Chambre de Juliette et Jade

(Saut temporel)

Paisible samedi, que ce jour ensoleillé.. Juliette avait été en ville au cours de l’après-midi afin de faire quelques courses, et puis elle avait décidé de se poser temporairement dans son lieu de prédilection favori… Le Juliette’s. Elle n’y demeura cependant que très peu de temps, tout au plus trois quarts d’heure, juste le temps nécessaire pour absorber un délicieux café tout en réfléchissant. Bien que cela l’ennuyait assez fortement, elle devait reconnaître qu’elle avait été trop loin dans son attitude envers le professeur Kofman, durant l’un de ses derniers cours. Elle le savait, le plus élémentaire des actes aurait été de lui présenter ses excuses en bonne et due forme, mais pourtant elle ne l’avait pas fait. Elle estimait ne rien avoir fait de mal, mais était-ce pour autant une raison de faire preuve d’une telle indélicatesse à son égard.. ? Assurément pas, mais Juliette avait aussi son petit caractère bien à elle, et quelque part cela mettrait à mal sa fierté que d’aller présenter des excuses à un professeur pour ce qu’elle ne considérait pas vraiment comme une faute de sa part. Pourtant, ne pas le faire lui donnait un curieux sentiment de malaise… *Avoir reçue une excellente éducation, quelle plaie !* songea-t-elle alors en vidant sa tasse. Après avoir déposé un peu d’argent sur la table afin de régler sa consommation, la jeune femme quitta sa chaise et se dirigea en direction de la sortie après avoir empoigné ses achats… C’était décidé, elle allait présenter ses excuses à Esther en bonne et due forme, et ainsi elle n’aurait plus ce dérangeant sentiment de fausse culpabilité. Son estime allait en prendre un sacré coup, mais qu’importe… Ce sera fait en privé après tout, ce serait déjà mieux que rien.

Après un trajet en bus, Juliette parcouru la longue allée qui séparait la grille de l’entrée de la propriété de l’institut, et elle pénétra à l’intérieur de celui-ci d’un pas nonchalant avant de rejoindre sa chambre ou elle déposé ses différents sacs. Prenant sur elle-même, elle redescendit ensuite au rez-de-chaussée et laissa ses pas la guider en direction de l’aile ou se trouvaient les bureaux des professeurs. Alors qu’elle se dirigeait vers celui du professeur Kofman, Juliette vit un autre élève la devancer et frapper à la porte du bureau de Esther. Elle crut alors comprendre que le dit professeur avait visiblement déjà rendez-vous avec l’un de ses camarades, ce qui la soulagea en même temps que cela la contraria. Elle qui avait prit la ferme mais difficile résolution de s’humilier devant Esther en lui présentant des excuses pour son comportement passé... Tant pis, elle retournera la voir plus tard… Peut-être… Ou peut-être pas… Qui sait, peut-être que la venue de cet élève était un signe… Peut-être, voulait-on lui faire comprendre que non, elle n’avait pas à aller s’excuser auprès du professeur en question… Quoi qu’il en soit, Esther était désormais occupée et, sans doute, pour un long moment. C’est pourquoi, Juliette détourna ses pas du bureau de cette dernière, et monta à nouveau l’escalier afin de regagner sa chambre.

Une fois là-bas, elle jeta un oeil sur son horloge accrochée au mur juste au dessus de son bureau, et en constatant qu’il était environs dix-huit heures, elle décida finalement de se plonger dans ses cours afin de réviser durant quelques temps. Ce n’était pas une décision inutile en vérité, car le sujet traité ces derniers temps était la psychologie enfantine… Sans doute l’un des domaines les plus difficile à appréhender de tout son cursus actuel.

(Cuisine, un peu plus tard)

Rapidement, la gothique romantique avait regagné sa chambre. Y demeurant seule depuis le départ de Jade, Un évènement désolant encore une fois à mettre sur le compte d’une autre garçon qui n’avait pas l’air, lui non plus, de se rendre compte de sa véritable responsabilité dans ce départ, mais qui laissait cependant l’italienne comme seule et unique locataire des lieux. Malgré toute la profonde affection qu’elle pouvait porter à son ancienne colocataire, Juliette appréciait enfin de pouvoir avoir sa propre chambre exclusivement à elle. En soit elle n’avait rien contre le fait de partager sa chambre, mais avec le temps elle aspirait de plus en plus à ne plus avoir à cohabiter avec des ‘’gamines’’ âgé au grand maximum de dix-neuf ou bien encore vingt ans.

