Ha qu'il est beau le temps de Glasgow!

Il n'y avait personne dans le parc. Personne ou presque. Peut-être quelques personnes devant sortir leur chien. Ou bien des âmes en peines noyant leurs larmes dans la pluie après une rupture ou un décès soudain. Et puis...il y avait Jolène...Jolène qui n'avait ni chien, ni rupture, ni décès à son actif. Juste l'envie de courir malgré le temps et la température. Elle ne se l'était pas expliqué. Elle avait pourtant des choses à faire...réviser, lire, travailler...mais...ce besoin de faire du jogging jusqu'à l'explosion de son coeur et la mort de ses jambes l'avait prise violemment. Oui, elle allait surement avoir un rhume après, mais elle s'en fichait totalement. Tout ce qui comptait présentement, c'était s'épuiser à la course.

Elle avait l'impression que chacun de ses pas était rythmé par les gouttes tombant sur le sol, que la pluie jouait une musique qui l'accompagnait dans son sport. Elle n'avait pas pris son lecteur, à quoi bon alors que la musique était partout autour d'elle pour l'accompagner? Ce temps lui rappelait Glasgow. C'était peut-être pour cela qu'elle avait eu envie de sortir...Ou alors juste qu'elle avait besoin de faire quelque chose pour elle pour une fois. Se vider l'esprit, ne plus penser qu'à sa respiration et sa foulée pendant quelques heures.

Son pied arrive dans une flaque, l'eau s'infiltre dans ses chaussures. Qu'importe. Présentement, elle est bien. Ses cheveux sont totalement collés à sa nuque et son visage, sa veste ouverte est trempée (de toute façon, elle ne sert plus à rien fermée maintenant) et son t-shirt tout autant. Son pantalon quand à lui reste maintenant collé à sa peau. Mais chacune des gouttes d'eau qui la touche la détend un peu plus. Voila. Juste être tranquille, seule dans un parc, à courir. Elle ne voulait plus penser pendant quelques heures et c'était pour le moment un objectif totalement atteint. Elle rentrerait à l'institut quand elle ne pourrait plus mettre un pied devant l'autre mais pour le moment...ce n'était pas le cas...elle profitait de sa journée avec un bonheur diffus mais bel et bien présent.

Alban n'avait pas eu beaucoup de temps pour penser à sa carrière depuis trop longtemps déjà. Il aspirait toujours à devenir acteur et essayait de garder une pratique minimale mais globalement il était rouillé. Il voulait en plus essayer de se diversifier et ce n'était pas toujours facile. Lorsque le matin même il avait vu le temps qu'il faisait, il était sorti comme une trombe avec un classeur contenant de feuilles dans des pochettes plastiques. Il portait une veste de costume simple avec des mocassins, un parapluie à l'ancienne avec pommeau recourbé et, chose assez inhabituelle pour le jeune homme: un chapeau.

Après avoir passé un moment à chercher un endroit tranquille il avait fini par opter pour un bosquet d'arbres dans le parc qui semblait désert et qui permettrait de le cacher un peu des gens et de ne pas trop l'exposer à la pluie. Il avait révisé un petit peu le texte et les mouvements puis s'était lancé. Il était déjà là depuis un moment quand Jolène passa en courant.

"What a glorious feelin'
I'm happy again
I'm laughing at clouds
So dark up above..."



Le jeune homme chantait une chanson qui avait l'air de sortir du lecteur de son arrière grand-mère ou plus si tant était qu'elle en avait un. En s'approchant, on pouvait le voir gesticuler, sautiller, danser et faire de grands gestes entre son parapluie et son chapeau, utilisant régulièrement les arbres comme éléments à part entière de la chorégraphie. La scène avait à la fois tout du cliché du jeune homme de théâtre et de la ringardise grandiloquente. De plus le jeune homme s'interrompait régulièrement afin de refaire un pas pour le corriger, reprendre du début, vérifier une parole et essayer de régler les nombreux défauts de son interprétation qui n'était pourtant pas si mauvaise.

