Réprimande

Après avoir traversé le hall tel une tempête furieuse en trainant sans ménagement le malheureux Alixtide derrière elle, Juliette pénétra dans le salon désert et en referma vivement la porte avant de balancer le jeune garçon sur le plus proche canapé sans l'ombre d'une délicatesse. Celui-ci se ramassa lamentablement tel une crêpe ayant raté de peu sa poêle, et son regard semblait habité par une certaine forme d'interrogation teinté d'un égarement des plus certain. Juliette lui jeta alors un regard noir et terriblement insistant... Non pas un de ses regards courroucé, mais véritablement un regard empreint de colère, au sens premier du terme... Après quelques secondes d'incertitude ou le silence se fit aussi pesant qu'un ciel d'été orageux, elle prononça enfin ses premiers mots depuis leur départ précipité du barbecue tout en dirigeant un doigt inquisiteur en direction du maladroit mutant...

"Comment peut-on être aussi stupide !!! Je t'avais pourtant dit de ne pas faire de mal à cette petite fille !!! Est-ce que tu es bête au point de ne pas comprendre ce que je t'ai dis ou quoi ?!!"

Si jamais Alixtide avait douté un seul instant que la jeune gothique puisse se mettre réellement en colère contre lui, il devait maintenant se rendre à l'évidence... Il avait tort et bien tort !
Juliette se mit alors à faire les cent pas devant le canapé-prison du jeune garçon, et enchaîna de plus belle sans oublier de le regarder sévèrement à chacun de ses passages...

"Je pensais pourtant que l'on s'était mis d'accord, mais visiblement je ne peux pas te faire confiance... Non, TU n'est pas digne de confiance... Tu m'as menti en me disant que tu était d'accord avec moi, et cela est une chose que je ne peux tolérer Alixtide. Je te pensais suffisamment intelligent pour comprendre cela, mais j'avais tort... Tu es sournois, menteur... Trompeur même... tu es définitivement irrécupérable, le doute n'est plus permis maintenant !"

Juliette arrêta brusquement sa course, et elle se tourna de nouveau en direction de Alixtide avec toujours ce sentiment de colère profondément ancré en elle et, de nouveau, ce terrible geste accusateur... Ses yeux aux teintes glacés prirent subitement toute l'ampleur malsaine que ce genre de regard pouvait offrir, tandis que la douceur qui y trouvait habituellement refuge avait fui loin... Très, très loin...

"Puisque je ne peux pas te faire confiance, je ne vois aucune raison de t'aider à mon tour !"

Poursuivit-elle, avant de plonger la main dans son décolleté et d'en sortir le petit mot qu'elle lui avait promis de remettre à Carrie en son nom, et de le lui balancer littéralement en pleine face.

Dans son malheur, Alixtide pouvait toutefois s'enorgueillir d'une chose, à l'honneur certes discutable... Il était le premier à avoir mis Juliette véritablement en colère, depuis... Hum... Très longtemps...

Niko arriva à toute vitesse dérrière Juliette et Alixtide. Il arriva tellement vite, qu'il n'eut pas le temps de freiner. Il rentra dans la porte que la jeune gothique venait juste de fermer dérrière elle. Normalement, il serait passé au travers, mais les portes de l'institut devait être renforcées. Il rentra dedans et fut stoppé net. Il s'écrasa au sol à cause du choc et se releva quelques secondes aprés un peu dans les vappes. Il reprit un peu ses esprit et rentra dans la pièce pendant que Juliette mettait la main dans son décolleter et balancé un petit mot au mutant odorant.

Il était lui aussi furieux du comportement de son ami et il voulut le lui fit savoir, mais le geste de Juliette lui parut bizarre.

- T'es dingues ou quoi!Tu ... C'est quoi ça?

il se tourna vers Juliette avec un regard horrifié.

" Au mon dieu! elle est en train de le payer pour ce qu'il vient de faire!" pensa t'il.

- C'est quoi ça?

Fit-il en pointant la lettre d'un doigt accusateur.

Alixtide affalé sur le canapé suivait les allées et venues de Juliette avec angoisse et peur panique. Dès ses premières paroles, il se mit à redouter que la jeune fille fasse le lien entre les derniers événements et la mission qu’elle avait endossée. Il accusait tous les coups avec la patience du condamné en sursis, n’osant pas même déglutir. Juliette se trompait certainement, mais lui laisserait-elle seulement la chance de se défendre ? Les maigres espoirs d’Alixtide s’envolèrent lorsqu’elle lui rendit la précieuse missive qu’il fallait livrer à tout prix à Carlie Marin. Il la récupéra d’un geste nerveux, regarda Juliette pour dire quelque chose d’improvisé par son cerveau pétrifié, quand soudain Niko fit son entrée fracassante. Tout allait de pire en pire. Bientôt ce serait la dame de compagnie, le prince et le roi, tous munis de battes de baseball. Alixtide n’avait plus beaucoup de temps. Sans oser se lever du canapé prison, il adressa un geste de la main apaisant mais tremblant à Juliette.

« Je … je dois t’expliquer Juliette ! Tu … heu … bref heu … Niko !! »

Il se tourna, pâle comme un linge malgré les tâches de ketchup, vers le gros garçon et lui renvoya son regard coléreux.

« Pas tous en même temps d’accord ! Je dois en premier répondre à Juliette ! »

Il prit sur lui pour risquer à nouveau un regard prolongé sur la gothique. Il inspira un bon coup et décida de tenter sa dernière chance avec la seule version de la vérité disponible dans son stock.

« Juliette je te jure que je t’ai pas menti ! Je t’ai jamais menti, j’ai juste donné mon avis sur tes plans … et j’ai réussi le plan ! Le tien, celui qui était le mieux tu te souviens ? Hein ? Tu te rappelles que j’avais abandonné le premier ? Celui sur lequel j’ai promis ce que tu sais ? Hé bien … heu … je … la suite est … une bêtise peut-être que j’aurai fait dans tous les cas, avant ou après aujourd’hui … si on avait pas parlé ensemble ! Parce que … la … heu voilà ! L’ours, ça avait marché, le plan, le troisième plan. Alors après ça ben, je me suis dit que c’était bon, que grâce à toi j’étais sauvé, et alors ben … j’ai voulu continuer le jeu … et voilà c’était pour rire et est-ce que c’est de ma faute si elle comprend pas l’humour ? Enfin mais je l’aurai jamais égorgée moi ! Grogus oui, mais moi non ! Juliette ! »

Il parlait à toute vitesse, espérant à chaque seconde lire dans le regard de la gothique quelque chose comme la compréhension, la compassion ou seulement un mépris légèrement attendri. Il tint la lettre dans ses deux mains et enchaîna sans transition.

