Bidonville de Port-au-Prince

"C'est Mama Justify !" répondit la voix de l'autre côté de la porte. Mama Justify était une femme d'âge mur qui vivait à quelques "rues" de Zia. Cette dernière venait bien souvent consulter Zia pour ses rhumatismes, chose pour laquelle la présummée guérisseuse ne pouvait pas grand chose.
Le ton de sa voix indiquait un certain empressement : ce n'était sûrement pas une visite de courtoisie.

La porte s'entrouvrit.

"Te dérange pas, j'entre." ajouta la femme en entrant. Elle était plutôt dodue. Ses formes ondulaients sous le drap faisant office de robe dont elle était recouverte. Son visage rondouillard était réhaussé par les couleurs de son boubou improvisé.



"Je pensais bien te trouver ici, on a besoin de toi aux friches ! Y a un pti qui s'est planté sur un grillage, viens vite !"

[hrp : pense à linker ta fiche de personnage à ta signature stp]

A la sortie de la case, Lenny, un homme aussi grand qu'une armoire à glace, s'approcha de Zia.



"Lenny y va te porter, pas de temps à perdre !" expliqua Mama Justify avec un geste impérieux de la main. Lenny n'était pas un mauvais bougre, mais personne n'aimait à le croiser dans une ruelle étroite. Dans les grandes avenues non plus d'ailleurs. C'était l'un des rares habitants du bidonville à avoir un "vrai" travail : docker au port, et ses bras musclés en témoignaient.
D'un pas d'ours, il s'approcha de Zia et la prit dans ses bras comme une poupée de chiffon. Bringballée, Zia n'eut d'autre choix que de se laisser faire jusqu'à destination. Ils traversèrent tous les trois le bidonville en direction de la forêt à la périphérie de la vile.
Là, ils arrivèrent près d'un grillage, où de nombreux habitants s'étaient amassés en cercle, formant un mur d'ébène infranchissable. Lenny déposa Zia près d'eux.

Secouée comme un sac de linge sale, Zia se laissa faire en maugréant. L'handicapée n'allait pas assez vite, l'handicapée avait besoin d'aide. Mais ils étaient bien contents de l'avoir pour guérir tous leurs petits bobos. Méfiante, les yeux réduits à deux fentes d'onyx, la guérisseuse s'agrippa tant bien que mal au coup de taureau de Lenny tant sa course était chaotique dans les allées jonchées de détritus et de plaques de tôle.
Comme tout les gens du coin, elle connaissait le grand gaillard, mais pas personnellement. Le fait qu'il travaillait y était pour beaucoup. Seuls les désoeuvrés et les infirmes traînaient dans le ghetto la journée, mais en plus de cela, le type n'avait jamais eu besoin de ses services, et à le voir solide comme un roc, c'était bien compréhensible.

Arrivée aux friches, Zia récupéra ses béquilles, et clopina jusqu'au cercle de curieux.

"Fichez-moi l'camp bande de vautours ! Laissez le petit respirer !" leur cria-t-elle en secouant une de ses béquilles, comme un fermier qui tente d'effrayer les corbaux.
Telle Moïse, elle se fraya un chemin dans la foule jusqu'au blessé.

[Euh, je dois continuer ou j'attends ?]

[hrp : non c'est bien comme ça.]

La foule s'était peu à peu écartée pour laisser passer la guérisseuse.

"Zia est arrivée ! Elle va le sauver !" s'écria une bonne femme hystérique, suivie par plusieurs échos dans la foule. Les regards qui fixaient la mutante étaient emprunts de respect, d'espoir, mais aussi... d'un soupçon de crainte, et l'éclat de la jeune femme n'était pas pour les rassurer. Et si elle leur jetait une malédiction vaudou ?

Zia arriva au centre, où le corps d'un gamin d'environ 10 ans gisait dans une marre de sang. Le grillage qu'il avait tenté d'escalader menait à un flanc de colline, qui descendait jusqu'aux quartiers huppés de la ville. Le peu de blancs qui avaient le courage d'habiter en Haïtie y résidaient, ainsi que certaines familles créole qui avaient fait fortune. Du bidonville, les habitants avaient une vue plongeante sur ce qu'aurait pu être leur vie s'ils étaient nés sous une étoile plus clémente.

Le petit était vivant, son visage crispé de douleur, il semblait marmonner des paroles inintelligibles, les mains pressées contre sa plaie à l'abdomen. Vu l'hémoragie, c'était pas beau à voir.

Zia béquilla son chemin jusqu'au corps, une expression à la fois grave et désenchantée sur les traits : ils la prenaient pour quoi au juste, le messie ?
La mutante aspira une goulée d'air entre ses dents en voyant l'état du môme.
*Il est mal barré...*

"Quelqu'un connaît ce petit ? Allez prévenir ses parents s'il en a !" demanda-t-elle à l'assemblée, avant de lâcher une de ses béquilles et de se servir de l'autre pour s'accroupir doucement près de lui.