Une fois sa porte refermée, la jeune femme avait tout d’abord longuement soufflé… Et dire que cette journée avait si bien commencée… Mais il y avait eu cette nouvelle, dramatique s’il en était, mais qui ne la touchait pas particulièrement de par sa non appartenance à la grande et belle nation américaine. S’en était alors ensuivit cette chute qui n’avait heureusement causé aucun dégâts sérieux à quiconque, à la suite de laquelle avait embrayée la colère outrageusement moralisatrice de Adam, qui leur avait lui-même appris, sans doute plus pour la culpabiliser qu’autre chose, que l’assassin du président serait éventuellement un mutant… Une nouvelle qui, sur le coup n’avait pas vraiment attiré l’attention de l’italienne, mais dans le silence apaisant de sa chambre elle réalisait la conséquence éventuelle de cet nouvelle si jamais elle s’avérait exact.

Lasse, très lasse même alors que cette journée venait à peine de débuter, Juliette s’était alors laisser choir sur le drap de satin qui recouvrait son cercueil durant la journée et son esprit s’était perdu songeusement dans les éventuelles effets de ce meurtre, si jamais un mutant y était réellement appliqué. Mais en même temps, ce n’était qu’une supposition, aucune preuve n’avait été apporté afin de corroborer cette accusation certainement gratuite. Toute à ses pensées, son regard se perdit dans la contemplation du plafond de sa chambre tandis que ses bras meurtris se laissèrent tomber sur les côtés afin de ne pas entrer en contact avec les lambeaux de sa robe. Ses blessures n’étaient certes pas très grave, mais cette absence de gravité n’enlevait cependant rien à la douleur que celles-ci pouvaient lui causer.

C’est alors que des coups résonnèrent à sa porte… Des coups discret, presque timide, qui donnaient le sentiment de ne pas vouloir trop déranger l’occupante des lieux. Les coups cessèrent, puis une voix s’éleva de derrière le panneau de bois. Une voix tout aussi hésitante que les coups précédemment porté, mais qui n’étaient pas vraiment inconnue de la gothique romantique. Un sourire hésitant se dessina alors sur ses lèvres… Elle en avait conscience, elle s’était violemment emporté contre le pauvre petit inuit alors qu’elle n’aurait pas du… Pas de la sorte en tous cas… A nouveau un soupir las fusa de ses lèvre et puis elle se redressa afin de bifurquer sur le côté et de se retrouver en position assise sur son cercueil, du côté de la porte. Elle déposa délicatement ses bras sur ses cuisses légèrement dénudée de par les déchirures de sa robe autrefois magnifique, puis elle lança d’un ton aussi bref que neutre :

‘’Entre…’’

Il était difficile pour le petit inuit de savoir s’il allait pénétrer sur le territoire d’une repentie, ou bien alors d’une féroce prédatrice prête à bondir à nouveau sur un pauvre petit être des glaces sans défense.

Le petit inuit pénétra dans la chambre de la gothique romantique, tel un agneau empli d’une naïveté propre au innocent, ignorant tout des turpitudes cruelles de la vie. Debout dans l’encadrement de la porte avec son plateau de soins entre les mains, Kallali paraissait presque fragile et sans défense comme pouvait en témoigner la gêne diffuse que ressentit l’italienne en le fixant de son regard cristallin. La jeune femme savait qu’un grand nombre de résident n’aimaient pas venir dans sa chambre, de par la rédhibitoire atmosphère lugubre que procurait la présence de son cercueil, ainsi que le style ténébreux de sa décoration, que jamais Jade n’avait émit l’idée de vouloir changer. La jeune fille avait semblé se plaire dans ce décor assurément à mille lieux de celui des autres chambres, ce qui avait toujours procuré un certain sentiment de plaisir et de satisfaction à la gothique romantique qui n’aurait, inversement, guère apprécié de se voir forcée de subir l’outrage d’une décoration aux teintes plus colorés. En autre, la chambre en aurait certainement été des plus étrange et dérangeante encore, entre une moitié ténébreuse et une moitié plus… Clownesque, selon le point de vue de la jeune femme.

Kallali osa courageusement un pas en avant, se détachant ainsi de la relative sécurité de la sortie toute proche, renonçant par là même à une fuite totalement sécurisée. Un geste soit très courageux, soit totalement inconscient, qui n’arracha à la gothique romantique qu’une bref regard vaguement intéressé. Il commença alors à balbutier, tel un petit enfant effrayé par l’affreuse sorcière, la raison de sa présence en ce lieu interdit. Un sourire fut alors arraché à l’italienne, bien qu’il était assez difficile de juger de l’origine de ce sourire. Etait-il de satisfaction gourmande et perverse, ou bien tout simplement amusé et empli d’une certaine tendresse.. ? Tout dépendait certainement de l’état d’esprit de celui qui pénétrait alors dans la chambre de la gothique romantique.