« Ecoute je comprends que tu comprennes pas, même toi qui est si comprenante. Mais il faut que tu m’aides : personne peut faire cette mission à ta place ! Tu peux le faire parce que j’ai confiance en toi. D’accord tu n’as pas confiance en moi, tu me prends pour un menteur et tout. Mais moi je sais que tu mens jamais, que tu fais la justice, donc, ben je peux compter que sur toi ! S’il te plaît Juliette … Si tu crois que je suis un menteur, tu n’auras qu’à la lire, Carlie Marin saura bien te pardonner. Mais s’il te plaît donne-lui … »

Il l’implorait du regard en se penchant vers elle, comme s’il voulait s’agenouiller mais que sa prison canapé l’empêchait de se lever. Il tenait fermement sa lettre entre ses mains salies de sauce tomate.

Juliette ne décolérait pas, et l'intrusion intempestive et indésirable de Niko n'arrangea pas son humeur déjà bien sombre...

"Qu'est-ce que tu fais la toi..? Tu vois bien que l'on est occupé, va-t-en !"

Lui dit-elle alors d'une voix sévère, tout autant que pouvait l'être son regard de plus en plus contrarié par la venue du mutant qui risquait bien à son tour de subir les foudres collatérales de la jeune et fougueuse italienne. Niko allait aussi en prendre pour son grade, s'il persistait à demeurer entre Juliette et l'objet de sa fureur.

Puis, Alixtide balbutia quelques mots brouillon dans une vaine tentative de se justifier auprès de la jeune femme, avant de finalement se retourner contre le malheureux Niko dans une tentative d'autorité qui semblait lui faire défaut lorsqu'il s'adressait à la gothique. De nouveau il tenta de se justifier, avec un peu plus de contenance sans doute gagné grâce à sa cinglante réplique balancé à la figure du trouble-fête, de son comportement. Alixtide essaya de valoriser son idée de base qu'il avait pourtant promis d'abandonner, mais quels que fut ses arguments, tout aussi bancals les uns que les autres, Juliette ne faillit pas. Son regard resta inchangée, et ses bras croisés témoignaient ouvertement de son manque de croyance envers les lamentables explications du mutant en pleine panique depuis qu'il avait récupéré son petit mot qu'il destinait à Carrie. Lorsqu'il en eut fini, Juliette se pencha légèrement en avant et pointa de nouveau un doigt accusateur en direction de Alixtide en lui murmurant :

"Tu es vraiment stupide mon pauvre... Si tu m'avais écouté, cela aurait pris du temps mais au final tu aurais été tranquille. Mais non, non... Il a fallu que tu fasse l'idiot et que tu gâche tout... Laisse moi te dire que maintenant, le professeur Layne ne va plus te lâcher d'une semelle Alixtide... Il va te surveiller, être attentif au moindre de tes gestes... Sans compter que tu risque d'avoir les coéquipier de cette petite fille sur le dos pour ce que tu lui as fait..."

Juliette se redressa, et déposa ses poings sur les hanches avant de poursuivre...

"Si tu m'avais écouter en tous points, tu aurais fini par avoir la paix... Mais maintenant, ta situation ne va aller qu'en empirant et c'est entièrement ta faute..."

Juliette soupira alors lourdement... Comment diable quelqu'un pouvait-être aussi bête, bon sang ! Lorsque le condamné en sursis tenta de lui faire reprendre son mot pour Carrie, la jeune femme le regarda quelque peu indécise...

"Donne moi une seule raison qui me ferait de nouveau accepter de te rendre ce service..."

Finit-elle finalement par lui dire, d'une voix quelque peu adoucit, sans toutefois se départir de son accent de colère qui restait bien présent malgré les apparences...

Chambre de Camille et Gabrielle

Georgia pénétra dans une cuisine qui était, étonnamment et une fois n'était pas coutume, vide de tout mutant perturbé... Le fait était suffisemment exceptionnel pour être noté.

La mitalienne se dirigea prestemment vers la réserve de provisions et se saisit d'une part de brownie qu'elle découpa religieusement et d'un verre qu'elle remplit de la bonne eau fraiche du robinet.

Elle marqua une pause.

Tout le monde devait être dehors, au barbecue, en train de s'amuser.

Peut être que Gabrielle y était retournée ? C'était une pensée qu'il fallait évacuer. 2 confrontations en une journée étaient amplement suffisantes et pour elle, et pour la magnifique cothurne de Camille.

Alors que faire ? Qui fallait il aller voir ? Se sentant d'humeur crapulesque et résolue à accomplir toutes les vilainies qui lui passeraient par la tête, Georgia joua quelques instants avec l'idée, séduisante et audacieuse, de retourner embêter la jeune River... Le projet l'amusa follement mais elle le mit quelques instants de côté. Ne valait il pas mieux aller directement, verre d'eau et brownie en mains, satisfaire la maigre requête de Camille ? Le dilemme demandait quelques instants de réflexion que Georgia s'accorda de bon coeur...

La gentilesse finit par l'emporter et Georgia se remit rapidement en route en direction de la chambre de Camille. Toutefois, en chemin, entendant des éclats de voix et mue par une curiosité toute féline et maladive, la jeune mutante fit une petite entrée dans le salon... Des mutants s'y étaient cachés et souhaitant faire oeuvre de socialisation, Georgia, dans un grand sourire leur adressa un :

"Bonjour tout le monde, ça se passe ?"

Certes la phrase était d'une banalité effarante mais il fallait tout de même se plier aux mondanités les plus élémentaires pour vivre correctement en société.

Alixtide fut glacé d’horreur par les paroles venimeuses de la jeune gothique. Il se rendit compte qu’en effet, loin d’avoir repoussé pour longtemps l’ours Gabriel de son chemin, la prestation de Grogus le paysan risquait bel et bien de l’attirer encore plus. Juliette avait tout à fait raison sur ce point, et démontrait sa supériorité quant aux choses de l’amour. Si le prof Layne était effectivement fou amoureux de lui, sa haine vengeresse serait proportionnellement aussi grande désormais. Il était donc à craindre que l’ours se venge à la hauteur de sa déception.

Il écouta avec une terreur grandissante les mots assassins de Juliette, ainsi que sa prophétie.

*C’est vrai purin tout va aller de pire en pire et tout est de ma faute …*

Alixtide s’autorisa à s’éponger le front d’un revers de manche, qui revint toute tâchée de ketchup humide. Toutefois une mince lueur d’espoir s’éclaira dans son regard éperdu lorsque Juliette prononça sa dernière phrase. Il ouvrit la bouche, puis la referma vivement pour s’obliger à la salutaire réflexion. Il se massa la tempe pour accélérer ce processus, rendu difficile par la fatalité de la situation.

« J’ai des tas de bonnes raisons ! Mais ok … heu d’accord tu n’en veux qu’une … »

Alors que tous ses neurones étaient rappelés en séance pour une réunion d’urgence, Georgia entra à son tour, tel un cheveu sur la soupe, mais moins gros et gras que Niko. Elle portait un gâteau et un verre d’eau. Alixtide la regarda d’un air hagard et lui répondit d’une voix blanche.

« Oui oui tout va bien … Tu peux poser ça sur l’accoudoir hein … je … je le prendrai après…»

Dit-il en désignant du pouce le bord du canapé, désespéré de voir qu’on lui portait déjà son dernier repas. Puis il ferma les yeux et prit une inspiration ferme. Juliette ne lui donnait qu’une seule chance et il était exclu de la louper.