"Ecoute bien ma voix." lui dit-elle pour capter son attention. Il fallait à tout prix qu'il reste éveillé. Zia écarta les mains du garçon de sa blessure. L'abdomen était perforé comme une feuille par une agrafeuse. Si elle voulait stoper l'hémoragie, elle allait devoir régénérer tous les tissus endommagés, internes et externes. Ma guérisseuse du bidonville posa ses mains sur le trou béant, et commença a insuffler son pouvoir au coeur de la blessure, en psalmodiant une litanie en créole, plus pour occuper le garçon que par devoir mystique.

Une petite fille d'environ 8 ans se détacha de la foule et repartit en courant vers le bidonville.

Le blessé poussa un gémissement à fendre l'âme. Au bout de quelques minutes, le sang qui coulait allégrement entre les doigts de Zia commença à ralentir, comme une source se tarit dans le désert. Les lésions internes avaient été comblées par des cellules neuves. Des lésions superficielles subsistaient cependant sur la peau de la victime.
Le garçon finit par se détendre et respirer plus lentement.

"Loués soient les dieux ! Zia a encore fait un miracle !" lança Mama Justify en levant les bras au ciel.

Les villageois aidèrent l'enfant à se relever. Le petit semblait sonné et n'en croyait pas ses yeux, mais il semblait hors de danger. Tout autour de Zia, les gens se réjouissaient, l'applaudissaient.
Dans le tumulte, une vieille femme accompagnée de la petite fille de 8 ans arriva pour voir le rescapé, son petit-fils apparemment. Elle tenait un poulet à moitié plumé dans ses bras. Elle se rapprocha de Zia et lui tendit l'animal.

"C'est bien peu comparé à ton miracle, mais c'est tout ce que nous pouvons t'offrir pour te remercier..." dit-elle d'une voix chevrotante.

Le soir venu, les parents de Zia revinrent dans la cahutte. Comme chaque jour, ils avaient parcouru les rues de la ville à la recherche de détritus utilisables, et avaient fait un peu la manche à la sortie des égliges blanches.
Comme toujours le nouveau miracle de l'enfant prodige s'était répandu comme une traînée de poudre dans le bidonville.

Ce n'est que quelques jours plus tard que Mama Justify revint frapper à la porte de Zia.

"Oh, Zia, Zia, tu es là ?" demanda-t-elle comme à son habitude.

Variation sur même thème. Une impression de déjà-vu envahit Zia alors qu'elle se redressait sur sa paillasse. Elle avait passé le reste de la journée à s'interroger sur son avenir. Claquemurée entre les 4 planches de son taudis, la mutante était déjà dans son cercueil.
Il devait bien y avoir autre chose que la misère, la maladie, les rues sordides de Port-Au-Prince...

Encore Justify. Après toutes les fois où elle était venue lui demander de l'aide, Zia aurait reconnu sa voix entre mille.

"C'est pourquoi aujourd'hui ?" lança-t-elle en se retournant tant bien que mal sur sa couchette. En vérité, la mutante s'était exténuée à redonner vie au gamin blessé. Il était hors de question qu'elle remette ça. Elle aurait voulu pouvoir dire à Mama Justify qu'à cause de sa BA, elle serait obligée à se traîner comme une loque pendant plusieurs jours sans pouvoir se soigner elle-même... Mais c'eût été admettre qu'elle pratiquait son art sur son propre corps. Que sans cette puissance occulte, elle pourrait à peine se déplacer sans aide, comme tous ces infirmes, ces malades qui passaient eux aussi leur journée dans le bidonville pendant que les habitants valides essayaient de trouver de quoi nourrir ces bouches inutiles.

Mama Justify ouvrit lentement la porte, qui grinça sur ses gonds. Elle avait la mine grave. Elle fit un pas dans la pièce-maison.

"Le gosse d'hier... Il a la fièvre, sa grand-mère dit que la plaie qu'il lui restait s'est infectée. Il n"y a que moi au courant pour l'instant, mais quand la nouvelle se sera répandue, je ne donne pas cher de ta peau dans le ghetto, Zia." dit-elle d'un ton péremptoire.

La vie au bidonville était dure. Perdre la confiance des habitants, c'était faire une croix sur la protection contre les fripouilles en tout genre qui pullulaient dans le quartier. Zia était reconnue utile pour la communauté. Si elle venait à perdre son statut, dieu seul savait ce qu'il adviendrait de la jeune mutante.

