[3.1] Au chevet de Nova

L'obscurité sans fin. Des sons lointains. Des sensations floues.

Alors que Jenifer gisait sur un des lits de l'infirmerie, plongée dans une inconscience fortuite, l'aidant à supporter ses blessures de guerre, le temps n'avait plus vraiment pour la jeune mutante. Elle flottait dans un monde étrange, loin d'être merveilleux néanmoins.

Du moins, c'était là son point de vue, car de l'extérieur, Jen était étendue, couverte de compresses cicatrisantes pour accélérer le renouvellement de sa peau brûlée, le tout maintenu par des bande lui donnant un certain air de momie égyptienne. Son pouvoir avait certainement limité les dégâts, aucun organe n'avait été touché par la vague de micro-ondes. Cependant, presque 50% de la surface de son corps avait été gravement brûlée, laissant une peau craquelée et sa chair à nue par endroit. Pour ceux qui ont eu l'occasion de la voir avant qu'elle ne soit soignée, cette vision avait de quoi être choquante.

Depuis leur retour de Génosha, son état ne s'était pas amélioré, elle restait sans réaction. Nova n'avait ni assisté à l'arrivée du collègue de Garrisson, ni même à ses exploits sur la sentinelle, encore au départ de Tim à travers le portail et certainement pas aux derniers agissements de Hope et Derek qui avaient de quoi poser de nombreuses questions aussi bien sur eux que sur Garrisson & Co. Ses brûlures mettraient un temps encore bien long avant d'être cicatrisées mais plus encore le coma de Jenifer se prolongeait d'une durée inconnue.

Pour l'heure, il restait à attendre qu'elle se réveille... un jour.

Olivier avait une fois de plus passé la nuit dans l'infirmerie qui se trouvait être une pièce ou il passait plus de temps que dans sa propre chambre. Le matin à son reveil, l'état de Jen n'avait pas évolué depuis la veille quand elle était arrivée quelques heures avant le retour des New-GenèsiX qui avait moins souffert que les X-Rays.

Après avoir laissé la jeune fille quelques heures pour aller donner son cours, Olivier était revenu auprès de sa patiente avec un sandwich au 2 jambons. Il analysa les constantes de la mutante ainsi que son dossier. Il n'y avait pas grand chose à faire pour le moment car les blessures étaient importantes.

"Tu vas t'en sortir Jen..." murmura le directeur de l'institut à l'une de ses protégées.

Institut

"Bien sûr qu'elle va s'en sortir..." répondit doucement la voix de Cassandre dans le dos du directeur. Elle fit quelques pas pour rejoindre Olivier, puis le gratifia d'un sourire flottant entre la confiance et la compassion, avant de tourner la tête vers le mur à leur droite.

"D'ailleurs... la cavalerie vient d'arriver." dit-elle pensivement, avant de prendre son communicateur pour répondre à Iacobo, qui lui avait envoyé un message.

"Merci Iacobo, je suis à l'infirmerie." répondit-elle laconiquement. Ils comprendraient bien assez tôt.
Elle reprit la parole un ton plus bas pour ne pas troubler le repos de Jenifer.

"La situation semble pire qu'avant à première vue... Mais je sens que nous nous rapprochons d'Adam, fais-moi confiance." assura-t-elle à Olivier.

C'est sous la vigilante escorte de Iacobo et Joachim que Gaël arriva à l'infirmerie. Son visage se posa un instant sur Olivier, un illustre inconnu pour lui, puis s'éclaira lorsqu'il vit Cassandre, qu'il reconnut instantanément. C'était bien la grande dame brune bizarre de l'Oregon.

Et elle était à l'infirmerie au chevet de Ramses II... Gaël ouvrit son manteau pour ne pas étouffer de chaud, et jeta un coup d'oeil rapide à la momie. C'était peut-être l'occasion de s'attirer la sympathie de grande-gueule-petite-b... Mais dans l'immédiat, il lui fallait au moins annoncer la couleur.

"Bonjour. Je suis Gaël, nous nous sommes déjà rencontrés dans... le souterrain glauque dans l'Oregon."

Quelle entrée en la matière... Gaël se sentait aussi ridicule que les gens forcés à faire des danses stupides dans les camps de vacances organisées. Il bredouilla un instant, puis reprit.

"Il s'est passé différentes choses... Dont je pense que vous devez être informés, sur les mutants. Et puis... Lucas est en danger. J'ai besoin de votre aide."

C'était visiblement, pour Gaël, tout le coeur du problème.

Cuisine

Nan' entra d'un pas rapide, visiblement contrarié, en avalant une gorgée de son verre d'eau. Lui qui pensait que l'infirmerie serait l'endroit idéal pour se calmer et terminer sa discussion avec Wind, tout en étant auprès de Jen s'était trompé, sauf sur le dernier point.

