Entretien de la piscine

C'est vêtu d'une tenue de ski complète mauve, d'un bonnet vert fluo à pompon, de moufles jaunes et de moon-boots assorties que Sven, muni de sa perplexité habituelle se rendit à la piscine.

Il avait pris ce qu'il avait trouvé dans les placards à produits d'entretien, verrouillés pour empêcher qu'Alixtide ne se prenne l'idée de reboire un quelconque liquide malsain. Il eut une pensée émue pour son mystérieux et corrosif camarade.

Avant de finalement réaliser une chose : il faisait froid.

*Pourquoi diable est-on censé nettoyer la piscine alors qu'il fait -20°C... Est-ce que des gens viennent avec des balais nettoyer l'océan entre les fjords quand il fait si froid ?*

Il ne se découragea toutefois pas. C'était la tâche qui lui avait été assignée, donc il fallait qu'il s'en acquitte. Il descendit par l'échelle dans le fond de la piscine, puis entrepris de plonger sa serpillère dans son seau. Gelé...

Il retourna le seau, faisant tomber un gros bloc de glace, et entrepris alors de le frotter sur le fond de la piscine, histoire de la nettoyer.

Ce matin, il faisait froid.
Très froid.
Et le froid, Pablo n’aimait pas ça. Pourtant, il était sorti de sa chambre et avait découvert qu’on lui avait refilé – une fois de plus – la corvée d’entretien de la piscine. Il n’avait pas trop participé à la vie sociale de l’Institut ces derniers temps ; fatigue, mal de crâne permanent, les raisons étaient diverses… mais les tâches ménagères, ça, il savait qu’il ne pouvait pas y échapper.
C’est donc vêtu d’une grosse doudoune molletonnée et caché sous une imposante capuche rembourrée de fourrure que le Colombien prit la direction du jardin en se frayant un chemin dans la neige, non sans soupirer – et en tirant un peu la tronche – avouons le.

*tffff… Nettoyage de piscine !*

N’importe quoi !
Déjà la dernière fois, Pablo s’était retrouvé à balancer au hasard des quantités astronomiques de produit d’entretien dans l’eau ; mais là, récurer la piscine en hiver, c’était… comment dire… superfétatoire ?
Marchant en faisant attention à ne pas trop s’enfoncer dans la neige, Pablo arriva sur le lieu de sa tâche ménagère et s’arrêta près du rebord.
Debout, mains dans les poches, sa grosse capuche poilue rabattue sur la tête, le Colombien découvrit avec stupéfaction Sven qui passait un glaçon au fond de la piscine. A ses côtés, Joachim.

« Heu… ça va ? »

C’était plus un « vous êtes sûr que tout va bien ? »… parce que voir quelqu’un faire le ménage avec un glaçon c’est peu commun. M’enfin, à la fois, c’était Sven…
Le jeune hispanique s’assit tranquillement sur le rebord de la piscine, en prenant bien soin de garder les mains au chaud dans ses poches, ce qui ne lui donnait franchement pas l’air d’un type qui allait s’activer.
Puis, très naturellement, le mutant aux yeux dorés s'adressa à ses deux collègues de corvée

« Elle s'utilise pas la piscine en hiver ? »

Bon, l'univers des piscine n'était pas vraiment celui de Pablo. Mais en réflechissant un peu, y'avait peu de chance qu'elle serve... mais alors, pourquoi la nettoyer ? Voilà un concept qui dépassait notre ami Colombien...

Quelqu'un l'interpellait en disant Yo... Allons bon, voilà autre chose. On venait l'interrompre alors qu'il expérimentait le nettoyage avec de la glace pilée.

Il se tourna vers Joachim, s'essuya le front, et s'assit sur son bloc de glace, s'appuyant sur son balai, ce qui lui donnait une posture de penseur de Rodin.

