[Event] Suivez le guide

Le perron du palais de Magneto avait été restauré. En tout cas, il n'y avait plus de dalles manquantes. Ce qui était heureux, parce qu'un petit attroupement de mutants hétéroclites s'y tenait, pressés d'entrer à l'intérieur de palais duquel les importuns avaient été tenus à distance le temps de... menus travaux de restauration. Les séquelles les plus visibles à cet endroit du château étaient le large perron, qui était un peu trop marbré et vitrifié par rapport au reste.
En tout cas, le concert se tenait juste derrière eux, et le son entraînant et entêtant des divas se laisant entendre même à eux qui se trouvaient derrière les hauts-parleurs de façade.



La petite foule était toutefois là pour tout autre chose que le concert des divas, et regardait la bâtisse d'un air curieux et scrutateur. Jusqu'à ce qu'un mutant en particulier, dans le lot, ne se décide à attirer l'attention et à prendre la parole d'une voix qui peinait à couvrir les murmures des gens, et surtout le concert non loin, mais qui même à faible volume trahissait une excitation certaine !



Chers amis !
La remise en état du château est achevée ! Nous avons donc la chance d'être les premiers à pouvoir le visiter, et nous profitons de super conditions météo, et même des Divas qui sont venus pour fêter l'événement !

Cette petite introduction valut des acclamations à son auteur, qui continua sur sa lancée, ne se souciant guère de savoir si quelqu'un s'intéresserait à ses discours historiques.

"Ce château est un témoignage important de ce qu'était Génosha il y a un siècle. On dit qu'il aurait appartenu à un dénommé Magneto, qui était semble-t-il un leader important des mutants à cette époque là. En tout cas, ce qui est cool, c'est qu'il a ramené tout ce qu'il a pu trouver comme influences architecturales de partout.

Par exemple, la façade et le gros oeuvres sont typiques du style renaissance français, dans la symétrie, les matériaux, la construction... Alors que l'intérieur est fait dans un style beaucoup plus italien ! Enfin... Vous allez voir ! Mais ne cassez rien hein. Respect pour le patrimoine. Vous êtes surveillés !"

Il rit alors, et dégagea le passage vers les intérieurs du château.

L'israélienne avait voulu en avoir le cœur net. Depuis le 13 avril, ça tournait encore et encore dans sa tête. Elle revivait chaque nuit la scène en cauchemar. Et nulle heure éveillée ne s'écoulait sans qu'elle ne tente - toujours en vain - de comprendre ce qui avait pu foirer. Comment avait-elle pu en arriver là ? A n'être plus que l'ombre d'elle-même, à verser dans le sentimentalisme bas de gamme et l'auto-apitoiement. Esther avait appris à être plus forte que ça. Et à ne. Jamais. Avoir mal. Ni froid. Ni chaud.

Et pourtant...

Pourtant elle savait bien quelle loque elle était devenue... Amollie au contact des élèves, blessée par les cachotteries de son ancien mentor qu'elle avait toujours vu comme étant l'amour de sa vie... Pulvérisée par Midas qui lui avait fait ressentir LA CHALEUR.

C'était ce semblant de femme qui déambulait dans les rues en ébullition de Hammer Bay. En quête de réponses.

Elle ne les trouverait pas dans le mauvais alcool. Ni dans ces cigarettes de contrebande qu'elle fumait sans jamais les terminer. Ni en parlant avec Cassandre, certainement trop écrasée par la disparition d'Olivier... et toutes les considérations qu'on pouvait avoir quand on voit l'avenir et les possibles.

Aleph, une chemise blanche d'homme sur le dos, un pantalon noir, ses godasses de l'armée aux pieds, une nouvelle paire de lunettes de soleil vissée sur le nez et... son éternelle clope au bec. Elle avait renoncé à plaire. Elle avait peut être même renoncée à être. Une autre qu'elle même...

Mais il fallait qu'elle sache...

Ne prêtant nulle attention à la musique, elle s'était jointe au petit groupe des visiteurs. Pour revivre une étrange journée d'avril.

Les réflexions du guide l'avait amusée. Tout comme le fait de savoir qu'en cognant aussi fort, qu'en déclenchant leurs pouvoirs à pleine puissance, les professeurs avaient fait plus que délivrer Cassandre... ils avaient saigné l'histoire.

Une sensation de puissance l'envahit. Comme une enfant qui casserait ses jouets.

