Une journée de plus (Killarney, Irlande)

Le silence, dans une ruelle sombre du quartier le plus mal fréquenté de Killarney, petite ville d'Irlande. Vu l'état de la ruelle, il ne faisait aucun doute qu'il y avait eu récemment une baguarre. La nuit tombait doucement sur la ville. Les gens rentraient chez eux pour manger. Et puis là, dans cette ruelle, si on regardait bien, on pouvait voir une silhouette.

Oui.. Une jeune fille était là, assise au sol, le dos appuyé contre un mur pourri et fissuré, un mouchoir plaqué contre sa bouche mais en tendant bien l'oreille on pouvait l'entendre rire. Tout doucement, elle riait.

Pourquoi? Eh bien si on avait été là une bonne vingtaine de minutes plus tôt, on aurait vu cette jeune fille se battre contre une autre et remporter une jolie victoire. Et Abaigh, quand elle avait cogné sur quelqu'un et qu'elle avait gagné, elle souriait, riait. C'était une victoire de plus pour se faire respecter dans le quartier et surtout, pour gagner de l'argent.

Elle pariait sans arrêt sur un nouvel adversaire (garçon ou fille), elle fonçait tout le temps dans le tas, et elle gagnait souvent. Oh, il lui était arrivé de perdre plusieurs combats, mais ce soir-là n'était pas un soir de défaite.

Elle finit par s'arrêter de rire et jeta un petit coup d'oeil au mouchoir : il était taché de sang et la lèvre ne semblait pas vouloir arrêter de saigner. Elle avait gagné certes, mais elle avait tout de même récolté une belle coupure à la lèvre inférieure. Qu'importe. Avec un poing de compression, ça allait bien finir par passer.

Un regard à gauche, un regard à droite. C'était désert pour le moment. Un peu trop... Elle n'avait pas encore croisé ses compagnons d'infortune qui vivaient avec elle dans le vieil immeuble abandonné du quartier.

Tout doucement elle se redressa, non sans grimacer de douleur en venant se tenir les côtes du coté gauche : elle avait prit de sacrés coups mine de rien. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu une telle adversaire. Elle allait s'en souvenir un moment de ce combat.

Une fois debout, elle commença à marcher tout doucement afin de sortir de la ruelle. Elle s'était un peu reposée et devait retourner à l'immeuble histoire de manger un tout petit peu. Manger... Sur le coup elle se demanda ce qu'il restait là-bas : aucune idée. Elle le verrait en arrivant à l'immeuble.

Abaigh était tranquillement entrain de marcher, même si la douleur de ses côtes meurtries continuait de se faire sentir. Elle avait cependant fini par s'y habituer et tentait donc de ne pas trop y prêter attention. Pourtant, ce n'était pas facile. Cette fille n'y était pas allée de main morte, trouvant les points sensibles de la jeune Irlandaise. Des points mal protégés. Alors que la boxe, ça la connaissait. Mais l'autre avait parfois utilisé des coups pas toujours règlementaires. Abaigh ne pouvait s'empêcher de grimacer de douleur de temps à autres, mais jamais les gémissements ne franchissaient la barrière de ses lèvres.

Elle arriva bientôt devant l'immeuble dans lequel elle et les autres jeunes squattaient. Mais il y avait quelque chose d'anormal. Plusieurs voitures de police se trouvaient devant. Des hommes en uniforme étaient sur les marches. Ils semblaient attendre quelqu'un. En voyant Abaigh, l'un d'eux se dirigea vers la jeune fille, une feuille à la main.

"Bonjour, Mademoiselle. Nous sommes à la recherche d'une jeune fugueuse. Peut-être la connaissez-vous."

Il lui montra alors la photo de la fille contre laquelle elle venait de se battre et continua:

"Elle a fugué hier de chez elle. Elle peut s'avérer dangereuse."

Ca pour la tirailler, ça la tiraillait. Peu importe les combats, peu importe les adversaires, elle n'avait jamais fait de coup bas. On ne pouvait malheureusement pas en dire autant des autres, et en particulier de la dernière fille contre laquelle elle avait combattu.

Plus elle marchait, et plus elle n'avait qu'une seule hâte : rentrer dans sa chambre, et dormir. Finalement, elle doutait avoir la force de manger. Elle voulait juste se reposer, et oh.. Oui, mettre un peu de glace contre ses côtes. Elle espérait qu'aucune ne soit cassée. La dernière chose dont elle avait envie, c'était de se retrouver à l'hopital.

Mais au lieu du calme qui régnait habituellement en bas de l'immeuble, au lieu de ses amis, elle vit des lumières, puis des voitures de police. Elle se stoppa net. Elle abaissa doucement son mouchoir plaqué contre sa lèvre : celle-ci ne saignait quasiment plus. Son regard balaya les alentours. Jusqu'à présent, elle n'avait eu aucun problème avec la police mais sur le coup, une peur noua son estomac : et si ils étaient venus pour elle.

*Joues la cool... Tu sais pas pour qui ils sont là...*

Pensa-t-elle pour se rassurer lorsqu'un des policiers s'avança vers elle. Tentant de garder un air neutre, elle observa le policier sans faire de pas en arrière, ni en avant. Elle resta simplement là où elle était. Elle tenta même un petit sourire d'accueil au policier : réussit le sourire, tant mieux.

Une fois arrivé face à Abaigh, le policier lui parla de manière calme et pour le moins courtoise, ce qui était bon signe. Après lui avoir dit qu'ils étaient à la recherche d'une fugueuse, il lui montra une photo : c'était la fille contre laquelle elle s'était battue un peu plus tôt.

Abaigh fut surprise, scotchée.. Elle n'était dans la rue que depuis une nuit et elle savait se battre de cette manière?... Impressionnant.

En même temps, le policier ajouta rapidement qu'elle pouvait être dangereuse et Abaigh comprit alors mieux pourquoi elle avait eu du mal à la battre. N'ayant aucune raison de mentir au policier, elle hocha positivement la tête.

"Oui, je l'ai vu il y a quoi... Trente minutes de ça tout au plus. Elle.."

Abaigh pointa sa lèvre du doigt au policier.

"Pour sûre qu'elle est dangereuse. Je vais m'en souvenir de son coup de poing à celle-ci. Par contre, vous dire où elle est partie..."

Elle eut un regard autour d'elle et une nouvelle grimace de douleur. Une côte était cassée, ça ne faisait plus aucun doute.

"Mais y'a plusieurs endroits où les jeunes squattent vous savez, il n'y a pas que cet immeuble. Mais elle ne viendra pas dormir ici vu que j'y suis. Enfin, normalement..."

