !*

"Euh... Je vous laisse bosser." dit-il rapidement en s'éloignant. Il fallait qu'il parte avant de dire une autre connerie, et qu'il communique ce qu'ils venaient d'apprendre aux autres.

"Vous savez quoi ?! C'est dingue, ils éditent dans le monde entier; et il suffit qu'ils envoient un email à l'autre bout du monde pour qu'une nouvelle édition sorte. D'ailleurs c'est pareil ici, ils envoient un email en bas et Paf!, un journal tout neuf ! C'est beau la technologie."

Il avait dit ça d'un ton tranquille, sans chuchoteries conspirationnistes. Il prenait son rôle d'élève au sérieux, il n'avait jamais visité ce genre d'endroit, et malgré la raison de leur présence et le fait que tout le monde ici les détestait sans le savoir, il prenait à coeur d'apprendre des choses sur la fabrication d'un journal.

"Myou, c'est ton truc les emails, non ?"

Il ne voyait pas encore bien comment il pouvait utiliser ce qu'il venait d'apprendre, mais elle aurait peut-être une idée.
Il observa comment était branché les ordinateurs de la salle, au cas où Myou aurait besoin de se brancher ici. Ca serait compliqué de le faire discrètement, alors autant commencer le repérage maintenant.
A l'exception des câbles d'alimentation, l'installation des ordinateurs était sans fil. Comme tous PC digne de ce nom, ils étaient équipés d'entrées et de sorties standards, rien de fantastique là-dedans.

Un soucis en moins, c'était déjà ça. En effet, si la mise en page était déjà entièrement faite sur la clé, alors ils n'auraient pas besoin de réaliser de maquette au risque d'être lu par d'autres journalistes ou rédacteurs. Il ne restait plus qu'à remplacer la maquette d'origine par la maquette d'Alice. Et le problème résidait dans le plus qu'à... C'est alors que Frank revint de ses investigations avec des informations plutôt intéressantes, qu'il leur transmit l'air de rien. Il semblait doué pour jouer la comédie celui là... à l'avenir, il faudrait qu'elle se méfie.

Cassandre avait, quant à elle, relevé des propos qu'elle avait tenu juste avant. Dans quoi est-ce qu'elle voudrait travailler ? Elle n'en avait absolument aucune idée. Surtout pas dans un enfer pareil en tout cas. Jamais elle n'avait pensé à son avenir, et encore moins à un éventuel travail. Elle ne voyait devant elle que des jours à l'institut, et n'avait jamais songé à le quitter un jour.

« Mmm... aucune idée. Pas dans un bureau en tout cas! »

Cette question mise sur le tapis, elle ne sut y répondre. Elle pourrait sans doute réaliser des visites guidées en forêt, avec hurlement de loup en prime pour en effrayer quelques uns... ça aurait l'avantage d'être amusant... Il faudrait qu'elle y réfléchisse, mais la comme ça, elle ne voyait pas d'option. D'ailleurs, ce n'était pas vraiment le moment d'y réfléchir.

« J'resterais à l'institut toute ma vie ce sera plus simple. Quoique si on continue à être de plus en plus nombreux, ça risque d'être pire qu'ici niveau bruit! »

Tout en parlant de l'institut, elle avait vérifié qu'autour d'elle, personne ne les écoutait. Ainsi d'après les propos de Frank, il suffisait d'un e-mail pour transmettre le journal aux imprimeries. Mais il devait bien être lu là-bas non ? Surtout les éditions internationales...

« Si on le remplace au dernier moment, au moment où ils font l'impression, alors ils n'auront pas le temps de le lire. On fait buguer tout leur système informatique comme ça ils ne pourront pas l'envoyer, puis au dernier moment on rallume et on envoie un mail avant eux aux imprimeries. »

Jess grimaça. Sa méthode était complètement tirée par les cheveux. Au sous sol, il y avait l'impression. Autant s'en servir. Puis faire tout planter ne serait pas des plus discret, et en plus, tout bien réfléchit, ça ne marcherait certainement pas. Elle se tourna vers Myou.

