Chambre de Vadim

Après les événements affrontés par les KozaX et NeXus à Johannesburg, et la disparition douloureuse de Sahari à l'issue de sa mission de routine sur Génosha, Vadim avait eu de nombreux sujets de réflexion. Il n'avait pas cessé de penser à tout cela, que ce soit au chevet de Cassandre et Nathan, mais aussi dans son bureau, au cours des repas et durant les longues soirées qu'il avait passé à travailler. Depuis le rétablissement des deux NeXus il se sentait déjà plus rassuré. Ce serait l'occasion d'avoir une discussion plus sérieuse avec la psychologue, qu'il avait ménagée jusqu'ici. Les indices rapportés par les deux escouades KoneX étaient minces.

Le Russe avait également beaucoup pensé aux aspects tactiques, aux performances et initiatives de ses chers KozaX, aux qualités de Luther en tant que leader, à la participation de Nora... Il avait tracé un bilan en demi-teinte de leur intervention à Johannesburg. De nombreuses décisions étaient à prendre.

Le plus urgent pour lui restait la situation inconnue de Sahari. Cassandre avait du bien le deviner car elle était venue le trouver dans sa chambre, alors que l'ancien militaire s'adonnait à des exercices de musculation.

Il était donc en pantalon de treillis et en marcel blanc. Ses larges épaules brillaient de sueur. Il avait invité Sibylle à s'asseoir sur son lit tandis qu'il s'essuyait le visage avec une servitette blanche. La chambre de Vadim était spartiate et sans ornements particuliers, contrairement à son bureau à l'étage inférieur. On retrouvait simplement, sur une petite table, tout le nécessaire pour faire bouillir l'eau et préparer le thé. La fenêtre était entrouverte, laissant entendre l'orage tonitruant. Le costume tout propre et repassé (Vadim aimait à faire lui-même son repassage) du professeur Volkov était suspendu à un ceintre à la porte du placard.

"Je me prépare pour mon prochain duel contre Gum."

Dit-il en soupesant d'un air grave un petit haltère de mise en condition physique.

"Alors comment te sens-tu Sibylle ? Les NeXus sont-ils prêts à repartir en opération extérieure ?"

Dit-il avec un sourire taquin, histoire d'amorcer la discussion.

La mission à laquelle Vadim et elle avaient participé, ainsi que celle des OryX, avaient été marquées par l'infortune. Alitée à l'infirmerie avec Nathan, la psychologue avait eu tout le temps nécessaire pour ressasser le passé et chercher à identifier l'erreur, le grain de sable qui avait retourné leur situation avantageuse en lutte pour la survie dans les égouts de Johannesbourg. Parfois, l'anticipation ne faisait pas tout.
Comme elle l'avait redouté, les OryX étaient rentrés sans leur professeur. Une chance qu'elle ait paré à cette éventualité pour prévoir le retour sain et sauf du jet avec ses occupants. Mais pour avoir cherché des mois Adam lorsqu'il avait été séquestré, Cassandre savait que son pouvoir ne lui serait d'aucun secours contre un téléporteur. Le fil de Sahari s'était rompu dans le continuum. Ils devraient recourir à d'autres sources d'informations pour retrouver l'Africaine. Et en matière d'informations, la pêche avait également été mauvaise pour les trois équipes. En Afrique du Sud, les mutants n'étaient pas parvenus à sauver le saboteur, ni à en apprendre plus sur les paramilitaires qui avaient tenté de l'enlever. Le seul élément qu'ils avaient récupéré dans leur fuite restait à analyser.
Quant à Génosha... Mieux valait ne pas y penser.

Elle s'était longtemps méfiée du passé trouble de Sahari, mais aujourd'hui, c'était bel et bien son futur qui la préoccupait. Malgré sa réserve envers le professeur des OryX, cette dernière s'était révélée être une alliée loyale et précieuse, une femme à qui l'on pouvait faire confiance ; n'avait-elle pas veillé sur sa protégée, Jessica ? N'était-elle pas venue à son secours au Palais de Magnéto ? Il était clair que son sauvetage était désormais leur priorité.