Tout d’abord, la gothique se ficherait sans doute pas mal de savoir que de cette lettre dépendait la survie d’Alixtide dans l’Institut, ou toute autre forme de raison qui le ramenait à lui. De plus, Juliette n’aurait que faire de propositions bassement matérielles, comme par exemple endosser ses corvées ou faire son cercueil tous les matins. L’option menaces et intimidations était tout simplement à proscrire. De même que le chantage, trop risqué et peu crédible en l’espèce. Alixtide se rappela donc ses entrevues aussi brèves que fulgurantes avec la dragonne. Car la seule bonne raison aux yeux de Juliette résidait là.

Il leva la tête vers la jeune inquisitrice et plongea droit son regard dans le sien, non sans frissonner. Il se jeta à l’eau d’une voix pâteuse et frêle.

« Il y a une bonne raison Juliette, pour que tu donnes ce mot à Carlie Marin même si je suis stupide. La raison c’est que, Lyu et moi, heu … on s’est fait heu, réprimander plusieurs fois pour la même et seule raison, parce qu’on continuait là où Carlie Marin voulait qu’on s’arrête … Et bon il n’y avait rien de grave, mais … comment dire … c’était pas seulement qu’elle était en colère, car bien sûr elle l’était. Mais elle était inquiète aussi tu vois … ça se sentait, dans sa voix, parce qu’elle se trompait sur ce qu’on voulait faire … mais justement ça c’est expliqué dans la lettre … et si elle ne lit pas ça, ce sera toujours pas clair pour elle et je crois qu’elle s’inquiète beaucoup … Elle s’imagine qu’on se met en danger ou qu’on prévoit des choses interdites … Bref … C’est juste pour elle que tu le fais, pour qu’elle soit tranquille. Qu’elle soit rassurée qu’il n’y aura aucune bêtise ou non de faite. Si elle part en vacances sans ça … elle continuera à se faire du mauvais sang pour rien … »

Il stoppa là son discours, triturant dans ses mains la lettre à présent toute salie de traces de doigts au ketchup. Il suspendit son souffle et ignora tout le reste. Il aurait pu y avoir une assemblée de mutants réunis pour l’écouter, que cela n’aurait rien changé. Alixtide restait suspendu aux lèvres de Juliette, son cœur battant comme le gong qui sonne la dernière heure du condamné.

*Si elle refuse, j’ai plus qu’à appeler directement la dragonne sur le communiqueur … c’est la pire et unique solution …*

Niko fut surpris par le ton qu'employa Juliette. Cette fille était aussi terrible que ce qu'il en avait entendu dire. Un peu apeuré par la jeune Furie, il se tut en laissant un peu son doigt pointé dans la direction du papier. Il le baissa au bout d'un moment et décida de rester en se disant que comme ça Juliette ne risquer pas de pulvériser Alixtide sur place. Il se contenta juste de regarder le garçon, avachit dans son canapé, d'un air qui se voulait méchant tout en croisant les bras et en fixant les deux mutant.

En écoutant, ce qui ce disait Niko eut peu à peu la confirmation que Juliette avait quelque à voir dans cette histoire et qu'il se tramait quelque chose contre son professeur il décida de rester silencieux et de continuer à se faire oublier tout en écoutant se qui se disait.


" De tout façon j'irais faire mon rapport à Gabriel" se dit-il

Soudain il entendit la porte s'ouvrir et il vit Georgia faire son entrer. Tandis que le mutant barbouiller de ketchup lui demandait de déposer la nourriture sur l'accoudoir. Il alla vers elle et lui dit.

- Tu ferais mieux de rester là! Je sais pas tout ce qui ce passe, mais Alixtide à péter un câble et c'est Juliette qui l'a poussé à faire du mal à la pauvre Kitty pour pouvoir se débarrasser de M Layne et tout ça en échange d’une lettre pour une certaine Carlie Marin.. Je sais pas encore pourquoi, Juliette veut se débarrasser de mon prof, mais j'ai bien envie de le savoir.

En disant cette dernière phrase il regarda Juliette avec un air de défis. Puis il se tourna vers Georgia et lui dit.

- Restes ton pouvoir pourrait être utile en cas de blesser… Et puis Ca me fera un témoin en plus si il y a meurtre ! De toute façon même si Alixtide est un peu benêt, il ne mérite pas les châtiments qu’elle lui réserve !

Georgia se sentit très bête à l'instant. Incroyablement bête et complétement larguée. Les deux garçons lançaient des paroles qui ne semblaient avoir aucun sens à ses oreilles.

Carlie Marin. Lyu. Juliette. Monsieur Layne. Témoin. Meurtre. Colère.

Georgia comprenait les mots mais n'arrivait pas à les imbriquer les uns avec les autres. Elle ne savait pas non plus si Alixtide avait réellement peur ou si Niko et lui essayaient de lui monter un gros bobard.

Tout ce qu'elle panait c'est qu'elle n'avait que deux mains et qu'une jeune bretonne souffrante l'attendait dans sa chambre.

Elle fronça quelque peu les sourcils, attendant que la jeune fille présente dans la pièce, l'éclaire quelque peu sur la situation... Georgia se concentra et essaya d'associer les mots deux à deux.

Camille. Milk Shake. Du lait. De la vanille. Un mixer.

L'esprit est une chose étrange se dit Georgia en attendant que QUELQU'UN DISE QUELQUE CHOSE ou alors FASSE AUTRE CHOSE. Elle se maudit intérieurement, une fois de plus, d'avoir passé la porte de ce salon qui devait être maudite (l'autre fois dans cette pièce, enfin ce matin même, elle avait tout de même fait quelques bêtises d'ordre bucco-lingual...)

Il commençait à y avoir un peu trop de monde dans le salon, au gout de Juliette. Après ce garçon dont elle venait de faire la connaissance dans le jardin, il y avait maintenant une fille, une inconnue... Et comble de malheur, l'ami de Alixtide paraissait visiblement aussi... Benêt, que lui dans sa compréhension des choses. Tout en écoutant d'une oreille distraite les paroles erronées de Niko, la gothique tentait avec difficulté de comprendre les explications de sa victime désignée.

Alixtide lui parla d'une abracadabrante histoire avec un certain Lyu, ou visiblement Carrie était mêlé. Une histoire assez importante si Juliette en croyait le jeune mutant... Elle était inquiète pour eux..? La jeune femme se demanda alors si cela n'avait pas un rapport avec ce voyage en France qu'ils allaient tous faire afin de l'aider à résoudre le fameux problème, et qui avait failli faire en sorte que le professeur des JustiX ne quitte l'institut seule. Intérieurement, Juliette songea que Alixtide était bien capable de se mêler de ce qui ne le regardait pas, même après avoir été averti de s'en abstenir...

Finalement, elle soupira lascivement en regardant le jeune mutant à la limite de l'arrêt cardiaque, tant il semblait craindre les foudres de la pourtant si douce gothique. Peut-être que en fin de compte, ce mot était important... Du moins, pour Alixtide.