Il ne serait vraisemblablement pas seul, avec Olivier, Cassandre, Iacobo et un nouveau dans les parages. L'amérindien hésita un instant à faire demi-tour et chercher un endroit réellement calme -La salle des dangers peut-être? Ou la salle de Briefing?- mais s'apperçu que la surprise avait dégagé la plupart des pensées négatives de son esprit et qu'il était bien curieux de savoir ce qui se tramait ici. Se doutant que Wind l'aurait suivi, Nan' enclencha son communicateur en direction d'Enzo, mais hésita à l'appeler. En cas de doute, abstient-toi, lui disait sa conscience. Et bien qu'il sentait qu'on reparlerait d'Adam avant longtemps, l'algonquin ne voulait pas déranger son camarade pour rien. Il s'adressa simplement aux deux professeurs, préférant ne pas faire attention à Iacobo, jusqu'à ce qu'il décide si il valait mieux aider Wind ou non.

-Bonjour?

Le voix de Cassandre douce, caressa Olivier, très loin d'un véritable contact, le direteur fut néanmoins apaisée.

"La cavalerie? Qui va arriver avec Iacobo?"

La réponse ne se fit pas attendre très longtemps, Gaël, un des mutants rencontrés dans l'Oregon par l'équipe emmenée par Cassandre. Un mutant qui avait été hostile venat leur demander leur aide.

"Bonjour Gaël, je suis le Dr Olivier Fleury, le directeur de cet institut, comme vous pouvez le voir..." Olivier désigna Jen étendue sur sont lit.

"Nous avons un certain nombre de .... problème à regler en ce moment."

Le nombre de disparition lors des missions était en effet inquiètant alors même qu'Adam n'était plus là. On ne savait rien à propos de ce qui était arrivé à Tim et s'il était retenu contre son gré. Comme Adam l'avait fait pour lui l'année auparavant, Oliver se jura de ne trouver le repos que lorsque son ami serait à nouveau auprès de lui, il était encore en vie, il en était sûr.

"Et surtout pourquoi nous vous aiderions?"

( Jardins )

Joachim était un peu dérrière Iacobo et Gaël. Il arriva dans l'infirmerie et découvrit ce qu'il n'avait pu découvrir la veille. L'institut avait fait l'acquisition soit d'une pièce d'antiquité qui serait mieux dans un musée, soit d'un grand blessé. De par les arrières-odeurs, il penchait plus pour la deuxième. Le lieu aussi, une vraie momie eut senti la pourriture, odeur qu'il connaissait plutôt bien et là, bien que l'odeur d'infirmerie soit plus présente (et pas si éloignée) ce n'était pas la décomposition, mais ça sentait quand même la mort. La première pensée qui traversa l'esprit de Joachim fut le fait que Iacobo risquait fort de choquer encore une fois. Et bien que son esprit soit déstabilisé, son petit sourire ne le quitta pas.

"Bonj... Maljour Mlle Deneos, M Fleury. Il semble que le terme convienne mieux."

Il passa devant Gaël, il avait toute confiance en ses professeurs pour le surveiller, et en Iacobo plus qu'en quiconque. Il alla jusqu'au lit au niveau de la tête du pharaon et s'accroupit pour mettre sa tête au même niveau que celle-ci. Il la fia alors que Gaël parlait. Toujours avec son sourire culotté et détestable dans de telles situation il prit la parole. Il était rentré tard et fatigué la veille et ne savait rien.

"Qui est en train de se battre ?"

Il vit alors Nan' entrer. Peut-être un membre de son équipe. Iacobo devait être au courant lui aussi. Pourquoi n'avait-il rien dit ? Serait-il inquiet lui aussi ?

Arrivée de Iacobo et son nouveau pote Gael ( les os bien entendus toujours aussi à l'affut , on ne se méfie jamais assez de ses amis ) suivi de près par Joachim dont le visage affichait toujours ce petit sourire pervers auquel il s'était habitué lorsque son colocataire le regardait boire ses shots journaliers , c'était tout de même inquiétant et Iacobo imaginait l'effet du sourire dans un terrain de jeu affublé de son manteau long et noir d'exhibitionniste : non Joachim n'était surement pas fait pour la vie publique.

La dernière fois qu'il était rentré dans la pièce , il était envahi par les spasmes , manquant cruellement de drogues , de quoi lui faire oublier ses soucis existentiels. Les crises s'étaient peu à peu calmées , les gentils directeurs de l'Institut le suivant à la trace , la menace de renvoi au moindre snif comme arme. Il lui arrivait de temps à autre d'être pris par un affreux mal de crâne , une série de spasmes peu agréables et pour finir en beauté un évanouissement. Il s'y habituait.

L'ambiance était encore moins disco que lors de son passage : une pièce emplie de regards pleins de gravité et pour cause : Jenny la magicienne agonisait sur le lit de l'infirmerie, le visage toujours aussi défait que la veille , silencieuse et immobile.