Après ces quelques jours de convalescence, Cassandre avait donc décidé de s'entretenir avec son collègue à ce sujet. C'était donc le bras en écharpe, le moral en berne mais fermement décidée à réagir qu'elle était passée le voir. Rares étaient les moments où les professeurs de l'Institut se retrouvaient dans l'intimité de leur chambre. Après avoir été invitée à entrer par l'Ogre Rouge, la Grecque avait discrètement laissé la porte entrouverte pour créer un appel d'air à même de dissiper l'atmosphère chargée par les exercices du Russe.

Vadim parla de son prochain duel. Le souvenir de sa propre victoire contre Sahari lui apparaissait comme amer depuis la disparition de sa collègue. Elle hocha pensivement la tête.

"Nous devrions également nous préparer à partir à la recherche de Spine." répondit-elle, utilisant volontairement le nom de code de Sahari. Elle connaissait tout l'attachement du Russe à cet usage... et à l'Africaine.

"Enfin "nous"... J'imagine que je suis hors course pour le moment." ajouta-t-elle avec une certaine résignation en posant sa main libre sur son bras en écharpe. Elle n'aurait jamais dû être blessée, de la part d'une mutante capable de prédire l'avenir, c'était une négligence dispensable, même si on ne pouvait pas réellement parler de blessure conventionnelle. Encore heureux que les élèves n'aient pas eu à souffrir réellement de son incompétence. Le saboteur, quant à lui, ne pouvait pas en dire autant, malheureusement.

"Ca va, même si je ne suis pas encore prête pour la levée d'haltères." répondit-elle à la question de Vadim, non sans une pointe d'auto-dérision. "J'attends encore confirmation de Nathan, mais je crois que mes autres élèves sont prêts."

Il fallait dire que ses élèves s'en étaient plutôt bien sortis. Assise sur le lit, elle nota la rigueur avec laquelle il avait été fait tout en se faisant la réflexion qu'elle avait probablement été la seule à faillir physiquement, mais surtout moralement :

"J'entends encore la boîte crânienne de cet homme céder... Je considère cette mission comme un échec personnel." avoua-t-elle sombrement. C'était la première fois que quelqu'un mourrait sous sa main. Elle avait bien des fois endossé une culpabilité différée, l'impact de certaines de ses décisions. Mais cette fois, elle avait tué un homme, volontairement ou non, le résultat était le même.

Cuisine

Après avoir parcouru rapidement les différentes pièces, sans le trouver, Jay se décida à aller vers la chambre de Vadim, après avoir toqué en vain à la porte de son bureau. Il n'y était encore jamais allé mais il y avait un début à tout. Il ne savait pas encore véritablement de quoi il allait parler néanmoins, il voulait que son ancien prof soit fier de lui, ou tout du moins, qu'il ne soit plus déçu. Ça allait sûrement être très dur à faire, malgré son tout nouveau rôle de leader.

**bon, courage, je pense que j'en suis capable, j'en ai vu d'autre que de parler à un simple prof**

Pourtant ça l'impressionnait. Il arrivait devant la porte entrouverte de la chambre de Vadim et entendit des voix. Il crut reconnaît celle de Vadim et également celle de Cassandre. Ne sachant pas trop quoi faire, il recula un peu, s'ils étaient là, c'était sûrement important. Hélas, s'il venait à un moment important pour proposer son aide, il pourrait prouver à son ancien professeur qu'il pouvait compter sur lui. S'armant de courage, il toqua donc à la porte et recula de deux pas. Il ne voulait pas entrer dans la pièce sans y avoir été invité et risquer de gêner encore plus.

Le Russe hocha la tête. Bien sûr il n'en attendait pas moins de Cassandre, qu'elle propose d'aller chercher Sahari. Il observa sa collègue et fut affligé de son défaitisme. Elle semblait n'avoir tiré que les conséquences négatives de cette mission. Certes Vadim était également navré que le saboteur, et même les hommes armés soient morts. On aurait pu, on aurait du l'éviter autant que possible. Le décès du saboteur était un échec particulièrement cuisant, étant donné qu'ils étaient partis dans le but de comprendre les raisons de son attentat. Il n'y avait pas de quoi être fier de ce dénouement.

