Kinshasa, Congo

"Hello Firestorm. J'ai réfléchi. Je veux bien te rencontrer. Retrouve moi au Grand Hotel Kinshasa a 18h00. Je serai habillé de rouge."

***

Accoudé au bar du luxueux Grand Hotel Kinshasa, Bart attendais son contact. Il etait venu des reception du mail de rendez vous, et se posait a présent toutes sortes de questions. Celui - ou celle - qu'il devait rencontrer n'avait donné aucune précision sur son identité réelle. Il ne le connaissait que sous le pseudonyme de "CriDuCoeur", le webmaster d'un site internet affichant de nombreux articles de presse parallele, dossiers chocs et autres photos d'OVNI. En temps normal, Bart se serait gentiment moqué de ces bétises et des gens qui y croyaient, mais il avait remarqué un ensemble d'articles, bien sur anonymes, sur des phénomenes sortant de l'ordinaire et concernant le plus souvent de jeunes adolescents. Cela avait allumé une petite lanterne dans l'esprit du jeune Kinois. Apres plus d'un mois de pourparlers, il avait enfin réussi a convaincre CriDuCoeur de le rencontrer. Cela n'avait pas été sans mal, et il avait prévu une petite somme d'argent pour le cas ou il lui faudrait aussi le persuader de rester ...

Ecrasant une cigarette, il jeta un oeil au dehors. La fourmiliere humaine, la giganteste, la tentaculaire Kinshasa, l'une des villes les plus peuplées d'Afrique, et l'une des agglomérations les plus polluées au monde, s'activait de l'autre coté des vitres. La saison sèche s'étirait en longueur et les pluies battantes n'avaient pas encore commencé a délaver les rues et les murs. Le quartier de l'hotel avait été bétonné depuis longtemps, mais il ne s'agissait que d'une facade pour touriste, et Bart savait bien qu'il suffisait de s'en éloigner un peu pour découvrir la ville-ordure, Kin la Poubelle, un autre monde. Bart ria interrieurement en songeant que lui meme vivait dans un quartier moderne et bien entretenu.

Il n'y avait rien a faire ici. Apres son rendez vous, peut etre qu'il irait dans un de ces bars pour passer la soirée a boire avec des amis. Il s'impatientait déja. Quand arrivera donc CriDuCoeur ?

(je rappelle que le passé simple du verbe rire est "je ris tu ris il rit nous rîmes vous rîtes ils rirent. Merci d'avance)

Un serveur vint frapper à l'épaule de Barthélémy, une flûte de champagne à la main.

"Excusez-moi monsieur, cette demoiselle là-bas vous a fait porter cette flûte de champagne."

Il lui montra une pulpeuse jeune femme blonde aux yeux bleus, vêtue d'une élégante robe rouge, classe et sobre, parvenant à détonner malgré la débauche de luxe autour. Elle le salua en levant une flûte de champagne, puis se leva, le regardant, et alla s'adosser à une colonne de faux-marbre, regardant subitement ailleurs, et faisant un signe à quelqu'un d'autre.

Cette autre personne était un homme vêtu d'un complet blanc, d'allure discrète.



Lui et la jeune femme, simultanément, lui adressèrent un salut, toujours en levant la flûte de champagne.

Un peu interloqué, Bart leva sa flute pour répondre au salut, d'abord en direction de la jeune femme, puis, avec quelques hésitations, vers l'homme en blanc. Il ne savait comment réagir. Il s'était certes attendu a quelque riche personne, car le Grand Hotel Kinshasa n'ouvrait pas ses portes a n'importe qui. Cependant, il aurait presque juré que l'auteur de ces articles était Kinois, ou au moins Congolais. Certainement pas un couple de Blancs qui tenaient plus de richissimes touristes d'Europe ou des Etats Unis. Mais cette femme portait une robe rouge. Etait elle CriDuCoeur ?

Bart trempa ses levres. Il n'avait pas l'habitude de boire du champagne, mais il pouvait tout de meme assurer qu'il s'agissait d'un des meilleurs. Un peu maladroitement, il pris une nouvelle gorgée, et encore une suivante, la tete renversée il savourait la fraicheur du liquide pétillant comme s'il s'agissait d'un vulgaire soda. Il remit sa flute au serveur, médusé par un tel manque de savoir vivre.

Les choses parurent plus simple a Bart. Il lui suffisait d'aller directement a la rencontre de cette jeune et attirante demoiselle et de lui demander les raisons de sa présence ici. S'il ne s'agissait pas de CriDuCoeur, il n'y perdrait pas vraiment au change. Il ne perdit pas non plus de temps et s'avanca jusqu'a se tenir face a la jeune femme, a qui il adressait un improbable sourire.

