[Labrador2]Le cheval de Troie

Tout s'était déroulé très vite. Le chien de Jessica… le camion… les soldats. Sans réfléchir, ni se soucier de la boue poisseuse qui couvrait ses vêtements et sa peau, Alyssandre avait bondit hors du fossé. Les minces épines qui avaient pris naissance au creux de ses paumes s'étaient muées en lianes, longues et souples. Dans un mouvement rapide, elle avait saisi l'arme du conducteur et s'était employée à l'empêcher de la récupérer.

La suite des évènements étaient plus confuse dans l'esprit de la jeune Française. Les mutants détenus avaient profité de l'absence des gardes pour s'échapper et donnaient un franc coup main aux académiciens. Une phaseuse aida même Alyssandre en passant les menottes au conducteur.

Finalement, les soldats tombèrent les uns après les autres et un calme relatif revint. Alyssandre observa les prisonniers. Certains portaient de manière visible les stigmates de la mutation, tandis que d'autres, au contraire, auraient pu se fondre dans une foule d'humains. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Thorn, malgré le froid, la pluie, la boue et la fatigue qui s'insinuait en elle.

Elle regarda, presque amusée, la petite démonstration de Rachel sur la collection Automne hiver du look Labrador Executor.

*Elle a vraiment un don pour alléger les ambiances les plus tendues*

Alyssandre hocha la tête à cette pensée, puis à l'instar de ses camarades, se prépara pour la suite. Elle passa une paire de menottes à ses poignets, prenant soin de conserver la clé dans une petite poche de son uniforme. Elle sauta souplement à bord du camion, prenant place le plus près possible de l'ouverture arrière.

Pendant que les autres s'installaient, elle regarda les mutants qu'ils venaient de libérer, puis ses yeux se posèrent sur ses mains. Ses stigmates à elle étaient bien moins marquants, mais cela avait suffi à lui faire vivre un enfer parmi les normaux. En voyant l'homme serpent ou la fille ailée, une promesse silencieuse se forma dans son esprit.

Ils allaient réussir cette mission, quoi qu'il arrive.

Sur cette pensée réconfortante, elle reporta son attention sur la situation. Chacun avait revêtu son costume, la suite se mettait lentement en place, selon les instructions de Cassandre.

Cassandre attendit un instant avant de laisser tomber les clés dans les mains de Jake. Elle savait ce qui serait arrivé s'il avait fait à son idée, il n'y avait aucun doute là-dessus. La réaction excessive du mutant lui apprit que son égo avait été touché, et la frustration perçait dans sa voix, malheureusement il fallait parfois savoir mettre son égo dans sa poche, surtout quand des vies humaines étaient en jeu.

"Je ne suis certes pas à même de juger de la maîtrise de ton pouvoir... Mais je sais qu'en l'occurrence, ça aurait pu sérieusement compromettre notre mission, sans parler de risquer la vie des passagers. Gardez à l'esprit que nous ne sommes pas infaillibles. Un simple grain de sable peut venir chambouler une mécanique bien huilée." expliqua-t-elle de son habituelle voix calme, avant de laisser Jake prendre les clés de sa main. Elle ajusta son costume du mieux qu'elle put. Elle n'avait aucune idée de son apparence, mais se doutait qu'il ne lui allait pas. Elle récupéra l'arme du garde et la passa en bandoulière, avant de saluer les détenus et de leur indiquer comment rejoindre le petit port pour quitter l'île.

"Si j'a bien compris, Jake et Rachel à l'avant, et tout les autres à l'arrière. Une seule route relie le camp au port, ce sont les seules structures civilisées de l'île, vous n'avez qu'à suivre la route. Je vous conseille d'apprendre par coeur le numéro d'identification qui figure sur le badge des gardes. Il est... dans la poche gauche de votre gilet. Ce pass vous garantira le déplacement libre dans l'enceinte du camp, gardez-le précieusement." dit-elle, avant de vérifier ses dires en ouvrant le scratch de la petite poche. La carte était bien là. Suivant le reste des élèves, elle monta à l'arrière du camion, et s'assit sur un banc, ruminant pensivement les rouages qui devraient leur permettre d'arriver à leurs fins. Comme elle l'avait dit, un simple grain de sable pouvait perturber l'intégralité de l'opération. L'oeil intérieur fixé sur l'arbre des possibles, Cassandre resta silencieuse un moment, son regard éteint rendu presque transparent par le filtre bleu turquoise de la visière militaire. Elle reprit cependant la parole à travers le communicateur, pour que tout le monde l'entende :

"Nous allons nous scinder en trois groupes. Notre coordination est essentielle, c'est pourquoi nous devons rester en contacte radio permanent. Le premier groupe sera composé d'Ashern, Jessica, Myou et moi-même. Nous nous chargerons de trouver un moyen de libérer les prisonniers des baraquements. Le deuxième groupe sera composé d'Alyssandre, Rachel et Godollo . Ils auront pour mission de pénétrer dans quartier de commandement, moins sécurisé, pour ramener un maximum de preuves des forfaits commis au camp, que ce soit en photo ou tout autre document. Le dernier groupe sera composé ed Jake, Enzo, Gaël et Fabrisio. Ils s'occuperont de créer une brèche dans le périmètre laser ceignant le camp, afin de permettre la fuite rapide de tout le monde. Tant que les prisonniers ne seront pas sortis des baraquements, la discrétion est de mise, essayons de faire durer l'effet de surprise au maximum. Une fois en groupe, évitez au maximum de vous séparer, sans quoi cela paraîtra suspect, et les gardes en faction ne manqueront pas de s'en apercevoir. Encore une fois, ne foncez pas tête baissée et adaptez vos actions à la situation, c'est le meilleur conseil que je puisse vous faire." expliqua la jeune femme, immobile malgré les soubresauts du camion. Rien qu'une fois elle aurait voulu pouvoir contempler le visage, sûrement tendu des élèves, et le graver dans sa mémoire, avoir le soutien que procure un regard échangé avec quelqu'un embarqué dans la même galère et qui adoucit le tourment intérieur. Mais elle ne pouvait y avoir droit, et en tant que guide, elle ne devait laisser filtrer aucune de ses interrogations. Elle se redressa légèrement sur son siège, le visage déterminé et grave.

Après une vingtaine de minutes, le camion finit par arriver en vue du Camp Labrador, dernier vestige de la barbarie humaine au XXIIème siècle. Ici, pas de mur d'enceinte. Les miradors qui entouraient le camp donnaient une idée approximative, quand on était au courant, du tracé des lasers qui empêchaient toute évasion. Un poste de contrôle se profilait droit devant la route, et constituait l'entrée principale du camp.
Seuls des hommes vêtus de combinaisons kaki arpentaient les allées entre les baraquements. Aucun prisonnier n'était en vue. Lorsque Jake s'arrêta à la guérite, les militaires scannèrent son badge sans vraiment faire plus attention que ça au transport. Ils devaient en voir passer tous les jours...
La première trace de prisonnier sauta cependant aux yeux de Rachel : sur sa droite, les restes en putréfaction d'un cadavre à moitié brûlé aux pieds de la clôture laser indiquaient que la grande évasion d'un prisonnier s'était arrêtée ici...
Sans savoir qu'ils venaient de faire rentrer le cheval de Troie, les gardes cédèrent le passage au camion, qui finit par se garer au beau milieu du camp, près d'autres transports du même type. Les mutants descendirent, accompagnés de leurs équipés déguisés en gardes, et se répartirent dans les groupes.
Un silence de mort régnait dans l'enceinte du camp.

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