Et cet homme... Ce guide... Elle était presque sure de ne l'avoir jamais vu... Pourtant... Un truc chez lui ne collait pas. Il était beau. Plus beau que la moyenne. Et elle connaissait un homme bien plus beau que celui-ci qui semblait vouer un culte aux belles choses... Ce palais par exemple. Il avait voulu le posséder. Comme il possédait ses troupes. Et cet homme ? Était-il réellement libre ?

Elle s'approcha discrètement du guide et lui glissa dans un large sourire :

"Monsieur Beckers nous fera-t-il l'honneur de sa présence ?"

Esther pouvait tout aussi bien se tromper. Auquel cas elle passerait juste pour une pauvre folle...

Carrie survolait la ville à la recherche d'un endroit plutôt tranquille lorsque son regard se posa sur sa collègue Esther dans une foule. Disons qu'elle était facile à repérée, vêtue de la sorte, sa cigarette entre les lèvres. Elle eut un petit sourire et attérit tout près d'elle et un groupe de mutants qui faisait une visite guidée du Palais de Magnéto. Non qu'elles en aient besoin. Elle s'approcha lentement d'Aleph, ses lunettes fumées sur son visage, vêtue d'un débardeur noir et d'une paire de bermudas gris qui lui arrivaient à mi-cuisse. Avant de manifester sa présence auprès de sa collègue, Carrie écouta d'une oreille distraite ce qui disait le guide. Elle s'approcha de Esther avec ennui.

"Magnéto, qui était "apparemment" un leader mutant très important...mais il est plus connu pour sa recette de tarte aux myrtilles." se moqua en murmurant Carrie en imitant le guide avec mauvaise foi.

Aleph s'était approchée du guide pour lui poser une question que Carrie n'aima pas trop. Elle perdit le semblant de sourire qu'elle avait eu en repérant sa collègue dans la foule. Elle croisa les bras avec agacement.

"Vous n'en avez pas assez vu déjà, Mademoiselle Koffman?" lui demanda Carrie d'une voix ennuyée, son accent français perçant quelques mots.

Elle faisant biensur allusion à Beckers, plutôt qu'à l'architecture du Palais. Carrie glissa un regard vers le guide qu'elle observa, les sourcils froncés. Allons...Un guide à Génosha? Il se faisait payer par qui pour faire visiter le Palais de Magnéto? Carrie n'avait pas l'intention d'entrer à nouveau là dedans. Elle avait assez vu d'architecture de la renaissance française et d'inspiration Italienne. Elle était française, pour l'amour du Tout-Puissant.

Le petit groupe de "touristes" était entré dans le bâtiment, et poussait tout un tas de cris de ravissement face au faste, aux marbres, aux dorures... Le hall se mettait à nouveau à résonner des voix de personnes, donnant au château un air plus vivant qu'il ne l'avait jamais été depuis une bonne centaine d'années !

Le guide, lui, était resté sur le seuil, occupé par l'aparté d'Esther, à qui il se contenta de sourire, la regardant, puis avisant Carrie, il leur répondit.

"Non mesdames, Midas a quitté cet endroit, et cette île aussi. Pour quelque raison que j'ignore, il ne se sentait pas exactement le bienvenu. Mais entrez-donc ! Je serais ravi de vous faire profiter de cet endroit dans un contexte un peu... un peu moins désagréable. Oh, au passage, je m'appelle James. Ou Jupiter."

Il les invita alors à entrer dans le fameux hall, où se pressaient les gens.



Il y eut un petit cri de quelqu'un, à proximité d'une lampe dont le pied était une sorte de statuette dorée : une jeune mutante se frottait la main, alors qu'une main en pierre retournait à l'intérieur du mur, et qu'une voix rocailleuse et sèche, croisement entre celle de Macha Beranger et de Jeanne Moreau se faisaient entendre.

"On ne touche pas. C'est pour regarder, pas des antiquités gratuites."

Le fameux James sourit annonça à la jeune cleptomane qu'elle avait été prévenue, puis se tourna à nouveau vers Esther et Carrie.

"Et je crois que vous connaissez déjà Sergio, alias Gaia..."
-"Salut les filles...", sonna la même voix sous leurs pieds.

"Voir, c'est pas ça le pire, Carrie... C'était sentir. La chaleur..."

Esther était un peu confuse. Un truc en elle l'attirait vers cet homme, ce Midas qui avait réussi à lui faire ressentir quelque chose... Et d'un autre côté, il lui plaisait terriblement. Elle le haïssait / l'appréciait à la fois. Elle était totalement confuse. En roue libre. Wilson Beckers était peut être le seul homme sur cette planète capable de lui donner la sensation d'un après-midi d'été.