Une doute naquit alors à l'intérieur d'Abaigh. Si elle était si dangereuse que ça, elle allait sans doute vouloir se venger d'avoir perdu contre Abaigh. Et si elle venait jusqu'à l'immeuble, Abaigh ne serait absolument pas en état de se battre à nouveau : pas ce soir. Alors...

"Si vous voulez, je peux vous montrer les autres endroits possibles où elle peut être... On connaît bien le coin vous savez... Alors si j'peux aider..."

Elle n'avait rien contre la police en général, et si dans le cas présent, les policiers pouvaient lui éviter l'hopital, c'était une raison de plus pour les aider à trouver l'autre folle...

"C'est très gentil de votre part, jeune fille." répondit l'homme en hochant la tête.

Il savait que l'adolescente était une fugueuse. Ce n'était pas la première fois qu'il la voyait. Mais, pour le moment, jamais personne ne s'était plaint d'elle. Personne, non plus, ne l'avait fait rechercher. Il trouvait cela dommage, de laisser ainsi une si jolie jeune fille. Il y avait vraiment des parents irresponsables dans cette ville. Enfin. Il poussa un petit soupir et lui adressa un sourire avant de reprendre:

"Nous aurons sans doute besoin d'un témoignage. Si elle vous a agressée. Il ne faut pas laisser passer cela. Il parait qu'elle a une force hors norme."

Il esquissa une grimace de dégout avant d'ajouter:

"Ces mutants devraient tous être enfermés et répertoriés. On serait plus en sécurité."

Secouant de nouveau la tête, il ajouta:

"S'attaquer à une jeune fille aussi mignonne que vous, ce n'est pas normal."

Le policier avait accepté son aide : tant mieux. Abaigh préférait ne plus savoir cette fille dans les parages. Après ce qu'il s'était passé et ce que le policier avait révélé, il était clair qu'Abaigh et ses amis auraient des nouvelles de la "folle". Oui, Abaigh lui avait donné ce petit surnom qui lui allait, il faut l'avouer, comme un gant.

Mais lorsque le policier parla d'agression Abaigh ne put retenir un sourire, puis un rire qu'elle fut obligée de stopper au maximum pour deux raisons : la première, c'était que sa lèvre venait de se remettre à saigner. La seconde, c'était qu'en riant, sa côte probablement cassée lui faisait encore plus mal. Ah la la...

Elle se reprit donc et essuya le sang de sa lèvre d'un revers de la main avec de la glisser dans sa poche.

"Euh... Pour être franche, elle ne m'a pas vraiment agressé.. Disons.. Qu'on s'est mutuellement tapées dessus. J'me laisse pas faire vous savez."

Et elle en était fière de ne pas se laisser faire.

Puis vint ces quelques mots sur les mutants. Elle tourna son regard vers lui, restant quelques instants silencieuse. Ce double d'elle-même, c'était peut-être ça... Elle était peut-être une mutante, sauf qu'elle n'en était pas du tout certaine. Non, elle n'en savait rien.

Elle esquissa finalement un petit sourire lorsque le policier ajouta que ce n'était pas normal de s'attaquer à une jeune fille aussi mignonne qu'elle. C'était bien la première fois que quelqu'un, en particulier un policier, lui disait une chose pareille. Elle, malgré son attitude, ses fringues, une jeune fille mignonne... Mine de rien, ces petits mots la touchèrent.

"C'est gentil mais, j'suis pas si mignonne que ça. M'enfin vous savez, ici, faut savoir se défendre alors..."

Elle haussa les épaules. La vie dans ce quartier était ainsi. Les coups, la faim, la fatigue, la méfiance : c'était son lot quotidien à la demoiselle.

"Et puis pour nous, se battre c'est normal. C'est nécessaire si on veut pouvoir vivre tranquille."

Un petit silence et elle ajouta finalement.

"En tout cas merci... Vous êtes gentil. C'est... Cool..."

Sous ses airs de fille dure qui ne se laissait pas faire, Abaigh laissa là entrevoir au policier une certaine douceur que lui-même avait réveillé.

Finalement, un petit regard autour d'eux. Elle cherchait un coin où l'autre "folle" aurait pu se planquer.

*Un caractère bien trempé dans un corps aussi fragile, quel paradoxe.* songea l'agent de police.

Il se garda cependant de dire quelque chose. Cette jeune fille, il l'aimait bien. Il aurait, pourtant, pu l'arrêter pour s'être battue dans la rue. Aux jours d'aujourd'hui, c'était interdit et sévèrement puni. Mais il n'avait pas envie qu'elle ait de problèmes. D'un geste tendre, il lui ébouriffa les cheveux.

"Tu n'es peut-être pas très féminine, mais ton visage est très joli. Il renferme une douceur que tu dissimules." fit-il, fin psychologue.

Il hocha la tête à son explication sur la raison pour laquelle elle passait son temps à se battre. Oui, c'était vrai. Pour les gamins des rues, c'était devenue une chose obligatoire pour survivre. Ces adolescents n'avaient souvent pas eu d'enfance.

"Pourquoi as-tu échoué dans la rue?" lui demanda-t-il assez brusquement.

L'ambiance était étrangement légère, et pour Abaigh, c'était vraiment inattendu et surprenant. Bien qu'elle n'ait jamais eu aucun problème avec la police, elle ne se doutait pas que les policiers pouvaient se montrer à ce point compréhensif, et gentil.

Elle était en train de regarder les alentours quand le policier lui ébouriffa les cheveux. Elle fut surprise et sursauta, ne s'y attendant pas, puis releva son minois vers le policier. Sur le moment, son regard, il s'était adouci.

"Vous auriez peut-être dû faire un autre métier que policier."

Lança-t-elle en souriant.

Elle laissa ses cheveux un peu plus en bataille : après tout, ça lui allait très bien, alors qu'ils soient un peu plus ou un peu moins en pagaille, ça n'était pas très important.

Et puis voilà que la pire question qu'il pouvait poser arriva. Pourquoi fallait-il qu'il soit à ce point curieux? Pourquoi demander cela à Abaigh alors qu'il devait très bien se douter que ça allait être douloureux d'en parler pour la demoiselle?...

Elle soupira.

Son sourire s'effaça petit à petit, tandis que son regard se fit un petit peu plus voilé, fuyant.

"Mes parents m'ont jeté dehors... Je crois qu'ils..."