Nan' était de la partie , silencieux lui aussi , ne cherchant apparemment pas les hostilités . Tant mieux. Olivier et Cassandre présents aussi puis Gael commença son numéro.

Le serbe écoutait d'une oreille , s'approcha du lit de Jen , le visage totalement de marbre. Son visage calciné l'avait dégouté la veille mais il ne ressentait déjà plus rien : il était maintenant debout devant elle , stoïque.

Elle venait s'ajouter aux multiples cas d'élèves beaucoup trop jeunes pour être envoyés dans des missions paramilitaires , comme eux tous. Le serbe se demandait toujours comment des directeurs à la volonté aussi humanistes étaient capables d'envoyer au casse pipe ce genre de brave fille sans histoires. Elle avait joué elle avait perdue , logique imparable. Elle s'était largement surestimée , croyant ses pouvoirs suffisants , le retour lui avait été douloureux. Elle avait déjà bien assez d'amis pour la pleurer et passer la nuit à son chevet. Un visage brûlé involontairement , qu'est ce c'était par rapport aux horreurs qu'il avait vécu ? Comment pouvait-on être troublé par ce genre de choses lorsqu'on avait servi sous les ordres de maquereaux tous plus vicelards les uns que les autres , sadiques , sans aucune pitié pour l'espèce humaine , dénués de tout sens moral : des pauvres adolescents prostitués traités comme de la chair humaine , et ainsi tournait le monde. Des doigts coupés , des garçons comme des filles battus à mort... les souvenirs jaillissaient , il les fit cesser en se retournant vers le petit groupe d'adultes.

"Donc ton super frère a des problèmes , je vois . Dans la même lignée que mister Fleury et si l'ambiance humaniste qui régnait en ces lieux et qui me force à te demander comment Lucas la fouine s'est mis dans le pétrin , j'aurai été tenté de te dire : tant pis pour lui. Oeil pour oeil , dent pour dent n'est ce pas ? Il aurait très bien pu lui aussi mettre la jeune fille allongée derrière nous dans le même état , pas cool"

[ Chambre de Tim et Nan]

Kalalli avait eu l'air ravi d'aider le petit nouveau à s'installer, ça avait au moins eu le don de faire apparaître un sourire sur les lèvres de l'anglaise, comme elle avait traversé les couloirs pour descendre jusqu'à l'infirmerie. Sourire qui retomba lorsqu'elle parvint à destination : Il y avait trop de monde, beaucoup trop à son goût, au chevet de Jen, et elle s'arrêta un instant, interdite, avant d'incliner la tête en guise de salutations à l'attention de ceux qu'elle n'avait pas encore vus ce matin.

Elle ne se serait jamais attendue à se trouver face à Iacobo, Joachim, deux professeurs et un inconnu sur place... Le serbe n'avait pas vraiment semblé éprouver tant de compassion à l'attention de la brunette cachée sous un amoncellement de bandelettes, et elle doutait que ce fût là la raison de sa présence. Joachim, comme elle arrivait juste pour sa question, n'était au courant de rien, ce qui laissait plus encore planer le mystère sur la motivation de sa venue, et elle le fixa un instant le regard baissé comme il s'était accroupi près du lit. Le fait que les professeurs se soient déplacés la surprenait bien moins, c'était eux qui avait le plus de raison évidente de se trouver là. L'inconnu, en revanche, aurait sans doute été mieux accueilli au salon, non ?

*Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? Elle serait pas mieux au calme, Jen ?*

Elle garda ses interrogations pour elle, et reporta plutôt son regard sur le Ceresix, lui répondant sans toutefois oser pénétrer davantage dans la pièce.

- C'est Jen. On ne peut pas dire que notre dernière sortie se soit particulièrement bien passée.

Elle n'avait pas expliqué davantage, redoutant l'impact de détails sur le fonctionnement de l'institut sur un inconnu. D'autant qu'il y avait une certaine tension entre les personnes présentes, et elle jeta un regard à ses deux coéquipiers, comme s'ils pouvaient répondre à ses questions muettes d'instinct, avant d'aviser - il était temps - les armes que le dernier arrivé chez les X-Rays arborait encore. Le frère de l'inconnu avait des problèmes, et il demandait de l'aide à l'institut, le Docteur Fleury n'avait pas l'air enclin à la lui apporter, et Iacobo partageait son avis... Mais euh... Pourquoi est-ce qu'ils discutaient de ça ici, et maintenant ? Son regard faisait le tour de toutes les personnes présentes, plein d'incompréhension...