L'expression de Mama Justify était inhabituelle. On aurait dit que quelqu'un était mort. En fait, Zia n'était pas très loin du compte. Soudainement inquiète, elle se redressa vivement sur sa couchette. Elle avait cru que la mauvaise nouvelle concernerait ses parents... Mais elle aurait dû s'en douter... Les conditions d'hygiène étaient telles que la moindre coupure pouvait se transformer en plaie purulente.
Zia pesta contre sa malchance plutôt que pour celle de l'enfant malade. Elle avait déjà beaucoup donné en lui offrant un sursi, et par sa faute elle se retrouvait en mauvaise posture. Son existence entière dans le bidonville était menacée.
Elle fronça les sourcils. Mama Justify détenait sa vie entre ses mains aujourd'hui. Zia l'avait toujours plus ou moins prise de haut. Légèrement hypocondriaque, la bonne femme passait son temps à demander de l'aide à la mutante. Aujourd'hui, son sort dépendait de la façon dont elle parviendrait à dissimuler la vérité aux habitants... si tant était qu'elle le voulût.

"Je dois savoir. Vous allez me protéger ?" demanda-t-elle de but-en-blanc, avec la gravité de celui qui lutte pour sa survie. Etrangement, la situation correspondait à ses désirs d'évasion. Elle comptait s'éloigner du bidonville le temps que l'affaire se tasse : elle ne pouvait plus rien pour l'enfant à présent.

"J'irai voir Lenny, il travaille au port. Je lui demanderai de me tirer de là. J'ai soigné sa pauv' mère avant sa mort, il m'en doit une. Noyez le poisson jusqu'à ce soir, faites ça pour moi..." dit-elle.

Mama Justify pinça ses lèvres charnues. Elle risquait gros à couvrir la fuite de Zia. En l'absence de la jeune femme, les habitants en colère pouvaient détourner leur rage sur elle...
Elle resta silencieuse quelques secondes, qui parurent interminables pour la mutante, puis secoua légèrement la tête, ce qui fit tinter les grigris de pacotille dont elle était parée.

"Zia... C'est dangereux... J'ai une famille à nourir. Toi tu n'as que toi. Si tu pars maintenant, tu innocenteras tes parents. Je ferai de mon mieux pour gagner du temps, mais ça n'ira pas plus loin que cet après-midi : après ça, je deviens ta complice." répondit-elle, le visage attristé. Elle aurait voulu faire plus, mais c'était impossible.

Il devait être aux alentours de 10h du matin. Cela laissait très peu de temps à Zia pour organiser sa fuite du bidonville.

"Prends soin de toi, Zia. On ser reverra peut-être." ajouta Mama Justify avant de s'en retourner vers la ruelle malodorante.

Sur le chemin, quelques vieillards et enfants saluèrent Zia, comme à leur habitude. La nouvelle ne s'était pas encore répandue, sinon quelqu'un l'aurait empêchée de fuir, quitte à la blesser pour ça.

Du bidonville, Zia descendit une longue avenue menant au coeur de la ville. Elle passa par des quartiers plutôt symapthiques comparé à son ancien quartier, mais l'odeur de la misère était comme omniprésente à Port-au-Prince, même dans les lieux les plus agréables, des symptômes étaient visibles : clochards, mendiants, petits trafics au détour des ruelles, absence de la police...

Son périple la mena jusqu'aux docks. Malheureusement elle ne connaissait pas assez Lenny pour savoir à quel secteur il était affecté. Les marins et dockers de tout poil ne prêtaient pas la moindre attention à la mutante, et faisaient leur travail dans la bonne humeur. Elle n'avait que l'embarras du choix pour demander son chemin.

Zia hocha la tête aux personnes qui la saluaient. Si elle se mettait à les ignorer, sa précipitation semblerait encore plus suspecte.

Arpentant les trottoirs de la ville, la jeune femme se dirigea lentement mais sûrement vers les docks. La transpiration coulait le long de son corps devant l'effort inhabituel.
Arrivée aux docks, elle se rendit compte qu'elle n'avait aucun moyen de retrouver Lenny. Elle était partie en urgence, sans réfléchir. Peut-être aurait-elle dû y penser à deux fois...
Zia se résigna à aller voir le premier docker qu'elle trouva pour l'interroger.

"Scusez-moi, je cherche un docker, il s'appelle Lenny. Il est très grand, hyper balèze et il a le crâne rasé. Ca vous dit quelqu'chose ?"

Le vieux bonhomme à qui Zia s'était adressée lui indiqua l'embarcadère où officiait actuellement Lenny. Ce n'était pas tout près et l'effort supplémentaire fatigua la mutante.
Une fois rendue, elle put expliquer la situation au docker.
Celui l'emmena dans un bar pour discuter tranquillement des problèmes de la mutante. Au bout d'un moment, Lenny révéla des faits troublants à la jeune femme : l'existence de mutants dont aurait parlé la presse. Il lui montra quelques coupures de journaux qui traînaient sur le comptoir.

Peut-être que ces marginaux accepteraient de l'aider, elle, une marginale. Payant sa dette envers Zia, le grand gaillard la fit embarquer en douce à bord du premier porte-container en direction des Etats-Unis. Là elle put réfléchir sur sa propre condition tout en faisant du stop jusqu'à Salem Center, ville dudit institut.

[hrp : désolée, j'ai dû accélérer un peu le mouvement. Tu gagnes 2 points que tu pourras mettre dès que tu auras un barème lol]