Mais il n'était pas dans la nature de l'ancien militaire de broyer du noir après une mission désastreuse et nerveusement éprouvante. Au contraire.

Quelqu'un frappa à la porte entrouverte. Vadim lui répondit sans avoir besoin de beaucoup hausser la voix, vu que celle-ci portait naturellement.

"Attendez juste une petite minute."

Il se mit donc en devoir de remonter le moral de sa collègue à l'écharpe.

"Allons Sibylle, toi, hors course ? Je t'assure que tu as été ... parfaite."

L'Ogre Rouge déposa son haltère. Il essuya son visage et son cou, et dit d'un ton jovial et complice à la voyante.

"Vraiment, j'ai mis du temps à comprendre ce que tu voulais faire. Mais quand on s'est retrouvé tous les deux... Enfin, je veux dire que j'ai été très impressionné. Je ne te savais pas capable d'être aussi... hum comment dire, aussi directe, aussi franche. C'était vraiment parfait, je t'assure."

Il s'embrouilla un peu, se rendant compte que ce qui était simple pour lui : tuer un militaire au cours d'une mission, était loin de l'être pour elle. L'épisode qu'elle évoquait semblait l'avoir beaucoup affectée, alors que lui considérait ce moment comme une des réussites de la mission. Une réussite de bonne coordination tactique. De plus il avait vu une autre facette de la psychologue, une femme d'action, prête à risquer sa vie au corps-à-corps.

Il prit le temps de s'armer d'une chemise de treillis, et de la boutonner minutieusement, histoire de réfléchir à des arguments qui seraient vraiment scusceptibles de rendre le sourire à Cassandre, et non de l'affliger encore plus. Elle prendrait sûrement mal le fait qu'il la "félicite" de son acte meurtrier. Il ajouta alors d'un ton encore un peu plus doux et léger.

"Il faut que tu voies les choses sous un autre angle, Sibylle. On a bien assuré tous les deux non ? Tu ne trouves pas ? C'est vrai que tout s'est passé très vite. J'aurai mieux aimé pouvoir te parler avant, mais c'était impossible dans la position où nous étions, tu te souviens ?"

Il prit un tabouret et s'assit en face de Cassandre. Il ajouta d'un ton résolu.

"Je te promets que je ne te prendrai plus à l'improviste en utilisant mon pouvoir."

Cassandre eut un sourire triste. La tentative de Vadim pour lui remonter le moral se voyait comme le nez au milieu de la figure, même pour une aveugle. Mais aussi touchante soit-elle, la psychologue ne parvenait pas à se laisser convaincre.

"Tu es gentil, mais je suis bien consciente que Sahari a plus d'expérience que moi dans ce domaine. Tu en sais quelque chose." répondit la non-voyante en se levant pour faire quelques pas dans la pièce. "Et au final, on aura quand même dû s'y reprendre à deux fois." ajouta-t-elle après une courte réflexion. Elle aurait dû parvenir à assommer cet homme du premier coup. Il aurait ainsi été épargné. Bien sûr, l'explosion du tunnel aurait certainement provoqué sa mort, mais au moins, elle n'aurait pas été responsable.

Elle prêta toutefois oreille aux nouveaux arguments du Russe. Incorrigible optimiste. Il voyait toujours le verre à moitié plein là où elle le savait à moitié vide. C'était peut-être aussi pour cela qu'elle se confiait plus facilement à lui. Il y avait certes des enseignements positifs à tirer cette tragique expérience, comme la nécessité de mieux s'organiser. Ils n'étaient pas habitués à travailler avec leurs collègues, et encore moins en binôme.

"Nous aurions pu éviter certains... égarements en coordonnant mieux nos mouvements." dit-elle d'une voix pensive. La dernière phrase de son collègue la piqua au vif : elle n'avait effectivement pas anticipé l'action de Vadim sur le paramilitaire, ce qui lui avait coûté la vie, un comble pour la pythie.

"Je ne m'attendais pas à ce que tu la rétrécisses, sans quoi j'aurais été plus douce." confirma-t-elle en se mordillant nerveusement la lèvre inférieure.