*Irrécupérable* songea Juliette, en secouant lentement la tête de gauche à droite... Mais finalement, elle leva les yeux au ciel et dit :

"Très bien, je vais quand même lui remettre, mais nettoie le tu veux..? Il est hors de question que je reprenne quelque chose d'aussi sale..."

Puis elle se dirigea d'un pas décidé vers Niko et Georgia, et leur dit à tous deux :

"Voilà, le spectacle est terminé, pas le peine de rester ici, allez-vous en... Quand à toi..."

Poursuivit-elle en désignant Niko de son index. Si elle n'y prenait pas garde, cet imbécile allait encore compliquer la situation plus qu'elle ne l'était déjà. Le regard de la gothique se durcit l'espace de quelques instants, puis finalement elle se radoucit quelque peu et lui dit en portant son index vengeur contre ses lèvres parfumées:

"Alixtide est ton ami,n'est-ce pas..? C'est en tout cas ce qu'il m'a dit. Alors si vraiment il est ton ami, j'imagine que tu ne veux pas lui causer d'ennuis... C'est pourtant ce qui risque d'arriver si tu parle de tout ceci au professeur Layne, tu sais... Alixtide risque d'avoir de très, très gros ennuis... C'est ce que tu veux..? Moi, je ne le pense pas..."

Juliette se tourna alors brièvement vers le principal intéressé, et lui dit :

"N'est-ce pas Alixtide..? Dis à ton ami que tu ne veux pas avoir de gros ennuis avec le professeur Layne..."

Puis elle se retourna vers les deux curieux, et poursuivit...

"Si vous voulez tout savoir, Alixtide à effrayé une petite fille dans le jardin, et je l'ai amené ici afin de l'en l'éloigner et de lui faire la leçon... Et non, je ne complote pas contre le professeur Layne, espèce de sot... Alors cesse donc de dire des bêtises !"

Le regard de glace de la jeune femme, sans redevenir sévère, montra toutefois un évident sérieux dans ses propos envers Niko.

"Pour le reste..." ajouta-t-elle "C'est entre Alixtide et moi, alors du vent s'il vous plait..."

Juliette se détourna alors des deux curieux, et retourna auprès de Alixtide avec qui elle n'en avait pas encore tout à fait fini...

Georgia se dit en elle même qu'elle n'aurait pas du mettre le pied dans cette salle. En fait qu'elle ne devrait plus jamais ramener ses guêtres dans le salon. C'était la salle périlleuse. Celle, où tout, tout le temps, se passait mal pour elle, pour les autres...

Mauvais Karma. Vraiment mauvais Karma.

Les bras chargés de victuailles, la mitalienne se dit qu'elle ne devrait peut être rien dire, claquer les talons, faire demi tour et filer à la cuisine, pour faire un semblant de Milk Shake. Bonne idée. Mais pas vraiment en adéquation avec son ego surdimensionné et sa fierté mal placée...

Comme disait Lénine... "Que faire ?". Elle venait de se faire souffleter moralement par une fille qu'elle ne connaissait même pas. Certes elle tombait peut être mal. Mais était ce une raison pour lui parler comme ça ? Un sang millénaire coulait dans ses veines, de nombreuses générations d'individus fiers et un peu impulsifs se battaient dans sa tête pour la pousser à répondre à l'affront... Georgia n'était peut être pas grand chose mais ce n'était pas encore la soubrette que l'on pouvait congédier d'un revers de main accompagné d'un sourire minable empreint de condescendance...

Oh mon coeur ne t'emportes pas ! La raison était en plein déluge dialectique avec ses sentiments... La langue de Georgia tournait 7 fois 7 fois dans sa bouche, ruminant des injures choisies...

Finalement, finalement, après un brainstorming intense, la jeune mutante n'en pouvant plus lacha, pas très amicalement, c'était même plutôt carrément froid, limite du surgelé :

"Je ne reçois pas d'ordres de quiconque Mademoiselle. Jamais. Je ne pense pas non plus être au spectacle mais à l'Institut. Si tu veux que je me tire, tu peut y mettre les formes, ça serait la moindre des politesses..."

Elle regarda quelques instants chacune des personnes de la pièce puis reprit son chemin en direction de la cuisine... Après tout, elle avait mieux à faire que se prendre la tête avec des inconnus...

Cuisine

Alixtide faillit s’évanouir de soulagement quand enfin Juliette annonça qu’elle reprendrait le cours de sa mission. Tandis que la gothique se dirigeait vers le public, il tira sa manche pour recouvrir son poing, et se mit consciencieusement à essuyer les disgracieuses taches de ketchup. Carlie Marin n’apprécierait sans doute pas une missive aussi sale, mais il était à espérer que Juliette fasse en sorte de l’encourager à la lire. Quoique Alixtide commençait à se rendre compte de la cruauté sadique de la jeune et froide gothique. Elle était visiblement capable du pire et c’était une catastrophe de l’avoir fâchée de la sorte. Apparemment les JustiX étaient une sorte de police politique de l'Institut, et il y avait fort à parier que Juliette en était la chef.

Tout en étalant la sauce tomate uniformément sur la surface du papier, il écoutait avec inquiétude les propos échangés par les trois autres. Le soutien de Niko était une véritable malédiction. Une balance comme lui en faisait le type le plus dangereux de l’Institut. Quant à Georgia, son air ahuri donnait la garantie de bavardages nourris dès qu’elle aurait quitté la pièce, sans avoir rien compris de la vérité.

Alixtide faillit s’étrangler aux mots de Juliette à Niko, qui étaient comme autant de clous plantés dans son dos. Il pâlit et regarda le gros mutant avec consternation.

*Purin s’il me balance comme il sait si bien le faire …*

Il hocha la tête d’un air décomposé.

« Heu oui Niko je … je ne veux vraiment pas avoir de gros ennuis … avec heu … le professeur Layne … »

Répéta-t-il avec émotion en pensant à tout ce dont le prof était capable pour le persécuter dans un des nombreux couloirs obscurs de l’Institut.

*Niko est trop gros et gras pour intéresser les pulsions de l’ours … il risque rien lui …*

Il eut un vertige et s’essuya le front en s’appuyant contre le dossier du canapé. Si seulement il était moins beau, rien de tout cela ne serait arrivé.

Alixtide était tellement pétrifié qu’il ne comprenait plus rien à la situation. La seule chose de claire était qu’il avait commis un péché capital envers Juliette, et que l’ours restait toujours aussi dangereux qu’avant. Tout le reste semblait flou et abstrait. L’affaire de la gamine était classée, et le seul objectif valable, c’était que Juliette reparte avec ce mot dans la poitrine, et reparte tout court. Il se concentra donc sur cet ultime objectif.

Il vit que le tyran revenait, et que Georgia sortait. Alixtide regarda avec envie l’italienne courroucée se défiler avec son dernier repas. Il aurait donné cher pour être à sa place. En même temps, il sentait que son but était proche. Bientôt la jeune gothique aurait de nouveau la lettre et tout redeviendrait presque comme avant. Confusément heureux de ce dénouement certain, Alixtide pointa du doigt Niko et lui dit avec un aplomb temporairement retrouvé.