"Le chaud, ça a pour moi autant de sens que la couleur pour Cassandre. Jusqu'à ce 13 avril..."

Elle retira ses lunettes de soleil en entrant dans la bâtisse, prête à refaire le même chemin que lors de ce jour funeste...

"Hello Jupiter, moi c'est Aleph ou Esther... Midas est parti en vous laissant ?"

Cela sonnait bizarre dans sa tête. A quel point Beckers était-il le chef de Ganymède ? Avait-il été destitué ? Avalant sa salive, elle ajouta sur un ton poli et égal :

"Ce n'était pas votre... chef ? Enfin, je dis ça mais j'ai un peu du mal à comprendre comment vous fonctionnez... Quoi qu'il en soit la dernière fois que je l'ai vu, il avait l'air effectivement un petit peu contrarié..."

Le moins que l'on puisse dire : Midas avait déclenché une sorte d'explosion nucléaire ultralocalisée à leur encontre. On ne pouvait pas enlever à Beckers qu'il ne faisait pas les choses à moitié.

L'homme de l'escalier. Enfin... L'homme qui était, en quelque sorte, dans l'escalier était un de leurs adversaires du 13 avril. Qu'Aleph avait essayé, sans succès, de congeler... Esther en sursauta de surprise. Baissant les yeux, elle tenta de localiser la voix :

"Vous, vous savez faire grimper les filles au plafond !" commença-t-elle en reprenant son souffle. "Et vos amis de l'autre jour, ils vont bien ?"

Un truc au fond d'Esther lui faisait clairement comprendre que les Ganymèdes n'étaient peut-être pas les monstres qu'elle s'était attendue à trouver lors du sauvetage de Cassandre. Au fond, pas grand chose les séparait, elle et eux. Sauf qu'elle ne savait pas encore réellement de quoi il s'agissait exactement.

"J'ai vu mon compte de petites culottes, ouais...", répondit le fameux Gaia à Esther sur un ton qui donnait l'étrange impression qu'une dalle de marbre pouvait faire preuve de sarcasme.

James eut l'air un peu plus embarrassé par les questions d'Esther, mais y répondit néanmoins.

"Un chef ? Non... Un ami plutôt. Un ami influent, et avec une vision des choses et un charisme qui donnaient envie de le suivre. Ce n'est jamais agréable d'essayer de s'investir dans quelque chose, et de faire des concessions, pour se rendre compte à la fin qu'il ne jouait que pour lui..."

Gaia, qui avait donné l'impression de ne plus être là, ajouta.

"D'autant plus quand on manque de se faire trucider pour le même prix..."
"Sander... Celui qui volait... va bien. Notre guérisseur était sur place, cela lui a permis de prendre les choses en main avant... avant qu'il ne soit trop tard. Mais il reste encore assez choqué. Les autres aussi..."

Il avait l'air un peu gêné de parler de ça, et Gaia n'ajouta rien.

Esther serra les jambes, l'air indignée, au moment où Gaïa parla de petites culottes... Car même si elle était en jeans, Aleph n'appréciait que moyennement l'angle de vue qu'elle offrait au pervers de pierre...

Elle essaya, néanmoins, d'adopter une mine plus détendue, affichant pour l'occasion un sourire un poil forcé :

"Des concessions ? Quel genre de concessions ?"

Dans l'esprit pratique de l'israélienne, ça voulait dire tellement de choses... Tellement de choses abominables, illustrant toute la maxime comme quoi la fin justifie les moyens...

Le problème étant que les moyens en question semblaient être pour certains des hommes... Dont deux se trouvaient non loin d'elle.

"Et pour l'enlèvement de Cassandre ? C'était quoi le but ? Midas, on a à peu près compris... Mais il vous a vendu comment cette opération ?"

Elle était un peu agacée. Même beaucoup. Aussi elle souffla un bon coup et termina :

"Navrée en tout cas pour votre ami... Si quelqu'un de chez vous veut en parler, je reste disponible..."

C'était le moins qu'elle pouvait proposer.

Ce fut Gaia qui répondit à Esther

"Des concessions du genre de celles qu'on fait à la morale ou aux bonnes mœurs parce qu'on se dit que parfois, on ne fait pas d'omelettes sans casser des œufs. Vous voyez ce que je veux dire..." C'était manifestement plus une affirmation qu'une question...

