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Jeu 22 Avr 2010 - 21:28
Depuis plusieurs jours, Viconia avait perdu contact avec la civilisation. Elle avait assisté au briefing, puis avait disparut.
Le communicateur encore à l'oreille, elle avait eut vent du retour de Salem center des élèves ayant tant bien que mal essayé de limiter le massacre. Le soulagement dû au fait qu'il n'y ait pas de mort parmi les mutants passé, elle avait posé son communicateur sur son plan de travail à la garde de Claire.

Depuis, elle s'était ouverte aux sensations retrouvées.
La vue était encore ce qu'elle avait de plus précieux, elle s'en était rendue compte en la perdant.
Elle avait toujours fait avec ce sens, mais sa disparition lui avait enseigné qu'il ne fallait plus considérer les ressentis considérés comme acquis à la légère. Qu'il ne fallait plus être certaine de ses capacités ou de son talent. Qu'il fallait cesser de considérer ceux qui l'entouraient comme éternels à ses côtés. Que chaque place était éphémère, et qu'il fallait se battre tous les jours pour la concerver.

Laissant ses pensées essayer de faire le point sur ce qu'elle était, ce qu'elle voulait, et ce qu'elle déconsidérait en n'y prêtant plus attention, ses mains se baladaient sur un bloc de calcaire.
La jeune fille était de nouveau en salopette verte à la propreté douteuse, un sous-pull rouge fin aux manches trois quart dessous et deux longues nattes accrochées dans son dos à l'aide d'une pince en forme de crevette grise. Elle se tenait assise comme une gamine faisant des pâtés de sable, le bloc entre ses jambes étendues, et sa ceinture de sculpture à sa gauche.

Bientôt, il y allait y avoir offensive. Bientôt, elle risquait de perdre quelque chose de précieux. Différentes choses l'entouraient pour lors, dont elle était plus ou moins consciente, elle pouvait les perdre à jamais. Voire laisser sa propre vie en chemin. Son sourcil gauche se fronça ; elle n'avait pas écrit à ses parents depuis longtemps.

Quoi qu'il en soit, elle ne voulait pas mourir sans avoir offert au monde un avertissement.
Il fallait que tout le monde ait conscience que chaque seconde était une première et une dernière à s'écouler. Que chaque inspiration ne suivait et ne précédait pas forcément une expiration immuable.
Il y avait des choses à faire pour contrer le Vide de manière constructive et jouissive, elle ne s'en priverait pas.

Ses yeux verts qui n'étaient désormais plus flous et se fixaient avec vitesse et précision sur des sillons que le burin et la pointe, qu'elle avait à présent en main, formaient petit à petit sur la pierre.
Comme une tache d'encre de chine, les sillons commençaient à faire le tour de la pierre, à se répandre selon un schéma prédéfinit.
Ses mains, le sol et la salopette étaient à présent couverts de poussière blanche.
Les joues de la finnoise humides.
Mais ses mains ne tremblaient pas.
Et les sillons avançaient.
Esther Kofman
Esther Kofman
Ethnopsychologue [LeX]
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Sam 24 Avr 2010 - 1:37
Bureau d'Esther Arrow

L'israélienne était sortie en toute hâte de l'Institut, pour seulement marquer une pause sur les marches du perron. Une fois sa cigarette allumée, elle inspira un grand bol d'air vicié et parut se détendre l'espace d'un instant.

Pour se concentrer, réguler sa respiration et profiter du beau soleil tout en soufflant des volutes de fumée.

Puis, elle fit quelques pas en direction du jardin, histoire de déambuler à la manière d'une péripatéticienne aristotélicienne.

Son attention fut attirée par la vision d'une gamine qui semblait faire des pâtés de sable. Elle haussa le sourcil et se focalisa sur elle : Viconia.

Esther n'avait suivi que d'assez loin les mésaventures sensorielles de la NeXus. Ne serait-ce que parce que son art se pratiquait par la parole et qu'elle aurait eu peur, en lui parlant, d'ajouter de la misère à sa souffrance.

Ne pas voir. Ne pas parler. L'horreur absolue. Sans compter le fait qu'elle avait été violée dans son intimité mentale. L'horreur absolue. Le...

L'israélienne réalisa que sa réserver vis à vis de Viconia n'était pas de la pudeur. Il y avait autre chose. Et... Cela faisait toujours aussi mal.

Elle s'approcha, tentant de se faire silencieuse, de l'endroit où se tenait la rousse. S'arrêtant juste devant elle, Esther l'observa encore quelques instants en silence avant de demander simplement :

"Dire que je n'ai jamais réussi à tracer un seul trait droit de toute mon existence. Et si je peux réduire ce bloc de pierre à l'état de liquide en fusion par la simple pensée, je serai incapable d'en faire quoi que ce soit d'artistique. Là dessus, nous sommes différentes..."
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Sam 24 Avr 2010 - 9:08
Entre deux modelages et trois grattages, Viconia perçut que quelque chose avait fait irruption dans son champs de vision. Chaussures plutôt féminines, pas à peu près décidé.
Écoutant d'une oreille attentive son introduction, la finnoise ne répondit cependant pas tout de suite. Elle finit de creuser avant, arrondissant les angles pierreux, soufflant pour dégager son plan de travail, et frottant de sa main à vif les éclats restés attachés au coeur de la pierre.

Une fois ceci finit, elle leva son regard gazon vers Esther Kofman. Psychologue de l'Institut. Elle n'avait jamais entendu personne dire qu'il était allé la consulter. Mais peut-être cela se faisait-il de manière discrète. Évitant les question gênantes. Ou bien seuls les Lex, ayant des missions finissant souvent en eau de boudin, passaient leur temps chez elle à tenter de retrouver dignité et intégrité.

Quoiqu'il en soit, elle eut un sourire en coin tandis qu'elle finissait de polir la pierre de la main droite. Tailler n'était pas si difficile, mais il fallait d'abord acquérir les bases. Pour cela, la jeune fille n'était pas encore retournée en cours, laissant cesser son « arrêt maladie » sans le presser. D'où la présence du calcaire, seule chose qu'elle maitrisait avec l'argile. Et encore, elle aurait certainement plus d'inspiration concernant sa démarcation dur-mou et souple-taille, une fois qu'elle saurait comment planter son pic sans éroder les faces supérieures.

Mais Kofman ne semblait pas réellement vouloir parler sculpture, et Viconia fut assez alerte pour le percevoir. Pic pose sur la pierre et burin dans la main gauche, elle leva un regard interrogateur :
« - Et sur d'autres plans ? »
La jeune fille ne savait pas de quoi l'asperge israélienne désirait parler. Elle n'était pas de ses élèves et, hors ses cours, ne l'avait jamais croisée. Elle ne lui avait jamais parlé personnellement, et elle espérait bien qu'elle n'avait pas fait quelque chose pour attirer l'attention de la thermiste.
Esther Kofman
Esther Kofman
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Dim 25 Avr 2010 - 3:10
"Hum, sur d'autres plans il y aurait pas mal de choses à dire" répliqua Esther de manière un peu évasive.

Se sentant soudainement très grande face à la rouquine ouvrière, l'israélienne décida d'en finir avec cette asymétrie gênante en allant s'asseoir non loin du bloc. Son paquet de clopes à la main, elle avala sa salive et poursuivit :

"Il y a les points communs classiques : mutantes et membres de l'Institut. Mais ça, je ne vous apprend rien et je ne compte pas nous noyer dans un trop grand dénominateur commun..."

Elle toussota. Comme pour éclaircir une voix trop grave pour des poumons trop encrassés.

"Je sais que j'ai une image pas toujours très valorisante. On me trouve un peu dure, voire cassante. Je sais que mon attitude guindée me dessert et on peut me prêter une tendance autoritariste qui me déplait. Ma froideur en revanche est pas mal conditionnée par mes talents de mutante... En effet, comment trouver le juste milieu en matière de température des sentiments quand je suis moi même incapable de me souvenir de choses aussi évidentes que la fraicheur de la rosée du matin ou la chaleur d'un coucher de soleil ?"

Esther s'alluma une cigarette, faisant bien attention à ne pas rejeter la fumée à portée olfactive du museau de Viconia.

"Vous m'intriguez, ça c'est sur... Mon métier est de connaître et de comprendre les gens. Je veux dire : mon métier réel. Ce que je sais faire. L'aspect militaire passe en second plan à mes yeux... Tout cela pour vous dire que j'ai renoncé à essayer de vous cerner. Non pas que vous n'en valiez pas la peine mais... C'est au fond très accessoire de savoir comment fonctionne les gens s'ils fonctionnent, non ? Je me sens plus comme une garagiste de l'âme qu'autre chose..."

Tenant sa cigarette entre deux doigts, elle contempla un instant les volutes de fumée se dissiper dans l'air.

"Je n'ai en revanche qu'une piètre opinion des manipulateurs psychiques. Pour en avoir fait les frais à bien trois reprises, je dois admettre que la perspective d'être confrontée de nouveaux avec certaines personnes de ma connaissance me laisse un arrière-goût amer. Les pouvoirs mentaux peuvent être précieux mais ils doivent être utilisés de manière... judicieuse et modérée pour ne pas tourner en abus flagrants"
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Dim 25 Avr 2010 - 12:26
Viconia restait au sol, façonnant les tentacules qui commençaient à émerger et à se distinguer d'une masse plus compacte. Son visage restait doucement concentré, un léger sourire sans but flottant sur ses lèvres.
Si Esther était venue jusque là, plus ou moins décidée et accompagnée de son odeur de tabac familière à Viconia, ce n'était pas pour rien. Elle en viendrait au but en temps utile.
Pour lors, la finnoise appréciait l'odeur du tabac. Il la ramenait dans une petite salle aux néons clignotants et aux tables métalliques un peu passées d'âge. Là-bas, le tabac était plus fort, et les volutes de l'alcool se mêlaient au tout, mais l'effet madeleine agissait quand même.

Alors que l'israélienne se mettait à sa hauteur, elle prit un pinceau et commença à enlever les couches de poussière se trouvant dans ses sillons. Elle ne voulait pas polir pour ne pas perdre de matière.
Sans qu'elle ne dise rien, Esther mena seule ses propres réflexions.
La jeune fille ne pensait pas que son aînée fît tant attention à l'opinion que pouvait bien avoir une horde d'ados baignant dans les hormones à son propos. Cependant, un aspect plus humain et accessible d'Esther semblait s'ouvrir.
Viconia n'avait jamais vraiment réfléchis à l'aura psychorigide d'Esther, pour tout dire. Elle n'était pour elle qu'une référente parmi d'autres, mais pas la sienne.
Et soudain, pour une raison inconnue, celle-ci venait se dévoiler à une pioupiou beaucoup plus jeune en plein après-midi précédant une mission qui pourrait s'avérer létale.

Viconia était à présent dans une optique qui la menait à savourer chaque moment, chaque expression faciale, chaque aperçu sur le monde, chaque interraction.
Sa rencontre avec Esther allait en être le premier pallier. Pour le coup, elle en était plutôt satisfaite, la psychologue n'était pas vraiment du genre sauterelle écervelée.
Calmement, prenant toujours son temps, la jeune fille leva son museau légèrement pour poser son regard vert dans celui d'Esther.
« -Je crois que lorsque l'on a peur de ne plus avoir accès aux nuances que nous connaissions, il faut savoir se façonner une nouvelle palette. »

Si l'on était privée de température, pourquoi ne pas passer à la couleur. Aux différents paliers d'émotions dans la voix. Au différents reliefs d'un support.

La jeune fille avait faillit perdre à jamais la vue. Mais maintenant qu'elle l'avait récupérée, elle s'ouvrait à tous ses autres sens. Elle s'était rendue compte qu'elle n'avait malheureusement investit que de trop petits champs. Le monde entier s'ouvrait à elle, et elle s'était contentée de le considérer à travers un vasistas. Elle n'avait même pas pris conscience de tout ce que la vision des choses pouvait lui apporter.
Elle ne s'en doutait pas pour lors, mais cette conception des choses, tendant à être un peu plus globale, aurait très certainement une influence sur son pouvoir. Plus que jamais, son pouvoir était un prolongement d'elle-même. Multipliant les plans, les influences, les aspects et les significations des choses.
Et quand bien même Esther s'estimait froide. La seule fois où Viconia l'avait connue était le moment présent; et elle ne l'était pas.
« -Je pense également que les coups de pinceaux varient selon le support. »
Après, chacun avait sa personnalité. Viconia était comme elle était avec les gens, et elle n'en souffrait pas. Parfois, des supports ne nous inspiraient pas particulièrement.

Viconia recommença à creuser avec sa pointe et son marteau, donnant de petits coups très précis ça et là, suivant un schéma prédéfini. Lorsqu'elle se plantait dans son impulsion, celui-ci mutait, et une nouvelle image finale se formait dans son esprit.

Tandis qu'elle procédait, Esther lui déclara avoir renoncé à la cerner. En quoi pouvait-elle bien être incompréhensible. Ado-artiste finnoise, pas toujours victorieuse dans ses créations, larguée aux Etats Unis, mutante, aimant le hareng et se détendre occasionnellement en compagnie d'un modèle anatomique.