"Toi et moi, comme ça... c'est trop dangereux. Cela ne doit plus jamais se reproduire." conclut-elle en hochant à nouveau la tête, d'une voix légèrement plus résolue. C'était la première fois qu'elle opérait réellement de concert avec un professeur, outre les entraînements qui n'avaient jamais réellement été très poussés. Elle savait dangereuse, mais couplée à n'importe lequel des professeurs... Cela donnait le vertige.

"Tu as de la visite, nous reparlerons de Spine en préparant le briefing." dit-elle alors en se dirigeant vers la porte. Elle se retourna néanmoins une dernière fois, un sourire taquin sur son visage d'albâtre. "Au fait, tu as oublié de boutonner le quatrième bouton." lança-t-elle, avant d'ouvrir la porte, de s'effacer pour laisser Jay entrer, puis de quitter la pièce.

Institut

En pleine conversation, Vadim lui répondit néanmoins d'attendre, cela prouvait l'importance de la conversation qui se déroulait à l'intérieur de sa chambre. Jay se posa donc contre le mur, essayant de ne pas trop écouter la conversation qu'avait les profs. Il semblait qu'ils avaient des soucis vis-à-vis de la dernière mission, elle semblait ne s'être pas bien déroulé. De toute façon, pourquoi donc des profs se réuniraient-ils? Peu de temps après, Cassandre sorti de la pièce. Elle le laissa même entrer.

-Bonjour...

Son ancien professeur référant était vêtu en militaire, à croire qu'il ne se changeait jamais, et Jay pu remarquer qu'effectivement, il avait raté un bouton. Il n'en fit pas la remarque de même qu'il ne dit pas grand chose dans un premier temps. Il ne savait plus pourquoi il était là.

-Je suis désolé de vous déranger. Votre conversation avait l'air importante...

Il avait retrouvé une partie de sa timidité, c'était étrange sachant la discussion, voire la dispute qu'il avait eut il y a quelques jours avec ce même prof.

-Voilà, je suis venu ici pour finir la conversation que nous avons eu dans la cuisine. Il est vrai que je n'ai peut-être pas dit les bons mots, que j'ai peut-être été vexant ou autre mais c'est juste que je ne comprenais pas vraiment.

Il essaya de se remémorer la conversation et ce que lui avait dit Vadim mais c'était un peu flou, il se souvenait que Vadim avait haussé le ton, qu'il s'était dit déçut... ou en tout cas, c'était ce dont il se souvenait.

-Vous avez dit que le fait d'aller dans une autre équipe me ferait du bien, que ça me calmerait. Je ne sais pas si c'est le cas mais le fait d'être chez les X-Rays et d'en être en plus leur leader me fait voir autrement tout ce qui nous arrive. J'ai dû réfléchir en fonction de mes équipiers même s'il y a eu un léger soucis.

Il était vrai que Annaelle avait été touchée, ça avait été moins grave que pour Yamina mais l'expérience était la même, ils s'étaient mal compris et il y avait eu des blessés.

-Néanmoins, je pense toujours qu'une famille, comme je l'ai dit dans la cuisine, puisse être plus efficace qu'une armée. Mais on est une famille à l'Institut, pour le reste, on est un groupe qui aide ceux qui ont besoin de nous ou pour prévenir un danger...

Il avait dit ce qui lui venait à l'esprit, sans vraiment y réfléchir. Ce n'était pas des excuses, il considérait qu'il n'en avait pas vraiment besoin, ils n'avaient pas été d'accord c'était tout.

-Enfin, tout ça pour dire que j'ai compris votre point de vue. Je tenais à vous le dire...

Un an auparavant, il n'aurait jamais dit ça, peut-être que l'Institut le changeait vraiment, même s'il avait toujours une grande fierté, il fallait apprendre à l'oublier parfois, pour les autres.

Vadim se leva pour accompagner Cassandre vers la porte, après avoir constaté qu'en effet il avait sauté une étape dans le boutonnage de chemise. Il se sentit bien sûr affligé qu'elle repousse sa proposition de poursuivre leurs exercices. L'Ogre lui répondit simplement en reboutonnant le bouton manqué, alors qu'elle passait la porte :

"Tant que tu ne dis pas que ça ne se reproduira plus, Sibylle !"