"Mademoiselle ... je tenais a vous remercier pour cette attention dont vous avez fait preuve a mon égard de par le fait que vous ... hum ... Puis je vous demander ce que vous faites a Kinshasa ? Vous etes en voyage avec votre compagnon ? Ou bien, attendez vous un ami ici ?"

La jeune femme blonde trempa ses lèvres dans le champagne, un sourire mutin aux lèvres, sans répondre à sa question. Elle semblait très amusée par la situation, et prit Bart par le bras, toujours sans lâcher un mot, et l'entraîna un peu à l'écart, dans un salon moins fréquenté où seul un serveur leur adressa un regard.

Ils s'installèrent dans deux fauteuils en vis à vis, puis la fille croisa voluptueusement ses jambes, et lui envoya un baiser du bout des doigts avant de se volatiliser dans l'air, comme si elle n'avait jamais existé. Son allure, son parfum, même sa flûte de champagne avaient subitement disparu.

Une voix se fit entendre derrière lui.

"Me permettrez-vous de me joindre à vous ?"

C'était l'homme en blanc.

Bart avait encore la bouche grande ouverte, figé par la surprise et l'incompréhension. Il sursauta et se tourna brusquement vers l'homme. Il levait vers lui de grands yeux étonnés, completement perdu. Les dernieres vapeurs d'alcool s'étaient évaporées en un instant, et il regarda une fois encore le fauteuil vide, incroyablement vide, bien plus vide que tous les fauteuils vides qui les entourraient. Tandis que ses sens affirmaient doucement leur voix, baillonnant la raison, il prenait doucement conscience qu'il avait été joué, d'une facon ou d'une autre.

Mais il ne se sentait pas vraiment inquiet. Reprenant ses esprits, il ouvrit le bras en un vague geste d'accueil, invitant l'homme en blanc a prendre place. Il attendit qu'il fut installé pour lui poser la question qui lui brulait les lèvres :

"Etes vous CriDuCoeur ? Etes vous un magicien, une sorte d'illusioniste ? Comment est-ce possible ?"

L'homme s'installa tranquillement sur le fauteuil. Il dégageait l'impression étrange qu'on ces gens qui font habituellement partie de la foule des invisibles et des anonymes, ces gens qu'on croise sans les regarder, ni même penser à leur vie à coté, et pourtant, son regard était intense et pénétrant, semblant enregistrer tout ce qui se déroulait de façon plus ou moins consciente.

Il répondit tranquillement, tout en faisant un signe congédiant le serveur qui s'approchait.

"Magicien, illusionniste ? Etrange..."

Il pointa ses yeux sombres sur Bart un instant.

"Je m'attendais à mieux de la part de Firestorm. Ou bien c'est cette pulpeuse demoiselle qui vous a passé les neurones à la centrifugeuse ?"

Bart était captivé par ce regard profond. Il ressentait curieusement la meme gene que devant des objectifs d'appareils photo ou de caméras vidéos. Il se sentait scruté, étudié, analysé, et il n'aimait pas cela. Cela le dérangeait d'autant plus que la personne qu'il avait en face de lui faisait preuve d'un curieux charisme, une sorte de confiance en soi qui imposait le respect. La encore, il mis un temps a reprendre ses esprits, et a répondre a la remarque - au reproche a peine déguisé ! - que lui avait cet homme en blanc.

Il s'éclaircit la voix et se pencha en avant. Sa voix reprit une certaine assurance, celle qui faisait sa fierté et qui l'avait déja sorti de bien des situations délicates. La plupart des adultes ne le considéraient plus vraiment comme un enfant lorsqu'il se mettait a parler calmement, posément, choisissant ses mots avec soin. C'est donc avec un timbre de voix beaucoup plus mature qu'il poursuivit la discussion.

"A quoi vous attendiez vous ? Je n'ai jamais cherché a paraitre d'avantage que je ne suis. Je suis un simple étudiant qui se pose des questions. Tous les adolescents se posent des questions. J'ai trouvé des réponses, ou du moins des pistes sur ce site internet. Mais peut etre que ces pistes ne sont que d'autres illusions ...

D'ailleurs, vous ne m'avez pas répondu : Etes vous CriDuCoeur ? Je dois avouer que je m'attendais a un homme du pays, un journaliste free-lance ou activiste un peu allumé. Vous, pardonnez moi, mais vous avez l'air d'un dandy égaré en pleine Afrique. Votre costume est parfait pour les réceptions climatisées, mais ici, il fait tache. Etes vous de Kinshasa ?"