Laissant sans s'en rendre compte planer un mystère déroutant, Cassandre se contenta d'attendre l'arrivée de leur visiteur avec un calme tranquille.
Les X-Rays restants, Iacobo et Joachim firent leur entrée à la suite de Gaël. Elle se souvenait comme si c'était hier de leur première rencontre dans l'Oregon. Si les marques sur le cou de Iacobo s'était estompée avec le temps, le souvenir que les deux jumeaux avaient laissé dans l'esprit du groupe descendu dans les souterrains malsains de l'église de l'humanité était encore très vivace. Il était donc normal de détecter tant de réserve dans les voix des résidents de l'institut. Pour être au fait de leurs péripéties, Olivier était en droit de se méfier du jeune homme...
Pourtant des deux frères, il avait été de loin le moins hostile. Ce qui préoccupait la jeune femme, tout comme Iacobo d'ailleurs, c'était de comprendre ce qui semblait tant menacer la vie de Lucas, mutant qui s'était révélé particulièrement dangereux et en plein possession de ses moyens... à tel point que Gaël vienne réclamer l'aide d'un groupe qu'ils avaient agressé ouvertement.
Cassandre était sûre d'une chose : Gaël n'était pas sot au point de venir sans avoir une bonne raison de le faire, une raison plus importante que l'hostilité à laquelle il se heurterait fatalement après que son frère ait agressé un élève de l'institut. Il y avait bien plus en jeu que les autres ne pouvaient en avoir conscience. Plutôt que de s'interroger sur la confiance à concéder à Gaël... C'est à elle qu'ils devraient faire confiance.

La psychologue resta silencieuse quelques instants, le visage neutre et absent, tandis que les différents protagonistes devisaient. Elle gratifia les nouveaux arrivants d'un signe de tête pour les saluer, avant de finalement prendre la parole d'une voix sereine, les yeux mi-clots.

"Nous aiderons cet homme." dit-elle doucement, dans un ton indéterminé flottant entre l'affirmatif, l'impératif et le futur.

"De nombreuses choses dépendent de cette conversation... Plusieurs vies dépendent de ce qui en découlera. A commencer par celle de cette jeune fille derrière nous. Wind a raison, le chevet de Jenifer n'est pas l'endroit idéal pour éclaircir tout ceci, c'est pourquoi vous allez la soigner. Considérez que vous réparez l'erreur de votre frère il y a trois mois. Nous serons plus réceptifs à votre requête si vous nous aidez en retour."

Elle eut un regard confiant pour Olivier : il aurait été plus simple qu'il fut télépathe pour lire ce qu'elle savait instantanément, pour voir les fils temporels reliés indirectement à Gaël, et à l'écho que recevrait son appel à l'aide.

En entendant les premières réactions, Gaël blémit, et devint subitement très pâle. Il s'était attendu à être mal reçu. Le souterrain où il avait déjà rencontré les pensionnaires de l'institut avait du obscurcir leurs souvenirs... Mais après tout, il n'avait rien fait de mal...

Il s'y était même préparé. A l'animosité d'Iacobo, sans aucun doute. Mais il venait de se prendre une gifle. Comme jamais il en avait reçu de sa vie. Lucas, son propre frère, était condamné à mort, et il était vraisemblant qu'il serait le prochain. Et cette nouvelle transportait d'indifférence le directeur de l'institut... Fallait-il le payer pour son aide ? Cela semblait trop irréaliste.

D'autres personnes entraient dans la pièce : des amis de la blessée, visiblement. Il lui semblait que la scène défilait au ralenti tant son esprit était tourné vers ce qui allait se produire. Sur ce qui s'était déjà produit.

Puis Cassandre parla, comme une délivrance. Elle semblait plus encline à l'aider... Parlant de choses qui semblaient ne pas faire de sens, bien qu'à y réfléchir, cela en avait peut-être pour elle. Mais il fallait montrer patte blanche. Il s'avança auprès du lit de Jen, le plus loin possible d'Iacobo, et tendit sa main au dessus d'elle, alors qu'elle se nimbait d'un léger halo doré.

"Des brulûres de radiation. Plus une infection qui démarre. Je peux soigner ça.

Il ferma les yeux, le halo s'intensifia. Pendant quelques minutes qui parurent une éternité, Gaël régénéra les tissus et la peau, et élimina l'infection. Quand ce fut fini, Jen était comme neuve. Le guérisseur alla s'appuyer au pied du lit, reprenant ses esprits. Il avait fait sa B.A. Il n'y avait plus qu'à espérer que cela leur suffise après ce qu'il aurait à leur dire.

"Je vous demande de me croire... Lucas n'est pas méchant. Je suis sincèrement navré qu'il vous ait attaqué. Il a du... Il a du se sentir menacé, je ne sais pas. Même si vous ne l'aimez pas, je vous en prie..."

Il semblait plutôt confus, et extrêmement inquiêt.

Les images revenaient.