« T'as pris ton bic ? Si tu pouvais te connecter à leurs ordinateurs... tu pourrais envoyé le mail avec l'adresse de celui qui gère tout ça pour que ça parte directement à l'imprimerie. Ou sinon on s'adresse directement à lui en lui donnant la maquette. Kirsten doit bien pouvoir l'influencer pour qu'il le fasse non ?»

Après quelques instants, Jess se dirigea vers Sven qui était toujours avec la journaliste, prenant un air à la fois curieux et intéressés. Ce n'était pas tellement difficile, étant donné qu'elle était réellement dans cet état d'esprit.

« Excusez moi... mais vous éditez vraiment dans le monde entier ? Pas seulement aux États-Unis ? Et qui est-ce qui décide que vos articles sont bien ou pas et qui les valident pour qu'ils soient imprimés ? Doit bien y avoir quelqu'un qui vérifie tout ça avant que des milliers d'exemplaires ne soient imprimées. »

Sven croisa les bras d'un air dubitatif et empreint d'une certaine réflexion.

"Une maquette du journal... Vous voulez dire... Un truc en 3D du bâtiment ? Ou bien de la feuille de papier ? Parce qu'une maquette d'une feuille de papier n'est pas un défi très imposant.

Mais je m'interroge...

Mettons que vous n'êtes pas dans un bon jour et que vous avez envie de publier la recette d'une révolutionnaire tarte au chocolat à la place d'un article normal... Qui va vous en empêcher ?

Non parce que j'aime beaucoup la tarte au chocolat, mais ma recette n'est pas géniale, alors si vous pouviez me donner la vôtre, ce serait très sympa de votre part."

Myou avait entendu l'idée interessante de Jess.... Se connecter au système était possible pensait-elle, avec son Bic. Il devrait en être capable : après tout ce n'était censé n'être qu'un Journal... aussi célèbre soit-il. Mais vu ce qu'il pronait... avait-il couvert ses arrières en cas de piratage ?

L'expérience l'a tentait, en tout cas...

Mais elle avait peur d'êter découverte. Ca metterait immédiatement la mission à plat. Elle se tourna donc vers Cassandre, qui devait avoir entendu les mêmes propos de Jessica.

... C'est sans risque, si je fais "ça" ?...

Elle entendait Sven, toujours à interroger une journaliste, poser une question vraiment interessante. Elle en saurait plus aussi avec ces renseignements. Après, il serait tant d'agir...

L'interlocutrice de Frank et Sven haussa un sourcil dubitatif à la tentative de plat de Gravity. Elle eut un sourire réservé, légèrement pincé.

"Désolée, je n'ai pas les vacances scolaires." lui dit-elle, histoire de le remettre poliment à sa place. Elle s'apprêtait à se remettre au travail lorsque Sven intervint à nouveau.
Elle mit un certain temps à répondre, probablement le temps de décrypter la question, comme on défait une papillotte.

"Oh, ça c'est les rédacteurs. Les journalistes rédigent les articles, les rédacteurs s'assurent de la conformité du contenu, et puis le tout est envoyé aux maquettistes. A l'impression, ils reçoivent une maquette prête à être imprimée. Le contenu ayant été approuvé ici, ils se contentent de vérifier que le maquettiste ne s'est pas trompé de pièce jointe, et puis on imprime. Si je voulais ajouter ma touche perso au journal, le tir serait sûrement rectifié au niveau du rédacteur en chef." expliqua-t-elle avec autant de patience que possible.

Du côté de Cassandre, Jessica, Myou, Fabrisio et Kirsten, ça spéculait pas mal. Cassandre eut un sourire attendri aux paroles de Jessica.

"Rester toute ta vie à l'institut ? Tu finirais par me remplacer à ce rythme ! Mais tu as encore le temps d'y réfléchir." répondit-elle doucement à sa protégée.

La psychologue se tut, latence qui précédait souvent l'annonce d'une prédiction.

"Planter l'intégralité de leur système ne serait pas très discret... Mais nous pouvons aisémment trouver un moyen d'envoyer la maquette, et Kirsten pourra effectivement nous aider."

Cassandre s'interrompit et se retourna lentement, pour se retrouver nez à nez avec Archibald et un autre homme entre deux âges à la peau mate.