La course la libérait complètement de ses pensées. Elle se sentait revivre. Elle replaça d'une main une mèche de cheveux qui lui était tombée devant les yeux. Le paysage défilait au fil de ses pas: buissons, pelouse, arbres...un type avec un chapeau au milieu des arbres...

Au début, l'écossaise ne fit pas trop attention à cet homme enchapeauté qui se trouvait au milieu du bosquet. Puis elle l'entendit se mettre à chanter...et le vit se mettre à danser. Et puis...il lui sembla que...Alban? Non...C'était trop gros pour que...

Le pas de Jolène ralentit son allure avant qu'elle ne s'arrête totalement. C'était pas possible. Elle posa ses mains sur ses genoux pour reprendre un peu son souffle. Elle manquait d'air et elle avait des visions. Ou alors y avait un illusionniste dans le coin qui s'amusait avec elle...Il n'y avait pas véritablement l'irlandais en costume en train de faire un spectacle chanté et dansé avec un parapluie au milieu des arbres. Elle resta les bras ballants à regarder la comédie musicale, récupérant peu à peu une respiration normale. Un des côtés de son gilet alourdit par l'eau tomba sur son bras, dévoilant son épaule. Elle le remit en place sans y faire vraiment attention, absorbée par le spectacle surréaliste et inattendu qui se passait sous ses yeux. Le gilet remis à sa position initiale retomba lourdement à l'endroit d'où il venait d'être délogé sans que la petite écossaise n'y fasse plus rien.

La musique collait parfaitement avec le temps mais elle ne lui disait rien du tout. Sans doute une trouvaille d'Alban pour l'occasion. Et le jeune homme ne s'en sortait pas trop mal. Ses maladresses dans ses pas ou dans son chant le rendaient touchant. Il avait dû bosser pour lui sortir ça...sans même avoir été forcément sûr qu'elle passe par là à un moment. C'était touchant...presque inquiétant d'un certain point de vue...mais au moins, maintenant, elle ne pouvait plus douter de son amour pour elle...ou alors, il poussait le vice très loin.

L'écossaise ne savait pas vraiment comment réagir...elle était troublée par ce qu'avait fait le jeune homme. C'était clairement ridicule et désué mais ça avait son charme. Et après tout, cela collait parfaitement avec ce qu'elle connaissait du jeune homme, sa passion du théâtre en particulier.
Elle resta là à attendre la fin du spectacle, replaçant de temps en temps une mèche de cheveux tombée devant les yeux. Elle était trop hébétée pour réagir autrement de toute façon. Elle ne pensa même pas à être en colère pour la sérénité de la course perdue. Là...il avait fait fort quand même.

Jolène regarda le jeune homme finir intégralement son spectacle, toujours aussi étonnée. Il s'en sortait plutôt bien. Il alla boire à sa bouteille. C'était sûr qu'autour, il n'y avait pas assez d'eau comme ça...Et puis il la regarda...ou plutôt, il la vit étant donné sa réaction. Le spectacle ne serait donc pas pour elle? Sinon...il n'aurait pas eu l'air étonné...D'un côté elle était rassurée...De l'autre...Non...ce n'était certainement pas de la déception qu'elle ressentait. Déception pour quoi d'ailleurs? Hein? Il n'y avait aucune raison d'être déçue. Elle replaça sa manche en attendant d'être rejointe par le chanteur. Il était tout aussi trempé que lui...ils étaient beaux comme ça: tous deux risquant la crève pour quelque chose dont ils auraient pu se passer. Elle se passa la main sur la nuque.

Le jeune homme déplia son parapluie et la protégea de la pluie avec. Il semblait mal à l'aise. Cela couplé à ses vêtements trempés et à son spectacle, il était d'une maladresse touchante, d'un simplicité désarmante. Il était loin du visage qu'il pouvait offrir le plus souvent et ce n'était pas désagréable à constater.

"Je crois que tu n'es pas le mieux placé pour me faire ce genre de réflexions."

Elle croisa les bras sous sa poitrine. La phrase avait été dite sans humour, sans colère, avec tranquillité et simplicité.