« -Pourquoi essayer de les « réparer » ? Pourquoi se demander s'ils « fonctionnent » ? Et pourquoi ne se fier qu'à l'aspect premier ? »

La jeune fille regarda Esther avec un sourire simple et un vrai regard interrogateur comme si rien dans ces affirmations ne paraissait évident.
Elle prit un grattoir de deux avec la main gauche, et chiffon dans l'autre main, commença à polir doucement les surfaces.
Elle ne regardait plus l'Israélienne.

« -La psychologie ne peut-elle point être une façon privilégiée d'apprécier les nuances de l'esprit humain. De créer une nouvelle palette appréciative du monde.
Je pense que la relation que votre profession vous permet d'avoir avec les gens sans qu'ils ne s'entourent de trop de barrières peut vous permettre de retrouver les niveaux qui vous semblent justes.
Oubliez la température et calquez-vous sur les visions que peuvent avoir les êtres qui vous entourent de la vie. Comprenez sur quel plan ils sont en équilibre. Quels fils pouvez-vous tendre pour les guider vers un aspect qu'ils auraient pu méconnaître, et quels pas pouvez vous suivre pour, à votre tour, avoir une appréciation différente du rapport humain ou du sentiment. »


Malgré les efforts d'Esther, la jeune fille baignait dans l'odeur de tabac. Cela eut pour effet de l'apaiser d'autant plus qu'elle avait été sereine depuis le matin, et de la mettre en confiance.
Confiance qui était en lutte avec le fait que la psychologue venait lui affirmer de vive voix qu'elle était loin d'être emballée par les capacités psychiques.
Loin de penser à la manipulation obturatrice dont elle avait été la victime, Viconia le prit pour elle. Une espèce d'avertissement à mots couverts. Cela la surprit un rien, étant donné le début de la conversation, mais elle n'en montra pas grand chose.
Elle se contenta de passer son chiffon sur une surface à présent lisse, et affirma simplement :
« -Je prends des précautions. Je ne projette pas sans autorisation à moins de danger immédiat. Je conçoit que l'urgence soit laissée à l'appréciation e chacun et puisse un jour entrainer des dérives. »
Venait-on lui donner des leçons de prudence?
Elle qui avait mit du temps avant d'accepter son don sans avoir la nausée à l'idée de faire voir un éléphant rose à un quidam.
Elle ne reviendrait pas en arrière.
Esther Kofman
Esther Kofman
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Lun 26 Avr 2010 - 10:44
Les fesses dans la poussière, Esther se sentait plus comme une amie de l'humanité que comme une gourou moderne investie d'une quelconque vérité. Observer les gestes précis de Viconia accomplir une quelconque tâche artistique qui était empreinte d'une certaine forme de mystère à ses yeux enrober les paroles de la rouquine d'une aura de solennité. Il y avait un texte et celui-ci était formulée dans une sorte de métalangage qui donnait du relief aux mots. Intéressant... Il y a quelques années, l'israélienne n'aurait vu là dedans que babillage et rite obsessionnel... Peut-être qu'avec le temps et l'expérience elle oubliait d'être clinicienne pour se faire métaphysicienne ?

"Une nouvelle grille de lecture, oui. Ou plutôt une grille à la carte. Je n'ai jamais été personnellement inconditionnelle des grandes falsifications mystiques de la psychologie : je ne parle que rarement le "Freud" ou le "Lacan" dans le texte. La domination des esprits et la contrainte des corps qu'elle soit physique, psychique ou sémantique me répugne. Je ne cherche pas des disciples mais des amis. C'est pour cela essentiellement que je suis dans la poussière à vos côtés pour tout vous dire..."

Mais pourquoi racontait-elle ça ? Esther cligna des yeux. C'était sa discipline. Se mouvoir au gré des inconscients pour s'adapter à l'autre. Et pas sortir une grille de lecture préétablie et remplir les cases.

"Ces coups de pinceaux dont vous me parlez... Je pense taoïsme. Je pense stoïcisme. Je pense résignation dans un sens positif. A quoi bon courir après de vieilles lunes si c'est pour se retrouver le nez dans l'eau ? Il y a des saveurs, des goûts, des sensations que je ne retrouverai jamais..."

Comme cette vieille odeur de renfermé que dégageait la veste de Robert Bateson. Elle aurait aimé la serrer contre son visage cette vieille gabardine. Au moins une fois. Mais il était trop tard, bien trop tard. Seuls restaient les souvenirs et cet impératif catégorique qui lui commandait d'avancer suivant son propre chemin... A quoi bon s'obstiner ?

"Les gens de ma caste préjugent beaucoup, Viconia. Le père fondateur, un vieux fumeur de pipe adepte des paradis artificiels, nous avait pourtant mis en garde dans un très très vieux livre : mais je pense qu'il n'est jamais monté au front comme j'ai pu le faire. Forcément dans le diamant que vous êtes, je ne peux voir à la fois qu'une ou deux faces. Saisir quelqu'un dans sa complexité est chose impossible. Mais c'est un mal nécessaire. Se planter avec les meilleures intentions du monde n'a rien de honteux. Tout ce qu'il faut c'est s'arroger un droit d'inventaire chaque fois que l'occasion se présente"

Elle avala sa salive. Viconia l'interrogeait au fond sur l'essence même de son métier. A quoi bon agir ? Le garage de l'âme est-il affaire de fripouilles et d'andouilles ? Elle haussa machinalement les épaules.

"Si vous entendez par "réparation" mise à la norme et au pas des esprits, je ne suis qu'une manipulatrice comme une autre. Si au contraire, on entend par réparation le fait de tenter de lever les obstacles qui empêchent d'avancer, d'être heureux ou de comprendre, il y a un sens dans ce travail. Je sais bien que la psy est un instrument de pouvoir et un auxiliaire de police mentale. Mais pas que... Vos personnalités sont trop précieuses pour vouloir les changer. En revanche quand il y a souffrance, il y a nécessité à intervenir..."

La suite du discours lui fit esquisser un sourire. La rousse était futée. Très. Au fond, elle se demandait si elle n'était pas en train de se prendre une leçon magistrale par une gamine qui bricolait dans l'herbe...

"De toutes façons, la psy ça participe d'une certaine forme de rédemption. Nous tentons d'œuvrer pour les autres mais nous nous leurrons. Il s'agit d'un sauvetage personnel aussi. C'est ça qui est drôle avec l'inconscient quand il est en mouvement... On ne sait jamais ce que va donner la rétroaction sur le praticien. Et il est vrai qu'une bonne partie de mon métier est de faire en sorte de montrer que le côté face a toujours un côté pile. Même si cela implique de mettre au passage à l'envers mon âme"

Elle sourit. Et posa la question impertinente qui semblait s'imposer :

"Et vous ? Quel est votre côté pile ?"

Esther écrasa sa cigarette au sol, attendit qu'elle soit bien éteinte et la rangea dans son paquet.

"L'éthique du pouvoir est essentielle pour nous. Mais vous savez... "Le plus effrayant dans tout ça, c'est que tout le monde a ses raisons". Au-delà du problème de l'urgence qui ne peut être traité que par la casuistique, le pouvoir mental pose problème : je ne peux m'empêcher de réfléchir aux raisons qui ont poussé les gens de Nemo à me manipuler. Ce sont des fanatiques, certes mais..."

Elle avala sa salive.

"Ils ont tenté de réécrire ma vie pour m'enfermer dans une prison mentale. Et dans l'état où j'étais j'aurai fait n'importe quoi pour y demeurer. Sans Ivy, je crois que j'y serai encore... Cette histoire, je ne l'avais jamais raconté mais... A l'époque j'aurai vendu mon âme pour que ça dure encore quelques instants et... Je pense qu'ils ont tapé là où ça faisait mal... C'est ça qui me mine le plus. ma propre impuissance à réagir..."

Nouvelle petite pause, histoire qu'Esther puisse digérer ses propres paroles.

"Vous réalisez quoi au juste ? Vous avez une idée ou vous vous laissez guider par la pierre ?"


Dernière édition par Esther Kofman le Mer 28 Avr 2010 - 10:08, édité 1 fois
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Mar 27 Avr 2010 - 1:52
Arrow Centre-ville

Tongs. Jean trop large. T-shirt auquel il manquait une manche. Cheveux ébouriffés par la légère brise et d'où émergeait un nez aquilin. La crevette maghrébine remontait tranquillement l'allée, un bouquin qu'il venait d'acheter ballotant dans la poche arrière de son pantalon.

Suite à son constat accablant concernant son professeur, le nano-mutant avait fait quelques expérimentations dans sa chambre, une fois le carnage réalisé par Josh nettoyé. C'était d'ailleurs en premier lieu pour assurer sa sécurité nocturne face à l'hybride perturbé qu'il avait songé à cette solution, puis l'idée lui était venue d'essayer de jour, pour surveiller leur chambre en son absence. Il avait ainsi laissé un bout de son T-shirt sous la forme d'un capteur thermique placé sur le montant de sa porte, qui l'avertirait de la nature des intrusions dans la chambre. Du moins en théorie, c'était la première fois qu'il programmait ses nano-machines pour agir de façon autonome.

Du coin de l'oeil, il repéra une teinte bien connue de cheveux sur le vert du jardin. Viconia travaillait à quelque chose. Et Kofman assise par terre. Si la première vision était habituelle (et un soulagement compte tenu des récents événements), la seconde était relativement plus atypique. L'Algérien resta un long moment planté dans l'allée, à regarder silencieusement dans leur direction, puis son corps dégingandé se mit finalement en marche à travers la pelouse dans un doux froissement d'herbe.

Une fois arrivé près d'elles, il contempla simplement le bloc en mutation de sa mine perçante. Cela faisait un moment que les deux partenaires de virée interplanique ne s'étaient pas retrouvés. Depuis la précédente mission des NeXus en réalité, qui avait laissé la Finnoise amoindrie. Après sa rémission et sa mésaventure en centre-ville, il avait déposé les pots de peinture qu'il avait achetés sur le seuil de la chambre de Georgia, mais n'avait plus eu de nouvelles depuis. Peut-être étaient-elles fâchées qu'il ne soit pas rentré directement. Devant ce black-out, Yanis n'avait pas osé déranger à nouveau Charis pour lui demander ses lumières. Il avait attendu et observé en silence, comme il le faisait à présent.

Finalement, il regarda Viconia, assise en tenue de travail, cherchant son regard de son oeillade grave. Il ne savait pas quoi dire. Il savait que les deux femmes étaient en pleine conversation, et il n'était pas du genre à poser la question rhétorique qui semblait précéder toute conversation à l'Institut "Est-ce que je dérange ?". Il faisait confiance à la Finnoise pour lui annoncer directement la couleur si c'était le cas.
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Mar 27 Avr 2010 - 18:37
« Chaque être est comme une œuvre, unique. Vous avez raison d'adapter.
Je dois cependant confesser que chaque œuvre ne me prends pas autant de temps à l'observation et l'interprétation. Parfois un trait grossier ne fait que me révolter et passer à autre chose.
Il y aura bien un étudiant d'AP (Art pictural) pour la recycler dans l'un de ses books ... »


La jeune fille n'avais aucune idée des théories de Freud ou Lacan. Ils devaient être pour la psy les grands poseurs de bases.
Comme le génie australien qui avait inventé la brosse-à-gratte 27  et qui, comme une courge subtropicale, avait zappé de mettre un manche de 16.2 au lieu de 13.4.
N'étant pas lilliputienne, ce détail lui posait tous les jours problème.

« -Je ne sais pas si la meilleure des choses est de chercher à être l'amie de quelqu'un.
Je pense qu'il faut savoir donner des opportunités d'évolution aux situations qui se présentent.
Mais je vous rejoins dans la nausée que me donne ceux qui pensent être les maîtres et qui, par besoin de compenser leurs propres carences, en profitent pour abuser de ceux qui ne sont pas conscients de leurs capacités. »


A la résignation positive d'Esther, Viconia n'ajouta rien, se contentant de sa propre réflexion.
Elle n'aurait plus jamais la sensation d'avoir un esprit en circuit fermé. D'être seule dans ses créations, pensées et sentiments.
Si elle s'avérait malmenée psychiquement par la surprise où une émotion intense, elle teintait à présent les esprits autour d'elle.
Cela aurait pû la contenter, elle aurait appris à se maitriser.

Le fait était que depuis qu'un pachyderme vicieux était venu écraser sa souveraineté intérieure, ses sensations propres et ses interprétations du monde, souillant tout résidu de bien-être ; elle ne pouvait plus être en paix. Être auto-satisfaite. Être complète.
Elle avait perdu sa vision d'enfant choyée persuadée viscéralement de sa tout-puissance.
Elle frissonna dans l'air chaud et sa pointe roula sur l'ongle de son index droit.

Vérifiant qu'il n'y avait pas de mal avant de reprendre son travail, Viconia écouta avec attention la description de son métier par Esther Kofman.
Elle n'ajouta rien.
Elle n'avait pas à juger et n'estimait pas avoir à donner son avis envers des affirmations qui avaient tendance à résonner en elle.
Bien qu'elle n'eut pas compris toutes les références, elle savait qu'il n'était pas important de tout savoir. Il suffisait de capter pour soi-même l'essentiel et de construire sa réflexion ainsi.
Elle aimait découvrir de nouvelles palettes, de nouvelles méthodes et de nouveaux angles lorsqu'elle croisait le travail de l'un de ses congénères.
Elle admettait qu'Esther aimât découvrir chaque personnalité qu'elle croisait, cherchant à en percevoir la structure ainsi que les dimensions temporelle et réflexive qui avaient mené un bout d'Homme à devenir Quelqu'un.
Chercher à trouver pourquoi d'un élan positif l'Etre devenait stagnant, voire agissait négativement vis à vis de lui-même et de son devenir.
Comprendre pour lever les obstacles.