"Ah, je vois que vos élèves sont curieux, c'est une bonne chose. J'étais moi-même très curieux à leur âge." lança Archibald avec un petit rire vantard.

"Curieux, en effet." réprit Cassandre avec un sourire amusé. "Vous devez être notre guide maquettiste ?"

"Ah, ah, on ne peut rien vous cacher ! Je vous présente Malcolm, il a accepté de vous accorder un peu de son temps pour répondre à vos questions..."

Le dénommé Malcolm fit un petit signe de main au groupe. Cassandre inclina la tête sur le côté deux secondes, puis se tourna vers les élèves.

"Mes élèves me disaient justement qu'ils étaient intéressés par la conception de la maquette, mais une partie du groupe aurait voulu voir l'imprimerie, n'est-ce pas ? Vous comprenez, nous ne voudrions pas abuser de votre temps." dit-elle sans plus de concertation avec le groupe. Ils comprendraient bien ce qu'ils avaient à faire une fois là-bas.
Cassandre fit signe à Fabrisio et Kirsten de suivre Malcolm avec elle.

"Ah ben dans ce cas je euh... Je vais emmener ces quatre-là au sous-sol alors. On n'a qu'à se rejoindre dans le hall." répondit Archibald, décontenancé de se voir confier les élèves plutôt que leur professeur.

"Ne vous en faites pas, je vous retrouverai." répondit Cassandre avec un sourire entendu.

"Bon, eh bien suivez-moi, on redescend !" dit Archibald en appelant l'ascenseur.

"Je vous comprends vous savez, les rotatives tout ça, c'est ce que les gens aiment voir en général." ajouta-t-il dans l'ascenseur. Ils firent un arrêt au rez-de-chaussée pour changer d'ascenseur et s'engouffrer dans celui qui allait au sous-sol. Là, le technicien fit patienter quelques instants Frank, Jessica, Myou et Sven dans un couloir pendant qu'il allait prévenir le personnel. Le couloir était nu et simple, fermé par une double porte battante, mais de là où ils étaient, les NeXus pouvaient entendre des bruits mécaniques assourdis.

[Hrp : à partir de là, le groupe est scindé en deux, mais seule la partie de l'équipe "active", autrement dit celle au sous-sol est jouée. Vous pouvez toutefois communiquer avec l'autre groupe, qui vous répondra sans souci. Profitez de cet interlude pour accorder vos violons, une fois relancés, plus le droit à l'erreur.]

*Allons-y pour l’imprimerie, de toutes façons c’est ce que je voulais voir depuis le début.*

Frank prit les ascenseurs sans rien dire. Si Cassandre était resté avec Fabrisio et Kirsten, c’était probablement pour envoyer le mail depuis l’ordinateur du maquettiste. Dans ce cas, c’était à eux de se débrouiller pour que tout se passe bien en bas.

"On va voir tes photocopieuses géantes Sven. Espérons que personne ne ce soit pris dedans aujourd’hui."

Il attendit que les NeXus se retrouvent seul dans le couloir pour se remettre à parler.

"Essayons de trouver rapidement où arrive le mail, et ensuite on cherchera un moyen de détourner un peu l’attention le temps de jouer notre rôle. Si avez des idées c’est maintenant qu’il faut en parler, après on redevient des élèves modèles."

Est-ce qu’il était en train de faire le professeur ? Horrible ! Il était le leader des NeXus, pas le responsable des sortie scolaire…

"On verra comment les autres débrouillent là-haut. J’espère qu’ils trouveront une combine pour que l’on ai pas grand chose à faire ici."

Une diversion en utilisant leurs pouvoirs serait très risqué, et une diversion sans serait compliqué. Un faux malaise, peut-être ?

« Oui ben en même temps j'y ai jamais réfléchi donc je disais ça comme ça... »

Passer sa vie à l'institut ? Remplacer Cassandre, mais cela signifiait devenir prof! Une légère moue suivit sa pensée, mais elle ne fit plus aucune remarque sur ce sujet. Plus tard, il serait temps d'y penser, pour l'instant, il fallait imprimer cet édition spécial de la Sentinelle afin de changer le cours de l'histoire. Enfin... Le cours de la ville ? Non, même pas. Beaucoup de monde seront sans doute là ensuite pour tout démentir. Mais bref ils étaient là pour ça, qui vivra verra comme on dit.