"Tu vas pas rester benoîtement en dehors du parapluie, protège-toi...même si je pense pas qu'à notre niveau ce soit quelques litres d'eau de plus ou de moins qui feront la différence."

Puis elle se tue et elle regarda le jeune homme d'un air neutre. Elle avait surement tenté depuis les quelques jours qui les séparaient de leur rendez-vous au bar de ne jamais se retrouver seule avec lui. Tout simplement parce que si un tête à tête arrivait, elle ne pourrait pas esquiver le sujet.

les commissures de ses lèvres se soulevèrent rapidement lorsque le jeune homme sourit. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle ne souhaitait pas qu'il la voit sourire. Tout en gardant un bras dans la position croisée, elle remit en place un mèche de ses cheveux derrière l'oreille.
Le jeune homme accepta sa proposition et vint la rejoindre sous le parapluie. Elle avala rapidement sa salive et détourna le regard vers le sol où frappaient régulièrement les gouttes d'eau, devenu intéressant depuis la subite promiscuité du jeune homme.

Elle fut obligée de ramener son regard vers le jeune homme lorsqu'il se pencha vers elle pour lui parler. Un court instant, elle crut qu'il voulait à nouveau l'embrasser par surprise. Un court instant qui fut rapidement brisé par sa phrase mais pendant lequel la jeune femme avait esquissé un léger mouvement de recul involontaire. Elle regretta immédiatement ce geste. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir croire après?

"Je...j'étais en train de courir quand je t'ai vu en train de danser..."

Elle occulta totalement le fait qu'elle pensait que le spectacle avait été pour elle, rougissait même légèrement de sa stupidité, le regard dans le vague. Mais qu'est-ce qui lui avait pris de penser ça? Elle toussa puis regarda successivement les arbres et le jeune homme. Elle s'en voulait de ne pas pouvoir garder son regard en place. Ca lui donnait l'impression de...de voila quoi. Elle ne répondit rien à la dernière phrase, gardant le silence. Elle ne savait pas pourquoi d'ailleurs. Elle aurait pu lui dire que c'était un temps aussi charmant qu'à Glasgow, ou qu'entre habitants des îles britanniques ils se comprenaient. Ou même un sourire elle aurait pu. Mais non, son visage resta neutre, son regard un peu fuyant. Elle avait l'impression qu'en agissant autrement elle allait perdre. Mais perdre quoi?

"Depuis quelques minutes, pas plus...."

Elle marqua une pause, regardant le paysage.

"D'ailleurs...c'était...c'était bien hein...ton spectacle..."

Aussitôt après avoir prononcé ces mots, elle s'en voulu et se racla la gorge, comme si cela pouvait effacer ses paroles. Pourtant, elle avait eu envie de le dire. Mais...Tout était simple au bar avant qu'il ne l'embrasse. Elle aimerait bien que ça redevienne comme avant pour elle. Ou du moins, qu'il n'y ai plus ce trouble. Mais elle savait que pour ça il n'y avait qu'un moyen: qu'elle lui donne sa réponse. Elle ne pourrait pas éternellement esquiver le sujet. Mais elle ne savait pas quoi lui répondre. C'était bien là le problème. Elle retournait encore et encore le sujet dans sa tête et il y avait toujours des partis qui n'étaient pas contents.

Alabn rigola. Jolène ne savait pas pourquoi. Peut-être avait-elle dit quelque chose sans le vouloir? Ou alors c'était un moyen comme un autre de soulager la tension qu'elle avait inspiré. Elle lui en voulait de rire dans tous les cas. Mais quelque chose dans ses yeux arrêta son jugement. Pendant un court instant avant qu'il ne les ferme, elle avait eu l'impression de lire autre chose que de la joie. Elle sentit une compression au niveau du torax. Etait-elle allée trop loin? Elle ne savait pas trop où exactement mais...c'était l'impression qu'elle avait eu. Elle ne voulait pas qu'il croit que...Que quoi d'ailleurs? Elle eut envie de balbutier quelque chose mais ce qu'elle avait vu avait disparu derrière un sourire. Jusqu'à quel point il était sincère? Il la remercia et lui proposa de rentrer à l'institut. Surement pour que cette gène ne dure pas plus longtemps que nécessaire. Un voile triste passa sur ses yeux. Un sourire narquois sur le visage de l'irlandais. Il fallait qu'elle arrête de se mentir à elle-même maintenant. Elle tira légèrement le bas de la chemise du jeune homme. Peut-être pour être sûre qu'il ne partirait pas et qu'il la regarderait.