Chacun son truc.

Quoiqu'il en soit, la finnoise ne pût s'empêcher de ne pas se sentir touchée par le « vous » de l'Israélienne.
Les Enfants de L'Institut. Comme un groupe opaque d'êtres plus ou moins en tourmente.

Depuis ce qui pouvait s'apparenter à son viol, elle avait pris de la distance. Elle observait, appréciait, inspectait, interprétait. Mais ne se mêlait plus à la masse. Elle n'avait pas fait de nouvelles connaissances, pas cherché à lier.
Pour lors, elle avait cherché la nouvelle elle-même et écouté ses envies.

L'opinion d'Esther avait souvent l'air tranché d'après ce qu'elle avait pu comprendre des minces rumeurs.
Pour lors, la femme qui lui faisait face semblait appliquer la science de la psychologie avec conscience, et elle n'eut pas besoin d'adresser une prière silencieuse à Michel-Ange pour ses patients.

Elle lui envoya un regard mutin, relevant pour une fois les yeux, et énonça simplement :
« -Je n'ai jamais prétendu faire ce que je faisais, être qui je suis, pour l'amour de l'Art et de la transmission sacrée uniquement.
Je le fais car j'aime ça, car je ne peux vivre sans, car je suis dépendante du pinceau, burin ou crayon 2B.
L'Art mort, je le serais aussi. L'Art mort, je ne serais jamais revenue de là où j'ai pu errer... »

Elle marqua un temps de pose, toute couleur résiduelle ayant quitté ses joues.
« -Je suis dedans jusqu'au cou par pur égocentrisme et affection hédoniste personnelle. Mais aussi par confort. »

Et par terreur de la vie affrontée seule.
On se construisait tous des armures. Celle que la finnoise avait choisit était calcaire pour lors.
Bien au chaud derrière ses toiles, appareils photos ou blocs de pierre, elle évitait les confrontations. Les interactions humaines. Observateur extérieur gardant ses orteils hors de l'eau.
Évitant peut-être les exaltations, mais évitant les écueils et les naufrages en eau salée.

Clignant des yeux avec une fréquence accrue comme si une poussière était parvenue jusqu'à son œil, la jeune fille comprit sans nécessiter d'explication l'aveu d'Esther.

Depuis qu'elle pouvait agir sur l'esprit de tous les artistes et profanes afin de leur montrer son art en trois dimensions, de les immerger dans sa réalité, Viconia avait des doutes.
Elle s'était rendu compte qu'elle avait toujours percé scolairement dans sa branche grace à son « coup de pouce » mental.
Depuis sa résidence en Art à Salem, elle résistait presque à chaque fois à l'envie de déboucher les neurones de ses séniors en leur projetant ses impressions, ses émotions.
Elle avait souvent serré les poings de rage à l'audit de certaines réflexions, mourant d'envie de leur ouvrir le vasistas qu'ils se bornaient à conserver condamné.
La voix légèrement tremblante, elle avoua :
« -Où se trouve la limite entre le fait que l'on soit peut-être dotés de capacités pour une bonne raison, et la marge de manœuvre que l'on s'autorise par conséquent à avoir sur les autres.
Ne pas pratiquer, c'est imploser.
A chaque projection, on ne peut s'empêcher de se dire que c'est « pour leur bien » même si cette phrase me semble plus que dérangeante.
Vous en avez fait les frais.
Et il doit être terrible de s'avouer que ce que l'on a estimé « bon pour vous » fut classifié de la même manière par votre esprit rendu passif. »

Posant ses instruments coupants, elle saisit un chiffon épais.
« -On veut tous se voir comme intouchable, le mieux à même de choisir ce à quoi on est destiné et ce qui nous conviens le mieux.
Que quelqu'un comprenne votre fonctionnement mieux que vous-même est une chose terrifiante.
Qu'il puisse ensuite vous faire adhérer et signer est au delà de toute imagination.
Car très vite, on perd de vue les limites. On deviens passif, sans défense. Une poupée de chiffon manipulable à souhait. »

Polissant plus que de nécessaire sa sculpture, la finnoise réfléchissait plus à voix haute qu'elle ne répondait à Esther.
Elle n'avait pour lors pas remarqué l'entrée en scène de l'Algérien.

« -Tout être humain est terrorisé par l'idée de la perte de contrôle sur sa vie... C'est l'effet secondaire de la conscience de soi. »

Ceci dit, elle reposa son chiffon sur sa cuisse gauche et considéra un instant l'oeuvre qui commençait à poindre.

Spoiler:


« -Je... »
Ce qu'elle allait dire fut interrompu par le fait qu'en relevant la tête pour s'adresser à Esther, son regard se posa sur Yanis.
Debout, silencieux, veillant.
Comme d'habitude.
Comme d'habitude avant...

La dernière fois qu'elle avait entendu sa voix, cela s'était terminé par quelque chose du genre « si je reviens vivant ».
A priori, il avait réussit. Elle en avait eut vent. Mais tant que la preuve n'était pas sous vos yeux, il était difficile de présumer de l'effet que cela pouvait avoir sur vous.

La réaction de Viconia fut simple.
Lentement, elle se leva tout en replaçant son chiffon dans la poche kangourou de sa salopette.
Elle s'avança ensuite lentement à pas de loup vers Yanis, comme si elle chassait le caribou en plaine finnoise ne voulant pas l'effrayer.
A un mètre de lui, elle tendit prudemment la main, comme pour vérifier que ce n'était pas une projection.
Ses doigts firent un « schplush » mou à la collision avec son épaule étrangement sans manche.
Il se passa une seconde où elle fronça le sourcil droit, puis, sans un mot, elle le prit dans ses bras.
Elle ne dit rien, elle avait simplement le visage haut et droit, passant au-dessus de 'épaule gauche du jeune homme, ses bras raides refermés autour de ses bras à lui.
Esther Kofman
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Ven 30 Avr 2010 - 10:45
"Amie n'est peut-être pas le mot juste... D'ailleurs, pour tout vous dire, je ne connais que très peu de mots justes. Notre tendance est à la paresse sémantique, à l'automatisme de langage... Être universitaire, académique, c'est apprendre à parler en citations. Dans mes mauvais jours je fais dans le prêt-à-penser. Bref, je ne suis pas grand chose de plus qu'une truelle mentale..."

Elle avait failli dire truie. Lapsus révélateur ? Ou tout simplement la projection de son angoisse bretonne comme illustration de sa pratique professionnelle : sa discipline lui imposait d'être romaine à Rome et d'être porcine auprès du breton. Calibrer sa propre personnalité pour répondre aux exigences de la thérapie. C'était à se demander si elle avait encore une identité à elle ou si à force de conformer son comportement à des fins thérapeutiques elle n'avait pas fini de se dissoudre dans le néant psychique. Esther fit la moue.

La truelle mentale, ouais c'était bien trouvé. Une boite à outils sur pattes. Terrifiante et navrante à la fois.

"Nous n'agissons que pour nous même. Même les réalisations "altruistes" participent d'un besoin de votre part. Principes de plaisir et de réalité conditionnent toutes nos actions. Mais ce n'est pas bien grave... Il faudra toujours juger les actes et non les personnes. Toujours l'existence et jamais l'essence. Ce qui compte dans vos réalisations artistiques ce n'est pas vos intentions..."

Elle eut à nouveau un petit sourire maternel.

"... mais bel et bien le résultat tel qu'il se présente sous vos yeux et ceux des autres"

L'israélienne observa avec attention l'oeuvre de la finnoise, se contentant pour l'heure d'un petit signe de la main à destination de Yanis.

"On croit toujours savoir ce qui est bon et bien pour les autres alors que nous ne pouvons les voir qu'au travers d'un prisme déformant. Et comme beaucoup de pouvoirs se sont développés en dehors de toute éducation à l'éthique, le résultat ne peut être qu'explosif. Le "c'est pour votre bien" comme vous le dites a un double effet pervers : il déculpabilise l'auteur des faits et il nie le statut de victime à celui qui a fait les frais de cette action. C'est pour cela qu'il n'est pas possible de négocier avec des fanatiques comme les gens de Nemo. Convaincus de leur bon droit, ils sont inaccessibles à la sanction pénale ou morale..."

La sculpture était fascinante. L'israélienne s'était focalisée sur la chose qui semblait sortir de sa coquille et le trou en son centre. Comme si cette place laissée volontairement vide était en fait le cœur de l'œuvre. Comme si... Elle avala sa salive :

"Je préfère accompagner les victimes. C'est une question d'éthique et de responsabilité : toujours être du côté de ceux qui souffrent, jamais avec les bourreaux. Le jour où la donne sera renversée et que des mutants opprimeront des humains, j'imagine que ce sera le moment où je trahirais mon génome..."

Esther se redressa pour mieux contempler la sculpture. Sans quitter la structure des yeux, elle ajouta à l'attention de Viconia :

"Face à l'adversité, une vieille barbe de la psychologie recommandait toujours la fuite. Seule à même de résoudre la tension mentale sans violence. La fuite c'est ce que vous voulez d'ailleurs. Partir à la cloche de bois, vous adonnez à des pratiques addictives ou bien... trouver un autre moyen d'expression"

Poussant un long murmure interloqué, l'israélienne conclut finalement :

"Ça m'a l'air d'être un esprit. Du moins c'est ce que je vois. Un esprit qui sort de sa coquille ou que l'on sort de son enveloppe. Le trou m'intrigue, en revanche. La place du manque, de ce qui n'a plus de place en tant que tel, est fondamentale dans l'inconscient collectif : mais à votre avis, ce vide, c'est ce qui a été retiré et qui ne pourra plus être retrouvé ou la meilleure part des hommes, celle qui est inaliénable, inaccessible et inviolable ?"

Question provocante s'il en était mais Esther n'avait jamais prétendu que la psychologie était confortable...

Enchaînant sans transition, elle salua Yanis et nota que la finnoise semblait très attachée au jeune homme. Ce qui ne manqua pas de troubler Esther, elle qui avait si peu l'occasion de serrer qui que ce soit tout contre elle... Néanmoins, la présence de l'algérien était tout à fait opportune.

"Yanis, le Directeur Feuerstürm m'a demandée de vos nouvelles. Il a été pour le moins insistant. Il vous a également salué Viconia. Mais je crois surtout qu'il aurait une proposition à vous faire, Yanis..."


Dernière édition par Esther Kofman le Jeu 6 Mai 2010 - 0:49, édité 1 fois
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Sam 1 Mai 2010 - 13:16
Yanis n'avait pas bronché lorsque Viconia avait tâté son épaule, aussi imperturbable que dans les entrailles de la colonie pénitentiaire. Ce n'est que lorsqu'elle pénétra son espace personnel que le mutant se raidit, si plus de raideur était possible dans son maintien statique. Sa main gauche brilla furtivement d'un reflet bleuté, avant de reprendre sa consistance normale quand son cerveau mécanique aboutit à la conclusion qu'il ne s'agissait pas d'une agression extérieure. En réalité, son trouble était tout intérieur. Les bras plaqués le long du corps par l'étreinte de Viconia, Yanis cligna bêtement des yeux, le regard braqué sur Esther, sans savoir ce qu'il était censé faire.

Il passa brièvement les conseils de Charis en revue sans trouver de correspondance avec la situation présente. Il était seul pour faire face. Il ne pouvait plus se fier qu'à ses propres sens et raisonnements, qu'il savait plutôt imprécis dans le domaine social. Les analyses fusaient dans son esprit mécanique. Viconia savait son corps anormalement froid, mais elle venait de se coller à lui, au risque d'un choc thermique désagréable et d'une déperdition de sa propre chaleur, ce qui était somme toute contraire aux réflexes d'auto-préservation classiques. Les êtres à sang chaud recherchaient généralement la chaleur. Il fallait bien sûr ne pas oublier la variable géographique. De par son origine, la Finnoise avait peut-être du mal à supporter la douceur qui s'attardait sur le mois de septembre. Il était donc possible qu'elle cherche à ajuster sa température corporelle grâce à la sienne.

L'inverse était également envisageable. Il était sûrement inhabituel pour un Algérien d'avoir la peau si froide, bien que cela ne le gênât pas le moins du monde. Mais il sentait bien leurs températures respectives se mêler là où leurs corps se touchaient. La Finnoise estimait peut-être qu'il n'était pas assez chaud. La sensation n'était en tout cas pas déplaisante maintenant qu'il l'expérimentait.

Le regard du jeune homme dériva d'Esther vers la sculpture, plus particulièrement vers le trou en son centre, qui attirait le regard du spectateur. Il avait lui aussi un manque dans les tréfonds de son âme cybernétique. Pourtant, en cet instant précis, aussi incertain qu'il était, il se sentait étrangement entier. Comme si une pièce essentielle venait de lui être rajoutée.

Yanis tourna légèrement la tête vers celle de Viconia. Pour un observateur extérieur, son expression n'avait pas changé d'un iota, pourtant, pour quelqu'un qui le connaissait dans l'intimité, quelqu'un chose en lui semblait... soulagé, comme un hématome sur lequel on poserait de la glace.