Jenifer se revoyait dans l'ombre de la sentinelle. Le monstre mécanique se dressant devant elle comme une montagne, masquant le Soleil de sa masse, promesse de mort et de souffrance. Jen se sentait vulnérable devant la puissance de la machine, minuscule fourmis dont la seule défense représente une piqure pour le géant de métal. Et ce qui devait arriver arriva... dans l'ombre la lumière précédant un tir vint éblouir Nova, tentant de se cacher derrière son bras comme seule défense. Elle sentit une chaleur l'envahir, la panique l'empêchant de sentir que cette chaleur était douce et bienfaisante plutôt que prémices de mort. Et la lumière fut éblouissante...

Telle la vision d'un film d'horreur du début du XXème siècle, Jenifer se redressa dans une profonde inspiration, comme si elle reprenait son souffle après des jours d'apnée. La seule différence est qu'elle se révéla en pleine crise de panique, ne sachant pas faire la différence entre son cauchemar et la réalité de l'infirmerie. Attrapant la première personne qui était à sa hauteur, Jenifer se blottit dans les bras de Iacobo, non pas calmement ou tendrement, elle s'agrippait à lui comme si sa vie en dépendait. Son souffle était court et bruyant, elle était affolée.

Cassandre demanda à l'inconnu de soigner Jen. Sans vraiment le vouloir, Nan' s'approcha du corps comme Gaël s'exécutait. Il serra les poings, toujours sans s'en apercevoir. Il était anxieux de laisser un inconnu s'occuper de Jen, qui était déjà en très mauvaise posture. Au moindre faux geste, l'algonquin était prêt à sauter sur l'étranger. Malgré que la lumière dorée ne lui indiquait guère confiance, Nan' comprit à la réaction des autres protagonistes qu'il n'avait pas réellement de crainte à avoir.

Puis, au bout d'un long moment, Jen se releva, de la même façon qu'il avait vu sa soeur se relever lorsqu'il la veillait, malade, avant qu'elle ne meurre.

"Jen!"

Nul doute que l'amérindien était soulagé de voir ainsi Jen de retour à la vie, quelques bandelettes s'étant envolées un peu partout autour du lit.
Il s'empressa de la reprendre du cou de Iacobo et prit sa tête contre lui, en une étreinte qui semblait irréellement remplie d'émotions. Finalement, tenant toujours Jen, Nan' s'adressa à Gaël par un mot hautement sacré pour lui :

-Merci.

Il conserva son regard sur l'étranger, comme si il l'évaluait. Gaël se doutait-il seulement qu'en sauvant Jen il venait de se faire un allié à sa cause?

Jenifer accepta les bras de Nan avec un grand soulagement. Prise en pleine panique elle n'en reconnu pas moins l'étreinte et se livra comme si elle y trouvait là la sécurité qu'elle cherchait. Retrouvant doucement son calme, le coeur battant toujours à tout rompre dans sa poitrine, elle jetait des regards inquiets autour d'elle comme un animal apeuré.

- Où sommes-nous Nan ?! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! Pourquoi je suis couverte de bandes ?! Que m'est-il arrivé Nan ?! Et la sentinelle ?! Les autres ?! Depuis quand on j'étais... ?!

Le mot ne vint pas. Voyant le docteur Fleury et Cassandre, Jenifer commença à comprendre et avant qu'il n'ait le temps de répondre, elle reprit, toujours agrippée à son équipier :

- On est rentrés ?! Depuis quand ?! C'est terminé ?! Et... et Adam ?!

Balayant la pièce des yeux, elle se souvint que leur professeur n'était pas sur l'île, il ne devait donc pas être là. Toujours pas...

Voyant Wind et Iacobo apparemment en aussi bonne santé que l'algonquin, la jeune mutante demanda :

- Et... Tim et Enzo... ils vont bien eux aussi ?!

Tant de questions qui tourbillonnaient dans son esprit, Nova semblait perdue, comme s'il s'était passé des mois voire des années. Le temps n'avait pas passé si vite mais tant de choses s'étaient produites qu'il y avait un gouffre entre ses souvenirs et le monde actuel.

Il vit Gaël, mais sans vraiment le craindre. Jenifer avait prit l'habitude de voir de nouveaux visages arriver à l'Institut, en général plus jeunes que le sien, mais elle s'interrogeait tout de même sur cette présence... une interrogation parmi tant d'autres.

Après avoir écouter le petit discours du jumeau peut-être pas malfaisant , Cassandre avait donné d'une façon extrêmement mystique son approbation , pendant que Wind entrait dans la pièce. Il ne put s'empêcher de la fixer quelques secondes , le regard perdu dans son visage , y cherchant une quelconque réponse à une question qui ne lui venait pas à l'esprit , il l'écouta à peine.

Un accès de colère le prit lorsqu'il entendit la décision de Cassandre , s'apprêtant à répondre vivement , quelque chose de très étonnant arriva :
Gael s'approcha de Jen , aposa ses mains et soigna intégralement son visage. Le serbe en tombait des nues : cette raclure était lui aussi très puissant et à peine plus âgé que lui : qu'apprenait-il donc à l'Institut ? La colère ne fit que s'amplifier , son teint virant au rouge , les poings serrés.