« Allez Niko tu sors … Et si tu parles de tes bêtises à qui que ça soit, ça ira très mal pour toi aussi. »

Il appuya ses dires par un hochement de tête entendu, puis jeta un dernier regard sur la lettre. Il donna un coup de manche dessus, et la tint de sa seule main à peu près propre à côté de sa jambe. Il leva la tête vers Juliette, non sans appréhension et crainte. La jeune fourbe était bien capable de rajouter des conditions de derrière les fagots pour accomplir la mission promise.

*Mais elle a re-promis donc elle va le faire ...*

Niko écouta tranquillement les explications de Juliette. Il ne dit rien et paraissait calme, mais les quelques rumeurs qu'il avait entendus sur la jeune fille lui faisaient craindre une magistrale claque dans les dents. A la place, elle se contenta de le remettre à sa place. Tandis qu'Alixtide appuyait les dires de la jeune gothique

Puis elle s'en prit à Georgia, qui n'avait fait que rentrer dans le salon, en leur expliquant ce qu'il s'était passé dans le jardin. Georgia préféra partir non sans donner son point de vue tandis que Juliette continuait de le fusiller du regard.

Alixtide lui donna l'ordre de sortir et Niko haussa les épaules. Il n'était pas du genre à répondre quand on lui parlait mal, mais il trouvait injuste que Juliette se venge comme ça.

Il commença à détourner les talons et se retourna vers les deux Mutants. Et il leur dit tranquillement

- Tu sais Juliette, je t'ai peut-être parut stupide! Mais je n'ai fait qu'interpréter ce que j'ai vu dans le jardin dans l'espoir que tu m'en dises plus. Car je te rappelle que j'étais là et je sais ce qu'il s'est passé. Alixtide tu as eu tort de t'en prendre à Kitty, elle n'a rien fait qui le méritait. Mais je sais que tu n'es pas du genre a t'en prendre à quelqu'un comme ça sans raison!

Il fit une petite pause et finit par dire en s'adressant à son ami.

- Donc j'imagine que quelqu'un t'a poussé à faire ça... même si cette attaque n'était pas le résultat voulut. Après c'est pas mes affaires! Mais bon, j'espère que tu vas réfléchir à ce que je viens de dire. En tout cas ravi de faire ta connaissance Juliette.

Niko se retourna et s'avança vers la porte en soupirant de soulagement. Il était époustouflé par sa réaction. Son cœur battait à 100 à l'heure et son corps était parcourut par de nombreux tremblements, il avait enfin eut le courage de dire se qu’il pensait. Il s'approcha de la porte et mit la main sur la poigné. Mais il ne sortit pas tout de suite et attendit une réaction de la part des deux mutants.

Il attendit, mais rien ne vint. Ils étaient déja passé à autre chose et n'attendaient que son départ. Niko haussa les épaules et préféra s'en aller.

[ institut=>]

( HJ:J'ai préféré éditer pour vous laisser jouer tranquille. Vu que la semaine prochaine j'ai pas internet... comme ça je vous génerais pas)

Alixtide fut étonné des mots de Niko, qu’il n’imaginait pas aussi franc, et aussi sérieux. Il cligna des yeux en le regardant s’approcher de la porte. Toutes les paroles du gros mutant sonnaient juste. C’était assez troublant venant d’un fayot comme lui. Alixtide se promit de penser à réviser son jugement sur Niko.

L’ombre de Juliette planait et le grassouillet Breton passait déjà la porte, comme essoufflé par sa performance. Alixtide eut un léger froid dans le cœur, sentant qu’il serait bientôt seul avec la gothique. Avant que Niko disparaisse il lui lança d’une voix mal assurée.

« A plus tard Niko … heu … »

Il soupira à son tour, inspira pour se donner du courage et tendit le papier à Juliette.

« Merci d’avance hein Juliette … Heu tu n’oublieras pas non plus le communiqueur … Et heu … ben … hum, donc … »

Il s’essuya le front et tenta de prendre un air détaché.

« heu … il y avait autre chose ou … ? »

Décidément, Juliette n'avait pas le contact facile avec les gens, c'est un fait certain. Autant elle pouvait comprendre la réaction de Niko, autant elle ne pouvait en dire de même de celle de Georgia. Pourtant, elle avait été très douce dans ses paroles... Peut-être un peu trop familière, mais était-ce cela qui aurait pu la fâcher de la sorte..? De plus en plus, la jeune femme doutait d'être fait pour la communication entre les êtres.

En tout cas, elle et Niko avait maintenant quitté les lieux, mais Juliette n'avait guère appréciait l'accusation sous-jacente contenue dans les propos du jeune mutant ventripotent... Comme si elle avait ordonné à Alixtide d'aller embêter la malheureuse petite Kitty, c'était un monde ! Grâce (ou à cause?) de ce dernier, c'est une Juliette légèrement contrariée que le fautif vit revenir devant lui. Il lui tendait avec un désespoir certain son message, plus ou moins propre pour Carrie, espérant que la jeune femme le lui reprenne enfin. Elle l'observa quelque secondes, puis elle dit à Alixtide en relevant les yeux vers lui :

"Tu as intérêt à surveiller ton ami, si tu ne veux pas que toute cette affaire s'ébruite..."

lui dit-elle, visiblement courroucée par ses ridicules accusations déguisées. Juliette plongea ensuite sa main dans son décolleté, et en extirpa l'un de ses inséparables mouchoir en soie noir et brodé teinté d'une légère trainée sanguine, avec lequel elle reprit le fameux mot. Elle l'observa attentivement, et soupira doucement... Oui... On pouvait dire qu'il était propre, dans la mesure ou il ne restait plus que des traces sèches de ketchup... Elle l'enveloppa entièrement dans son mouchoir, mais ne le remit pas à la place qui était la sienne habituellement.

"Très bien Alixtide, je veux bien remettre ce mot à mademoiselle Marcin. Mais..." ajouta-t-elle "il faudra que tu fasses deux choses pour moi, c'est compris..? Fais très attention à toi Alixtide, si tu ne les fais pas, je le saurais... Et tu sais maintenant combien je déteste que l'on me mente, n'est-ce pas..?"

Bien que dénué de toute trace de colère, le ton de la gothique n'était pas pour autant empreint de douceur... Tout au moins, pas de douceur câline...

"Alors..?" poursuivit-elle "Est-ce que je peux te faire confiance cette fois-ci, oui ou non..?"

Juliette se pencha légèrement en avant, laissant ainsi quelques longues mèches sombres venir encadrer son visage toujours aussi délicat en dépit de sa contrariété actuelle...

Alixtide nota le changement d’expression de la jeune inquisitrice, lorsqu’il lui tendit le précieux mot. Apparemment les paroles chaotiques de Niko avaient fait mouche. Cela était étrange, car le gros garçon avait dit n’importe quoi. En plus Juliette avait en quelque sorte rendu un grand service à Alixtide en lui révélant l’attirance du prof Layne, ce qui lui ôtait tout risque de culpabilité partagée dans cette affaire. Mais elle avait raison de craindre que Niko aille dire ses bêtises un peu partout. La gros mutant était quand même un sacré fayot, et Alixtide était heureux qu’elle ne le sache pas.