Quel mensonge pouvait-elle inventé? Elle n'allait pas dire au policier que ses parents l'avaient mise dehors parce qu'elle était capable de faire apparaître un double d'elle-même. Il était si gentil avec elle... Elle ne voulait pas qu'il la regarde comme ses parents l'avaient regardée. Elle refusait de voir à nouveau le dégout dans le regard de quelqu'un.

"Qu'ils ne m'aimaient pas... Ils espéraient beaucoup de moi et je n'ai pas été à la hauteur de ce qu'ils espéraient..."

Et ça, ce n'était pas un mensonge. En possédant ce pouvoir, en étant à ce point différente, elle avait déçu ses parents.

"Mais c'est du passé et je préfère vivre avec des gens qui m'aiment. Mes amis sont très gentils... Et puis, un jour la chance va bien finir par tourner."

Et là, elle retrouva son sourire. Elle espérait, elle y croyait. Elle savait que sa bonne étoile s'était juste endormie mais qu'un jour, elle se remettrait à briller, et ce jour là... Ce jour là, la vie d'Abaigh reprendrait un sens.

"Et vous... Comment avez-vous fini dans la police?"

Dit-elle d'un ton léger. Après tout, si lui posait des questions, pourquoi ne pourrait-elle pas en poser?

Faire un autre métier? Oui, il y avait pensé, au début. Quand il avait l'âge de la jeune fille. Non pas qu'il était très vieux maintenant, il n'avait que 24 ans, mais son ancienne vie lui semblait dater d'une éternité, au moins. Le jeune policier soupira. Ce n'était pas flic, qu'il voulait faire, au début. Il voulait être professeur des écoles. Mais la vie en avait décidé autrement et il s'était retrouvé en uniforme. Il hocha tristement la tête à la réflexion de l'adolescente. Celle-ci répondit alors à sa question. Ses parents l'avaient jetée dehors. Cela expliquait donc la raison pour laquelle elle n'était pas recherchée. C'était triste. Vraiment. Et pourtant, il ne put s'empêcher de répondre:

"Je suis persuadé qu'ils t'aiment quand même. Même si tu dis les avoir déçus. Ils étaient peut-être très en colère ce soir-là. Peut-être n'osent-ils pas, maintenant, venir à ta rencontre, tu ne crois pas?" demanda-t-il en posant sa main sur l'épaule de la jeune fille.

Mais elle avait ses amis, la famille que l'on se choisit, malgré les problèmes qu'elle peut apporter. Il acquiesça. Il avait envie de lui dire de rentrer chez elle, qu'il ne fallait pas qu'elle s'entête ainsi. Lui, c'était ce qu'il avait fait. Pour une fille,e t voilà où il était arrivé. La porte de ses rêves s'était définitivement fermée. Et voilà qu'elle lui demandait pourquoi il était flic. Il eut un petit rire dépité et répondit:

"J'ai été jeune. Au même âge que celui que tu as maintenant, j'ai fugué. Pour les yeux d'une fille. Je l'aimais de tout mon coeur, mais elle m'a été ravie par la maladie. Je n'ai rien pu faire. Au début, je voulais être médecin. Je l'avais emmenée en France, sur la Côte d'Azur. Elle ne voulait pas passer ses derniers jours à l'hôpital. Du jour de sa mort, j'ai décidé que je ne voulais plus être médecin. Je suis entré dans la police. Je n'ai jamais revu mes parents, et je le regrette..." expliqua-t-il simplement en observant Abaigh.

"Quel est ton prénom, au fait?"

Ses parents... Aimer Abaigh? Non, plus maintenant. Depuis trois ans qu'elle vivait ici, si ils avaient voulu la revoir, ils l'auraient déjà fait. Mais peut-être qu'une petite part, en eux, regrettait ce qu'ils avaient fait. Abaigh n'y croyait pas du tout...

Quand le policier posa sa main sur l'épaule d'Abaigh, son sourire se fit plus triste tout comme son regard. Il était gentil, mais il avait tort. C'était difficile pour Abaigh de se replonger là-dedans. Depuis tout ce temps, elle n'avait plus du tout parlé de ses parents et les fois où elle avait failli craquer, elle s'était retenue. Elle s'était montrée forte. Mais aux côtés du policier, elle avait cette impression qu'elle pouvait baisser sa garde et laisser ses faiblesses reprendre le dessus : comme si, avec lui, elle était assez en sécurité pour craquer.

Après que le policier eut un étrange petit rire, il répondit à la question d'Abaigh. En lui demandant comment il avait fini dans la police, elle ne pensait pas entendre une telle histoire. Une histoire extrèmement triste. Abaigh se sentit coupable d'avoir réveillé les souvenirs enfouis de ce policier et elle baissa le regard. Elle s'était montrée trop curieuse...

"Pardon..."

Dit-elle, tout bas, dans un murmure presque inaudible. Elle qui était forte, elle qui était dure, avait été touchée par l'histoire du policier. Pourquoi? Eh bien parce que son histoire n'était pas sans lui rappeler la sienne. Et ce qu'avait vecu le policier était bien pire. Il était tombé amoureux et avait perdu son amour. Abaigh n'avait jamais été amoureuse mais elle imaginait la douleur que cela pouvait être : une douleur insupportable. Une douleur vous arrachant le coeur...

Le regard d'Abaigh se releva doucement vers le policier quand il lui demanda son prénom.

"Abaigh... Je m'appelle Abaigh. Et vous?"

Qu'était-il en train de se passer? Eux qui étaient partis à la recherche de la folle se retrouvaient finalement à partager des souvenirs parfois douloureux, à discuter en toute sérénité et en toute confiance. Ils étaient différents et pourtant en de nombreux points similaires.

Cette rencontre, Abaigh ne l'oublierait jamais. Elle était contente que le Destin ait mit ce policier sur son chemin.

L'homme fut surpris d'entendre Abaigh s'excuser. Il avait fini par s'y faire. Il regarda la jeune fille un instant avant de lui sourire. Ce n'était pas si grave que cela, après tout. Il haussa les épaules.

"Un jour, il faudra que j'aille les voir. Mais... Je n'ose pas y aller seul."

Il se tut et observa la jeune fille, attendant avec impatience qu'elle se présente, ce qu'elle ne tarda pas à faire.

"Abaigh? C'est un très joli prénom. Tu es la première Abaigh que je rencontre. Nul doute que tes parents devaient vraiment t'aimer pour te nommer ainsi..."

Il lui sourit avant de répondre à sa question.

"Mike Faerty. Mais tu peux m'appeler Mike. Et me tutoyer, aussi. J'ai l'impression d'être ton père, quand tu me dis 'vous'."