"Non. Ce n'est pas une bonne idée. Si tu fais geler de l'eau au fond de la piscine, alors celle-ci ne sera plus une piscine, mais une patinoire. Et par conséquent, je n'aurai plus de piscine à nettoyer, et je ne sais pas du tout qui est de corvée de nettoyage de la patinoire, pour le prévenir de ce changement de situation de dernière minute."

C'est alors que Pablo s'installa sur le rebord de la piscine.

"Bonjour Pablo. Ca va très bien merci, et toi ? Tu arrives encore à respirer sous toutes ses couches de molleton et de matelas ? Je me souviens, au pensionnat, une fille qui avait tellement de pulls que quand elle sortait faire les randos -40... Celles où il fait -40 dehors, elle n'arrivait plus à passer les portes, alors même qu'elle était plus maigre qu'une allumette."

Il interrompit subitement ces réminiscences nostalgiques d'un passé révolu pour reprendre le fil de ses idées.

"En fait, je ne sais pas si la piscine sert en hivers, mais on dit qu'il ne faut jamais être trop prudent, alors on est jamais trop prudent. Des fois que, subitement, il se mette à faire beau et que quelqu'un souhaite plonger dans la piscine, il faut qu'elle soit prête à l'accueillir."

Il se leva de son glaçon, et reprit son frottage, avant de se relever à nouveau.

"Notez bien qu'il faudra songer à la remplir, avant que quelqu'un n'y saute."

« Héhé… »

Les sourcils du Colombien se haussèrent, et un sourire lui échappa. Sven avait une façon de penser vraiment originale. Ivy, Nan ou ce suédois, avaient le don d’étonner Pablo tant leur naturel était déroutant et leurs réflexions parfois totalement aberrantes.

« Héééé ? La remplir ? J’crois pas que quelqu’un voudra sauter dedans hein… »

Et là, Joachim eut une idée : chauffer la piscine.
Toujours assis dans la même position, mains dans les poches, le jeune hispanique se mit à bouger un peu les jambes, visiblement intéressé par l’idée, et poursuivit la proposition de Joachim qu’il prenait au sérieux ; pourquoi pas après tout…

« Ouai… Math ou Tim peuvent faire ça ! C’est vrai, ça pourrait être bien si y’avait de l’eau chaude hein… on serait bien hein ? »

Une piscine chauffée comme dans les films américains ? La classe ! A la fois il faisait tellement froid dehors… faudrait être fou pour vouloir se baigner !
Les yeux du mutant de Bogota étaient levés vers le ciel. Il semblait rêvasser, ou réfléchir ; en observant mieux, on pouvait s’apercevoir qu’il s’amusait à faire de petits nuages de buée en soufflant dans l’air et contemplait avec fascination l’épaisse fumée qui sortait de sa bouche. Pas trop habitué aux grands froids le Pablo… d’ailleurs, on distinguait difficilement son visage caché sous sa grosse capuche ; seuls ses yeux dorés et les cheveux blancs qui lui tombaient sur le front permettaient de l’identifier sans erreur.
Puis, comme si il venait de réaliser quelque chose, Pablo baissa les yeux vers les deux autres, en pointant du pied la piscine

« Mais ça doit prendre du temps pour tout remplir d’eau nan ? »

Un petit sourire malicieux se dessina sur son visage.
Ouai… sans aucun doute, l’idée de goûter au plaisir d’une piscine chauffée en hiver semblait vraiment tenter notre ami hispanique…

Sven interrompit à nouveau son frottage de glaçon pour regarder Joachim, en haussant un sourcil perplexe et interrogateur. Qu'est-ce que ce martien pouvait bien essayer de lui raconter comme sottise.

"Non. Il ne servirait à rien qu'on remplisse la piscine, puisque de toutes façons, j'ai seulement pris ma serpillère, et non pas ce modèle fascinant d'aspirateur conçu pour aspirer le fond d'une piscine. Je m'interroge quand même : pourquoi est-ce que personne n'a jamais conçu une serpillère qui doit nettoyer le fond de la piscine quand elle est remplie ? Ce serait plus facile, vu que l'eau est très mouillée."