"Alban...je..."

Elle prit une longue inspiration en fermant les yeux. Fallait que ça s'arrête. Elle ne cherchait pas le grand amour, elle n'était pas comme Juliette. Mais le jeune homme avait su la toucher. Elle se sentait bien avec lui, même si elle savait que les émotions qu'il affichait n'étaient pas toujours les vraies. Elle ne voulait pas tout foutre en l'air. Mais elle voulait encore moins avoir à l'admettre. Alban lui avait mis une pression énorme en faisant tout reposer sur ses épaules. Elle ne voulait pas avoir la décision finale.

"Arrêtons les faux semblants."

Elle planta son regard dans celui du jeune homme. Ce ne serait pas à elle de décider, mais à lui. Indirectement.

"Si tu veux ta réponse, je sais que tu connais un moyen infaillible de la connaitre.

Elle ne lâcha pas les yeux de l'irlandais. Elle voulait que son regard soit le plus neutre possible. Elle voulait qu'il prenne le risque de la perdre pour la gagner. Qu'il ose l'embrasser à nouveau sans son autorisation directe. Imperceptiblement, elle avança le visage. Le pire qu'elle puisse imaginer est qu'il ne comprenne pas le sens de ses paroles. Dans ce cas là...

Le discours que tient le jeune homme en se penchant vers elle aurait pu l'exaspérer. Mais c'était Alban. On ne le changeait pas. Elle était sûre que même le jour de sa mort il aurait une tirade toute prête à déclamer à la faucheuse, un sourire au lèvre. Mais elle ne bougeait pas. Jusqu'au dernier moment, elle voulait garder son visage neutre et...

Comme le jeune homme l'avait prévu, la petite écossaise sursauta en sentant la pression des doigts du jeune homme. Mais...mais...c'était pas du tout ce que...Elle écarta vivement une des mains.

"Mais...mais...ça va pas n..."

Elle sentit la main humide du jeune homme sur son visage et la caresse du doigt qui la fit taire de suite. Et le jeune homme finit par l'embrasser après sa stupide blague. Surement à cause de cette dernière et de la courte déception qu'elle avait provoquée, ce premier vrai baiser était rendu plus agréable. Elle ne sut pas trop quoi faire de ses mains, l'une resta accrochée à la chemise, l'autre était sur la poignet de la main repoussée. Elle ne pensait plus à rien d'autre qu'à ce que le jeune homme lui donnait, à la vague de chaleur et aux fourmillements qui parcouraient son corps. Encore une fois, elle oubliait. Elle se concentrait sur le moment présent. Et le contact se rompit. Trop vite pour Jolène. Elle rouvrit les yeux. Elle n'avait pas oublié ce que le jeune homme lui avait fait juste avant.

"Beau salaud..."

Les mots avaient été prononcés dans un français quasi-impécable. Elle secoua la tête de droite à gauche l'oeil amusé. C'était dommage pour lui mais elle avait des armes de plus que lui pour le coup. Elle reprit dans la langue de Shakespeare.

"Avec ta stupide blague, j'ai bien cru que j'allais devoir te gifler."

Elle lâcha la chemise et glissa sa main entre le manche du parapluie et celle du jeune homme. Elle voulait sentir ses doigts contre ses doigts. son autre main quitta le poignet et remonta doucement vers le haut du bras du jeune homme, serrant légèrement ses doigts, rapprochant à nouveau leurs deux visages. Et...juste avant que leurs lèvres ne se touchent à nouveau, elle usa de son pouvoir pour que le jeune homme sente des spasmes au même endroit qu'elle avait eu les pressions. Elle fit un petit sourire satisfait. Parfois, il n'y avait pas besoin de faire beaucoup d'éclat.