‘’Referme la porte et viens t’asseoir à côté de moi…’’

Dit alors la jeune femme en tapotant brièvement le satin du drap noir qui recouvrait son cercueil, d’un ton tout aussi neutre et indéfinissable que celui précédemment employé. Cela n’était ni un ordre, ni une supplique… C’était une demande, tout simplement. Il restait maintenant à voir si le courage du petit inuit serait en mesure de puiser à nouveau dans le réservoir de hardiesse qui était le sien et qui l’avait, à regret peut-être bien, poussé à commettre la folie de venir voir la gothique romantique après qu’elle lui ai adressé la parole aussi sèchement à l’infirmerie.

La question était maintenant de savoir si le courage du petit inuit serait assez grand pour laisser fuir définitivement toute possibilité de quitter cette pièce oppressante pour le commun des mortels, qu’ils soient mutant ou non, ou bien s’il préfèrerait adopter une attitude plus prudente que ne manquerait pas de lui dicter son instinct de survie le plus primaire… Car après tout, l’impossible avait eu lieu… Elle avait été en colère contre lui. Pire encore, elle avait été en colère, tout simplement…

L’invitation de la gothique romantique à l’égard du petit inuit sembla quelque peu désarçonner celui-ci, même si il était d’une évidence certaine qu’il faisait de son mieux pour n’en rien laisser paraître. Malgré les apparences, il n’était nul besoin d’être fin psychologue pour le deviner. C’était une réaction bien souvent commune à tous ceux qu’elle invitait à venir déposer leur séant sur son vaisseau de mort, symbole de ce que les gens redoutait le plus en dépit de leurs allégations hardis. Kallali avait en plus le poids de la colère de la jeune femme sur ses frêles épaules, ce qui devait certainement le rendre encore plus anxieux que à son habitude dans ce genre de situation. Toutefois, le brave petit inuit osa s’affranchir, peut-être bien un peu trop sottement sans doute, de sa peur initiale et s’avança afin de venir s’asseoir au côté de la résidente de la chambre.

Il s’installa dans une succession de mouvements aussi lent que prudent, portant toujours son plateau de soin entre les mains. Une fois installé, un court silence s’installa entre les deux mutants. Kallali ne cessait de fixer le plateau métallique entre ses mains comme si ce dernier allait lui apporter une solution miracle afin de rétablir une normalité entre lui et l’italienne, puis il osa enfin une première parole… Un pardon à la limite de la timidité, que l’attitude fuyante du petit inuit teintait d’une sentiment de peur qui fut, lui aussi, douloureux à la gothique romantique. Vans un nouvel élan de bravoure, Kallali osa à nouveau une nouvelle parole, se justifiant cette fois-ci de son attitude à l’infirmerie. L’inachevé latent de sa phrase laissa Juliette légèrement dubitative durant quelques instants. Elle eu alors le sentiment qu’il ne lui disait pas tout à fait le fond de sa pensée, mais qu’importe…

Elle soupira… Une soupir aussi long que profond, qui traduisait généralement une certaine forme de déception chez la gothique romantique. Un soupir terriblement accusateur, qui pointait de son doigt invisible sans pour autant avancer le moindre reproche. Un aveu de déception, finalement très Juliette… La jeune femme aurait aimé rassurer le petit inuit, lui dire que ce n’était pas grave, qu’elle le comprenait. Mais même si elle comprenait en effet sa réaction, celle-ci traduisait aussi, selon elle, un terrible aveu qui lui était terriblement désagréable à accepter. Reportant son propre regard sur ses bras reposant sur ses cuisses, la jeune femme commença à dire d’une voix toujours aussi neutre :

‘’Tu ne me fais pas confiance…’’

Le propos pouvait paraître des plus cruels, d’autant plus qu’il avait été prononcé presque sans émotion particulière, comme s’il ne s’agissait là que d’une simple et banale constatation. Un court silence, néanmoins pesant, s’installa à nouveau brièvement entre les deux mutants avant que Juliette ne reprenne la parole et ajoute sur le même ton :

‘’Tu as réellement pensé que je serais capable de mettre qui que ce soit ici en danger, si je ne me savais pas en mesure de les aider.. ? Ou bien encore, si je ne pensais pas qu’ils pourrait se sortir tous seul d’une telle situation.. ? Est-ce que pense que je pourrais être d’une nature aussi irresponsable.. ?