Il lui fit un clin d'oeil et laissa sa main sur l'épaule de la jeune fille pour avancer. Il marqua soudainement un temps d'arrêt. Mike venait d'entendre un bruit de poubelle renversée.

"Reste derrière moi..." fit-il en mettant une main sur son arme et en faisant reculer derrière lui la jeune fille de l'autre.

Décidément, il avait le chic pour mettre le doute à Abaigh en ce qui concernait ses parents... Mais de toute façon, elle savait qu'ils l'aimaient... Oh oui, ils l'avaient aimée de tout leur coeur : jusqu'à ce qu'ils découvrent son pouvoir et là, ils n'avaient pas eu besoin de beaucoup de temps pour la mettre à la porte. Et pour Abaigh, cela signifiait que leur amour n'était pas assez grand.

De même lorsqu'elle leur avait parlé de son double, et qu'ils l'avaient enfermée dans un hopital psychiatrique : quel genre de parents feraient une chose pareille? Ils l'aimaient, mais à leur manière...

Finalement le policier se présenta et demanda à Abaigh de le tutoyer. Décidément, ce n'était pas un policier comme les autres. Quand elle allait raconter à ses amis qu'elle avait rencontré un policier d'une gentillesse pareille, ils n'allaient sans doute pas la croire.

"Mike... Je ne connaissais pas encore de Mike non plus."

Répondit-elle avec un sourire.

"Et puis si je disais vous c'était par politesse. Désolée de t'avoir fait paraître plus vieux."

Ajouta-t-elle d'un ton qui se voulait léger et agréable. C'était étrange de se lier avec un inconnu mais pas désagréable : un nouvel ami. De la police certes, mais un nouvel ami. Tout du moins, c'était ce qu'Abaigh espérait : elle adorait se faire des amis.

Et puis retour à la véritable raison de leur collaboration : une poubelle venait d'être renversée et chose étrange, Abaigh n'y avait pas fait attention. D'ordinaire, dans la rue, ses sens étaient tout le temps aiguisés, mais là... En compagnie de Mike elle avait baissé sa garde : ce n'était pas bon.

Elle le regarda poser sa main sur son arme avec une certaine appréhension. Les coups de feu, elle n'aimait pas ça. Elle s'était toujours battue avec les poings, mais jamais avec une arme, quelle qu'elle soit.

Quand avec son autre main il fit reculer Abaigh, elle glissa ses mains sur le poignet de Mike non pas pour le repousser, mais pour le tenir. Elle n'avait pas peur, alors pourquoi?... Eh bien, tout simplement en raison de son état : elle se savait incapable de combattre et Mike semblait vouloir la protéger.

Pendant des années, elle s'était protégée seule, comme elle le pouvait et pour la première fois depuis trois ans, on voulait la protéger. Alors, elle allait se laisser faire. Après tout, si Mike était là, si c'était lui qui était venu lui parler, ce n'était pas par hasard. Abaigh croyait au Destin. Et peut-être qu'il était temps qu'elle apprenne à se laisser protéger.

"C'est pourtant un nom courant. En fait, c'est le diminutif de Mickaël." expliqua-t-il avec un clin d'oeil à sa jeune compagne.

Si ses collègues avaient été avec lui à ce moment-là, il savait pertinemment ce qu'ils lui auraient dit. Mais Mike se défendait d'être entrain de draguer la jeune fille. Non. Il cherchait, simplement, à la mettre à l'aise. Du moins était-ce ce dont il essayait de se persuader. C'était à ce moment-là qu'il avait entendu ce bruit de poubelles renversées et avait posé la main sur son arme en la mettant derrière lui. Il l'avait alors sentie se raccrocher à son poignet. Oui, il l'avait senti dès le début. C'était une jeune fille sensible, et, malgré l'air fort qu'elle se donnait, elle avait besoin de se sentir protégée et rassurée.

"Ca va aller..." murmura-t-il pour la rassurer.

En même temps, il n'était sûr de rien, mais, lorsqu'il entendit un miaulement et vit un chat surgir de l'endroit d'où était venu le bruit de poubelle renversée, il ne put s'empêcher d'éclater de rire. Ce n'était qu'un chat... Il se retourna vers Abaigh pour lui faire partager le ridicule de la situation mais se figea soudain.

Mike en train de draguer Abaigh? La demoiselle n'avait tellement pas l'habitude de ce genre de choses que si il était effectivement en train de la draguer, elle ne se rendait même pas compte. Cela dit, elle appréciait déjà le jeune homme, sa gentillesse, son attention à son égard.

Accrochée à son poignet, elle se sentait plus sereine, moins stressée par sa douleur qui était à cet instant un handicap certain en cas de combat.

Et puis ce chat... Ce mignon petit chat. Effectivement, la situation était pour le moins ridicule. Ils avaient l'air malin tout les deux, sur leurs gardes, pour un simple petit chat. Et si Mike ne put s'empêcher de rire, il en fut de même pour Abaigh qui éclata de rire presque en même temps que lui.

"Aie.."

Dit-elle tout en riant et en venant poser sa main contre ses côtes. Même si c'était douloureux, elle ne pouvait s'empêcher de rire. Lorsque Mike se retourna vers elle, elle allait dire quelque chose quand il se figea. Là, comme ça : d'un seul coup. On aurait dit qu'il avait vu un fantome.

Abaigh cessa de rire en une fraction de secondes et l'inquiétude fit place sur son visage. L'inquiétude et l'incompréhension. Qu'était-il en train de se passer? Pourquoi Mike s'était figé ainsi? Lui, un policier... Qu'il soit figé ainsi ce n'était, dans un sens, pas bon signe.

"Quoi?..."

Dit-elle tout bas.

C'était derrière elle... La raison pourquoi Mike s'était figé se trouvait derrière elle. Mais elle n'était pas du genre à avoir peur alors, avant que Mike ne prenne la peine de répondre, elle se retourna afin de voir la "chose" qui avait eu un tel effet sur Mike...

Etait-ce la folle ou un de ses collègues? Ou encore autre chose?...

Derrière elle, oui... Trois gros bras armés de longues chaines et de poignards. Mike resserra son étreinte sur Abaigh pour la faire passer derrière lui. Ils étaient tombés dans un guet-apens. Etait-ce de la jeune fille? Non, elle ne savait pas qu'ils devaient venir. Et elle était innocente. Cela se voyait à son regard. Lentement, il fit descendre sa main vers son talkie pour contacter ses collègues alors que les trois hommes s'avançaient.