"Même si je me sens encore lésée, on peut dire qu'on est quitte.

Elle combla l'écart qui restait entre les deux sans attendre la réaction du jeune homme, épousant ses lèvres avec douceur. Un frisson lui parcourut l'échine. Elle avait voulu lui rendre le baiser donné comme pour valider celui qu'elle avait reçu.

Le jeune homme sursauta à son attaque. Vengeance était faite. Sa punition était tombée et il l'avait accepté avec grâce. Au bout de quelques instants, le jeune homme se retira et cabotina à nouveau. Peut-être était-ce une tirade tirée d'une pièce dont elle ne connaissait rien. Ou simplement une autre de ses improvisations.

"Si ça t'as tant gêné, je pourrais régler ça sans problème."

Elle lança un regard rapide vers ses mains. Son expression était tout à fait neutre. Sa voix presque monocorde. Mais ses yeux brillaient d'un éclat amusé. Elle était soulagée. Leurs relations étaient revenues au même point qu'avant. Plus de gêne, plus de tensions. C'était bien.

"En russe? Pourquoi en russe?"

Le jeune homme avait-il quelque chose contre la langue de Molière? Il était vrai que généralement, on lui attribuait l'amour plus que tout autre sentiment...mais bon...Elle était étonnée. Et le silence qui s'était installée un court instant la perturba. Elle se mordit la lèvre inférieure. L'impression ne disparu pas tout de suite avec le sourire qui avait fait son coming back. Il était tout à fait capable de cacher si quelque chose lui avait déplu. La normalisation avait-elle été si courte que cela?

Perdue dans ses pensées, le regard fixant le visage du jeune homme guettant le moindre tressaillement qui aurait pu trahir une tension quelconque, elle sursauta presque en sentant le bras trempé se coller dans son dos qui l'était tout autant pour la rapprocher du torse du jeune homme. Son corps se raidit instantanément lorsqu'ils furent collés l'un à l'autre, ses joues s'empourprèrent légèrement. Elle n'était pas tactile, n'avait jamais été élevée comme ça et...elle était surprise. Oui...elle savait que le jeune homme était plus facile qu'elle sur ce point là, et ce n'était peut-être pas bien difficile. Mais...
Elle ne savait pas comment réagir. A un tel point que ses bras restèrent crispés dans leur position et que son visage ne bougea plus à partir du moment où sa joue avait frôlé le tissu humide de la chemise, n'osant pas s'appuyer sur le corps du jeune homme, la respiration hachée et les yeux arrondis. Le contact était loin d'être désagréable, sentir la chaleur et la respiration de l'autre était quelque chose de doux et presque d'enivrant. Mais étrangement, elle trouvait celui plus intime qu'un chaste baiser. Alban allait avoir du boulot avec elle.

"Huhum."

Voila les seuls mots que fut capable de prononcer la jeune fille lorsqu'Alban répondit à sa question. A croire que le contact entre elle et le jeune homme entravait non seulement ses bras mais aussi sa langue. Elle avait l'impression qu'elle aurait été capable de rester dans le même état, sans bouger pendant des heures si le jeune homme n'avait finalement pas lâché prise. Elle était bien plus à l'aise, même si ses joues étaient encore en peu rouges. Elle replaça une mèche de cheveux, secouant légèrement la tête pour acquiescer.

"T'as raison..."

Un vent coulis passa dans sa nuque et elle ressentit subitement une fatigue extrême dans ses membres. Elle avait couru pendant un petit moment et...elle l'avait oublié...Sans étirements et sans boire elle allait se retrouver avec des crampes. Mais ce n'était rien des crampes à côté de...

Elle retint un éternuement avec difficulté. Ca y est...elle avait un rhume en plus. D'un autre côté ce n'était pas très étonnant. Elle était fatiguée et elle était trempée. Fallait bien que ça arrive. Enfin...