Son visage de faucon toujours légèrement orienté vers Viconia, il tourna son regard brun vers Esther lorsque celle-ci s'adressa directement à lui, enregistrant en arrière-plan ses sensations le temps qu'elles dureraient pour analyse ultérieure.

"Je vais bien." répondit-il laconiquement au professeur lorsqu'elle évoqua Feuerstürm, même si cette réponse éclairerait probablement sa partenaire sur son état de santé. Il était en pleine forme, physiquement parlant. C'était plus son esprit qui était perturbé, ces derniers temps.
Son regard se fit plus perçant, méfiant, quand elle parla d'une proposition. La dernière proposition qui lui avait été faite... venait de la dénommée Myrtille. Il se demandait ce que le directeur voulait de lui. Ils étaient quittes depuis l'épisode de l'asile psychiatrique.

Il resta silencieux, toujours planté comme un piquet les bras les long du corps, désarmé par une simple étreinte, attendant plus d'informations.
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Dim 2 Mai 2010 - 20:54
Viconia le savait, mais le constater par soi-même de manière tactile était tout à fait différent : Yanis était frais et sécurisant.

Pas de ces blocs de glace froids, coupants et douloureux que la lueur bleutée d'un instant tentait d'imiter.
Non, simplement frais.
La consistance d'une peau humaine et standard à la couleur miel, mais fraiche et douce comme une couverture dans laquelle on ne s'était pas encore glissée.
Viconia avait connu des peaux grasses, pulsées, propres, excoriées de produits détergents; mais toujours chaudes et palpitantes, comme si le trop plein de futilités intérieures et d'incertitudes serpentaient sous la surface et ne demandaient qu'à se communiquer à quiconque instaurait un contact.
Yanis avait une peau calme. Et c'était terriblement rassurant et réconfortant.
D'un côté, elle ne savait jamais vraiment si il était en vie, et si l'être à l'intérieur était toujours un, mais pour cela, il lui suffisait de lever les yeux.

Son regard comprit celui de Yanis très clairement, en réalité le sien devait être relativement équivalent.
A cette pensée, Viconia se raidit plus qu'elle ne l'était déjà et elle s'écarta lentement de Yanis, lui rendant la propriété de son propre corps et de son aura fraiche. Les empreintes précises où leurs températures corporelles avaient crée une sorte de mixité improbable lui brûlaient les bras comme du fer blanc.

Elle s'était écartée et ne le touchait plus mais restait à ses côtés, une distance de cinq centimètres au plus proche. D'une certainement manière, elle lui laissait son intimité, mais il continuait ainsi de rafraichir et apaiser son espace vital.
Si jamais il vivait mal la situation du fait d'une exposition calorifère trop importante, elle lui faisait confiance pour le lui dire, comme toujours.

Ses yeux revinrent donc avec détachement sur sa sculpture en cours, nullement honteuse de son attitude précédente devant Esther, et passant d'un sujet à l'autre tout à fait librement.
Ses sourcils se froncèrent en une attitude concentrée, et elle étudia l'interprétation d'Esther.
Elle murmura ensuite pour elle, avec une mine de dégoût désabusée :
« -La meilleure part des Hommes pourrait-elle être un jour retrouvée ? A-t-Elle existé ? »

Elle frissonna malgré la présence rassurante de Yanis. Esther avait raison. La mutanité, à l'instar de beaucoup de pratiques humaines, quoi que l'on puisse en dire, s'était établie avec complaisance dans un monde dénué d'Ethique. A l'interprétation libre du premier de ses pratiquants. Ceux qui s'interrogeaient ne restaient que trop anonymes et seuls certains, comme un vieil homme leader d'une armée fleurie, osaient donner leur avis. Malheureusement, leur aura ne jouait pas toujours en leur faveur, et leurs publications virtuelles n'avaient pas l'opportunité de guider des consciences trop puissantes pour leur âge et leurs réflexions embryonnaires.
Nemo, les anéantisseurs de conscience grecs... Partout les déviances étaient tentatrices et en embuscade. Pour lors, beaucoup se contentaient de sauter d'un pied sur l'autre en évitant, ou pensant éviter, les déviances funestes.

« - Le centre et l'origine, le point de départ que l'on ne peut plus atteindre. A mesure que l'on s'éloigne, on le perd de vue et d'accès. Si bien qu'une fois au milieu de la tourmente, on ne sait plus quelle était l'impulsion initiale. »
Elle regarda Esther avec un regard marigot appuyé, puis ajouta simplement :
« -Béni celui dont la vie n'est pas spiriforme et qui réussit à maintenir l'Avancée sans s'échouer, sans oublier.
Mais selon moi, la Rectitude n'existe pas. »


Elle voulut ajouter « nous sommes désespérément seuls dans la tourmente », mais à ses oreilles, cela sonnait beaucoup plus dramatique que désabusé.

Lorsqu'Esther mentionna le vieux fumeur, elle ne put s'empêcher d'avoir un sourire curieux. Cela lui fit penser que son dernier mail devait dater étant donné les derniers évènements précipités. Elle avait un peu suivit ses nouvelles positions, et n'avait pas été choquée outre mesure d'apprendre le patron qu'il était devenu.
Un finnois nicotiné du pays des illusionnistes qui chassait le mutant déviant. Pourquoi pas.
Elle ne fut pas surprise que Yanis le connaisse, après tout, il était relativement international. Elle fut surprise par contre d'une part par le lien entre Yanis et elle, et d'autre part de la proposition qu'il avait à lui faire.

Immobile, elle resta aux côtés de l'Algérien, suffisamment à l'aise dans son aura pour ne pas ressentir le besoin de bouger. Elle attendait la suite. Ses yeux retournèrent se poser sur le centre de sa sculpture, ayant la sensation que les tentacules autour tournaient, inéluctablement et indéfiniment de manière effrayante.

Elle fut tellement absorbée par l'image qu'elle projeta un peu à tord et à travers cette sensation aux alentours. Les tentacules s'enroulaient de manière obscène mais indescriptiblement attirante. Comme inéluctable. Comme si s'abandonner à cette course inexorable permettait de prendre le large vis à vis de toute pensée... Et donc de toute souffrance. S'oublier pour disparaître en paix. Laisser son esprit rejoindre l'oubli et abandonner la raison.

A moitié ailleurs, elle avait l'impression qu'on l'appelait et que le gouffre l'attirait inexorablement. Effrayée mais fascinée, elle avança d'un pas vers sa sculpture, comme prête à s'y jeter pour oublier tout. De l'auto-hypnose terriblement efficace lorsque l'on accumulait quelques longues heures de détresse solitaire.
Esther Kofman
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Jeu 6 Mai 2010 - 1:10
"C'est... comme si l'on combattait depuis si longtemps que l'on ne sait plus de quel côté on est..." murmura Esther, un peu désarçonné.

L'impulsion originel c'était quoi, en effet ? Quelle pichenette divine l'avait projeté dans cet univers de terreur ? L'israélienne connaissait la différence entre l'inné et l'acquis, le hasard et la nécessité mais pourtant...

Quelque chose se noua dans sa gorge. Un cri silencieux y expirait. Pourquoi elle ?

La sculpture était hypnotique. Et la projection de Viconia ne pouvait qu'accroitre ce sentiment de malaise qui s'insinuait au plus profond d'elle même.

Les pouvoirs ne feraient jamais l'essentiel. Des pouvoirs et une culture commune à deux êtres ne faisaient pas d'eux des jumeaux. Zohara, sa cousine thermokinésiste, et elle-même en étaient de parfaits exemples. Pourquoi l'une s'était retrouvée dans la police à poursuivre une quête logique et morale qu'elle s'était elle-même assignée tandis que l'autre, déchue d'une existence plan-plan, évoluait dans un marasme intellectuel et moral des plus déstabilisants ? Quelle différence entre leurs deux êtres ? Qu'est ce qui l'avait poussé à embrasser cette cause et à la poursuivre encore et encore ?

Esther n'en savait rien, absolument rien sauf que Robert n'était qu'un prétexte. Et elle se sentait comme une poupée levant en vain les yeux vers un marionnettiste invisible... Et peut-être bien que Dieu jouait aux dés !

Et ces tentacules lui rappelèrent le bon souvenir d'un autre captif d'un destin trop lourd : un certain petit garçon que certains avaient voulu faire Roi pour inonder le monde de ses larmes...

Elle inspira un grand coup pour tenter de reprendre ses esprits. Après le chaos finnois, elle tenta de se ressaisir en se focalisant sur l'ordre algérien. Yanis.

"J'imagine que Feuerstürm sera ravi d'apprendre que vous allez bien, Yanis. Tout comme vous Viconia. Mais sa requête est d'un tout autre ordre. Il souhaiterait, Yanis, que vous réfléchissiez à la proposition suivante : intégrer le PISS en tant qu'agent de terrain. Il vous a - suite au rapport élogieux de l'un de ses inspecteurs - en très haute estime. Il a, tout particulièrement, insisté sur vos capacités naturelles d'analyse. Visiblement, le PISS semble dorénavant plus rechercher des agents rationnels et raisonnables que des cow-boys à la gâchette facile..."

L'israélienne faisait bien évidemment référence à son ignoble cousine. C'était gratuit, petit et mesquin mais cela faisait du bien.

Remarquant l'attirance quasi magnétique que semblait exercer la sculpture sur Viconia, Esther fit un pas en direction de la jeune fille et demanda fermement :

"Viconia ? Tout va bien ?"

Elle posa sa main sur le coude de la jeune fille. Si elle partait en transe, le mieux à faire était encore d'établir un contact physique.
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Sam 8 Mai 2010 - 1:46
Alors que Viconia s'éloignait vers sa sculpture, Yanis sentit le froid gagner à nouveau son corps. Comme pour se réchauffer, et bien qu'il n'en ait pas besoin, il croisa les bras sur son torse, le regard fixé sur la crinière rousse de sa camarade. L'eut-il fait plus tôt, il réalisa que Viconia n'aurait pu s'éloigner. Cette observation le surprit car elle ne répondait à aucun besoin physiologique primaire.

Les paroles d'Esther détournèrent le jeune homme de ses interrogations métaphysiques. Un inspecteur de terrain élogieux... Des membres du PISS qu'il avait rencontrés, seule une personne aurait pu correspondre à cette description.

"Benkacem." dit-il simplement. Sans lui, Yanis serait peut-être toujours à l'asile. Cela avait de nombreuses implications en terme de qualité de vie. Entre autres... Son regard tomba de nouveau sur le dos de Viconia. Il avait beau ne plus être sûr de ce qu'il faisait à l'Institut, il ne regrettait pas ses choix. Son accord avec Benkacem lui avait ouvert des perspectives intéressantes, tiré d'un pays dans lequel il n'aurait jamais pu évoluer librement sans craindre pour sa sécurité. Et le contact des autres élèves était un facteur indispensable à son intégration au monde social, sur le long terme.

Etrangement, c'était toutefois ses attributs robotiques qui intéressaient Feuerstürm, et non les quelques bribes comportementales que les élèves avaient plus ou moins développé chez lui. Dernièrement, la plupart de ses interactions avec le monde l'avaient rappelé à sa nature cybernétique. Les garçons de l'Institut, la visite de la colonie pénitentiaire de Nemo, cette proposition. C'était finalement peut-être ce qu'il était. Avait-il cherché en vain à rappeler l'once d'humanité qui sommeillait encore en lui ? D'un point de vue purement objectif, il ne pouvait que comprendre Feuerstürm. L'agent Haza lui avait paru incontrôlable, survoltée lorsqu'il l'avait rencontrée à Alger. Elle n'incarnait pas réellement l'idéal que l'on se faisait d'un agent discret et responsable. Elle avait néanmoins des dons utiles, lorsqu'on la canalisait. Et le PISS semblait aux abois ces derniers temps. Certains détracteurs telle que Lucy Adams ne lui faisaient pas de cadeaux. En outre, Yanis se doutait qu'une telle proposition faite à un jeune de son âge et de son niveau scolaire devait être extrêmement rare.

"Mes facultés naturelles d'analyse..."
répéta-t-il simplement, le visage fermé. Ses capacités d'analyse étaient aussi naturelles que sa température corporelle ou sa voix de synthèse. Seule la dernière phrase prononcée par Viconia parut mitiger à ses yeux la conversation. Elle lui rappela l'exposition des arts cybernétiques qu'ils étaient allés voir ensemble, et où contrairement à l'idée reçue, l'informatique n'était que courbes et lignes brisées. Au fond de lui, il espérait qu'elle ait raison.

L'Algérien contempla l'illusion pieuvresque avec intérêt. La Finnoise avait renoué de plus belle avec son pouvoir, ce qui représentait une nette amélioration de son état créatif. Mais il y avait dans le mouvement quelque chose de mystérieux, d'animal. Comme une moiteur, une langueur sauvage qu'il n'aurait su décrire avec ses concepts carrés. Le nano-mutant nota cependant que la sculpture était assez équivoque d'un point de vue séxué. Yanis y songea quelques instants, puis se dit que la sculpture était forcément plus charnelle que la peinture. L'idée même de dimension l'imposait.

Le mutant resta silencieux, observant les deux femmes.
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Sam 8 Mai 2010 - 16:45
Absorbée par son avancée, Viconia eut vaguement conscience de la disparition du reste du décor. La spirale l'attirait, sa propre création se retournant contre elle. Prolongation de son esprit tentant de lui dire quelque chose.