Il acquiesça donc à ses paroles, pour lui assurer qu’il surveillera son « ami ». Il ne serait pas difficile d’impressionner ce pleutre de Niko.

La suite des dires de Juliette fut plus désagréable à l’oreille. Alixtide serra les dents pour s’empêcher de grimacer. Evidemment, elle avait pensé aux conditions. Il observa la trajectoire du mot pour Carrie, qui finit par disparaître sous un linceul noir.
Puis ses yeux remontèrent jusqu’au visage de Juliette, avec une appréhension difficile à dissimuler. Il tenta de reprendre contenance, tandis que chaque mot de Juliette était de nouveau comme un clou planté dans sa gorge. Il s’éclaircit donc la voix et se massa la nuque.

« Oui oui bien sûr que tu peux … Je ferai les deux choses. Mais heu … c’est … heu … »

Il s’adossa à nouveau contre le canapé, pour mettre le plus de distance possible entre lui et la gothique, et croisa les bras pour se soutenir lui même.

« Mais juste explique-moi bien ce que tu veux que je fasse … pour pas qu’on … que … qu’il y ait entre nous comme un problème d’inpertré… d’interprétation. Et heu, tu pourras être tranquille que ce sera fait. »

Il expira, tendu et méfiant. Deux choses, ça faisait beaucoup en échange d’une seule petite mission. Juliette abusait vraiment de la situation. Alixtide comprenait tout à fait pourquoi c’était la préférée de Carlie Marin. Et sans doute, Cassandre n’avait jamais perçu Juliette sous son vrai jour démoniaque, sinon elle ne serait pas autant sa chouchou.

"Bien..." dit alors Juliette.

Se redressant, elle croisa ses mains sur sa robe ténébreuse et demeura silencieuse durant de longues secondes, durant lesquelles elle ne quitta pas Alixtide du regard. Bien que dénué de toute hostilité, il fallait bien avouer que le bleu glacé de ses yeux, accentué par le lourd silence que la jeune femme s'imposa, était toutefois assez dérangeant. Cela lui procurait une curieuse impression de froideur de de rigidité, qui n'était pourtant pas deux défauts inhérent à la nature douce et profondément délicate de la gothique.

Alixtide attendait, patiemment, tentant, avec plus ou moins de réussite, de se donner une certaine contenance face à Juliette. S'il n'avait pas été aussi maladroit avec Kitty, sans doute aurait-elle trouvé cette façade assuré des plus amusante... Mais malheureusement pour le jeune mutant, c'était loin d'être le cas. En réalité, Juliette se demandait si elle pouvait réellement lui faire confiance... Une fois de plus... Finalement, elle rompit le silence devenu pesant pour Alixtide, puis elle leva en l'air sa main tenant le fameux mot destiné à Carrie et dans lequel le pauvre malheureux avait mis tous ses espoirs...

"Alors voilà les deux conditions pour que je donne ce message à mademoiselle Marcin Alixtide..." lui dit-elle "Premièrement, tu vas aller voir cette petite fille, et lui présenter tes excuses. Quoi qu'elle te dise, tu ne devras pas te justifier... Tu as eu tort et c'est entièrement ta faute, alors accepte toutes les choses qu'elle pourra te dire, c'est compris..? Surtout, reste simple, ne fais pas de cinéma... Demande lui pardon et dis lui que tu es désolé et que tu ne recommenceras pas."

Juliette allait enchainer sur la deuxième condition nécessaire au transfert du message à destination de son professeur référent, mais dans ce que l'on pourrait nommer un éclair de lucidité, elle fronça légèrement les sourcils et se pencha de nouveau en direction de Alixtide...

"Bien entendu, il est dans ton intérêt de ne pas me mêler à ta bêtise, de quelle que manière que ce soit, j'imagine que tu en a parfaitement conscience n'est-ce pas..?"

Le ton de la jeune femme n'était pas vraiment menaçant, il était plutôt... Conseillant... Puis elle se redressa de nouveau, et poursuivit avec sa seconde condition...

"Ensuite, je te demanderais de faire quelque chose qui sera plus dans la longueur... étalé dans le temps si tu préfères... Toutes les fois que tu en auras l'occasion, tu devras dire des bonnes choses sur moi à mademoiselle Deneos... Mais la encore, reste simple... Ne te lance pas dans des extravagances qu'elle ne croirait pas. Dis lui les choses simplement, mais il faudra toujours que ce soit fait de façon positive..."

Déposant de nouveau ses mains croisées sur sa robe, Juliette regarda Alixtide d'un air indécis... Avait-il réellement compris ce qu'elle voulait qu'il fasse, aussi bien envers Kitty que envers Cassandre..? Elle pensait avoir été assez explicite pour qu'il comprenne bien ce qu'elle attendait de lui, mais rien n'était moins sur avec le jeune garçon.

"Hé bien..?" enchaina-t-elle d'une voie redevenue presque doucereuse "Ai-je été assez claire, et acceptes-tu ces deux conditions..? Surtout, n'oublies pas... Même si mademoiselle Marcin accepte ton mot, il me sera facile de la faire changer d'avis si jamais tu faisais défaut à ces deux conditions..."

L'avertit-elle encore, plus par précaution que par réelle envie de le menacer... Alixtide était un peu comme un âne... Il fallait toujours osciller entre la carotte et le bâton, si on voulait qu'il fasse correctement ce que l'on lui demandait...

*Purin …*

Alixtide avait déjà reçu comme un coup de poing à l’estomac à l’énoncé de la première condition – parfaitement injustifiée, humiliante, mais certes rapide d’exécution – quand la deuxième lui fit l’effet d’un vase de Chine se brisant sur son crâne. Il regarda Juliette d’un air à la fois incrédule et outré, qui disparut bien vite à la vue du précieux mot emmailloté dans le mouchoir de la démone.

*La lettre … le plus important c’est la lettre … Purin de purin …*

« Oui oui tu es très claire, et j’accepte les deux condition, j’ai pas le choix. »

S’écria-t-il d’une traite d’une voix étranglée, craignant soudain que Juliette lui jette au moindre signe déplaisant le mot à la figure. Proprement estomaqué par tant de sadisme et d’abus de pouvoir, il ruminait les différentes clauses imposées par le tyran de glace. Il joignit ses mains sur son ventre, tâchant de contrôler sa respiration pour avoir l’air aussi tranquille que possible.

« Je le ferai hein, tu notes bien ! Mais, Juliette, quand même, tu avoueras que … que … »

*Que tu me forces à dire que des mensonges sur tout la ligne, à la gamine comme à la prof … Rah mais où est-ce qu’elle a appris à faire ça aux gens ??*

Partagé entre la colère d’être ainsi tombé entre les griffes du pire monstre de l’Institut, et la peur panique que le dit monstre abandonne sa mission, il fit l’effort surhumain de tenter de contrôler a priori son débit de paroles.

