Aéroport Charles de Gaulles.

Il était toutefois assez difficile de ne pas entendre l'autre, même si paradoxalement, la plupart des gens faisaient comme s'ils ne l'entendaient pas.

C'était un homme plutôt grand et bien bâti, cheveux noirs en brosse, visage assez carré. Ses yeux étaient étranges : à l'affût, aux aguets... Il semblait avoir vu plus de choses qu'un esprit est capable d'en informer.

Des bribes de sa conversation parvinrent aux oreilles de Mingan :

"De mon côté non plus ça n'a rien donné Hope. Je pense qu'il vaut mieux se focaliser sur les USA pour l'instant, autant consolider les affaires. Je ne m'attendais quand même pas à ce que les choses aient pris cette ampleur y compris au Japon."

Il y eut un blanc le temps que la correspondante réponde.

"Non, j'ai visité les lieux, mais ça n'en vaut vraiment pas la peine... J'embarque là. On se retrouve sur place."

Mingan n'avait pas remarqué que la file avait beaucoup avancé, et que l'hôtesse commençait à le regarder bizarrement.

"S'il vous plait monsieur, c'est à vous!"

Mingan sursauta et regarda l'hôtesse dans les yeux, il ôta son casque et se dirigea d'un pas rapide vers le comptoir. L'hôtesse était debout derrière, un peu en décalé, Mingan pouvait voir une de ses jambes, elle était ravissante. Il continua de remonter son regard. Ses hanches étaient sveltes, tout en étant assez ferme, du moins à la vue. La veste du tailleur ne laissait pas voir le buste, si ce n'est cette gorge somptueuse et profonde. Il resta un instant à la regardé puis leva les yeux. Il croisèrent tour à tour la bouche, fine et pulpeuse, son nez, adorable, et ses yeux, d'un vert profond. Enfin, un chignon compétait la panoplie de cette hôtesse de l'air, la plus belle femme qu'il n'ai jamais vue.

Il l'observa encore un petit peu la beauté de la femme qui se tenait devant lui. Il se ressaisit à temps.

-Je suis désolé madame, j'étais ailleurs.

Il fouilla dans son sac, faisant tomber une boîte de gâteaux secs. Il tira maladroitement son billet et son passeport qu'il tendit à la jeune femme.
Elle le prit et pianota sur son clavier, pendant ce temps, Mingan ramassa son paquet de gâteau, ne s’empêchant d'observer ces jambes sublimes.

La femme, très professionnelle, se munit des papiers et les examina soigneusement sans prêter la plus petite attention à leur détenteur. Pendant ce temps, sa collègue en face riait discrètement de l'attitude ostensiblement voyeur de Mingan. L'homme derrière Mingan passa par contre très rapidement. Sans doute un connaisseur... En arpentant la passerelle d'embarquement, tout ce que Mingan put entendre fut :

"Coupe...téléphone...embarqué, rendez-vous...Salem Center."

L'hôtesse lui restitua ses papiers avant de lui souhaiter :

"Bon voyage dans notre compagnie M. Drilligan."

Il franchit à son tour la passerelle, et fut placé dans la queue de l'appareil, dans ce qu'anciennement on appelait la classe touriste, bien qu'il n'y ait plus de distinctions de classe dans les avions modernes, la pénurie d'essence obligeant à remplir les convois.

Mingan s'installa le plus confortablement possible après avoir mis son sac dans le compartiment qui lui est destiné, ayant au préalable retiré un CD de dedans. Puis il redressa son dossier et calla sa tête comme il faut. Une fois bien installé, il tira sa ceinture et l'attacha. Enfin il prit son lecteur CD et l'ouvrit. Le couvercle tomba, il ne tenait plus que lorsqu'il était fermé. Il changea les Cd de place, ouvrit sa tablette et posa celui déjà écouté dessus. Il s'étira un petit peu et se laissa retomber dans son fauteuil, les yeux fermés, bercé par le rythme de sa musique.

Il n'est malheureusement pas si simple de dormir dans un avion : Mingan fut réveillé par le raffut et les secousses du décollage, puis par les gens passant dans l'allée, devant lui, qui trébuchaient dans ses pieds, puis par l'hôtesse avec son chariot qui n'arrivait pas à passer, puis par le repas servi, puis par le film qui commençait, puis par des trous d'air, puis par des turbulences, puis par encore des gens qui passaient...

Finalement, quelqu'un lui sortit les écouteurs des oreilles, le regardant avec un certain air de reproche.

"Dites, vous ne voyez pas que vous dérangez tout le monde à rester avachi comme ça ?"

Un steward...