Et toujours avec son sourire, il invita Jay à entrer et à s'asseoir sur le tabouret. Avant qu'il ne s'explique de sa visite, l'Ogre lui glissa à mi-voix caverneuse :

"Ah les femmes. On croit avoir assuré avec elles, on croit avoir réalisé une belle performance, on croit avoir partagé un bon moment... et on se rend compte après quelques simples paroles que le plaisir n'était pas partagé. Et par dessus le marché on vous commande de ne plus recommencer !"

Il fit un clin d'œil à l'adolescent, puis entreprit de retendre les couvertures du lit. L'orage grondait dehors par la fenêtre ouverte. Le jeune X Rays évoqua l'état de ses réflexions après son passage dans sa nouvelle équipe. Vadim hocha la tête.

"Je suis content que tu me comprennes, toi, Push ! Ha ha !"

Le Russe eut un rire joyeux.

"Et tu as parfaitement raison. Tout l'Institut est un groupe soudé. Une grande famille. Le directeur t'a nommé leader et je pense que tu en as les qualités. Seulement tu dis que ça a mal tourné. Veux-tu me raconter un peu votre mission ? Nous pouvons réflechir ensemble à ce qui a pu mal tourner. Comme on dit chez nous, une intelligence c'est bien, deux c'est mieux ! Du thé ?"

Il enclencha la mécanique implacable de la bouilloire électrique.

Jay avait été un peu perturbé par la remarque un peu comique de Vadim mais il avait tout de même réussit à dire ce qu'il pensait vraiment. Il ne savait pas à quoi s'attendre mais ce qui était sûr, c'était qu'il ne s'attendait pas à ça. Il se voyait plutôt retourné dans une longue conversation, voir à un regard accusateur de ne pas avoir compris plus tôt, à la place il eut droit à une remarque légère et à un rire. C'était étrange.

-Bin.. euh, oui je veux bien...

Vadim venait de lui faire un compliment qu'il appréciait beaucoup, il pensait qu'il avait les qualités pour être leader alors que lui-même en doutait encore. La mission ne s'était pas trop mal déroulé, c'était vrai, mais sans les gars de Ganymèdes, le résultat aurait été bien pire. Néanmoins, il était vrai qu'il fallait réfléchir sur ce qui avait raté, pour ne pas recommencer.

-La mission était donc de retrouver le Cérébro à Alkali Lake. Donc on y est allé, on a avancé doucement parce qu'on avait peur de tomber sur des soldats parce qu'ils risquaient d'y en avoir. Et en même temps, on entendait une créature étrange qu'on n'arrivait pas à placer. On a visité, sans résultat et des militaires nous sont tombés dessus, en gros, ils sont arrivés après nous et la "porte" que j'ai fait sans la fermer leur a permis d'entrer.

Il n'avait pas pensé à ça comme ça, il était vrai qu'ils avaient dû entrer par le même endroit qu'eux... C'était un peu de sa faute s'ils étaient arrivés aussi vite en fait.

Il se mit à marcher, doucement, au fur et à mesure que les idées et les souvenirs lui revenaient.

-On s'est fait prendre en tenaille, j'ai donc fait un bouclier tandis qu'Annaelle faisait un vortex, comme ça, aucune attaque ne pouvait passer et Nan' se débarrassait des gars de mon côté et Annaelle les a fait disparaître.... je ne sais pas trop où.

D'ailleurs, il fallait qu'il pense à lui demander où elle avait bien pu mettre tous les soldats qui avaient été pris dans un de ses portails.

-Ça nous est arrivé deux ou trois fois. Y en avait partout mais à un moment qui était assez critique, des gars nous sont apparus. Ne sachant pas trop dans quels camps ils étaient, j'ai décidé de faire demi-tour, étant donné que le pouvoir du type semblait être de stopper les gens en plein mouvement. On a donc reculé, il n'y avait que quelques pas à faire pour être planqué mais des soldats sont venus et nous ont tirés dessus, avant d'être eux aussi bloqué. Jérémiah et moi, on a juste été éraflé, mais Annaelle est tombée dans les vapes à cause de ses blessures...