« Tu avoueras quand même que ce que tu veux que je fasse est beaucoup plus … heu … c’est heu … comment dire pour pas te vexer … c’est … Parce que tu vois que je suis bon joueur et que j’ai dit que je le ferai ! Je le ferai tu notes bien, les deux … conditions. Bon et donc je veux juste vérifier que … que tu as bien réfléchi, en imaginant ces … ces conditions, que ce serait … »

Il s’essuya le front d’un geste nerveux, déstabilisé par le regard de glace de sa tourmenteuse.

« Heu non finalement rien. Je vais donc aller voir la gamine, m’excuser sans cinéma, et puis quand je verrai Madame Cassandre, je ... heu … je … Je lui dirai des compliments sur toi. »

Il imagina la scène : lui en train de dire des compliments sur Juliette, et la psychologue lisant tout dans son cerveau au fur et à mesure, décelant sans peine la manigance.

« Ca te va si je dis par exemple que tu es très serviable, très intelligente, très belle, et ça c’est vrai, que tu es solidaire, gentille, Tolérante ! »

Le visage d’Alixtide s’éclaira. Voilà qui devrait plaire à Juliette : la tolérance. Même dans les moments de pure panique, il était fier de constater que son intelligence restait alerte et intacte. Il reprit sensiblement confiance, et se mit à relativiser l’impossibilité de la mission.

« Et j’en trouverai encore plein, tu peux être sûre et certaine, que ce sera bien fait. Oui et avec ça c’est sûr, Madame Cassandre ne pensera qu’à toi, comme la meilleure de ses élèves. Et même si elle lit dans mon cerveau que c’est toi qui m’a commandé, elle sera fière du résultat que tu peux obtenir avec un peu d'argumentation. Bref, tu peux me faire confiance ! Tu seras sa préférée ou je veux bien être changé en charbon par Carlie Marin ! Tu voudras que je prenne des notes pour te prouver ensuite ? »

Enchaîna-t-il avec un aplomb retrouvé, et une assurance ressuscitée par le fait que finalement, la mission de Juliette était déjà accomplie. N’avait-il pas devant lui la chouchoute de la prof de philo ? Il avait presque hâte de se mettre à l'ouvrage.

Juliette ne pouvait s'empêcher de regarder Alixtide avec un air légèrement suspicieux... En dépit de ses affirmations, elle ne pouvait faire autrement que de douter du comportement du jeune garçon... Un doute, grandement appuyé par son attitude vis-à-vis de Kitty dans le jardin, quelques dizaines de minutes plus tôt. Cela étant dit, Alixtide était loin d'être aussi stupide qu'il voulait le faire croire... Enfin, un petit peu... L'idée qu'il pouvait être fourbe et calculateur ne se démentait nullement dans son esprit, mais en même temps il n'était pas vraiment méchant... Finalement, il était tout simplement... Alixtide !

"Oui, voilà... Des choses comme cela..." lui dit-elle lorsqu'il commença à lui donner des exemples de gentillesses à son propos "Mais inutile d'en dire autant à la fois, glisse simplement un ou deux mots de temps de temps, ce sera suffisant... Et puis rassures toi, mademoiselle ne lit nullement les pensées. Alors fais comme je t'ai dit, et tout se passera bien... Surtout, n'oublie jamais : ne pas en faire trop à la fois, c'est important..."

Toutefois, lorsque Juliette vit qu'il semblait hésiter, elle leva doucement les yeux en l'air, et dit d'un ton quelque peu désinvolte...

"Tu sais, je ne t'oblige en rien... Tu peux parfaitement refuser de faire ce que je te demande, et on en restera là... Bien entendu, je me verrai dans l'obligation de te rendre ton mot pour mademoiselle Marcin, car un contrat ne peut pas être honoré que dans un seul sens..."

la jeune femme commença à défaire l'enveloppe de soie noire dentelée, et lorsque réapparut le mot en question, elle tendit légèrement le bras en avant afin de l'offrir à Alixtide...

"Tu préfères que l'on fasse comme ça..?" lui dit-elle alors, étonnement calme "Tu sais, je ne voudrais en rien t'obliger à faire quelque chose dont tu n'as pas envie..."

Juliette n'était plus vraiment en colère, en fait elle était même redevenue calme... Très calme... Trop calme, diraient sans doute certaines mauvaises langues... Elle doutait que Alixtide se récuse, il semblait bien trop craindre Carrie pour cela, même si la gothique ne comprenait pas vraiment pour quelle raison...

Mais quel quelle soit, c'était une raison qui lui toutefois très utile en cet instant présent...

« NON !! »

Alixtide, saisi de panique à la vue du geste de Juliette, s’empressa de mettre les mains derrière son dos, et se reculer comme si la gothique lui présentait une bombe à retardement. Il regarda le mot puis Juliette, secouant vigoureusement la tête.

« Non non … heu oui … On fait comme ça ! C’est un très beau contrat … et … heu … Tu sais Juliette, il arrive souvent de devoir faire des choses, dont on n’a pas forcément envie, mais qui sont … disons … essentielles pour avoir une bonne santé … ou que tout aille bien de manière générale … »

Dit-il avec un sourire forcé, tout parcouru de sueurs froides. Il semblait à Alixtide que plus Juliette était calme, plus il y avait des raisons de paniquer.

« Donc tu m’obliges à rien … c’est en quelque sorte, les circonstances qui obligent … »

*Purin ça va durer combien de temps encore ??*

Il n’en revenait pas de ce qu’il était obligé de dire, pour à tout instant regagner la confiance volatile de la camarade de philo. A croire qu’elle faisait exprès. Alixtide priait pour que quelqu’un ait la bonne idée de s’introduire dans le salon, n’importe qui, parce qu’à ce rythme là Cassandre seule savait ce qu’il s’abaisserait à dire ou à faire pour contenter la démone Juliette. Chaque fois qu’il se croyait tiré d’affaire, la fourbe faisait remonter la pression d’un seul coup, mettant à l’épreuve les nerfs du mutant.

Alixtide avait encore de la ressource malgré tout pour tenir bravement face à Juliette. Il garda ses mains solidement jointes derrière son dos, lui-même appuyé contre le canapé, et regarda le décor du salon avec l’air le plus apaisé possible.

« Donc heu tu disais que oui … Je vois bien ce que tu me demandes. Un compliment discret, de temps à autre, sans en faire trop. Madame Cassandre se rendra même pas compte que je lui ai parlé de toi. Elle finira par trouver ça naturel, que je lui dise des mots gentils sur toi au détour de ce qu’on se raconte … Et heu tout cela sera bien dosé et tout … Tu peux me faire confiance. Bientôt tu pourras plus te passer de moi Juliette ! Je serai le lien entre toi et Madame Cassandre. Tu n’auras plus rien à faire pour t’épuiser à lui plaire. Ce sera déjà tout fait … Oui oui oui … »

En même temps qu’il vendait sa future prestation à sa commanditaire, Alixtide se demanda s’il ne vaudrait pas mieux préparer au maximum ces interventions auprès de Cassandre. L’improvisation pouvait lui jouer des mauvais tours, comme en témoignait cette mésaventure avec Juliette. De plus, il faudrait que tout ce qu’il dise soit vrai, car il avait déjà imaginé mentir en face de la Dame Blanche, et cela lui avait semblé impossible, voire impensable. L’opération se révélerait ardue. Il aurait besoin des conseils d’un ou d’une spécialiste.