"Demande renforts allée des bois"

Une voix lui répondit qu'ils étaient en route. Tout ce qu'espérait à présent Mike, c'était qu'ils se dépèchent. Il remit sa main sur son arme et la pointa devant lui.

"N'avancez plus! Ou je tire!" cria-t-il à l'adresse des trois hommes qui éclatèrent de rire.

Ce n'était, apparemment, pas très convaincant. Surtout qu'ils continuèrent à avancer. Mike tira au sol juste devant eux, mais ils continuèrent. Le jeune policier répugnait cependant à tuer quelqu'un devant Abaigh.

A croire qu'elle et Mike manquaient véritablement de chance. Pourquoi fallait-il que ces trois hommes tombent sur eux? Pourquoi pas une autre ruelle?...

Lorsqu'Abaigh se retourna et vit les trois hommes, sa respiration se mit à s'accélérer progressivement. Mike la fit doucement reculer pour qu'elle se place derrière tandis qu'il appelait du renfort. Les gars de la rue, elle les connaissait et renforts ou pas, ils n'allaient pas se gêner pour faire ce qu'ils avaient envie de faire.

Les poings d'Abaigh se resserrèrent sur la chemise de Mike tandis qu'elle observait les trois hommes de derrière lui. Des hommes qui, malgré la sommation de Mike et sa menace de se servir de son arme, continuaient à avancer vers eux, d'un pas décidé : ils étaient déterminés.

Lorsqu'il tira un premier coup de feu, Abaigh sursauta : elle détestait ça. Mais le pire fut qu'en fait, malgré ce coup de feu, les hommes continuèrent à avancer vers elle et Mike.

Que faire? Mike ne semblait pas décider à tirer sur eux et pourtant, il ne fallait pas rester sans rien faire. Peut-être...

*Non...*

Utiliser son pouvoir venait de traverser l'esprit d'Abaigh. Mais elle ne pouvait pas faire ça. Et puis à quoi cela servirait-il? Faire fuir les agresseurs? Si ils n'avaient pas peur d'un coup de feu, ils n'auraient sans doute pas peur d'un ou deux clones... Quoi que... Parfois ce qu'on ne pouvait pas expliquer, ce qu'on ne pouvait pas comprendre effrayait bien plus que la réalité.

Mais le problème était Mike : comment allait-il réagir? Allait-elle devoir s'enfuir ensuite? Sans doute, oui. Et puis de toute façon, le temps n'était plus à la réfléxion mais à l'action!

Même si Mike tirait sur un des agresseurs, rien ne disait qu'il serait assez rapide pour mettre à terre les deux autres avant qu'ils ne leur sautent de dessus... La décision d'Abaigh était prise : elle devait utiliser son pouvoir.

*Pardon Mike...*

Oui, pardon d'être différente.

Elle ferma les yeux quelques instants afin de se concentrer et l'instant d'après, dans un souffle deux clones d'Abaigh prirent forme aux côtés de Mike. Les deux clones fixaient les hommes, sans bouger. Abaigh, de son côté, venait de rouvrir les yeux tout en lâchant Mike avant de venir se placer à sa droite, à côté de l'un des clones.

Il y avait trois Abaigh, et impossible de dire qui était la véritable Abaigh tellement les clones étaient parfaitements identiques. Abaigh était très concentrée, cela lui était nécessaire : elle devait rester calme pour pouvoir contrôler les clones. Clones, qui d'une même voix s'adressèrent aux agresseurs.

"Et ça, ce n'est que le début. On peut faire bien plus..."

C'était la quatrième dimension, et c'était surtout très étrange et sans aucun doute flippant de voir ainsi trois filles parfaitement identiques qui disaient la même chose, parlaient en même temps avec le même ton, la même vitesse : tout, absolument tout était identique.

Mais c'était du bluff, et rien d'autre. Abaigh ne pouvait nullement faire plus et la seule chose que les clones allaient pouvoir faire, c'est sauter sur les mecs pour les cogner un maximum. Abaigh espérait qu'ils allaient simplement être effrayés par la situation et fuir...

Pourquoi?

En venir aux mains serait extrèmement dangereux pour elle. Elle avait très mal aux côtes et ses clones étaient dans le même état. Sauter sur les hommes et les frapper, oui, mais vu son état cela risquait de ne pas être très concluant... Elle ferait de toute façon au mieux, quitte à être laissée sur le carreau.

(HJ : Après relecture de mon sujet et d'autres sujets, je viens de me rendre compte que peut-être, je n'aurais pas du aller jusque là dans l'utilisation du pouvoir d'Abaigh, sans que vous l'acceptiez. Si jamais il y a problème, je changerai la fin de mon post ^^")

[j'accepte pour cette fois, puisque c'était ce à quoi je voulais te mener Wink

]

Les trois hommes avaient ricané au coup de feu tiré par Mike. Pas un seul n'avait sursauté. Cependant, lorsqu'Abaigh vint en renfort en faisant apparaître ses doubles qui, bien qu'aussi blessés que la jeune mutante, avaient aussi fière allure qu'elle et se placèrent autour du policier et de la jeune fille. Celui-ci ne fit d'abord pas attention. Il tira une nouvelle fois juste devant les pieds du meneur et vit avec soulagement l'expression de leur visage changer pour se muer en peur pure et simple. Sans demander leur reste, les trois hommes s'enfuirent.

Mike se retourna alors vers l'une des trois Abaigh et remarqua alors les doubles. Il marqua un temps d'arrêt. Son visage blémit un instant, mais il ne bougea pas. Il détailla attentivement les trois visages avant de s'arrêter sur un au moment où les clones disparaissaient.

"Je... Je n'aurais jamais cru ça..." fit-il en secouant la tête.

Sa surprise se lisait sur son visage. Il esquissa finalement un petit sourire avant de lacher:

"Merci, Abaigh. Sans toi..."

(HJ : Merci =])

Parfois, ce qu'on espère de tout son être se produit. Parfois, la chance tourne et vous évite des drames. Parfois... Et aujourd'hui, la chance était du côté d'Abaigh et de Mike.

Lorsque celui-ci tira un nouveau coup de feu, Abaigh sursauta à nouveau et à ce moment là les clones vacillèrent pendant une fraction de seconde. Elle parvint cependant à garder sa concentration et les clones restèrent là, à fixer les trois hommes qui semblaient prendre peur.

Oui, ils avaient bel et bien peur. Et cette peur les força à s'enfuir.

Abaigh ferma les yeux et soupira de soulagement une fois que les hommes furent hors de vue. Elle remercia intérieurement sa bonne étoile d'avoir su briller un petit peu à ce moment-là.