Peu à peu, des images apparurent en son centre, comme si elle se penchait elle-même en observateur extérieur sur sa propre vie. Les cauchemars nocturnes de Claire, sa mère lui disant de revenir les voir, Georgia et sa déclaration inappropriée, Yanis couvert de paillettes les mains dans Cérébra, Jason en costume sous une arcane de lumière. Puis soudain, le noir absolu. Les images étaient sensations. La peur, l'inconnu, la palpation du monde environnant. Douleur des chevilles et des genoux perpétuelle. Rejet de l'Art, acharnement sur son bureau, des voix autour d'elle. La pitié inappropriée, la main sécurisante de James, la voix de Yanis promettant de revenir puis d'essayer de ne pas mourir... Et de nouveau la lumière aveuglante, Georgia, Kitty, Georgia qui, malgré tout, lui avait ré offert ses sens. Sans rien demander en retour.

Un contact sur son bras, Esther qui la ramenait chez les vivants. Sa sculpture stoppa tout mouvement, redevenait figée, comme stoppée par le temps et intacte à travers les âges. Attendant de nouveau son temps pour changer quelque chose, pour faire prendre conscience.
Le finnoise se passa une main sur le visage, ses longues tresses frémissant dans son dos frissonnant.
Elle avait des prémisses de larmes sur le visage. Il allait falloir que cela s'arrête, l'auto-apitoiement ne pouvait durer qu'un temps.

Avec un faible sourire, elle remercia Esther du regard, pas besoin d'en dire plus.
Elle avait compris, du moins le pensait-elle.

Elle devait savoir ce qu'elle voulait, cesser de piétiner et enfin avancer. Choisir ses directions, s'y jeter sans craindre de se mettre en danger. S'il n'y avait pas de blessures ou de regrets, cela signifiait que l'on était mort.
Elle refusait l'immobilité salvatrice, l'enkystement protecteur.

Elle se retourna avec un sourcil froncé, comme si elle venait de comprendre quelque chose à moitié intriguée.
Son regard tomba sur Yanis, bras serrés et immobile, répétant une phrase qui avait dû être celle d'Esther précédemment.
Capacités d'analyse. Certes, et alors, elle avait bien dix doigts de pieds et pouvait presque retourner son pouce droit sur son poignet.
On avait tous nos petites caractéristiques. Elle faisaient de nous ce que nous étions, mais ne nous définissaient pas.

Elle se contenta, se reprenant un rien, de glisser à l'intention de Yanis, tout à faire certaine d'elle-même et comme si elle le sermonnait un rien :
« -Tu n'es pas monoplanique. »

Et Feueresturm allait devoir faire avec. Il voulait un agent de terrain ? Il n'aurait pas une machine asservie pour effectuer la basse besogne d'infiltration sans aucune émotion. Comme utiliser des mutants au cerveau lavé mais n'avoir pas à effectuer la basse besogne de wash out lui-même.
Yanis était bien plus que ça, et elle lui faisait confiance pour agir en conséquence s'il repérait des abus ou incohérences.

En fait, elle lui faisait confiance, point.
Et ils n'étaient pas vraiment nombreux au sein de son mini-panthéon personnel. A vrai dire, il devait siéger entre une muette au look travaillé et une blonde un rien greluchoide.
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Dim 9 Mai 2010 - 1:25
Communicateur d'Alexander pour Esther a écrit:
La voix du télépathe résonne d'une voix morne.

"Professeur Koffman... je... voudrais vous parler s'il vous plait... si vous avez le temps..."

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Lun 10 Mai 2010 - 9:51
"De toutes manières vous aurez bientôt l'occasion d'en discuter avec Feuerstürm. Vous pourrez voir alors si cela vous intéresse ou non..."

Quand Viconia, soudainement sortie de sa transe, parla de multiplanisme, Esther haussa un sourcil dubitatif. Était-ce un code amoureux entre les deux jeunes ? Ou bien ?

"Si vous avez besoin d'en discuter, je serai dans mon bureau" finit-elle par dire après avoir reçu la communication d'Alexander. On l'y attendait déjà et, à première vue, Viconia et Yanis avaient besoin d'être un peu seuls...

"Yanis, je compte sur vous pour être aux petits soins pour votre camarade" termina-t-elle avec un léger sourire aux lèvres.

Puis elle fila en direction de son bureau...

Arrow Bureau d'Esther
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Mar 11 Mai 2010 - 11:29
Yanis cligna une fois des paupières, enregistrant l'affirmation de sa camarade. Elle devait être la personne le connaissant le mieux à l'Institut. Elle le connaissait également mieux que les machines de Nemo. Elle avait certainement des preuves qui étayaient ses dires. Et elle était probablement la seule à pouvoir soutenir cette argumentation à l'Institut. A oser le faire. Il pouvait donc raisonnablement s'accrocher à cette déclaration comme étant le fruit d'une réflexion. C'était bien différent des phrases toutes faites qu'il recevait depuis son arrivée ici. Comme lui, elle jugeait sur les actes, les faits concrets, plutôt que sur la base de préjugés. Il avait remarqué cette qualité en abordant le sujet Cérébra avec la rousse.

Il hocha donc doucement la tête, signifiant par là que sa remarque serait étudiée en profondeur à un moment plus propice. Kofman reçut un message et leva le camp, non sans lui adresser une phrase obscure que le nano-mutant retourna dans son esprit comme un Rubik's cube, tentant d'en percer la signification. Il avait fait des progrès en communication grâce à Charis, mais ce n'était pas encore ça. Remettait-elle en question l'attention dont il faisait preuve à l'égard de la Finnoise ? Soudain pris d'un doute, qu'il ne manifesta qu'en suivant des yeux le professeur jusqu'à se retourner pour la voir disparaître à l'intérieur de l'école, l'Algérien s'interrogea. Ils s'étaient certes moins vus, dernièrement, ballotés par les événements qu'ils étaient, mais sa vigilance n'avait pas baissé d'un iota en ce qui concernait Viconia. L'oeil attentif, il observait, comme toujours. A cela près qu'il ne veillait pas sur elle de la même manière qu'il surveillait Josh lorsqu'ils étaient seuls dans leur chambre, en mode Search and Destroy. Il réalisa cela en sentant la brise sur le bras auquel il manquait une manche. Son absence de manche le rappelait au dispositif de sécurité qu'il avait discrètement mis en place dans l'encadrement de sa porte ; il ne lui était jamais venu à l'idée de placer un capteur dans l'environnement de Viconia pour la surveiller. Il devait exister une différence certaine entre veiller sur et surveiller. Ce fait établi, il ignorait ce qui avait pu motiver cette répartition sélective.

La première idée qui lui vint à l'esprit, était que Viconia ne représentait pas une menace directe pour son intégrité physique. Mais il se ravisa. En réalité, il l'avait même laissée utiliser son pouvoir sur lui. Il ne se méfiait de Josh que suite au déchaînement bestial dont il avait fait preuve envers Alixtide. Le fauve ne s'était pas attaqué directement à lui. Il y avait là un schéma irrationnel qui perturbait la logique du jeune homme d'un côté, mais lui procurait un sentiment d'appartenance de l'autre. En passant en revue les références qu'il avait archivées, il se souvenait clairement d'avoir également utilisé son pouvoir sur Viconia, pour couper une mèche coincée dans la fermeture d'une housse. La jeune fille s'était aussi laissée faire sans émettre la moindre protestation... alors que son pouvoir à lui avait des manifestations plus létales. Le mot "confiance" ne s'imposa pas à lui. Trop recherché, trop profond, trop humain. Pourtant, son contraire, la méfiance, faisait partie intégrante de son quotidien, à tel point qu'il ne le voyait plus. Néanmoins, l'idée de la réciprocité apaisante de leurs interactions caressa brièvement son esprit froid. C'était reposant de ne pas se méfier. Ca exigeait moins d'attention, moins de décryptage systématique. Ses "facultés naturelles d'analyse" étaient en stand-by. Un dispositif tout aussi naturel mais moins mécanique et qu'il maîtrisait nettement moins prenait le relais. Il y avait de l'incertitude, mais résoudre un casse-tête dont sa survie ne dépendait pas pouvait aussi se révéler apaisant.

Une fois le professeur parti, Yanis retourna son attention vers Viconia, dont les digues lacrymales semblaient avoir cédé. La sculpture s'était murée dans l'immobilisme. Il s'était passé quelque chose chez la Finnoise, mais il n'aurait su dire quoi. Le Maghrébin se retrouvait à nouveau désarmé, mal équipé, pour faire face à la situation, ce qui lui rappela furieusement la déclaration de Georgia dans le foyer.
Laissant tomber ses bras le long de son corps, il jeta de rapides coups d'oeil à la ronde pour vérifier qu'il n'aurait pas omis un facteur extérieur dans son analyse de la situation. Mais ils étaient seuls. La raison de la détresse finnoise était forcément parmi eux... deux. Aux aguets, comme prêt à bondir, il fit un pas en avant.

"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-il après avoir cherché ses mots quelques secondes. Si au moins elle s'était coupée, il aurait su où et comment intervenir. Mais les blessures de l'esprit... Comment apaiser ce genre de maux ? Pensif, il posa sa main sur la sculpture pour apprécier la qualité de la taille, se souvenant de leur expérience conjointe de sculpture. Il tourna de nouveau la tête vers Viconia.

"Je trouve que tu fais du bon boulot. Vraiment. Je retoucherai quelques détails, si cela ne te dérange pas, mais on peut s'y prendre en plusieurs fois maintenant que l'idée générale est là." répéta-t-il, à l'exacte identique des commentaires de Viconia sur son approche de la sculpture de Cérébra. Plutôt facile lorsqu'on archivait systématiquement les conversations dans un petit compartiment mémoriel. Il était évidemment moins expert en burin que la jeune fille. Il espérait que la surprise et le contraste entre ses paroles et son expertise réelle provoquerait un effet quelconque, court-circuiterait les larmes.
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Sam 15 Mai 2010 - 17:34
Avec une insinuation relativement étrange provenant d'Esther Kofman, celle qui était célèbre pour son opacité, la psychologue s'excusa et sortit du décor.

Le regard de Viconia erra un instant sur sa sculpture. Ses yeux étaient à présent secs, bien qu'un rien explosés.
Elle se contenta d'un haussement d'épaules et d'un sourire un peu fatigué.
« -Je ne sais pas... J'ai l'impression de marcher trop lentement dans un monde qui se tord et s'efface en volutes éphémères et rapides. »
De la main gauche elle frôla les tentacules et en suivit une jusqu'au centre. Son poignet passa au travers du trou et elle agita les doigts comme surprise de ne pas les voir disparaître dans un vertex spatio-temporel.
Elle eut un froncement de nez, puis se redressa.

Le jeune homme cita alors une phrase qui réveilla en elle un souvenir plus ou moins précis d'une transe créatrice. Cela lui semblait avoir eut lieu des années plus tôt. Elle ne put s'empêcher d'avoir un léger rire et de lui tapoter la main :
-« Ca va aller, je n'avais même pas de projet initial. C'est juste venu comme ça... Mon état d'esprit actuel je suppose. »
Elle fixa pensivement le bloc avec un reniflement sonore et rapide. Son premier élan avait été de revenir à la sculpture. Bon signe pour quelqu'un qui venait de choisir de prendre un chemin similaire.

Ses yeux revinrent sur Yanis. Elle savait qu'il avait récemment échappé à la mort dans sa version carnassière. Plus que jamais, il abordait son expression de base. Simple. Cela donnait souvent l'impression que rien ne l'atteignait, qu'il était loin de toute émotion.
Il suffisait de faire agir le filtre du photographe. Capter l'expression des yeux ou une inclinaison de l'épaule. Ce n'était peut-être pas choquant, mais il avait ses expressions propres. Il suffisait de faire attention.

Se mettant à croupis pour essayer de dissimuler son expression pensive, elle attrapa un polisseur et une brosse. Une proposition de Feueresturm, une proposition à la faculté des arts... Une mutanité à assumer et le regard des autres à outrepasser.
La jeune fille reprit place en s'asseyant au sol et considéra à nouveau Yanis. Cela ressemblait au point de vue de la petite fille de six ans faisant ses pâtés de sable, lorgnant l'adulte qui débarquait non au fait de l'affaire capitale qui se jouait entre le seau et la pelle.

Fixant sa sculpture, elle commença, en opposition avec ce qu'elle avait affirmé un peu plus tôt, à polir avec application, prenant bien soin de ne plus fixer Yanis. Il allait devoir choisir incessamment sous peu.
Elle avait bien conscience que chaque chose présentait ses avantages et ses inconvénients, mais partir en mission perpétuelle avec le cigarillo finnois lui permettrait de ne plus avoir à fréquenter le bouillon de culture que représentait tous ces ados cloisonnés.
D'un geste de la main, elle l'invita à s'assoir et à participer, s'il le voulait, à l'ébauche.