James invita Carrie, Esther et les autres visiteurs à monter en haut de l'escalier, d'où il commenta la vue avec force gestes, et exclamations sur la grandeur et la décadence du baroque italien. La petite foule resta aux balcons, et se dispersa dans la galerie, qui avait été semble-t-il restaurée, dans la mesure où on ne voyait plus de trou ni dans le mur ni dans le sol... Tout au plus, la marque d'une réparation était visible.



Il retourna alors avec elles, et expliqua

"Vous l'avez contrarié... D'habitude, ce ne sont pas les "bourreaux", il fit un gros signe guillemet avec les doigts, "Qui invitent à faire une psychanalyse ensuite."

Il s'illumina ensuite à l'approche de la galerie.

"Mais regardez plutôt comme nous avons bien travaillé ! On a remis tout en état aussi bien que possible. C'était le moins qu'on puisse faire."

Quand Carrie s'excusa... Quand Carrie s'excusa, Esther se rendit compte qu'elles n'étaient - en dépit de leurs pouvoirs et de leur passé - que des humaines... Avec un petit bout de gêne en plus. Mais des humaines quand même.

Elle pensa à ce Sander. A ce jeune homme que Carrie avait manqué de tuer. Elle songea également aux autres membres de Ganymède qu'elle n'aurait pas, un seul instant, hésiter à sacrifier au nom de l'amitié qu'elle portait pour Cassandre. Au fond, étaient-ils si différents ? Les sentiments qui les unissaient étaient de même nature. Les professeurs. Les Ganymèdes. Peut être existait-il un possible où les Professeurs auraient gardé le château contre l'assaut des hommes de Beckers ?

Esther ne le saurait jamais mais... Elle ne put s'empêcher de s'approcher de Carrie. Et de lui serrer la main très fort. Les deux femmes n'étaient pas amies. Mais Aleph - qui avait tué tant de gens pour de plus mauvaises raisons - comprenait quel genre de pensées pouvaient passer en cet instant précis dans la tête de Pulse.

"Je vois très bien ce que vous voulez dire"

Elle avala sa salive. Et tenta d'oublier qu'elle parlait à un interlocuteur planqué dans la pierre.

"A l'avenir, je pense que j'éviterai, personnellement, ce genre de cuisine. Et que nous soyons tous préservés d'avoir à faire de pareilles omelettes pour le temps qu'il nous reste à vivre !"

Avançant dans les couloirs du palais, elle remarqua à l'invitation de James les travaux de réhabilitation. Ils n'avaient, effectivement, pas chômé ! Mais si les lieux semblaient guérir des stigmates physiques, son esprit demeurait néanmoins marqué... Par la vague. Les liens de pierre crées par ce Gaïa auquel elle venait de s'adresser... Ça faisait beaucoup de choses à oublier.

"D'habitude les criminels ne reviennent pas discuter avec leurs victimes sur le lieu de l'infraction... Laissons de côté les vieux schémas de pensée et tentons de voir comment cohabiter en paix pour la suite. Si vous avez réussi à remettre en état ce château, peut être pourrons nous rétablir des relations de bonne intelligence avec vous ? Même si le cas Beckers me semble plus difficile..."

Et elle ne parlait même pas des sentiments confus qu'elle éprouvait au sujet de Midas !

Carrie sentit une main se refermer sur la sienne et réagit brusquement en sursautant et baissant la tête vivement sur cette étreinte dont elle ne s'attendait pas. Les épaules de l'avocate baissèrent lentement, se calmèrent tandis qu'elle redressait la tête vers l'avant, vers leur interlocuteur. Sans toutefois jeter un coup d'oeil à Esther, elle ne retira pas sa main. Elle avait compris le geste. Et elle l'avait apprécié. Elle-même serra un peu plus fort ses doigts autour de ceux de Esther pour lui signifier son appréciation, mais aussi pour lui dire qu'elle allait s'en aller:

"Si vous voulez bien m'excuser, je vais maintenant vous quitter. Ce n'est pas que cette conversation n'est pas interessante, mais...je vais aller faire quelque chose de plus constructif de mon temps. Parfaire mon bronzage, par exemple. Vous imaginez retourner à New York avec une ligne de bronzage? C'est carrément inacceptable!"

Carrie envoya un sourire à James. Elle fit demi-tour et posa son regard sur Esther avant de quitter. Elle roula les yeux et soupira.

"À plus tard, Mademoiselle Koffman."

Ailleurs