Alixtide regarda Juliette d’un air rêveur, s’arrêtant sur les détails de sa robe.

*J’en connais qu’une seule ici, qui a une sorte de diplôme en couples mal assortis … Bien sûr ça n’est pas vraiment du tout un couple Cassandre et Juliette, mais pour mon affaire c’est tout comme. Or, seule une fille peut savoir ce qui plairait à une fille d’entendre d’une fille. Oui faut que je me fasse aider d’une experte …*

Il se rappelait très bien de l'expérience de la porcherie bretonne. Son père, excellent gestionnaire, savait s’attacher les services d’agronomes réputés pour son exploitation. Il disait souvent qu’il valait mieux payer en amont un fainéant qui sait, plutôt qu’en aval un travail foutu. Or sur cette affaire, Alixtide ne pouvait se permettre la méthode expérimentale, l’improvisation ou l’inspiration selon l’humeur. En plus, Camille serait sûrement de bon conseil pour savoir comment chasser définitivement l’ours de Layne. Et grâce à Juliette, le risque Carlie Marin était écarté pour un bon moment, ce qui était d’un grand soulagement pour Alixtide.

Il adressa donc un regard déterminé et consciencieux à sa cliente.

« Oui ce sera très bien fait tu vas voir. Je te promets les conséquences visibles dès ton retour de vacances. Enfin sauf si Madame Cassandre s’absente souvent ou ne peut jamais me parler. Je … je te tiendrai au courant. Heu bon … si tout va bien, heu … je voudrais pas t’empêcher de retourner au barbecue, ou n’importe où d’autre ailleurs … »

Il regarda la porte de sortie d'un air humble et détaché.

Demeurant silencieuse durant quelques secondes qui durent paraitre interminable à Alixtide, Juliette songea. Le jeune homme paraissait avoir bien compris ce qu'elle lui avait demandé, et visiblement il avait bien l'intention de s'appliquer à la tâche... Finalement, la jeune femme se redressa de tout son long et replia les pans de son ténébreux mouchoir dentelé sur le mot destiné à Carrie.

"Très bien Alixtide..." dit-elle alors "Je vais te faire confiance, et remettre ce mot à mademoiselle Marcin, comme promis... Mais tu sais combien je serais déçue, si jamais tu ne tenais pas ta parole, n'est-ce pas..? Et cela, pour les deux conditions requises...

Bien que prononcé d'une voix aussi douce qu'à l'accoutumé, le sous-entendu était on ne pouvait plus palpable. Enfin, sans doute était-ce là, la vision que pourrait en avoir Alixtide, tant sa crainte de la gothique semblait grande... Lorsqu'il se mit à lui parler de son départ, Juliette jeta un regard en direction de l'horloge située sur l'un des meubles du salon...

"Houla... Tu as raison..." poursuivit-elle d'un ton empreint de surprise "On discute, on discute, et le temps passe vite... J'ai à peine le temps de monter faire ma valise, avant de rejoindre mademoiselle Marcin et les autres pour le départ."

Se détournant enfin du jeune mutant, Juliette s'éloigna en direction de la porte du salon. Mais, dans un ultime retournement et sans doute nouvelle fausse joie pour Alixtide, la jeune femme lui fit de nouveau face et lui dit encore...

"Je compte sur toi pour ne pas tout gâcher avec de nouvelles bêtises, d'accord..?" le gronda-t-elle presque " Je ne sais pas combien de temps je serais absente, mais à mon retour je veux que tu te sois au moins excusé auprès de cette petite fille, tu m'entends..? Et si en plus tu avais déjà commencé à parlé de moi à mademoiselle Deneos, ce serait parfait !"

Conclu-t-elle, dans un sourire des plus satisfait. Elle n'avait rien prévu de tous cela, mais finalement elle allait gagner quelque chose dans cette pitoyable situation... Juliette finit par ouvrir la porte du salon et la franchit, mais elle se retourna une dernière fois et donna un ultime avertissement à Alixtide...

"Et ne crois pas que parce que je ne suis pas à l'institut, je ne peux pas garder un oeil sur toi..."

Dit-elle mystérieusement, avant de finalement disparaitre définitivement du champ de vision du jeune mutant... Tout en montant le grand escalier afin de rejoindre sa chambre, Juliette ne put toutefois s'empêcher de douter... Et 'il gâchait, une fois de plus, tout..?

Gare à lui dans ce cas...

[ chambre de Juliette et salle de briefing]

Torturé par le temps infini, entrecoupé de fausses sorties, que la perfide Juliette prenait pour achever l’entretien, Alixtide lui adressa un signe de la main qui se voulait confiant.

« Tu seras pas déçue Juliette ! Heu je te jure que ce sera fait, au maximum du possible … B… Bonnes vacances ! »

Il l’accompagna du regard jusqu’à ce qu’elle passe définitivement l’encadrement de la porte. Il resta même quelques longues secondes, immobile, à l’écoute des pas de la jeune inquisitrice. Il ne reprit sa respiration qu’une fois son absence certifiée par quatre sens sur cinq. Sa tête tomba contre le dossier du canapé, et il regarda le plafond, vidé de toute énergie.

*Oh purin dans quoi encore je me suis embarqué malgré moi ?? Devoir dire du bien de Juliette …*

Alixtide prit le temps nécessaire pour se souvenir des différentes phrases choc de la gothique. Cela est une chose que je ne peux tolérer / le professeur Layne ne va plus te lâcher d'une semelle / ta situation ne va aller qu'en empirant et c'est entièrement ta faute... / de très, très gros ennuis / tout gâcher avec de nouvelles bêtises / tu sais combien je déteste que l'on me mente / il me sera facile de la faire changer d'avis si tu faisais défaut à ces deux conditions / un contrat ne peut pas être honoré que dans un seul sens / tu sais combien je serais déçue, si jamais tu ne tenais pas ta parole …

*Et : ne crois pas que si je ne suis pas à l'institut, je ne peux pas garder un oeil sur toi. Ou un truc du genre. Rah purin faut vraiment pas traîner Alixtide …*

Il s’épongea le front, ferma les yeux, puis se redressa avec un dynamisme uniquement dû à son état nerveux.

*Je vais d’abord me débarrasser de la première condition, la plus facile.*

Heureux de cette courageuse décision stratégique, il se leva, non sans redouter confusément quelque éclair de justice venant le punir de quitter sa prison, et marcha d’un pas pressé jusqu’aux chambres.

*La gamine a dû être ramenée dans sa chambre. J’ai pas le droit de l’approcher, mais pour des excuses ça ne compte pas.*

chambres des filles