Elle rouvrit les yeux et posa son regard pour le moins anxieux sur Mike. Il était pâle : normal... Les clones finirent par disparaitre exactement dans le même souffle que lorsqu'ils étaient apparus. Et Abaigh, elle, avait très peur. Elle fit même un pas en arrière, appréhendant la réaction de Mike.

Dans les yeux de la jeune fille, on pouvait lire cette peur. Elle était plus que palpable. Et lorsque Mike secoua la tête, Abaigh baissa doucement le regard, puis le visage. Des larmes vinrent perler au coin de ses yeux lorsque Mike prit doucement la parole. Tout était terminé. Elle aurait voulu s'exuser mais ne trouva aucun mot.

Et puis Mike ajouta autre chose. D'abord surprise par ce qu'elle venait d'entendre, elle releva finalement son regard brillant de larmes vers lui. Il venait de la remercier et il souriait.

Etait-elle en train de rêver? Non... C'était bien réel. Mike ne la rejetait pas, au contraire. Partout et toujours des gens vous surprennent, même quand on n'y croît plus.

Ne pouvant retenir ses larmes, la demoiselle éclata littéralement en sanglots avant de plaquer ses mains contre son visage. Ses épaules tremblaient, et elle semblait être pour le moment incapable de se calmer. Là, debout, dans cette ruelle, elle craquait enfin.

La gentillesse dont Mike avait fait preuve, sa douceur et surtout sa compréhension avaient profondément ému Abaigh. Elle avait finir par laisser s'écouler ces larmes de tristesse, de joie, de soulagement qu'elle avait gardé en elle trop longtemps.

"Merci..."

Glissa-t-elle entre deux sanglots. Etrange situation... Elle qui semblait si forte, si sûre d'elle, si prête à faire face à tout ce qui pouvait arriver était là plus faible, plus sensible. Mike avait brisé la carapace d'Abaigh et il était le premier à avoir réussi.

Mike lui-même était surpris de sa réaction. Lui qui avait toujours été si vindicatif à l'encontre des mutants, voilà qu'une jeune fille le faisait fondre et le faisait revenir sur son jugement. Il fallait avouer, aussi qu'elle venait de lui sauver la vie. Il posa une main sur l'épaule de la jeune fille et fit quelques pas avec elle pour retourner vers la maison dans laquelle elle logeait avec les autres squatteurs.

"Allez viens, ça ne sert à rien, je crois..."

Il lui sourit avant de détourner les yeux, sans lacher son épaule:

"C'est à cause de ça que tu es partie de chez tes parents?" demanda-t-il de sa voix trop douce pour un policier.

Tout en écoutant sa réponse, il continua de marcher le long de la rue, restant aux aguets. Bientôt, ils revinrent au squat. Ses collègues avaient attrapé les trois hommes. Ils n'avaient, cependant, pas retrouvé la jeune fille qu'ils recherchaient. Ce serait pour une prochaine fois, sans doute... Avant de la laisser rentrer, il reprit la parole.

"Je repasserai te voir demain. Je voudrais que tu réfléchisses à une chose. De mon côté, je vais voir ce que je peux faire pour t'aider. Mais en échange, je voudrais qu'on passe voir tes parents, toi et moi.."

Main sur l'épaule, encore quelques sanglots avant de relever doucement son minois vers Mike. Les joues noyées de larmes, elle l'observa quelques instants silencieuse avant de s'avancer à ses côtés lorsqu'il entreprit de reprendre la marche vers le squatt d'Abaigh et des autres jeunes.

Le sourire de Mike réchauffait le coeur d'Abaigh et lui faisait un bien fou. Lentement elle essuya ses larmes et esquissa à son tour un sourire sans pour autant rien ajouter au départ. Elle semblait même un petit peu ailleurs...

Puis elle fut piquée au vif lorsque Mike posa la question à laquelle elle ne pouvait pas mentir. Ou tout du moins, à laquelle elle ne pouvait plus mentir. Pas après ce qu'il s'était passé. Elle dirait tout à Mike, elle ne mentirait plus.

Elle acquiessa d'un petit mouvement de la tête tout en continuant à s'avancer avant de doucement répondre à Mike.

"Oui... Mais en fait, je ne suis pas vraiment partie... Ils m'ont..."

Elle soupira. Elle n'avait jamais parlé à personne de ce qu'il s'était produit entre elle et ses parents. C'était le moment où jamais.

"J'ai été enfermée dans une clinique... Chez les fous... Ils m'ont cru folle alliée quand j'ai parlé de ce qui m'arrivait..."

Nerveuse, elle tortaillait entre ses doigts le tissu de son t-shirt.

"J'ai fini par en sortir et puis ils ont vu mon double. C'est là que j'ai été mise à la porte..."

Ils étaient arrivés devant le squatt. Elle se tourna vers Mike et tenta un sourire. Tentative vaine. Reparler de cette période était difficile pour Abaigh. Elle n'avait même pas fait attention aux collègues de Mike et aux hommes arrêtés.

Cela dit, le fait que Mike propose de revenir la voir demain lui arracha finalement l'esquisse d'un sourire. Savoir qu'il allait revenir, pour elle, c'était quelque chose de grand. Qui plus est, il voulait essayer de l'aider. Cependant, il y avait une condition et pas des moindres...

"Voir mes parents?..."

Le regard d'Abaigh se voila quelque peu et elle le détourna. Son visage se referma d'ailleurs aussi sec.

"Ils ne veulent pas de moi tu sais... J'suis un monstre, un démon pour eux..."

Sa voix était soudainement plus lointaine, plus détachée. Elle releva finalement son regard vers Mike.

"Mais si tu veux qu'on y aille..."

Un silence.

"On ira... D'accord. Mais j't'aurais prévenu... J'suis pas la bienvenue."

Elle haussa les épaules et se tourna vers l'immeuble qui se trouvait derrière elle.

"Tu reviendras vraiment me voir demain? C'est promis?..."

Tout doucement, elle se retourna vers Mike, vers celui qui était devenu un nouvel ami, un confident, un protecteur en très peu de temps. Et dans les yeux d'Abaigh, on voyait qu'elle comptait sur lui. Oui, elle comptait sur sa venue le lendemain. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle avait accepté de retourner voir ses parents. Uniquement pour le revoir et lui faire plaisir, lui montrer qu'elle pouvait y mettre de la bonne volonté.

Elle voulait en fait, qu'il soit tout simplement fier d'elle.

"Je suis sûr qu'ils regrettent" répondit simplement le jeune homme en adressant un sourire tendre à la jeune fille.