Jess suivit ensuite Frank, Myou et Sven, eux-même à la suite d'Archibald, leur dévoué guide qui semblait légèrement contrarier de se retrouver avec les élèves sans leur professeur. Une fois dans l'ascenseur, elle décrocha complètement, ne pensant plus à rien. Ce n'est que lorsque l'ascenseur s'arrêta et qu'il fallut en changer qu'elle reprit ses esprits, après quelques secondes sans savoir ce qu'il se passait autour d'elle. Une fois arrivé en bas, elle observa silencieusement le technicien s'éloigner, les laissant seuls quelques instants. Cassandre était restée en haut avec Fabrisio et Kirsten, elle aurait pu tout leur dire, plutôt que de prendre le risque qu'ils fassent un pas de travers et flanque tout par terre. Mais il n'y aurait plus eu aucun intérêt... N'empêche qu'elle aurait pu au moins leur donner un plan de marche à suivre pour qu'ils arrivent à leur fin sans prise de tête. C'était à ça que Jess était arrivée, mais elle chassa bien vite ses idées.

« Je pense pas que ce soit une bonne idée d'utiliser nos pouvoirs ici. Le mieux se serait qu'ils ne se doutent même pas que qu'il y ait quelque chose d'anormal avant qu'on soit ressortit sans encombre, ou en tout cas qu'ils ne se doutent pas que le groupe de surdoué en visite y soit pour quelque chose. »

Elle hésita un instant, puis pris son communicateur afin de parler directement à Cassandre avant qu'Archibald ne revienne. Ce n'était sans doute pas nécessaires, étant donné que Cassandre devait avoir connaissance de leur moindre fait et geste, mais elle le fit tout de même.

« Cassie, attendez peut-être qu'on ait un peu regarder avant d'envoyer le message... et dites le nous à ce moment là, des fois qu'il y ait quelque chose à faire ici juste après... »

Puis elle se tourna vers les autres, attendant le retour de leur guide. Son regard était posé sur Sven, tandis qu'elle s'adressait à Frank.

« Tu crois qu'il remarquerait que l'un de nous a disparu ? Ou qu'il nous croirait si on lui dit qu'en faite il voulait voir les maquettes ? Un p'tit tour d'exploration en étant invisible ce serait pas mal tu crois pas ? Enfin si t'es d'accord Sven. Et puis si t'es revenu avant lui, ce serait encore mieux! »

Jess attendit une quelconque réaction de la part de l'un d'entre eux. Si Archibald revenait avant, alors tanpis, ils feraient comme ils l'avaient initialement prévu. Mais cette idée ne lui parut pas si mal, même si peut-être un peu tardive.

Sven suivit la troupe non sans avoir chaleureusement remercié la journaliste et lui avoir offert un nounours en guimauve fraichement déballé. Il hocha la tête à l'intention du dénommé Malcolm avant de descendre.

Arrivé en bas, il ne prêta que peu d'attention à ce que disait Frank, préférant essayer de regarder par les portes battantes. Il avait toujours apprécié les grosses machines. Plus c'était compliqué pour faire des choses simples, plus il aimait. Et là, il était servi.

"J'ai une idée. Je vais fouiper à l'intérieur, trouver l'endroit où les gens mettent la feuille dans la photocopieuse, et de là, on a plus qu'à attendre de changer la feuille, et puis ce sera réglé. Je compte sur vous pour faire diversion si on me cherche. Je vous conseille de faire la danse des grenouilles, vous savez..."

Il mima rapidement quelques gestes ridicules, puis Sven entreprit de mettre à exécution son plan.

Après un tour d'horizon dans la salle d'impression, le groupe du sous-sol n'eut pas grand mal à occuper le technicien responsable de la réception des documents, puis à envoyer la maquette made in institut à l'impression.

Les NeXus repartirent donc à l'institut avec pour une fois, une certaine excitation à l'idée de découvrir la Sentinelle du lendemain.

[Hrp : fin du mode jeu.]