C'était un résumé bateau mais ce n'était pas la peine d'expliquer tout ce qu'ils avaient visités, il n'avait pas fait d'erreur là-dedans. Son erreur avait été le fait de reculer et le fait qu'Annaelle avait été blessé. Ce qu'il voulait, c'était réussir à faire une mission sans que qui que ce soit soit blessé.

-Et voilà donc mon erreur, elle a été blessé, elle n'aurait pas dû. Pour le reste, je pense que c'est bon, on a réussi à détruire le Cérébro et on a bossé avec Ganymède. Sans la blessure assez grave d'Annaelle, tout aurait été parfait...

Il arrêta de marcher pour se mettre face à Vadim, pour voir ce qu'il pensait de tout ça.

Vadim pressa un quartier de citron dans sa tasse de thé fumant tout en écoutant avec attention le jeune leader X Rays.

"Hmmm hé bien, on peut dire que vous avez été mis sous pression. Quelles leçons tirer de tout cela ? Comme tu l'as très bien dit, vous auriez du mieux surveiller vos arrières, en fermant les portes. Mais il est vrai que si l'ennemi avait surgi devant, il aurait pu aussi être très pratique de fuir aisément !"

Le Russe hocha la tête pour lui-même. Il adressa un sourire à Jay.

"Tu sais parfois... on n'a tout simplement pas de chance."

Il s'installa sur le tabouret.

"Tu n'avais pas verrouillé tes arrières, tu t'es fait prendre en tenaille. Tu as essuyé le feu de nombreux adversaires inconnus, et d'autres sont arrivés sans que tu saches si tu pouvais leur faire confiance. Tu as pris la décision de faire demi-tour... tu n'as pas atteint le point de sécurité, tu as perdu un effectif et... la situation t'a échappée. Mais tu as atteint l'objectif."

Il interrogea du regard Jay pour voir s'il avait bien résumé.

"Tu n'as pas à rougir, ton bilan me semble très positif, compte tenu de la situation. Ta coéquipière n'était pas là pour être protégée, mais pour agir.Elle s'est exposée comme vous tous et elle a été blessée. Elle n'est pas morte, elle n'a pas de graves séquelles... la mission est réussie !"

Il leva sa tasse et se mit à rire.

"Je te félicite Push. C'est en forgeant que l'on devient forgeron. Tes erreurs te feront progresser. La prochaine fois tu te poseras la question de la protection des arrières."

L'Ogre but quelques gorgées, sa mine redevint plus sombre. Jay avait mentionné Ganymède. Il hésita, et regarda un instant par la fenêtre la pluie battante.

"Dis-m'en un peu plus sur ces gens de Ganymède. Comment se sont-ils comportés avec vous ? C'est important. A mon avis il est très sain de se méfier d'eux. Et tiens que devenait donc le directeur ? Il est descendu avec vous ?"

Il ouvrit une petite boite de madeleines.

Étonnamment, Vadim semblait pensait que la mission était d'une bonne réussite. Jay ne pouvait pas contredire ce qu'il disait mais il aurait tout de même préféré qu'Annaelle ne soit pas blessée, sûrement le facteur chance, effectivement. Et il semblait plus curieux à propos des gens de ganymède, lui aussi l'était en réalité.

-Ceux de Ganymède? Bah, ils étaient trois... Tyler, Ulrich et Kyle. Ulrich est un homme bête, Tyler communique avec les machines et peut en construire tandis que Kyle semble pouvoir endormir les gens... Ils n'ont pas usé de nom de code.

Il ne se rappelait pas totalement de cette partie de la mission, ça lui avait paru encore plus étrange que le reste. Travaillé avec des Ganymédiens était rare tandis que visiter des lieux improbables l'était moins.

-Ils ont été presque sympa... Enfin, des remarques désobligeantes et des regards de haut mais au moins ils ne nous ont pas attaqués. Par contre, Adam est resté dans le vaisseau, il y avait trop d'eau pour qu'il daigne venir avec nous.