« -Est-ce que tu as commencé à comprendre ce que tu voudrais ? »
Maintenant il avait pu tourner un peu; il était parti en mission et avait vu les hauts et les bas, il était allé à une exposition, il avait très certainement un passé relativement lourd.
Elle frotta un peu vivement un relief et ajouta :
« -Je pense qu'après certaines épreuves, les pistes que l'on a tant cherché à défricher ont tendance à s'ouvrir d'elles-mêmes. »
Pour sa part, elle commençait à arpenter seule en compagnie de ses sens le chemin de la sculpture. Mais au fond, l'impulsion initiale était Yanis, et elle le savait pertinemment. Évitant toujours de le regarder afin de ne pas l'influencer et de l'encourager à parler pour lui-même, elle médita sur cet état de fait. Quoiqu'il arrive, il serait toujours là quelque part, au centre de son propre vortex obscur.
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Dim 16 Mai 2010 - 22:23
Objectif atteint. La remarque de Yanis avait fait mouche et provoqué une réaction opposée à l'état d'origine de Viconia. La palette d'émotions de la jeune fille était intacte malgré les épreuves qu'elle avait endurées ces derniers temps. C'était une chose rare qui lui semblait important de préserver, ne serait-ce que parce que sa propre palette d'émotions était monochrome. Il avait pas mal appris en mêlant ses couleurs aux siennes. Ses variations d'humeur lui étaient habituelles, dorénavant. Il trouva néanmoins intéressant que la Finnoise versatile ait du mal à suivre le rythme endiablé de l'Institut.

"Peut-être que tu marches à la bonne vitesse, mais que le monde tourne trop vite."
proposa-t-il, retournant le problème dans une configuration qui lui semblait plus logique. L'adaptation était la clé de la survie. C'était même le propre de l'intelligence, créer des ponts entre des choses distinctes. Et Viconia lui semblait être on ne pouvait plus qualifiée pour créer des ponts entre les plans d'existence. Elle avait créé un pont entre leurs plans respectifs. Elle créait des ponts entre son esprit et celui des autres, que ce soit à travers l'art ou grâce à son pouvoir. Les onces de chaleur qui s'attardaient sur son torse reçurent une piqûre de rappel lorsqu'elle lui tapota la main. Yanis aurait été curieux de les observer au détecteur thermographique pour s'assurer que ce phénomène ne trouvait sa source que dans des facteurs physiques.

Viconia se remit au travail et l'Algérien regarda la bâtisse en se demandant si la conversation était terminée et s'il valait mieux qu'il rentre, mais la jeune fille reprit la parole tout en travaillant, absorbée par sa sculpture à tel point qu'elle ne le regardait plus. Il ne se formalisa pas de l'absence de contact visuel. Il avait ses oreilles pour entendre. Les yeux ne parlaient pas. Ou peut-être le faisaient-ils ? Encore un point qu'il devrait éclaircir avec sa coach en relations sociales. S'il devait décrypter les paroles et le langage corporel, le malheureux androïde n'était pas sorti de l'auberge.

Se détournant de l'Institut, il fit le tour de la sculpture et s'installa finalement de l'autre côté du donut tentaculaire pour faire face à sa camarade, son visage apparaissant au niveau du trou au centre de la sculpture. Une fois assis, il sentit de nouveau le bouquin qu'il avait trouvé en ville contre son postérieur. Il le tira alors de sa poche arrière, et le tendit à Viconia à travers la sculpture.

"Pour toi." dit-il simplement. Après l'expérience qu'elle avait vécue, il avait songé que sa lecture pourrait intéresser l'illusionniste. Ayant déjà cassé sa tirelire quelques jours plus tôt pour fournir la peinture à Georgia, il ne s'était pas de nouveau posé la question de cette investissement. La porte avait déjà été enfoncée. Dans le pire des cas, il savait qu'il pouvait recommencer à vendre des portraits dans la rue pour se faire un peu d'argent.

Spoiler:

Remarquant les gestes de Viconia, qui cherchait apparemment à polir un peu sa sculpture, il leva la main gauche et se dota d'un embout arrondi, qu'il fit tourner à vitesse soutenue. Ainsi improvisé tourneur-fraiseur, il appliqua son outil sur la sculpture par petites touches pour commencer, afin de juger de l'efficacité de sa nano-fraise. Le visage concentré, il se focalisa un instant sur ses yeux pour les nano-cristalliser, histoire de les protéger des projections. Une sorte de bandeau bleu électrique rappelait des lunettes lui barrait maintenant le visage au niveau des yeux, pareils à deux billes de verre bleu scintillant.

Ses nano-yeux se braquèrent quelques secondes sur Viconia à travers le miroir du cercle ornant le centre de la sculpture lorsque sa camarade l'interrogea sur sa quête intérieure. Elle semblait affairée, détachée. Il en conclut qu'il s'agissait d'une simple mise à jour des informations dont elle disposait à son sujet, et se reporta sur son propre côté de tentacule tout en réfléchissant.

Il avait cherché à comprendre qui il était, mais différents sons de cloche lui étaient revenus. Si ses qualités intrinsèques étaient les mêmes, leur interprétation variait en fonction des sujets. La seule conclusion qu'il avait pu tirer de cela était qu'il ne pouvait continuer de se voir comme les autres le voyaient. Trop de subjectivité à l'oeuvre. Il avait néanmoins appris à mieux se connaître lui-même au travers de son contact aux autres.

"Difficile à dire. Mais j'ai relevé quelques secteurs d'efficience."
répondit-il en poursuivant son travail sans se dissiper. Une sorte de réaction en chaîne s'opérait dans les domaines où il excellait. Accomplir une tâche devenait aisé, et cette aisance le rendait plus efficace. Le serpent se mordait la queue aussi sûrement que les tentacules de la sculpture induisaient un mouvement.

Le fait était qu'il pouvait se rendre utile auprès de n'importe qui.

"Il y a aussi des pistes qui se ferment."
dit-il, marquant une pose, hésitant à révéler ce qui l'avait préoccupé récemment. Il se souvint alors lui avoir dit qu'il donnerait sa chance à Pulse et ses JustiX. Autant lui exposer ses conclusions.

"J'ai de bonnes raisons de croire que Marcin a fouillé ma chambre."
résuma-t-il d'un ton égal. N'ayant jamais eu d'attente particulière vis-à-vis de son professeur, il n'éprouvait aucune forme de déception, mais il ne pouvait négliger cette nouvelle donnée dans l'évaluation de sa situation à l'Institut.
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Mar 18 Mai 2010 - 19:33
Méditant sur la nouvelle perspective qu'apportait la correction de Yanis à son affirmation, elle caressa doucement la pierre. Son index gauche suivant une nervure à différentes vitesses.
Ou bien est-ce qu'il n'y avait pas de « juste vitesse ». Chacun avait son rythme et sa voie. De temps en temps, certains entraient en collision et s'en sortaient avec plus ou moins de dommages, mais, toujours, une leçon à tirer...

Au milieu de cette étrange conclusion, un livre apparut sous son nez, picotant son extrémité nasale.
Sursautant, elle releva les yeux et tomba sur Yanis lui offrant un cadeau. Avec un sourire de gratitude et un froncement de sourcil curieux, elle se saisit de l'ouvrage.
L'auteur lui était inconnu.
Le titre attira son attention. D'autant par l'idée de changement que par le sujet a priori traité. Un créneau qu'elle arpentait à présent avec ses neurones sécrétants. Les sens. Et les épreuves qu'ils pouvaient subir. Mutations perceptives et mutations personnelles.
L'image, quant à elle, l'hypnotisa un instant.
Ses yeux clairs parcoururent la couverture en long, en large et en travers, analysant la photographie d'un œil critique. Saisissant les traces de montages s'il y en avait, les choix de représentation et leur portée, la couleur.
Elle n'arrivait pas à émettre une appréciation précise, mais elle décida que le flux était plutôt positif.

Redressant son regard à travers la petite fenêtre entre eux, elle lui envoya un deuxième sourire plus renforcé et moins confus.
« -Merci. »
Peut-être qu'une appréciation extérieure et un nouveau point de vue allaient lui faire du bien. Élargir sa réflexion.

Tandis que Yanis affirmait tout en s'interrogeant, elle posa ses bras sur ses propres genoux au repos, le fixant avec attention, le livre toujours en main.
Elle cherchait un doute dans son regard ou ses quelques expressions.
Difficile de se l'avouer mais maintenant, là, tout de suite, elle n'avait qu'une peur : qu'il décide d'accorder ce qu'il désirait à Feueresturm. Si c'était le cas, elle voulait savoir pourquoi elle risquait de se retrouver soudain... Abandonnée.

Toussotant pour se reprendre, la jeune fille écarquilla les yeux. Surprise par le propre cheminement de sa pensée.
Elle allait rebondir promptement en lui demander dans quels domaines il se trouvait efficient, mais il enchaîna d'une manière qui la laissa coite. Visiblement, une conclusion ne viendrait pas seule.
Et la sentence finit par tomber.

Haussant un sourcil intrigué, la jeune fille demanda :
« -Pour y trouver quoi ? »
Elle ne réalisa pas particulièrement qu'elle risquait d'outrepasser le droit à posséder un certain secteur privé en lui posant la question. En même temps, il avait ouvert le sujet.
L'acte soupçonné ne la fit pas réagir plus que cela. Elle avait plus tendance à être choquée de l'acte de Marcin que de l'accusation de l'Algérien. Elle lui faisait confiance, et ses observations étaient bien souvent justes.

Elle fit une pause réfléxive pour fixer son visage à travers le hublot. Elle attendit quelques instants afin de voir s'il ajouterait quelque chose, puis demanda :
« -Et quelle est ton interprétation... Que ressens-tu en conséquence ? »
En voilà une question qu'elle était bonne. Que ressentait Yanis face à ce que l'on pouvait qualifier... D'une menace immédiate de non impunité.

Rien qu'à l'idée de la Kofman venant fumer au-dessus de ses colles et toiles, la finnoise frissonna.
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Jeu 20 Mai 2010 - 14:14
Yanis poursuivait imperturbablement sa tâche, ne faisant une pause que pour observer de plus près l'effet de son ponçage sur la sculpture de Viconia. Il ne tenait pas à modifier réellement à l'oeuvre de sa camarade. Elle l'avait certes invité à participer, mais elle avait conçu cette sculpture seule, et elle traduisait son ressenti très personnel. L'Algérien respectait cela. Il se contentait de lui prêter ses outils intégrés pour faciliter la finition.

En réalité, il ne s'était jamais autant transformé physiquement. En général, il n'avait besoin que d'une application à la fois, le plus souvent la nano-transformation d'un membre. Son visage n'avait jamais porté autant les traces de son pouvoir. Avec sa fraise fixée sur l'avant-bras et sa nano-visière, il devait avoir tout l'air du parfait cyborg de science-fiction. Le genre d'androïde capable de découper au laser un être humain sur commande. Mais présentement, cette force létale était canalisée avec douceur sur les tentacules improbables d'une sculpture. Tout était question de choix. Yanis était conscient qu'un choix s'imposerait bientôt à lui, mais il repoussait l'échéance. Le moment présent ne lui posait pas de questions existentielles, du moins pas plus de questions que lorsqu'il était en présence de sa camarade. C'était devenu une situation habituelle, sécurisante en un sens malgré les interrogations qui traversaient son cortex.

L'Algérien cessa un instant de faire tourner la ponceuse et garda le bras levé, à la manière d'un soldat à qui l'on prie de cesser le feu. Bien évidemment, la curiosité de la Finnoise ne lui effleura même pas l'esprit. Il commençait à le comprendre, elle bénéficiait d'un traitement spécial de par la nature interplanique de leur relation.

"Une puce électronique qu'on m'a donnée chez Nemo."
répondit le mutant. Il resta pensif deux secondes, songeant à l'appartenance cybernétique dont l'avait immédiatement doté l'Avocat du Néant. Le Maghrébin était à la frontière des mondes. Il appartenait à tous les plans et à aucun à la fois. Le monde de Nemo était particulièrement intéressant pour l'homme-machine qu'il était. Il regrettait d'avoir dû le détruire sans avoir pu mieux l'étudier au préalable. Tout comme cette tête de robot qu'il avait mise de côté à Babylone, sans pouvoir la récupérer par la suite.

"J'espérais y trouver des informations intéressantes sur les robots de Nemo... Ils transfèrent des consciences humaines dans des enveloppes cybernétiques."
expliqua-t-il. Le connaissant, le motif de cette recherche n'échapperait probablement pas à la Finnoise.

"Une fois au briefing, elle connaissait déjà le contenu de la puce alors qu'elle n'y a pas eu accès... en ma présence."
ajouta-t-il, ce sur quoi sa fraise eut une petite rotation incontrôlée rappelant un rendez-vous désagréable chez le dentiste. Yanis tiqua et se concentra de plus belle pour tenir sa main en respect.

Il réfléchit de nouveau en silence à la question de la jeune fille, tout en grattant une rainure de la sculpture de sa main libre.

"Je ne comprends pas."
lâcha-t-il finalement en reportant son regard toujours cristallisé vers sa camarade. "C'est illogique. Marcin prône la justice, le bon droit. Elle doit montrer l'exemple aux élèves."

Yanis avait besoin de comprendre pour passer outre. L'inexpliqué était insatisfaisant, inachevé. Il avait confronté toute sorte de scénarios pour expliquer l'acte de son professeur, mais sans succès. Il ne parvenait pas à saisir la raison d'une telle conduite. Peut-être qu'il était inapte à comprendre les raisons personnelles des uns et des autres.