Quelque chose encore plus étonnant arriva : sa coéquipière à peine réparée se leva et lui tomba subitement dans les bras.

Un premier instinct le poussa à la récupérer avant qu'elle ne écrase médiocrement sur le sol. Il banda ses muscles et la retint tout en la soulevant. Elle s'enfouit encore plus profond dans ses bras, son cerveau criant à présent l'alarme.

"Qu'est..."

Elle s'aggripa à lui , de toutes ses forces . Ses petites mains comprimant son dos , ses bras , sa tête posée contre son torse. Elle n'avait pas besoin de parler : elle lui transmettait absolument tout ce qu'elle ressentait à ce moment précis à travers un langage du corps violent. L'oppression , l'inconnu , le besoin d'aide , la faiblesse.

Son cerveau prenait tout simplement feu , une déflagration de sentiments issus d'un pur instinct de survie jaillissaient en lui , attaquaient son organisme froid et sans coeur. Tant bien que mal , il l'enveloppa dans ses bras , évitant ainsi qu'elle glisse ses jambes n'étaient apparemment pas stables.

La scène dura seulement quelques secondes mais lui parut une éternité. Une décharge tout à fait nouvelle d'une intensité rare lui était parvenu. Il n'affectionnait pas particulièrement Jen ( comme la quasi-totalité de l'Institut) mais une présence féminine aussi fragile se réfugiant dans ses bras était déstabilisant. En tant que prostitué , il avait accueilli entre ses bras minces de nombreuses femmes , parfois profondément tristes ou excités mais jamais ce qu'il venait de sentir.

Brutalement Nan lui reprit des bras , il resta hébété plusieurs secondes , ne parvenant pas à se reprendre , les yeux perdus dans le vide.Joachim parla , puis Nan . Ils ne les entendirent pas. Son esprit revint à une certaine raison quand Gael refit son petit numéro de martyr.

Iacobo fut pris d'une profonde vague de tristesse qu'il ne put réprimer sur son visage , une poussée dépressive et mélancolique. Incapable de comprendre le nouveau tour que lui jouait son corps , il aurait presque été prêt à se jeter d'une fenêtre sans véritables raisons.

Levant sa tête , il plongea son regard dans celui de Wind et lui lanca un message plein de détresse , jetant une bouée invisible à la jeune anglaise , se noyant peu à peu dans un océan tout aussi virtuel qui l'opprimait , compressant son thorax. Une lueur extrêmement fragile apparut dans ses yeux en amande. Seule la manipulatrice du son put la percevoir. Il tourna la tête , honteux.

Il se reprit enfin , affichant de nouveau son air glacé et irrité. Il prit la parole en direction de Cassandre.

"Donc vous acceptez directement ? Je suis donc le seul à ne pas suivre les yeux fermés des délires d'oracle ? Vous voyez probablement dans le futur mais vous oubliez bien vite une chose , même si l'autre vient de la soigner : nous passons notre temps à nous faire trahir. Ce que nous croyons être des alliés sont de véritables chiennes et certains ennemis retournent leurs vestes , même Tim le puritain s'est tiré ! Notre situation actuelle est absurde . Je voudrais quand même un minimum d'explication sur ces fameux fils du futur qui nous mèneront à un avenir radieux, on vient de revenir d'une mission où nous avons tous failli crever à cause de ce monstre de fer si , tiens encore un , ce mutant bodybuildé n'était pas venu le détruire. Qu'est ce qui nous dit qu'il ne va pas nous amener encore dans un souterrain glauque pour nous faire la peau ? Pourquoi il ne travaillerait pas avec d'autres ennemis ? Comment se fait-il que nous fassions preuve d'une telle naïveté ? Aurons-nous le droit un jour à un minimum de transparence bordel ? "

Wind ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait, mais elle ne pouvait, de prime abord, qu’approuver qu’on aide quelqu’un qui se trouve en danger, et ne pouvait que comprendre la détresse du frère de celui qui se trouvait menacé. Qu’aurait-elle fait elle-même, s’il était question de River, Wood, Rain ou Cloud ? Ou même d’un des membres de l’institut, à bien y réfléchir. Elle avait plus ou moins d’affinités, avec certains plus qu’avec d’autres, mais elle aurait sans doute réagi de même, certainement même. Son regard se posa de nouveau sur Jen, puis sur les autres personnes présentes. Oui, si n’importe lequel d’entre eux avait été en danger, elle aurait sans doute fait tout son possible pour l’aider. Quitte à pactiser avec le diable. Seulement tout le monde ne semblait pas de cet avis, et elle ne savait pas trop pourquoi pour le moment.