Ça pouvait paraître mauvais comme remarque mais ça ne l'était pas, c'était juste que c'était assez normal qu'il ne voulait pas venir, la rencontre avec Annaelle dans le salon l'avait déjà assez amoché.

-Enfin, je pense qu'il faut se méfier oui mais bon, peut-être qu'ils ont vraiment changé d'avis ou qu'ils ont vraiment besoin de nous, on ne sait pas.

Et c'était ça le pire, encore une fois, ils étaient dans l'expectative.

"Tyler, Ulrich et Kyle ?"

Vadim goûta la prononciation de ces mots puissants avec une mine songeuse.

"Pas besoin de nom de code quand on a un prénom pareil. Ca sonne tout de même mieux que..."

Le Russe se gratta le menton, sourit et imita la phrase de Jay en prenant une grosse voix de narrateur de film d'action à suspense.

"Ils étaient trois... Adam, Vadim, et Jay."

Puis il secoua la tête.

"Non décidément ça ne sonne pas aussi bien ! Ha ha. Tu es trop naïf Push, à mon avis ce sont des pseudonymes. En tout cas, ils sont en effet l'incarnation du mépris. Des personnes qui traitent ainsi leurs "alliés" ne peuvent pas être dignes de confiance. Les alliances qu'ils forgent ne servent que leur strict intérêt, qu'ils se gardent bien d'expliciter. Je suis sûr que Loom veille au grain, et tu fais bien de toujours être sur tes gardes toi aussi."

Il appuya bien son index en direction de Jay pour renforcer ses paroles.

"Ils n'ont certainement pas besoin de nous. Se servir de nous oui. Ne vous laissez pas marcher sur les pieds. Ne les laissez pas vous traiter en inférieur. Ne leur révélez rien sur nous."

Il dégusta une madeleine et remit le nez dehors. Une sorte de brume attira son attention. Enfin les élèves se décidaient à jouer avec leurs pouvoirs. Il revint sur Jay.

"Oui l'eau est une malédiction pour notre directeur. Quel dommage qu'un si grand pouvoir s'accompagne d'une si tragique faiblesse."

Vadim songea que malgré son air bonhomme et sa bonne humeur toujours apparente, il devait souffrir de cette faiblesse. Surtout si elle impliquait de laisser les élèves à leur propre sort dans un environnement hostile. Le Russe aurait pu envisager d'en discuter avec lui autour d'une bière mais... ce n'était pas le genre du directeur de discuter autour d'une bière.

"Je prendrai bien une douche sous la pluie battante moi, comme tes nouveaux camarades. Je te libère, Push. Reviens me voir quand tu veux... dans mon bureau plutôt !"

Il rangea sommairement la vaisselle sur un coin de la table, et se dirigea vers le couloir. Il glissa simplement à Jay :

"... dans ma chambre j'ai souv... de temps en temps des affaires intimes à régler avec Sibylle. Rien de professionnel tu comprends ?"

Il lui adressa un clin d'œil de connivence avant de glousser de son rire guttural et fier.

Puis Vadim, coiffé d'un chapeau militaire américain acheté sur internet, accompagné ou non du jeune homme, se rendit dans le jardin.

jardin

Jay était un peu triste lorsque Vadim lui annonça que ça devait être des pseudonymes, pour une fois, ils auraient pu être honnête. Il n'avait que haussez un sourcil à la blague de Vadim parce qu'il ne s'y attendait pas vraiment.

**oui c'est possible qu'ils se servent de nous, mais avons-nous vraiment d'autres alternatives?**

Il acquiesça à tout ce qu'il annonça ensuite. Ne pas se faire avoir ou ne pas se laissez marcher sur les pieds, c'était plus facile à dire qu'à faire.

-Vous n'étiez pas dans votre bureau, c'est pour ça que je suis venu, je voulais régler ce souci.

Ça ressemblait plus à des excuses, lui non plus ne s'imaginait pas avoir une conversation "importante" avec un professeur dans sa chambre, surtout que le bordel était bien pire que dans celle de Vadim.

