Un coeur de pierre?

Saut temporel.

Il faisait pluvieux, aujourd’hui. L’eau ruisselait des cieux grisâtres par d’innombrables gouttelettes. Le mois de mars révélait sa météo capricieuse et humide. Simple giboulée ou averse plus longue ? Voilà plusieurs heures que les nuages jetaient sur l’institut leur contenu, ce qui signifiait que la seconde option n’était que préhensible pour cette grise journée.

En rien ça n’avait empêché Lucas d’aller se recueillir sur la tombe de River. Il ne l’avait plus fait depuis au moins cinq bons jours, lui qui était pourtant jusqu’ici si fidèle à ce petit rituel quotidien. Il ne l’oubliait pas, jamais, et lui parlait comme si elle était toujours là, à ses côtés… Mais depuis la soirée de l’institut, il l’avait négligée… Pourquoi ? Il n’en savait rien lui-même. Il n’en ressentait plus réellement le besoin, sans doute. Peut-être était-il en train de passer à autre chose. Sa nouvelle proximité avec sa cavalière de la soirée était peut-être une des causes de tout ceci, sans doute… Jade et lui avaient passé pas mal de temps ensemble depuis ce fameux anniversaire de l’institut. Mais Lucas n’imaginait pas que ça puisse aller plus loin, ou tout du moins jusqu’ici il l’avait vue comme une connaissance qui s’était rapidement muée en amie plus proche.

Ce matin, en voyant la pluie, il s’était trouvé nostalgique et s’était résolu à aller parler de tout ça au mémorial de l’institut, à la défunte River. Il lui avait raconté toutes ces journées qu’il avait passées sans venir la voir. Il parlait à une tombe. Stupide ? Peut-être, mais il s’en était sorti ainsi, acceptant son deuil de la jeune anglaise, et il ne trouvait ça ni déplacé, ni étrange…

Rentrant à l’institut après sa visite, il était trempé, mais trop plongé dans ses pensées pour réellement s’en soucier. Il se passa une main nerveuse dans ses cheveux mouillés et fut presque étonné de les trouver si courts… Il n’était pas encore habitué à sa nouvelle coupe. Il s’était enfin résolu à se débarrasser de sa tignasse noire pour opter pour une coiffure plus soignée, bien qu’elle fut en désordre à cause des intempéries.

Et puis, passant dans le hall devant la porte de la cuisine, il s’était pris à repenser à la discussion qu’il y avait eue avec Cassandre Deneos… Cette fois là, il avait été loin dans les aveux de ses sentiments étranges envers la psychologue, bien que rien de concret n’eut pu être compris par celle-ci… Il était resté très vague… Tout était clair, pour lui, dans les mots qu’il avait choisis, mais pour une personne extérieure totalement hors de la situation, c’était sans doute un charabia incompréhensible qu’il avait déblatéré ce jour là. La discussion, écourtée par l’arrivée impromptue de deux mutants, s’était terminée par un conseil de réflexion de la part de Mademoiselle Deneos. Avait-il pris le temps de réfléchir ? Certainement, même inconsciemment. C’est ce qu’il faisait tous les jours, face à la stèle mortuaire de la petite anglaise blonde. Et comme si c’était la journée des liens, il décida d’aller rendre visite à Cassandre dans son bureau. Ce qu’il allait lui dire, il n’en savait rien lui-même. Mais il en avait besoin, tout simplement, et c’est avec naturel qu’il suivit son instinct, encore tout trempé de sa visite au mémorial.

Il avait gravi lentement les marches et s’était rendu directement au bureau de la psychologue, faisant juste un crochet par sa chambre pour y déposer sa veste imbibée d’eau.

Il prit son inspiration et frappa trois coups secs à la porte, espérant qu’elle se trouverait bien là…

*Galère de galère… Qu’est-ce que je fais là moi ?*

saut temporel

Le mois de mars gratifiait l'Institut d'une pluie trop capricieuse et surtout trop humide pour donner à Alixtide l'envie d'aller se promener. Il planifiait pourtant depuis quelques temps d'aller parler à River de la faune d'insectes grouillants qu'il portait en permanence sur lui et lui chatouillait l'existence. De son vivant, Artemis était à l'Institut la personne la plus à même de comprendre ces cafards, vers et chenilles qui suscitaient toute la tendresse d'Alixtide.

Mais il reporta cette communion à un jour plus ensoleillé. Il avait d'ailleurs beaucoup de choses à faire. Il venait pour la troisième fois de la journée dans le couloir des profs, pour y trouver Esther Kofman. Alixtide souhaitait avoir une séance surprise avec elle, pour se plaindre de beaucoup de choses et aussi avoir des conseils d'amour. La soirée d'anniversaire de l'Institut avait été pour Niko celle de sa déclaration. Il s'agissait maintenant de gérer au mieux la situation maritale et tout ce qui s'ensuivait. Les conseils d'une psychologue des comportements anormaux étaient d'une nécessité absolue.

En outre Alixtide voulait rendre quelques conclusions préliminaires de son rapport sur l'intégration des nouveaux.

Il retournait donc plein d'espoir dans le couloir, quand il aperçut son chef d'équipe arrogant debout devant la porte de la Dame Blanche. Que pouvait-il bien faire là, dégoulinant de pluie sur toute la longueur de son pantalon.

"Hé Lucas t'as des porblèmes psylochogiques ?"

Lança-t-il d'un air qui semblait sincèrement affecté pour attirer l'attention du chouchou de Richard.

"Je passe depuis trois fois et y'a personne, ni dans ce bureau ni dans ce bureau."