"... peut-être qu'elle a peur de ce que je suis."
avança-t-il en haussant les épaules avec incertitude. C'était la seule chose à laquelle il pouvait penser. Le rapport menace/survie était suffisamment clair, bien que l'étendue des pouvoirs de l'avocate "du néant" la mette facilement à l'abri des modestes facultés de l'Algérien.

"J'ai relevé les symptômes de la peur chez les autres élèves. Mon existence les met mal à l'aise."
ajouta-t-il, factuel, comme pour étayer cette hypothèse. Toute l'hostilité qu'il avait reçue à l'Institut, parmi ses propres congénères... Rares étaient ceux qui l'avaient traité comme leur égal.
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Jeu 20 Mai 2010 - 18:02
L'effet d'un Yanis à visière bleue-verre-vénitien luisant et engin de torture en guise de main à travers le hublot méritait réellement une capture photographique. Surtout avec cet effet d'hésitation liée à une profonde réflexion.

Lorsqu'il lui parla du but de la puce elle lui envoya un regard appuyé de connivence signifiant qu'elle intégrait très bien la valeur de l'objet et son intérêt particulier auprès de Yanis.

Plissant les yeux, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas particulièrement suivit l'affaire Némo dans la presse ou les tablettes de l'Institut. Elle investissait d'autres plans tant sur le plan artistique qu'émotionnel ou bien tout simplement missionnel.
Mais elle regrettait de ne pas avoir cherché à creuser un sujet aussi pertinnent, surtout en compagnie de Yanis.
Le fait était que le jeune homme devait être ambivalent. Un sujet comme celui-ci était passionnant. Faire de plus amples investigations sur le sujet sans nécéssairement tout ruiner sur son passage serait une opportunité très interessante. Ce dont manquait particulièrement l'Institut était l'infiltration à moyen ou long terme. Comprendre son adversaire, c'était être plus efficace, plus fort, et surtout plus informé sur des sujets non nécéssairement létaux.

Pour le coup, Marcin avait un peu abusé. Pourquoi ne pas simplement poser la question à l'élève qui possédait ce qui l'interessait. Ou bien étudier l'objet en sa compagnie. Yanis était quand même né dans la mutation avec une qualification toute particulère pour comprendre ce genre de choses.

Encore une fois, les professeurs de l'Insitut, qui se voulaient officiellement formateurs, prouvaient qu'ils oeuvraient surtout pour leur propres intérêts.
Viconia avait réussi, quant à elle, à faire son deuil de petite Chair-à-canon.
C'était également pour cette raison qu'elle n'aurait pas de difficulté à quitter l'Institut lorsque l'heure viendrait. Le statut quo actuel lui convenait. Elle était relativement protégée car noyée dans la masse au niveau mutant et pouvait mener sa vie en leur rendant des services occasionnels.
Pratique gratuite de l'Art contre sa vie.
Pour certains cela pourrait passer pour un marché particulièrement déséquilibré mais aux yeux de Viconia le déséquilibre n'allait pas dans le sens attendu.

Le sourcil gauche de la finnoise se fronça lorsque Yanis exposa l'illogique de la chose. Sur ce point, il raisonnait au sens primaire. Ce que Marcin défendait officiellement versus ses actes. Mais la nature humaine était plus versatile, nuancée, et surtout menteuse.
En fait, Yanis nécéssitait une bouffée d'illogisme. C'était peut-être cela que les autres sous-entendaient lorsqu'ils prétendaient qu'il "manquait d'humanité" ?
Rien à voir. On ne comprenait pas toujours les choses. Personne ne serait allé traiter un Américain-crétin-congénital-de-base comme son voisin Alexander en classe Picturale de "non-humain".
Lorsque celui-ci pouvait transformer sa jambe gauche en tronçonneuse, étonnement, si.

Quoiqu'il en soit, elle sursauta au grippage de fraise et ses sourcils formèrent carrément une barre transversale au milieu de son front lorsqu'il commença à s'enliser dans les analyses de données le concernant.
Agitant la tête de droite à gauche dans un mouvement de négation visant à l'arrêter tout de suite sur la pente dangeureuse, Viconia reposa le cadeau de Yanis sur sa ceinture de sculpture, à côté de son burin.
Ceci fait, elle fit le tour de sa sculpture à quatre pattes pour se retrouver du côté de Yanis et s'assit sur ses talons à genoux face à lui. Histoire de le fixer bien dans les lentilles cybernétiques.

« -Marcin a beau nous lancer un cahier des charges impeccable à la face, personne, aucun humain, n'est né pour faire le Bien, la Justice et prôner l'Egalité.
Nous sommes faits pour servir nos intérêts, quels qu'ils soient. Si elle se complait dans l'idée que tous ses actes sont pour le bien d'autres personnes et qu'elle est persuadée d'agir justement et loyalement alors n'importe qui, du moment qu'il est considéré comme interférant, sera quantité négligeable.
Pour lors, elle voulait la puce a priori. L'intimité d'un adolescent lui a paru plus que négligeable.
Elle ne se rend même pas compte qu'en te proposant cette équipe, en étant ton professeur à l'Institut, elle a fait en même temps une promesse, établi un contrat. »


Viconia fixait Yanis sans ciller, et elle avait saisit son bras lentement, au niveau du coude, pour l'éviter de riper encore et de s'abîmer lui-même. La manoeuvre était faite sans violence et montrait clairement qu'elle n'avait pas peur de se faire lacérer.

« -L'exemple est le cadet de ses soucis. A l'Institut nous sommes sencés apprendre par nous-mêmes... Et en général, principalement de nos erreurs. »
Comme pour se rassurer, elle cligna plusieurs fois des yeux. Oui, sa vue était impeccable.

« -Et, je t'assure, cela m'étonnerait fortement que Marcin n'ai jamais été même effleurée par la peur de toi... Ou même d'aucun élève. Elle agit toute seule, et personne à l'Institut ne se met sur son chemin. »

Elle attendit de voir si la fraise reprenait la forme d'une main, ou de n'importe quelle apparence représentant un objet non-contondent; un corps de poisson rouge aurait suffit.

Yanis oralisa le fait qu'il avait remarqué la considération des autres, et surtout la forme que celle-ci prenait. Viconia haussa un sourcil. Pour la première fois, elle comprenait en quoi Yanis pouvait être effrayant. Pour elle, sa mutation avait été comme la sienne; un outil.
Et, franchement, après avoir vu un tas de mutants, elle ne le trouvait pas plus flippant qu'un autre.

Osant un sourire en coin, elle lui affirma :
« - Et que dire du bond de deux mètres que fait chaque non-initié en croisant Mina sortant de la cuisine. Du fait que Kitty puisse palper à sa guise chaque recoin de mon cerveau comme j'en ai déjà vécu l'expérience. De Josh qui ne se contrôle hormonellement plus. De Georgia qui a déjà tué des gens avec des affections qui n'étaient pas les leurs.
Yanis, une fois sur deux la mutation va avec la peur et cela dépend des vécus et ressentis de chacun.
Les gens ont peur des choses qu'ils ne connaissent pas, cela a toujours été comme cela.
La peur du noir en est le premier exemple. Si l'on n'a pas grandit avec, alors c'est étranger, alors on ne la maitrise pas, alors c'est effrayant. »


Elle lui fit un sourire signifiant 1+2=3. Ce qu'elle pensait plus intégrable pour lui... A moins qu'il faille le mettre en binaire peut-être, ce qu'elle ne maitrisait pas.

« -Mais toi, comment réinterprètes-tu au niveau de l'appréhension de l'autre, ce relevé de données. En simple, comment le vis-tu ? »Car là était le principal problème.


Dernière édition par Viconia Savinen le Ven 21 Mai 2010 - 8:39, édité 1 fois (Raison : Orthographe (post tapé rapidement à la base XD))
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Ven 21 Mai 2010 - 1:54
L'arme toujours levée, l'Algérien contempla placidement la Finnoise faire le tour de la sculpture pour s'installer avec une certaine détermination devant lui. Elle qui évitait de le regarder quelques instants plus tôt lui faisait maintenant face, et bien en face. Il eut un regard vers la sculpture en se demandant s'il avait commis un impair. Il avait peut-être mal interprété le signe qu'elle lui avait fait. Ce qu'il avait pour une invitation à s'asseoir n'était peut-être qu'un aplanissement de l'herbe...

Contre toute attente du cyber-mutant, la rousse reprit finalement la conversation sur le thème de Carrie Marcin. Presque imperceptiblement, quelques nano-pixels de son sourcil bleuté s'infléchirent devant l'effort qu'il faisait pour comprendre ce que Viconia voulait dire.

"Tu veux dire que ses principes, c'est du vent ?"
s'efforça-t-il de synthétiser sous une grande étiquette. Il se souvenait encore de la façon dont le professeur s'était présentée à lui. Gardienne de principes, protectrice de la justice qu'elle prétendait trop souvent oubliée par les autres. C'était tellement contradictoire qu'ils auraient sûrement crashé son disque dur s'il avait été entièrement une machine. Il ne comprenait pas ce qui pouvait pousser une personne à affirmer une chose pour agir différemment par la suite.

"Un contrat."
répéta-t-il pensivement. Il était vrai qu'il avait compté sur les paroles du professeur pour se traduire dans la réalité. Il avait attendu de pouvoir juger de la véracité de ses propos, mettre à l'épreuve ces principes abstraits dans des situations concrètes. Comme le disait Viconia, il aurait au moins appris que les paroles différaient des actes, même chez ceux qui semblaient les plus respectables. Il venait seulement grâce à elle de réaliser qu'un contrat tacite pouvait être passé. Combien de contrat de ce genre avait-il passé avec les résidents de l'Institut sans s'en apercevoir ? En y réfléchissant, il se souvenait bien d'en avoir passé un avec la jeune fille lorsqu'ils avaient travaillé sur la sculpture de Cérébra.

"Tu es satisfaite de notre contrat ?"
demanda-t-il finalement après une dernière rotation de sa main. Comme s'il avait demandé si la Finnoise avait bien dormi, il détourna son attention vers sa main, lèvres pincées par la concentration, afin de lui rendre sa forme initiale. Il devait avoir poussé son pouvoir un peu trop loin. Ce ne pouvait être que ça... Enfin, quatre fentes firent leur apparition dans la masse de son poing, jusqu'à se découper et se prolonger en doigts. Il ferma les yeux et détourna la tête : graduellement, les nano-machines de son visage se réassemblèrent pour lui redonner une texture d'apparence humaine. Il fit particulièrement attention durant le processus. Viconia étant en face de lui, il préférait éviter de la scalper au laser ou lui lancer une décharge électrique.
Sa camarade prétendait qu'aucun humain ne pouvait se consacrer exclusivement à la justice, néanmoins, il voulait éviter à tout prix d'être compromis comme son professeur en n'ayant pas respecté ses engagements.

"Ou ceux qui se mettent sur son chemin n'en sont jamais revenus."
précisa tout de même Yanis. Dans les faits, n'importe qui sur le chemin supersonique du professeur finissait taillé en pièces. Les témoins ne devaient pas être nombreux.

Il y avait effectivement énormément de dangers publics à l'Institut, et leur fonctionnement était fascinant. Tout autant que celui des machines de Nemo, ou des Parangons. Mais les autres élèves restaient des adolescents normaux, avec des désirs connus, des aspirations de leur âge. C'était peut-être cette inconnue en lui, ce creux insondable qui les mettait mal à l'aise. Lui-même ne s'en accommodait pas. Il regarda le cercle vide au centre de la sculpture, pour retourna son visage acéré vers la NeXus.

Yanis haussa les épaules sans trop savoir quoi répondre. C'était une question difficile. Expliquer ses ressentis ténus et confus avec des mots était certainement l'exercice le plus difficile qu'on lui demandait. Plus périlleux que de partir en mission, nécessitant plus de sagacité que de combattre un adversaire, plus angoissant que l'éventualité de l'échec. Depuis qu'il avait été chassé de chez lui, il n'avait rebondi que de rejet en rejet. L'habitude avait l'effet pervers de diluer les frontières, les boîtes étiquetées des sphères affectives.

"Le rejet passif n'est pas un problème. On vit très bien avec."


Facile à dire quand vos émotions étaient inhibées.

"Etre avec les autres, c'est plus difficile."
expliqua-t-il, réfléchissant à la période saccadée où ils n'avaient eu que des contacts sporadiques. Il s'était retrouvé dans une sorte d'attente latente, comme à la veille d'un rendez-vous auquel on sait qu'on ne pourra pas assister. Ne pas savoir quoi dire, quoi faire. Faire un pas en avant, deux en arrière.

Il scruta sa camarade un moment de son oeil perçant, puis reprit, toujours en des concepts très simples :

"Etre avec toi, c'est facile et c'est difficile. Il doit y avoir un dysfonctionnement. J'étudie la question."
l'informa-t-il sans gêne particulière, à la manière d'un garagiste qui fait la vidange.
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Sam 22 Mai 2010 - 12:33
« -Pas du vent, sa ligne directrice de conduite plutôt. »
Elle réfléchit un instant en fronçant le nez.
Tout le monde avait besoin d'une aspiration, d'un but, comme ils en avaient déjà discuté. Qu'il diverge peu ou complètement de la définition de ce même but dans l'absolu, peu importe. Le tout était dans la conviction que mettait l'être mû par cette force à l'appliquer et y tendre.
« -Si, selon elle, en agissant comme elle le fait elle se rapproche toujours plus de la Justice Rendue et du Bonheur des opprimés, alors ce n'est pas du vent. »
Elle regarda Yanis en haussant les épaules avec un air blasé :
« -Le problème étant que chacun a une interprétation différente de ces buts et quêtes ainsi que des moyens justes à utiliser pour rester dans un cadre cohérent...
N'oublie pas que l'Etre Humain possédant un but est passionné... Et qu'il est par conséquent très difficile de le raisonner. »

Oui, appliquer la Raison. Cela marchait bien dans les grands discours et les réflexions théoriques. Mais en pratique, personne ne pouvait appliquer un stoïcisme sans faille et appliquer la raison sans dévier ou s'interroger.
Personne, ou...