Puis, se tournant vers Pablo.

"En fait, oui, ça prendrait beaucoup de temps, et je ne crois pas que Math ou Tim aient envie de passer leur temps à faire des bulles. Je suis sûr qu'ils ont sans doute des choses beaucoup plus importantes à faire, comme compter les pâquerettes, ou cartographier les nuages. La cartographie des nuages est une tâche très complexe, puisqu'ils changent toutes les 5 minutes environ."

Il s'arrêta un instant, alors qu'une ride barrait son front. Une idée était en train de germer dans le terreau fertile de son esprit nébuleux.

"Par contre... Oui... Il faudra que j'en parle à Tim. Et à Ivy, forcément... Elle seule en est capable, et de ce qu'on m'a dit, Tim sera parfait pour faire ça..."

Puis il reprit son frottage des parois de la piscine, pensif.

Sven poussa un profond soupir de lassitude, avant de répondre.

"Écoute Joachim. Si tu tiens vraiment à faire remplir la piscine, tant mieux pour toi, mais tu risques de finir aussi congelé que le glaçon que tu es en train d'employer en vain pour nettoyer la piscine."

Il haussa les épaules, puis remonta à l'échelle.

"Ben oui... Après tout... Tu n'as même pas mis de savon, je crois. Je vous laisse, pour ma part, je pense que la piscine est propre. Pour le rinçage, je pense que le plus facile sera de la remplir de neige.

Sven disparut ensuite à l'intérieur, non sans avoir gentiment salué Pablo, et lui avoir confié son seau.

En deux secondes, Pablo était passé du stade de simple observateur à celui de participant potentiel à cette odieuse tâche ménagère.
Un seau.
Voilà ce que lui avait passé Sven avant de partir. Assis sur son rebord de piscine, Pablo jeta un regard interrogateur à Joachim. Puis, il tourna la tête et salua le membre des Nexus qui semblait se diriger vers l’intérieur.

Ses yeux dorés se baissèrent alors vers son seau.

« Heu… »

Moment de flottement.
C’est sûr que motiver un homme-eau pour sortir par ce temps ne serait pas évident… surtout que Pablo le connaissait très peu. Pourtant l’idée était bonne. Y’avait du potentiel ! Mais remplir une piscine par -20°…
Pablo regardait Joachim qui frottait les parois avec son glaçon, et étouffa un petit rire

« Ouai… peut-être on s’est un peu emballé hein… en fait c’est compliqué une piscine… »

Remplie c’est une galère ! Et vide, c’est aussi une galère ! Pas si drôle la piscine en fin de compte.
Tout en poussant nonchalamment la neige qu’il trouvait à portée de main dans ce grand trou vide, le jeune hispanique posa alors la question ultime.

« Sven, il a dit c’était propre… tu crois qu’c’est bon là ? »

Le ton reflétait une motivation sans commune mesure. En fait, un « non » pouvait facilement lui causer une attaque cardiaque.
Evidemment, si il fallait s’y mettre, il s’y mettrait. Le Colombien était partisan du moindre effort, certes, mais pas au point de laisser un collègue faire le sale boulot tout seul…

Joachim vit partir Sven très vite. Il l'avait vexé ? Il l'avait saoulé ? C'était difficile à savoir vu le personnage. Il arrêta de gratter son glaçon. Oui... c'était propre, de toutes façons ils ne pouvaient avoir mieux. Et puis... Pablo allait lui claquer dans les bras si Joachim lui disait le contraire. Compliqué tout ça. Il fallait qu'il arrête d'avoir des idées bizarres comme ça.

"Oui... Oui je pense que c'est propre. On va arrêter.

Il reprit son seau et son balai, le glaçon fondrait tout seul le moment venu. Puis il remonta, fit un sourire à Pablo en lui disant :

"Allez, va, tu peux rentrer il commence à faire froid dans la neige."

Puis Joachim s'en alla avec seau et balai vers l'institut en sifflotant.

( Hall de l'institut)