Quand Cassandre reprit la parole, ses propos rajoutèrent à la confusion de l’anglaise, et l’angoisse l’étreignit quand l’inconnu s’approcha de Jen, répondant à la demande de la psychologue de soigner sa camarade. Il allait vraiment faire ça ? Ses doigts se nouèrent aussitôt et elle ne put plus quitter le lit des yeux. Il pouvait faire ça ? Il avait le pouvoir de la soigner ? Manifestement oui : la brunette se relevait brusquement. La londonienne porta une main à sa bouche, par réflexe. On avait beau côtoyer des mutants tous les jours, voir une personne chère à son cœur gravement brûlée, dans un état critique un jour, se retrouver indemne tout d’un coup, ça faisait malgré tout un choc.

Aussi subitement que Nova s’était relevée, Nan s’était approchée et l’avait prise dans ses bras l’arrachant à ceux de Iacobo où elle s’était blottie par réflexe. Pour la rassurer ? Pour l’éloigner du serbe ? Son regard croisa celui de l’ex-prostitué, et elle ne sut pas trop quoi comprendre de la détresse qu’elle y perçut. Il détourna aussitôt le regard, mais elle le fixa encore un instant tandis que Joachim apportait son aide à l’inconnu. Wind se tourna vers ce dernier et lui dédia un regard et un sourire emplis de reconnaissance, avant de s’approcher à son tour du chevet de Jen, et de Iacobo. La brune posait une multitude de questions, auxquelles elle n’eut pas le temps de répondre, que son camarade reprit la parole, visiblement irrité.

Elle l’écouta parler et tâcha tant bien que mal de démêler les faits des impressions du serbe. Il encaissait difficilement le départ de Tim, la disparition subite de Garrison et l’arrivée impromptue du type qui avait détruit la sentinelle et qui les aurait peut-être attaqués s’il n’y avait eu Hope et Derek. Et surtout, Lucas et son frère ici présent, devaient donc être ceux qu’ils avaient rencontrés dans l’Oregon. Elle n’avait eu que des échos de ce qui s’était passé là-bas, mais commençait à comprendre le ressentiment de son coéquipier. Pourtant, Miss Deneos faisait confiance à cet homme, dans une certaine mesure toujours, et elle ne pouvait s’empêcher de penser que si elle en avait décidé ainsi, c’était qu’il fallait que ça se passe ainsi.

Et puis on parlait de sauver la vie de quelqu’un, et la nature de la blonde était telle qu’elle était plutôt encline à préserver toute vie, malgré les dissensions possibles entre les individus… Même si Iacobo n’avait peut-être pas complètement tort quant au fait que c’était une vision un peu naïve des choses.

- Chat échaudé craint l'eau froide... murmura-t-elle à l'attention du serbe seul, et il devait être le seul à l'entendre, maintenant qu'elle était près de lui, et qu'elle le prononçait pour lui seul.

Elle se tourna vers les professeurs, Joachim et Gaël et poursuivit.

Iacobo n'a pas totalement tort, même si je serai plutôt d'avis que si quelqu'un est en danger, il faut l'aider. On va de désillusion en désillusion en ce moment, Miss Deneos, vous êtes sûre de votre décision ? Je n'ai rien contre vous Monsieur... mais si j'ai bien compris, mes camarades vous ont plutôt connu en tant qu'adversaire... C'est normal qu'ils se méfient, même si ce que vous venez de faire est...

Elle posa son regard pâle sur Jen, encore sous le choc, un regard attendri et plein d'affection, avant de revenir vers l'inconnu.

- Miraculeux. Merci... vraiment.

Elle inclina la tête, puis reprit d'une voix toujours calme malgré tout.

- D'un autre côté, on en a déjà vus qui ne se sont pas avérés aussi mauvais qu'on le pensait... Hope et Derek nous ont sauvé la mise, non ?

Elle avait reposé les yeux sur Iacobo sur ces mots, et puis se tourna finalement vers les deux professeurs, et plus particulièrement vers Cassandre, décisionnaire dans l'histoire.

- Enfin, la décision ne m'appartient pas, et vous avez l'air de savoir ce que vous faites. Je ne sais pas si je pourrais être très utile, mais si c'est le cas, vous savez où me trouver...

Elle jeta un dernier regard à son coéquipier serbe, qui n'apprécierait peut-être pas son point de vue, mais ça ne serait sans doute ni la première ni la dernière fois, et puis s'approcha encore de Jen, toujours lovée dans les bras de Nan et lui dit tout bas, comme si le murmure pouvait aider à calmer sa cadette :

- Adam n'était pas sur l'île, et jusqu'à preuve du contraire, tout le monde va bien... shhh... tu as besoin de repos, je crois ; ne t'en fais pas...