Son regard se posa sur Yanis avec un jour nouveau.
Elle tenait peut-être son stoïcien le plus exemplaire.
Elle avait toujours su que si quelque chose lui paraissait louche ou peu cohérent, elle pourrait lui poser la question : cela reviendrait à une analyse rapide dans toutes les règles de la logique et de la raison.
Mais en réalité, Yanis vivait dans la raison comme dans un milieu naturel. Si, en général, l'Humain X trop bien pensant voulait tendre vers cet objectif, elle souhaitait au jeune homme de vivre un chemin plus tortueux. De le voir un jour traversé par des idées passionnées sans avoir à analyser, et en renonçant à comprendre. A son avis, cela pourrait lui ouvrir de nouvelles perspectives... Et le contre-focaliser de sa mutation.
Faire accepter à la machine l'aléatoire.
Pas de raisons que cela ne soit pas possible.

Le long de son raisonnement un peu tordu, elle fixait la main de Yanis comme celui-ci, plissant le visage et louchant à moitié comme de manière très concentrée. Elle l'encourageait dans la transformation comme si c'était sa propre main. Lorsque les petits doigts apparurent et poussèrent, elle eut une petite exclamation satisfaite.
Elle l'observa tandis qu'il réintégrait ses lunettes de protection au sein de son visage. Si seulement elle en avait eut le jour où elle s'était envoyée un éclat calcaire dans l'oeil droit... Elle s'était promis ce jour là de toujours mettre ses lunettes de vue en sculptant... Ahem, contrat réussit...

Quoiqu'il en soit, Yanis devait lui avoir posé une question un peu plus tôt, et elle tenta de se focaliser pour en retrouver l'intitulé.
Ah, oui.
Ce fameux jour où elle lui avait envoyé la réplique qui était revenue à ses oreilles quelques minutes plus tôt.
Ce fameux jour du « je te protègerais dans ta quête » ou une absurdité du type.
Ce jour là, elle avait eut envie de l'étrangler puis de lui planter un pic-à-vis dans la mâchoire en lui disant de la laisser en paix. Et puis, passées les réactions primaires, elle avait réalisé avoir besoin d'aide. Elle avait réalisé qu'il avait besoin d'aide. Se trouver, avancer, déjà, dans la création, le non attendu, les regards nouveaux et la méta-analyse.
Elle était satisfaite de ce qui avait pu découler de cette accord, même si elle n'était pas vraiment certaine de ce qui en avait découlé précisément. Tout était relativement flou en fait.
Elle s'amusait beaucoup avec Yanis parce que pour une fois, elle avait trouvé quelqu'un qui comprenait ses intentions et était capable d'ajouter une touche personnelle sans jurer avec le contexte.
Parcequ'il n'y avait pas besoin de grand chose pour qu'ils se comprennent.
… Et parce qu'enfin, elle rencontrait quelqu'un de franc et direct, qui ne s'embarrassait pas de fioritures et dont elle pouvait savoir ce qu'il pensait sans avoir à analyser, contre-analyser et perdre du temps.
En bref, pas de surprises à la Georgia incontrôlable.

Elle eut un sourire et posa :
« -Très. »
Il n'y avait pas d'hésitation.
Ils avaient passé un contrat, mais les termes en avaient été relativement clairs à l'époque.
Selon elle, ils les avaient légèrement outrepassés en faisant des heures supplémentaires à tire-larigot et en ayant marché sur des plans divers et variés, mais enfin, elle ne se souvenait pas que la formulation initiale entendait un CDD.

Lorsque le corps de Yanis fut à nouveau humanoïde, elle lui lâcha le bras pour le remettre sa main sur sa cuisse en une position a genoux droite.
Elle eut un léger rire à la pensée de Marcin réduisant en carotte rappée strictement n'importe qui, pour peu que celui-ci ne veuille pas s'incorporer à sa salade. Elle n'était pas certaine que cette attitude ne nuirait pas à la professeur un jour ou l'autre. Personne n'était immortelle, surtout par les temps qui couraient.

Elle allait lui demander si leur contrat lui convenait lorsqu'il continua sur la vie en communauté.
Sur le point du rejet passif, elle était tout à fait d'accord. Ayant souvent fait ses travaux dans son coin, s'impliquant relativement peu avec les autres, ou seulement en des occasions intéressées, elle était d'accord sur le fond.
Si vous aviez vos propres préoccupations, le rejet passif ne vous dérangeait pas, il pouvait même servir vos aspirations à la tranquillité.
Par contre, le jour où on vous prenait la main et que, sous couvert d'un contrat fumeux, on vous obligeait à tenir celle d'hérétiques artistiques ou de tas d'hormones plus préoccupés par la couleur de leur salopette que de la qualité du nouveau stylet 47-13, cela se compliquait.

Avec un air compatissant, elle hocha la tête, l'air désolé pour lui et pour elle-même. En pivotant, elle se retrouve assise sur les fesses, genoux serrés sur la poitrine. La cohésion un rien forcée l'avait amenée à rencontrer Pil, Claire, Georgia, Nathan... A avoir peur, à apprendre le langage des signes, à se prendre une raclée émotionnelle, à s'inquiéter pour un futur qui n'était pas le sien. Rétrospectivement, et objectivement, c'était horrible.
Mais en même temps...

Le regard dans le vague, comme se surprenant elle-même de cette conclusion, elle murmura :
« -Difficile mais nécessaire, je crois... Étonnement, les collisions sociales n'ont fait que renforcer ou donner un nouveau tournant intéressant à mon art. »

Pensée partagée qu'il lui confirma en lui confiant son ébauche non finie d'analyse à propos de leur relation. Elle lui rendit son regard appuyé, puis étaya.
« - C'est toujours aussi ambivalent. Je veux dire... On ne peut continuer à avoir des aspirations et à se renouveler... Non. »

Elle fixa Yanis d'un air pensif, puis, au bout de quelques instants, reprit :
« -On ne peut continuer d'exister sans se mettre à jour.
Sinon, on bogue et on n'est pas protégé des nouvelles menaces...
Pour se mettre à jour, il faut actualiser nos données sur l'environnement et les capacités d'action des différents processeurs extérieurs sur notre système. »


Elle toussota. Elle avait essayé de faire des efforts d'imagerie. Elle avait remarqué qu'elle essayait de plus en plus souvent de faire des parallèles informatiques.

« -Mais trêve d'informatique : sans contact social, humain ou non, sans réponse à nos actions, sans contre point de vue, on n'avance pas.
On implose dans un coin, persuadé de nos propres limites et absolus sans jamais les remettre en cause. Cloisonné dans un plan sans même avoir conscience des autres et des formidables possibilités d'accès.
La sociabilité, c'est difficile car cela oblige notre égo à se remettre constamment en cause et à s'adapter selon une tendance à laquelle il n'aurait jamais cru être capable d'adhérer.
Mais c'est cela qui est formidable !
Rien n'est jamais pareil. »


Oui, en fait, rester autiste n'était pas une bonne chose, surtout pas pour cette création constante qu'était la Vie.

Son regard erra un instant sur le gazon devant elle, puis sur une tentacule.

Plus précisément, être avec Yanis lui avait posé pas mal de problèmes d'adaptation, malgré ce que l'on pouvait en penser.
Elle n'avait pas l'habitude d'accepter quelqu'un aussi loin dans son univers personnel. D'habitude elle arpentait ce plan seule, et elle était bien consciente que d'avoir laissé le pont-levis ouvert laissait la forteresse totalement exposée aux agressions extérieures.
L'autre passage qu'elle avait connu avait été le violeur de psyché.
Et cela avait été terrible.

Une fois son psyché ravagé, elle avait attendu, seule et exposée. N'ayant pas le courage de construire de nouveau, de faire des projets. Elle en voulait peut-être à Yanis, qu'elle avait invité à visiter, de ne pas être venu directement lui donner un coup de main pour la reconstruction.
Un tas de bonnes âmes s'étaient proposées, mais elles n'avaient aucune idée de l'architecture initiale.

Elle serra ses genoux contre elle, puis releva ses yeux vers le cybermutant.
Simplement, et d'une vois à moitié étouffée, elle lui avoua :
« -Je t'ai attendu, tu sais ? »
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Lun 24 Mai 2010 - 16:20
Les explications de Viconia lui apportèrent un nouvel éclairage sur l'affaire de la chambre fouillée. La jeune fille décrivait Marcin en tant qu'être humain, angle d'analyse qu'il n'avait jamais pris en considération en ce qui concernait les professeurs. Il les avait certes vu se nourrir, savait qu'ils dormaient puisqu'ils avaient une chambre, bref, accomplir les tâches quotidiennes d'entretien d'eux-mêmes, mais il ne lui avait jamais semblé qu'ils faisaient autre chose que superviser les élèves. A ses yeux, ils avaient été une fonction, des sortes de super-matons dont les préoccupations personnelles n'interféraient pas avec les affaires de l'Institut.
Cette perspective était rassurante car elle éliminait le facteur humain, cette poussière qui venait toujours immiscer le chaos là où régnait l'ordre et l'efficacité. Mais se dire que des mutants aussi dangereux et dotés d'influence pouvaient exercer leurs "passions" et y mêler les élèves... Cette idée ne lui plaisait pas du tout. Il n'était pas venu ici pour subir les négligences d'adultes incapables de se contrôler, et qui prétendaient en plus leur apprendre comment se conduire. C'était dangereux, physiquement et idéologiquement. L'hostilité des élèves ne le gênait pas pour vivre, mais cette nouvelle donnée lui laissait l'inquiétante sensation d'être en danger permanent dans ces murs, comme un oiseau dans une cage dorée.

"Tu as raison, Marcin est un être humain... J'avais oublié ce détail."
commenta l'homme-machine en hochant la tête. En même temps, l'oubli était compréhensible vu le comportement, assez semblable à celui de Yanis, que le professeur laissait transparaître au quotidien.

Le retour positif de la rousse rassura néanmoins le mutant sur sa propre ligne de conduite. Jusqu'ici, il avait donc accompli sa mission, il lui avait été utile et ce faisant, il avait été contraint de se mêler aux autres. Aussi malhabile soit-il, ces interactions lui avaient permis de mieux se connaître lui-même, de calibrer la représentation psychique qu'il se faisait de lui-même. De nombreuses questions restaient encore en suspens, surtout depuis sa rencontre avec les robots de Nemo, mais il y voyait déjà un peu plus clair. Contre toute attente, sa promesse somme toute désintéressée lui avait également profité.

Le mutant observa curieusement Viconia parler informatique. Il était si surprenant de l'entendre parler en ces termes qu'il s'interrogea un moment sur ce qui lui prenait. Puis il se souvint de sa théorie des ponts. Essayait-elle de bâtir un pont linguistique entre eux ?

"Je comprends." crut-il bon de lui confirmer quand elle eut développé la fin de son argumentation sur son mode habituel. Une nouvelle fois, il fut frappé par la réciprocité de leurs interactions. Il avait lui-même tenté d'adapter son langage auprès de Charis afin de rejoindre Viconia sur le même plan de communication. L'essai avait été maladroit et bref, mais c'était déjà un grand pas en avant pour ses compétences en communication. Aujourd'hui, la Finnoise semblait lui retourner la faveur.

Néanmoins, la compréhension fut de courte durée pour l'Algérien. La jeune fille disait l'avoir attendu, mais Yanis ne parut pas faire la relation entre le non-dit et la situation réelle qui lui était associée. Il lui avait pourtant communiqué, ainsi qu'à Georgia, qu'il serait au mieux retardé par le Parangon, au pire éliminé.

Il fixa silencieusement sa camarade, essayant de capter des signes extérieurs pouvant le renseigner sur la signification de ses paroles. Il ne détecta que bien peu d'indices, ce qui accrut sa confusion : la voix étouffée pouvait dénoter un inconfort quelconque, aussi bien physique si elle avait attrapé froid, que psychologique. Quant à la position recroquevillée qu'elle avait adoptée, elle lui rappelait la tendance de toute créature à se tasser sur elle-même en cas de blessure ou d'appréhension.
Le diagnostic tendait donc seulement à établir que Viconia était mal à l'aise avec ce dont elle voulait parler, qu'elle était blessée ou avait peur d'être blessée. Yanis était bien avancé !

Le nano-mutant cligna finalement lentement des paupières, puis répondit.

"Non. Je ne sais pas." dit-il avec franchise, le visage légèrement incliné vers le bas, le regard planté dans celui de l'artiste comme si cette position lui conférait un avantage tactique pour décrypter la signification profonde de ce qu'elle voulait dire.

"Je ne comprends pas. Quand ?" ajouta-t-il prudemment de sa voix de synthèse.
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