Comment ne pas regretter un tel petit rayon de soleil? Une jeune fille fragile mais qui refusait de le montrer? Non, vraiment, c'était impossible. Mike savait pertinemment qu'il ne l'abandonnerait pas. Il ferait tout pour l'aider et, même après, même si elle partait, il resterait là pour elle et garderait le contact avec elle.

"Ca se passera bien." lui promit-il.

En voyant le regard voilé de tristesse de la jeune fille, il ne put retenir un élan de tendresse envers elle et déposa un baiser sur son front.

"Je serai là demain, à la première heure. Essaye de soignre un peu ces blessures..." fit-il avec un petit clin d'oeil.

Sur ces mots, il la raccompagna jusqu'à la porte du squat et ressortit. Il reviendrait le lendemain. Il n'y manquerait pas. D'ailleurs, la promesse que venait de lui faire la jeune fille de voir ses parents le lendemain réveilla son envie de voir les siens. Mais il avait une promesse à tenir. Il repartit vers les voitures et se retourna vers l'immeuble avant de quitter les lieux.

*Demain sera un autre jour...* songea-t-il.

Qu'ils regrettent? Peut-être... Mike et Abaigh le découvriraient de toute façon le lendemain. Mike lui promit que les choses allaient bien se passer, et Abaigh en réponse lui sourit. Elle avait confiance en lui. Et puis, même si les choses ne se passaient pas très bien, elle ne serait pas seule face à ses parents : Mike serait là, à ses côtés, alors oui, tout irait bien.

Lorsqu'il lui demanda d'essayer de soigner un petit peu ses blessures, elle hocha positivement la tête.

"C'est promis. Je vais faire ce qu'il faut."

Tout du moins ce qu'elle était capable de faire pour soulager un peu la douleur : désinfecter sa lèvre, se faire un bandage conséquent au niveau des côtes, et avoir une bonne nuit de sommeil.

Une fois qu'il eut raccompagné Abaigh jusqu'à l'entrée, elle leva doucement sa main pour dire au revoir à Mike avant d'entrer à l'intérieur de l'immeuble. Cachée sur le pas de la porte, elle observa Mike se retourner, dans l'ombre, un petit sourire aux lèvres.

Elle se retourna finalement et monta doucement les marches. Bien plus doucement qu'à l'ordinaire : elle avait mal aux côtes, et était fatiguée. Fort heureusement, son "appartement" se trouvait au premier étage, et les efforts furent donc largement supportables.

Arrivée à l'appartement, elle entra à l'intérieur, et alluma quelques bougies. L'intérieur de l'appartement était très Spartiate : Abaigh avait juste ce qu'il fallait pour vivre, ou plutôt survivre.

Le bougies, allumées, elle se dirigea dans ce qui lui servait de salle de bain et retira son t-shirt. C'est là qu'elle se rendit compte du sacré hématome qui parcourait son flanc gauche : les côtes étaient donc bel et bien cassées. Elle soupira.

Après s'être déshabillée, elle se glissa finalement dans la douche afin de se décrasser. Fort heureusement, il y avait malgré tout l'eau courante dans l'immeuble. Mais l'eau était froide. Cela dit, les douches étaient toujours très courtes, et à force, elle s'était habituée à cette température.

Après cette courte douche, elle désinfecta un peu sa lèvre et entreprit de bander avec fermeté ses côtes. Elle avait toujours de quoi se soigner. Il s'agissait du minimum à avoir étant donné les combats auxquels elle s'adonnait presque tout les jours.

Elle enfila finalement une large chemise et, à bout de forces, alla s'allonger sur le matelas installé dans la pièce principale (qui était en réalité la seule pièce où elle pouvait dormir étant donné que l'appartement ne possédait que trois pièces : cette grande pièce, la salle de bain, et les toilettes).

Allongée sur le dos, elle soupira de fatigue avant de réfléchir à la journée qu'elle avait eu. Il ne faisait aucun doute que cette journée avait été la plus incroyable depuis son départ de chez ses parents.

Ses parents...

A l'idée de les revoir, Abaigh était anxieuse mais aussi un peu impatiente. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle pensa, pendant quelques instants, que ses parents allaient peut-être être heureux de la revoir.

Et quand elle pensa à Mike, son sourire s'élargit. Elle ferma finalement les yeux, en pensant à celui qui avait su réveiller son coeur endormi.

Au bout de quelques minutes, elle se détendit assez pour sans doute, trouver le sommeil et avoir une bonne nuit de repos : elle en avait grand besoin.

La nuit d'Abaigh s'était déroulée trnaquillement. Un sommeil réparateur peuplé de rêves apaisants.[je te laisse les imaginer si tu le souhaites] Du côté de Mike, cependant, la nuit n'avait été que peu réparatrice. En revenant au commissariat, il avait du faire une déclaration quant à l'attaque des trois zigotos, en omettant, bien entendu d'impliquer Abaigh et son pouvoir là dedans, ce qui avait eu des conséquences déplorables pour les trois hommes qui passaient maintenant pour fous.

Une fois rentré, il s'était posé devant son ordinateur, une pile de journaux sur les genoux. Et il avait cherché. Il avait entendu parler d'un endroit pour les mutants. Il ne s'arrêterait pas avant d'en avoir trouvé la trace. Et ce fut bientôt chose faite. Il lut tout ce qui se disait sur cet endroit. Des points les plus positifs aux points les plus négatifs. Néanmoins, une conclusion lui vint à l'esprit: C'était l'endroit idéal pour aider Abaigh. La jeune fille était quelqu'un de sensible. Elle avait besoin de soutien. Il n'avait pas pu manquer de le remarquer. Il nota donc l'adresse.

Il se mit, ensuite, en quête de celle des parents de la jeune fille. Afin de ne pas trouver porte close au matin. Ce ne fut qu'après qu'il alla à son tour se coucher pour se lever trois heures plus tard.

Il était nerveux. Presque autant que le jour où il avait reçu son diplôme pour intégrer la police. Il s'habilla fébrilement, en civil mais garda cependant sa plaque avec lui. Il hésita à garder son arme, et fit, finalement, de même que pour la plaque. C'était plus prudent. Avant de sortir, il attraoa ses clefs de voiture pour aller chercher Abaigh. Il parvint, bientôt, devant son immeuble et attendit patiemment que la jeune fille arrive.

Effectivement, la nuit d'Abaigh fut sans doute l'une des plus calme qu'elle eut passée dans l'immeuble. Epuisée, elle s'était endormi en quelques minutes à peine et avait fini par rejoindre le pays des songes. Et quels songes... Pour la première fois depuis longtemps, son sommeil ne fut pas agité et ses rêves ne furent ni sombres, ni cauchemardesques.