La question était posé… Et l’interrogation qui en résultait tout naturellement était de savoir si le petit inuit allait avouer son manque flagrant de confiance envers celle qui avait un réel attachement, quasiment fraternel à son égard, ou bien s’il allait renoncer et tenter de se dédouaner du sentiment qui avait été le sien au moment ou ce regard accusateur avait été porté sur la personne de la gothique romantique.

Tandis que l’italienne parlait, une brume surgit de nul part commença alors à envahir peu à peu la chambre déjà bien assez angoissante pour le pauvre Kallali… Lentement mais sûrement, ladite brume à l’apparence bien connue du mutant envahissait chaque recoin de la chambre avant de rejoindre l’épicentre du phénomène qui, malheureusement pour le petit inuit, semblait être le cercueil sur lequel il était justement assis.

‘’Une bêtise.. ?’’

Doucement, la tête de la gothique romantique se balança de droite à gauche et de gauche à droite, en un mouvement des plus désolé.. Il avait beau lui dire qu’il lui faisait confiance, mais ce ton… Ce ton sans ambiguïté, démentait toute sincérité tant l’assassine accusation habitait ce dernier. Une bêtise.. ?

‘’Est-ce que tu penses que c’est une bêtise irresponsable plus grande, que celle de vous envoyer risquer vos vies face à des adversaires qui, eux, veulent vraiment vous tuer.. ? Je suppose que tu va me dire que c’est pour une bonne cause à chaque fois, mais… Est-ce que risquer la vie d’adolescents pour une bonne cause serait plus excusable.. ? Peut-être aussi, penses-tu que à l’institut le danger reste devant la grille de l’entrée.. ? Tu devrais pourtant savoir que ce n’est pas le cas. Il nous aide à développer nos pouvoirs, mais c’est une erreur de penser que l’institut est un sanctuaire ou le danger n’existe pas.’’

En effet, pour la plupart des résidents l’institut était semblable à un sanctuaire qui les protégeaient du monde extérieur… C’était une erreur, une grossière erreur, même si elle-même y avait cru durant un temps. Mais que ce soit en bien ou en mal, le monde et ses dangers les avait rattrapé sans qu’ils ne puissent y faire quoique ce soit. Dans un soupir, Juliette repris la parole et ajouta, toujours sans offrir le moindre regard au petit inuit :

‘’Ton ton dément ton propos Kallali, mais plus qu’un manque de confiance en moi, c’est un surtout un manque de confiance envers Charis et Edeas que tu démontre. Oserais-tu me dire que tu les penses en mesure de se débrouiller en mission, mais non pas en dehors de celles-ci.. ? Et si tu cessais de te mentir.. ? Quoi que tu puisses avancer, tu es en colère mais pas pour la raison que tu avances.’’

Laissant ses paroles en suspens, Juliette tourna finalement quelque peu son visage en direction du petit inuit et le fixa en un silence dérangeant. Bien entendu qu’il mentait, même si ce n’était sans doute pas conscient. Mais ses paroles trahissaient le véritable objet de sa colère et celui-ci portait le prénom de :

‘’Charis… C’est elle qui soulève une telle colère inquiète, n’est-ce pas.. ? Ce n’est ni Edeas, ni moi… Ne démens pas, il suffit de t’écouter parler… Tu ne cesses de la citer en exemple, alors que Edeas était avec elle et qu’il était certainement le plus en danger. Est-ce que tu l’aime autant que cela.. ?’’

Il n’y avait aucune envie, aucune jalousie d’aucune sorte dans cette affirmation. Il n’y avait même pas le moindre accent de déception ou bien encore de colère… C’était un fait, voilà tout et le petit inuit se mentirait à lui-même, si jamais il reniait cette vérité indiscutable. La gothique romantique se sentait tellement loin de tout cela, qu’elle ne releva même pas l’humour maladroit de Kallali concernant sa perfection défaillante. La jeune femmes se détourna à nouveau du petit inuit et ajouta d’un ton las :

‘’Si tu pense que j’ai réellement eu une attitude irresponsable, alors va-t-en… Je ne suis pas d’humeur à accueillir tes reproches et ta colère…’’

Comme pour appuyer son propre propos, elle souleva brièvement ses deux bras écorchées avant de les redéposer sur ses cuisses. Malgré ses accusations inavouées, la gothique romantique aimait toujours le petit inuit et elle ne désirait nullement se fâcher réellement contre lui si jamais il persistait à s’adresser à elle de la sorte. Pendant ce temps là, la brume qui avait envahit la chambre sembla prendre encore un peu plus de volume, envahissant encore un peu plus les lieux de son étreinte éthérée.