A mesure qu'il parlait, il reprenait sa sérénité. Tous ses sens étaient en éveil et ses pensées s'accéléraient. Il etait devenu, lui aussi, une caméra enregistrant l'entretien. C'etait l'effet que lui faisait chaque fois ce genre de discussion sérieuse.

CriduCoeur croisa simplement les jambes, en souriant.

"Cette splendide jeune femme blonde n'était que le fruit de votre imagination... Peut-être le suis-je aussi ? Peut-être me voyez vous tel que vous voulez que je sois..."

Il croisa les mains sur sa poitrine, affichant un sourire assez mystérieux. Était-il l'un de ces mutants aux facultés psychiques dont parlaient les journaux ?

"Si nous parlions plutôt de vous. Vous m'avez l'air de chercher des réponses désespérément. En tout cas, c'est la raison pour laquelle vous avez fait toutes ces recherches, et vous m'avez finalement trouvé. Les mutants ne sont pas une illusion, ça, vous le savez déjà. Alors... Qu'attendez-vous de moi ?"

Apres un instant, Bart abandonna l'idée de faire dire a l'homme d'ou il venait. Comme il l'avait dit, peut etre n'etait il qu'une autre illusion, mais celle ci semblait plus reele, et en outre, elle parlait, chose dont la jeune femme semblait incapable.

"Vous avez l'air d'en savoir beaucoup sur ces ... mutants. J'aimerais également savoir. Je voudrais apprendre ce qu'il y a a savoir sur eux. Vous savez, de part chez nous, personne n'en parle, ce n'est pas un sujet qu'on aborde en cours ou en famille. D'ailleurs, je n'aurais jamais soupsonné leur existence si ... enfin, disons que certaines choses dont j'ai été témoin m'ont fait douter.

Ces mutants, sont ils nombreux ? Peut on les rencontrer facilement ? Sont ils dangereux ... je veux dire, si vous en etes, je ne voulais pas vous vexer, mais ... cela est un peu inquietant. J'ai beaucoup d'autres questions de ce genre."

Puis, se concentrant a nouveau sur son interlocuteur :

"Il n'est peut etre pas si surprenant que vous n'ayez pas le type Congolais. Apres tout, il n'y a peut etre pas de cas de ... mutations ici, n'est ce pas ?"

Criducoeur jouait avec ses pouces, amusé par toutes ces questions, comme en face d'une fillette qui passe son temps à dire pourquoi pourquoi, et pourquoi monsieur il faut pas...

Il laissa échapper un petit rire

"Je suis rassuré de voir que le racisme a encore de beaux jours devant lui, à vos dires... Je doute que la mutation soit sélective des populations blanches. Nombreux ? ça commence, en effet. Les rencontrer facilement ? Plutôt oui. Vous m'avez en face de vous. dangereux ? A peu près aussi dangereux qu'un pékin lambda conduisant une voiture. Il pourra aller au travail, ou bien aplatir un piéton. Au choix."

Bart sourit et répondit :

"Ne savez vous pas que certaines mutations ne touchent que les Noirs ? Je ne parle pas de trucs fantastiques ou de pouvoir mystérieux, mais de simples maladies génétiques. Bref, passons ...

Vous dites que les mutants sont semblables a n'importe quel humain, je veux bien vous croire. Mais comment sont ils devenus mutants ? L'ont ils choisi ? S'agit il d'un facteur héréditaire ? Ou d'une sorte "d'accident", comme on voit dans certains mauvais films ? Est ce que certaines personnes les étudient ? Les pourchassent ?"

A priori, Bart semblait avoir énormément de questions a poser. Il savait bien qu'a un moment ou a un autre, cela agacerait ce CriDuCoeur, mais on n'allait pas l'empecher d'aller a la peche aux informations. Cet homme qui se tenait en face de lui était la premiere personne a qui il parlait sérieusement de ce genre de chose. Peut etre aussi la premiere a qui il pourrait reveler son état de mutant.

Son interlocuteur haussa les épaules, et reposa ses mains sur ses genoux, amusé par toutes ces questions.

"Comment le deviennent-ils ? Qui sait... Le hasard du brassage génétique fait que, et un beau jour, ils se retrouvent avec dieu seul sait quel pouvoir. Etudiés ? Oui ils le sont. Pas beaucoup de gens s'y intéressent. La plupart sont plutôt en mode parano à tendance exterminatrice."

Il croisa alors ses jambes et étala ses bras sur l'accoudoir, reposant ses yeux profonds sur Bart.

"Mais dites moi. Je sens que toutes ces questions ne sont pas gratuites... Vous avez quelques soucis génomiques ?"

"Des soucis génomiques ... c'est amusant, cette facon d'en parler."