Elle remarqua que le jeune homme tendait sa main, sans doute pour qu'elle la prenne. Elle n'avait pas pensé précisément à ce que cela impliquait, bien qu'elle ne regrette pas du tout. Mais elle allait devoir faire des efforts sur certains points.
Elle tendit sa main vers celle du jeune homme, sembla un court instant se suspendre en vol, hésitante, avant de finalement la saisir. Un frisson parcouru son bras et des couleurs réapparurent sur ses joues, qui cette fois disparurent rapidement. Elle l'avait fait. Un petit sourire apparu sur ses lèvres tandis qu'elle regardait vers le sol. Elle n'avait pas besoin de le voir vu qu'elle le sentait. Elle resta silencieuse quelques instants, attendant que le jeune homme commence à marcher vers l'institut.

"Je voulais te demander quelque chose..."

Elle se racla la gorge, et passa sa main de libre dans la nuque. C'était difficile à annoncer. Et le jeune homme pouvait mal le prendre. Elle espérait vraiment que ce ne serait pas le cas...Elle ferma les yeux en expirant.

"Je...j'aimerais que les autres ne soient pas au courant."

Elle semblait gênée de dire ça.

"J'ai pas envie de partager ça..."

Non...elle voulait que ce soit sa bulle...sa propre petite bulle personnelle. Et elle ne voulait pas que les autres la voie de peur qu'elle n'éclate plus rapidement. Elle serra la main d'Alban plus fort. Son coeur s’accéléra. Elle détourna un instant le regard avant de se forcer à lever les yeux vers l'irlandais pour voir sa réaction. Elle souhaitait qu'il comprenne ses motivations. Elle le souhaitait vraiment.

La jeune fille acquiesça à la proposition d'Alban pour leur retour vers l'institut, une douche et des vêtements secs. Elle semblait déjà malade et le jeune homme sentait que malgré son manteau, il ne ferait pas le malin longtemps. C'est alors qu'il fut plutôt surpris de voir Jolène le prendre par la main. Elle semblait décidément dérangée par le contact physique et Alban trouvait ça à la fois charmant et surprenant. Alors qu'il commencèrent à se mettre en route Jolène demanda quelque chose à Alban comme si ça la gênait. Comme si ça semblait dur à demander. Le jeune homme se mit à sourire devant la timidité dont elle faisait preuve pour une demande si simple.

"C'est bête, je comptais prendre un pot de peinture rose et dessiner des cœurs avec ton nom sur tous les murs de l'institut !"

Dit Alban en arborant un grand sourire et en louchant. La grimace était ridicule. Son sourire s'adoucit et reprit une teinte sérieuse alors qu'il étouffait un petit rire.

"Non, sincèrement, je comptais pas spécialement en parler. On se lâchera la main en arrivant et tout ira très bien. Et puis..." Retour d'une petite grimace. "... il y aura l'excitation de se faire attraper !"

Il conclut en tirant la langue et en continuant à avancer vers l'institut.

Hall de l'institut

Le sourire du jeune homme la rassura. Elle fit un léger sourire en réponse, qui resta sur son visage à la blague du jeune homme. L'idée qu'il avança la fit grimacer. Il devait y en avoir qui en seraient capables.

"T'as pas intérêt à faire ça...et encore moins à recommencer cette stupide grimace..."

Elle avait voulu dire ça sur un ton faussement sérieux, mais il était plus doux qu'accusateur. Elle regarda le jeune homme redevenir sérieux. Il n'avait pas eu l'envie d'en parler. Tant mieux. Au moins, sur un point, ils étaient pareil.

"Merci..."

Elle le remercia dans un souffle, passant sa main dans les cheveux. L'excitation de se faire attraper? En y pensant bien, l'idée n'était pas désagréable à imaginer, au contraire. Elle s'empourpra légèrement, un léger sourire sur les lèvres, les yeux dans le vague. Elle le suivit vers l'institut, étouffant un deuxième éternuement.

Hall