Elle ne se souvenait jamais réellement des rêves qu'elle faisait, mais elle en gardait une trace, des sensations, des impressions, et en général, elles n'étaient pas très bonnes. Mais au réveil, ce matin-là, elle se sentait apaisée et... Oui, plutôt heureuse. Peut-être avait-elle rêvé de Mike, des retrouvailles avec ses parents. Elle n'en savait rien mais lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle ne put s'empêcher de sourire.

Elle resta de longues minutes allongée sur son matelas, à fixer le plafond. Le plafond n'était pas très agréable à regarder mais qu'importe. Elle s'étira avant de s'assoir doucement avec une petite grimace de douleur. Les côtes : elles les avaient oubliées celles-là...

Elle se leva finalement et alla direction la salle de bain. Une petite douche, décrassage, le bandage refait (l'hématome s'était étalé), elle eut du mal à se décider pour trouver quoi porter. En fait, elle n'avait pas beaucoup de choix étant donné que ses fringues étaient toutes dans le même style, mais elle voulait faire bonne impression sur ses parents. Elle se décida finalement pour un simple jean, un débardeur noir avec un petit col roulé, et ses éternelles Converse (elles étaient vieilles mais elles étaient un peu comme ses baskets porte-bonheur).

Elle retourna dans la pièce principale, attrapa quelques biscottes dans un placard et alla s'assoir ensuite sur le rebord de la fenêtre afin de surveiller l'arrivée de Mike. Elle était impatiente de le revoir.

Grignottant ses biscottes, elle descendit rapidement du rebord lorsqu'elle vit Mike arriver. Grand sourire aux lèvres (la coupure était désinfectée et bien que voyante, elle n'avait nullement défiguré Abaigh), elle fonça hors de l'appartement, descendit rapidement les escaliers (malgré la douleur, elle était en forme et bien reposée).

Une fois hors de l'immeuble, elle salua Mike d'un grand signe de la main, accompagné d'un large sourire. Elle s'avança vers la voiture et n'osant pas y monter, attendit que Mike en sorte ou, lui dise de monter directement.

Mike sourit en voyant Abaigh arriver. Elle avait netteme meilleure mine que la veille. Ce qu'il faudrait trouver, c'était une justification à ses bleus et à sa lèvre fendue. Enfin... Le jeune policier trouverait bien... Il lui fit signe de monter dasn la voiture. Une fois qu'elle eut pris place à côté de lui, il se pencha pour déposer un baiser sur le front de la jeune fille. Il se mit ensuite en route.

"J'ai fait ce que je t'avais promis. J'ai trouvé un endroit pour les mutants, aux Etats-Unis. Si tu veux, regarde sur le siège... Il y a des articles à ce sujet."

Dans l'un de ses articles, l'adresse de ce fameux institut était donné. Une chose était sûre, cependant, c'était que le ton était plutôt agressif.

"J'ai l'impression que les avis sur cet institut sont assez partagés..." fit le jeune homme en se garant devant une belle maison.

Ils étaient arrivés. A peine eut-il garé la voiture qu'un couple et un petit garçon de deux ans sortirent sur le perron. Les parents d'Abaigh avaient-ils adopté? Etaient-il parvenus à refaire un enfant?

"Nous y sommes..." dit-il après avoir fait le tour de la voiture pour ouvrir la portière à Abaigh.

*L'heure de vérité...*

Après que Mike lui ait fait signe de monter en voiture, elle s'éxécuta et ouvrit donc la portière avant de s'installer côté passager. Mike déposa un tendre baiser sur le front d'Abaigh et la demoiselle lui sourit avec tendresse. Elle mit sa ceinture et s'installa confortablement dans le fond de son siège.

Puis Mike lui parla de ce qu'il avait trouvé : Abaigh porta toute son attention sur lui, écoutant attentivement ses explications. D'après ce qu'il disait, il avait trouvé une sorte de refuge pour Mutants. Il avait même ramené quelques articles. Abaigh vint s'en saisir avant de les feuilleter brièvement.

Effectivement, ce refuge existait bel et bien mais il était aux Etats-Unis, et ce n'était pas la porte à côté. Tandis qu'il se garait devant une maison plus que ravissante, Abaigh continuait de feuilleter les articles. Elle esquissa un bref sourire à Mike, en cachant au minimum sa déception.

Pourquoi cette déception?

Eh bien, si tôt que Mike avait parlé de ce refuge Abaigh s'était imaginée s'y rendre, mais étant donné qu'il se trouvait aux Etats-Unis, il lui était impossible d'y aller. Elle avait déjà du mal à se nourrir alors se payer un billet d'avion pour les U.S.A... Cependant, elle ne laissa rien paraître et se contenta de parler avec le plus de détachement possible.

"C'est très gentil, merci. Tu as fait tout ça..."

Elle haussa doucement les épaules avant de reposer les articles à leur place inititale.

"Mais je ne sais pas... Tu sais, j'ai mes amis ici alors..."

Ajouta-t-elle. Elle se perdit quelques instants dans ses pensées. Ce refuge... Cela devait vraiment être un endroit magique. Un endroit où tout le monde était différent, mais un endroit où ces différences n'avaient justement pas d'importance.

Et puis, retour à la réalité, à l'endroit où ils devaient se rendre : chez ses parents. Mike venait de faire le tour de la voiture pour lui ouvrir la portière et pour lui dire qu'ils étaient arrivés à destination. Elle tourna lentement le visage pour observer l'extérieur et aperçut ses parents, accompagnés d'un petit garçon qui devait avoir 2 ans à peine.

Son coeur se mit à battre la chamade, et son regard trahissait sa tristesse. Le fait qu'ils aient eu un autre enfant blessait profondément Abaigh. Ce petit garçon n'y était pour rien, mais c'était comme si ses parents avaient décidé de la remplacer, et ça, ça lui faisait beaucoup de mal.

Elle sortit finalement de la voiture et se tint à côté de Mike, se collant un peu à lui, comme pour se cacher. Elle qui était forte, préférait se cacher face à ses parents. Son comportement était plus que compréhensible étant donné les horreurs qu'elle avait vecu.

"Ce n'est pas une bonne idée..."

Murmura-t-elle à Mike, la voix tremblante.

"Ils m'ont oubliée, ils... N'ont pas besoin de moi."

Son regard se posait de temps à autres furtivement sur ses parents. Elle appréhendait leur réaction.

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