-Très bien, j'y penserai. Pour ma part, je pense que je vais plutôt aller au chaud, être trempé ne me tente pas vraiment.

Il sortit juste devant son professeur puis se dirigea vers sa chambre.

chambre de Jay et Nan'

Bureau de Cassandre

Cassandre était discrètement entrée dans la chambre de Vadim, un petit sac de sport à la main, et avait refermé doucement la porte derrière elle. Elle ne tenait pas spécialement à ce que sa présence soit remarquée en ces lieux, à plus forte raison par des élèves. Elle était là pour affaires. C'était certain. Il n'y avait aucune doute à avoir.

Telles que se présentaient les choses, les NeXus, les KozaX et les OryX iraient bientôt retrouver l'Ogre Rouge en Afrique du Sud. La psychologue ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable des épreuves qu'enduraient ses deux collègues. Il y avait déjà Sahari et son enlèvement. Maintenant, Vadim risquait sa vie en solitaire pour localiser la destination de Spine. Cela faisait une dizaine de jours qu'il voyageait précairement dans la poche de l'Africaine, utilisant son pouvoir sans relâche et avec une pression de tous les instants.

La Grecque poussa un petit soupir, puis s'imprégna de l'atmosphère de la pièce. Le silence ne fut troublé que par un éclat de voix sourd provenant du couloir, et auquel la non-voyante ne prêta pas attention, toute à ses pensées qu'elle était. La pièce lui parut étrangement austère, froide, impersonnelle, sensation qu'elle n'avait jamais eue en présence de son propriétaire. Cependant, elle pourrait toujours distinguer dans l'air le parfum de Vadim. C'était réconfortant quelque part. S'éloignant finalement de la porte, Cassandre se résolut à faire ce pourquoi elle était venue ici : rassembler quelques affaires de rechange pour son collègue. Elle était entrée dans la chambre sans la permission de Vadim, mieux valait ne pas s'y attarder, cela aurait été incorrect.

La psychologue s'approcha de l'armoire et l'ouvrit, tâtant le dessus des piles soigneusement rangées. A dire vrai, elle était passablement gênée de s'immiscer dans les affaires personnelles de son collègue. Mais l'espoir d'apaiser quelque peu l'épuisement de Vadim avait prévalut. Aussi par principe, elle décida de relâcher son pouvoir afin de n'avoir qu'un aperçu tactile des effets personnels. Etre aveugle avait cet avantage que la vue d'un quelconque magazine coquin lui serait épargnée. Paradoxalement, l'intimité du Russe l'intriguait autant qu'elle lui faisait peur.
Reconnaissant la toile plus rêche d'un vêtement militaire, elle retira un pantalon de treillis, qu'elle posa sur le lit au carré. Elle trouva plus facilement un marcel et esquissa un léger sourire lorsque ses doigts effleurèrent l'absence de manches du vêtement. C'était tellement typique de son code vestimentaire. Poussant son investigation, le rouge lui monta aux joues lorsqu'elle crut reconnaître un slip, qu'elle s'empressa de ranger au fond du sac comme s'il lui brûlait les doigts. Elle ajouta une paire de chaussettes propres.

La jeune femme passa dans la salle d'eau afin de réunir des produits de première nécessité dans une petite trousse de toilette. Elle s'assit alors sur le lit, pensive, se demandant ce qu'elle aurait pu oublier d'essentiel.

Après quelques secondes de réflexion, la psychologue s'était levée et avait ajouté une petite boîte métallique posée sur l'une des étagères de l'armoire, dans le sac de sport contenant les affaires de Vadim.

Elle ouvrit doucement la porte et s'apprêtait à sortir comme elle était venue pour prendre la direction de la chambre de Sahari, lorsqu'un cri à glacer le sang retentit dans le couloir des garçons. Surprise, elle laissa tomber le sac à terre et se retourna, sans même prendre le temps de refermer la porte. Il arrivait aux élèves de chahuter entre eux, mais ce hurlement était trop instinctif, primitif pour signifier autre chose que la douleur.

La psychologue remonta le couloir au pas de course, le visage livide et angoissé, tout en effleurant le mur pour se guider.

Chambre de Yanis et Josh