Bart fixait a présent les bras de CriDuCoeur qui reposait sur l'accoudoir du fauteuil. Il avait souvent fait cet exercice : visualiser l'objet, se l'approprier, le découvrir sous tous ses angles. Puis l'imaginer entourré de flammes, brulant dans un brasier, le voir bruler, le sentir bruler, entendre le crépitement des braises ... L'accoudoir allait transmettre la chaleur a la veste de CriDuCoeur, puis a son coude. Une légere chaleur, loin des températures dangereuses, mais qu'il serait forcé de remarquer.

"Une démonstration simple vaut parfois mieux qu'un long discours ... Je ne sais pas vraiment pourquoi, monsieur, mais je suis sans doute un mutant. Si je vous ai assomé de questions, c'est bien sur pour mieux comprendre ce qui m'arrive, mais aussi pour savoir si je pouvais avoir confiance en vous ... J'espere que vous m'excuserez ces cachoteries."

(note : au vu de ton barème, il faut vraiment que tu vises quelque chose de très précis. Je réponds toutefois)

La veste de criducoeur, à peine échauffée par les faibles pouvoirs de Firestorm ne conduisit que difficilement la chaleur jusqu'au coude de l'européen, qui retira tout de même son bras pour signifier qu'il avait compris l'idée.

"Bien ce que je pensais. Généralement, les gens les plus intéressés sont les concernés au premier chef. On retrouve le même genre de choses sur les forums de jeunes homosexuels."

Il se plissa d'un léger sourire, puis sa voix résonna dans la tête de Barthélémy.

**Mais vous savez, il est très difficile de me faire des cachotteries.**

Bart resta un long moment interdit, face a une nouvelle démonstration des capacités surnaturelles de CriDuCoeur. Cet homme etait vraiment impressionant. Ce n'etait pas qu'une question de pouvoirs : il avait toujours cette présence, cette assurance. Lorsqu'on le croisait, on ne se souciait pas vraiment de lui, mais si on s'interessait un peu a son attitude, a ce qu'il dégageait, on découvrait un homme hors du commun, de ceux qui toisent leurs semblables avec l'autorité que confere la connaissance de quelques mysteres du monde. C'etait du moins ainsi que Bart le voyait, et il se disait qu'il aimerait vraiment lui ressembler, partager avec lui ce genre de complicité des puissants et des meneurs anonymes.

Il avala sa salive, puis s'avanca et, sur le ton de la confidence, reprit parole.

"Monsieur, j'ai une faveur a vous demander. Je suis a l'age ou on entreprend de grandes études et on fait de larges projets, et autour de moi on attend impatiemment que je me décide pour une de ces universités américaine ou européenne si renomée. Je me doute qu'aucune de ces université ne propose de cours sur les mutants, aussi j'aimerai pouvoir vous suivre pour apprendre ce que vous savez. Je pense que ces pouvoirs sont certes une anomalie, mais il faut en faire une bénédiction. J'aimerai vous suivre, si vous etes d'accord. Je n'en peux plus de vivre ici."

Criducoeur baissa le menton et leva les yeux, laissant un temps de silence qui fit encore plus claquer sa réponse.

"Non."

Puis il se redressa et expliqua brièvement.

"Je n'ai ni l'ambition ni les moyens d'être professeur. Ma vie est trop confidentielle pour un petit jeune dans votre genre, et de toutes façons, je n'ai rien à vous apprendre."

Il plissa les yeux avant d'ajouter.

"Mais il y en a un autre..."

Bart était pendu aux levres de CriDuCoeur. A la reflexion, il est vrai que lui demander de devenir en quelque sorte son "éleve" etait peut etre présomptueux. Mais néanmoins Bart avait fait passé son message : il avait envie d'apprendre, et apparament CriDuCoeur avait une solution a lui proposer.

"Quel "autre" ... que voulez vous dire ? "

L'homme se leva, signe que la conversation touchait à sa fin.

**Il existe une école, aux États-Unis. L'institut Xavier. Je n'y suis jamais allé, mais vu le costard que leur taille la sentinelle, je pense que ce sont des personnes de confiance. Je vous laisserai trouver le moyen de vous rendre à Salem Center. Je pense qu'ils ne refuseront pas de vous accueillir.**

Il jeta un coup d'oeil par la fenêtre avant de s'éloigner, se fondant parmi la foule comme l'un de ces anonymes sur les boulevards, avec cet air transparent.
Il n'avait même pas dit au revoir.



Ne nous cassons pas la tête avec le voyage en amérique, je te laisse venir poster à l'institut, dans le jardin (un des sujets du barbecue sera très bien).

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