Il s'accouda au mur du couloir, provocant l'envol d'une dizaine de mouches posées discrètement sur lui. Et qui revinrent aussitôt. Alixtide portait comme toujours sa chemise cartonnée de crasse, par dessus laquelle il avait enfilé le pull vert bouteille de Niko. Ce vêtement aux mailles larges et épaisses était une vraie couveuse à larves et champignons de toutes sortes. Et puis c'était un cadeau de Niko. Le porcher avait son pantalon de velours originellement beige habituel, et ses éternelles baskets bien fermées pour laisser fermenter la transpiration.

Il toisait Lucas d'un air calculateur.

Le regard porcin perçant d'Alixtide suivait avec une minutie perverse tous les petits gestes d'agacement ou de dégoût qui pouvaient émaner de son vis-à-vis. Lucas était un garçon diplomate qui faisait visiblement tout son possible pour ne pas paraître gêné. Ce trait excitait bien sûr la perfidie du Breton.

Il s'approcha donc soigneusement de Lucas, guettant encore tous les signes infimes de répulsion que son leader ne saurait dissimuler. Le porcher lui décocha un sourire trop angélique pour être honnête.

Il s'arrêta à un mètre de lui, mettant les mains dans ses poches, regardant la porte de la psychologue.

"Une question à la Dame Blanche... Ben... Moi je lui demanderais sûrement bien quel jour Niko va m'offrir en mariage comme pormis à la fête. Mais tu sauras que Madame Cassandre ne marche pas aussi bien que Madame Wolfman."

Il lança une œillade vers la porte de l'autre psychologue.

"C'est elle ma psyrchologue, je vais souvent la voir. Tu devrais la choisir plutôt que Madame Cassandre qui ne pense qu'à la mort en général et à toute chose en particulier."

Dit-il d'un air presque blasé en passant sa main dans ses cheveux gras et poudreux, ce qui laissa échapper un pince-oreille qui lui traversa fugitivement le front.

"Tu n'as qu'à me dire ce qui ne va pas que tu voulais dire à la Dame Blanche. Et en échange, tu pourrais bien peut-être me rendre un service. Tu es très fort et seul toi peut m'aider. Dans tout l'Institut."

Il s'adossa à nouveau au mur du couloir, d'un air accablé, accompagné dans son mouvement par les mouches qui l'environnaient.

Une lueur malsaine brilla dans le regard du Breton quand il détecta les tensions qui animaient le visage de Lucas, sa répulsion contenue, sa grande force d'âme, ses inspirations calculées... c'était un brave type.

Alixtide ressentit toutefois une certaine déception. Le fier leader ne voulait pas se confier à lui sur ses problèmes psychologiques. Une preuve de plus qu'il ne faisait pas confiance à ses troupes, une preuve de plus de son arrogance.

Il balada un instant son regard en passant sa langue sur ses lèvres. Il décolla enfin du mur et renvoya son sourire aimable à Lucas.

"Ah ben pour une purin de fois ça ne saura pas pour sauver le monde ou la veuve ou leur félin, ce sera juste pour une porte purin de coincée dans la puanderie."

Il soupira en regardant son vis-à-vis d'un air désolé devant une telle platitude.

"Purin moi qui voulait faire le méninge... impossible avec cette purin de porte de l'armoire aux porduits d'intertiens qui est coincée."

Dans un geste d'agacement devant cette tuile du destin, il prit Lucas par le bras pour l'entraîner jusque dans la fameuse buanderie.

"Allez et pendant que je ferai le purin de méninge tu me raconteras tes porblèmes. Un dealer des Ceresix comme toi est curcial pour les missions. Si tu craques en plein dedans ?? Alors non il faut tout me recompter, et parce que dans une épique nous sommes comme des frères purin de oui ou non ?? Il faut ceintre aider... Raconte-moi tes porblèmes..."

Dit-il d'une traite, baignant le visage de Rock de son haleine mortelle et noire de fiel.



hall (buanderie)

Insistant, le bougre ! Non seulement ses mains crasseuses s’emparèrent du bras de Lucas, qui ne put s’empêcher de regarder de travers la manche de sa veste encore détrempée de pluie se faisant tacher par la paluche noirâtre du porcher, mais en plus il lui demanda encore et encore de lui narrer les raisons de sa venue chez Cassandre. Lucas n’était pas dupe… Même si ça partait d’un bon sentiment, se confier à Alixtide revenait à étaler publiquement, avec photos et détails, sa vie privée comme dans un journal people.

Il fut donc forcé de suivre le puant dans sa recherche de porte coincée, et pour ne pas répondre à la dernière question d’Alix, il se contenta de montrer son enthousiasme non feint pour l’aide qu’il pouvait lui apporter.

« Oh bien sûr que je veux bien t’aider ! Et puis on pourra faire un peu de ménage ensemble ! »

Mais il savait pertinemment que le breton n’accepterait pas si facilement un déni de question. Il fallait lui parler de Cassandre, ou au moins lui donner un semblant de réponse. C’est ainsi que, se laissant toujours trainer par le bras, il répondit d’un air convainquant, ou tout du moins, le plus convainquant possible pour un mutant éperdument, mais secrètement amoureux d’une psychologue…

« T’inquiète pas Alix, mon moral va très bien, c’était juste une question d’ordre…heu… pratique, que je voulais lui poser. Rien d’important, vraiment… »

Et puis, pour rajouter un argument à sa réplique maladroite :

« Et puis… je ne craquerai pas en mission, si j’avais des soucis, je t’en parlerais, t’inquiète… »

Et ce furent les dernières paroles qu’il prononça avant de s’engouffrer dans les escaliers pour atterrir dans le hall, près de la buanderie…

Hall (buanderie) – je te laisse poster en premier