Jenifer se sentit si bien dans les bras de Nan, comme si cela faisait des siècles qu'elle attendait ces bras. L'algonquin n'avait pas été des plus câlin pour le moment et leur relation s'était surtout cantonnée à une main dans une main et une tête posée sur une épaule, mais là... Jen était presque au comble du bonheur ainsi blottie comme un petit oiseau sur le coeur de Kabeyun et en oublia presque ses interrogations. Elle se sentait en sécurité et en profita pour reprendre le fil de la réalité.

Les réponses vinrent, pêle-mêle. Elle écouta avec une attention redoublée les parole de Iacobo puis de Wind. Le serbe était acide, cynique au possible et bien souvent totalement antipathique à la plupart des personnes auxquelles il s'adressait. Mais là... force était de constater que... il avait complètement raison ! Wind d'ailleurs allait dans le même sens mais ce n'était pas une nouvelle les deux se laissaient des oeillades qui en disaient long.

Des éléments la troublèrent : *Tim parti ?! Mutant bodybuildé ?! Hope et Derek nous ont sauvé ?! C'est ce gars qui m'a guéri ?!* Mais il fallait remettre les vraies explications pour plus tard, l'heure était à un autre point.

Répondant à la suite et se décollant à peine des bras de son chevalier, Nova s'exclama :

- Je suis en pleine forme ! Je pète le feu même ! J'ai pas tout compris à ce qui s'est passé ais une chose est sure, je suis d'accord avec Iacobo ! On se fait mener en bateau depuis trop longtemps et ça se fini toujours par des notre qui disparaissent alors là marre !! Je veux bien aider mais à condition de savoir tout ! Qui le demande, qui en a besoin, pour quel but ils travaillent et qui en est à la tête ?! Je ne ferai plus un pas hors de l'institut sans connaître tous les tenants et les aboutissants ! Alors monsieur... merci mais vous allez devoir tout nous raconter car si je n'ai pas confiance je ne bougerai pas d'un pouce ! Fini les coups de main à l'aveuglette totale ! Et non je n'ai pas de contrecoups ou besoin de repos j'ai besoin qu'on m'explique !!

Tout la ramenait à tant de mauvais souvenirs : des traquenards, Liven, Adam, Tim ?! Ils s'étaient lancés à corps perdus pour des causes qu'ils croyaient justes, avaient risqué leurs vies, et sans y aller à l'économie pour quelles récompenses ?! Des vies qui s'éteignent, des disparus, emprisonnés, torturés, des blessés, des trahis... La coupe était pleine. Sans Adam et Tim pour contenir les X-Rays il ne valait mieux pas les prendre à rebrousse poil surtout Jen nouvellement remise.

Les réactions au retour parmi les vivants de Jen parurent étranges à Gaël, et c'est bien celle de la principale intéressée qui l'intrigua le plus. Il avait sans doute du aller trop vite, ou ne pas faire attention... Il avait déjà vu ça, quand il guérissait trop vite, de voir les gens qui pétaient la forme, et se sentaient prêts à avaler un océan, ou abattre des montagnes. La guérison expresse avait un effet euphorisant, et on lui avait déjà parlé d'effets addictifs...

Toutefois, le miracle avait eu des effets plus ou moins puissants. Joachim semblait motivé, se contentant d'un aspect purement mercantile, mais les autres semblaient plus méfiants : Iacobo, et cette fille blonde.

Gaël fronça les sourcils : ça parlait de trahisons, et d'autres mutants... Un bodybuildé ? c'était un peu restreint. Hope, Derek ?

Il répondit alors

"Ces mutants dont vous parlez... Je ne les connais pas, mais j'ai aussi eu ma dose de coups foireux et de trahison..."

Il s'écarta légèrement du lit. La situation l'intriguait. Il essaya alors de rassembler ses idées, avant de prendre la parole, essayant d'avoir l'attention des gens malgré le brouhaha.

"Je vais commencer par le début...

Lucas et moi sommes frères comme vous le savez. Quand nos pouvoirs sont apparus, Lucas s'est retrouvé perdu... Son pouvoir lui faisait peur, et il faisait du mal à tous les gens qu'il touchait, il ne supportait pas. Un beau jour, quelqu'un sorti de nulle part nous a contacté, disant qu'il faisait partie du DNSMH, et lui a proposé d'apprendre. Je l'ai suivi... je ne sais pas pourquoi je l'ai suivi, mais j'ai beaucoup appris aussi. Lucas a beaucoup appris mais... ça lui a un peu monté à la tête et parfois, il a tendance à être un peu agressif."

Il jeta un regard en coin à Iacobo.

"...Mais jamais sans une bonne raison. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes ni des militants, ni des mercenaires. On mène une vie parfaitement normale, et c'est tant mieux."

Cette petite introduction faite, il prit une légère inspiration. Les choses allaient se corser.

"Il y a trois mois, nous avons été contacté par un homme, Terry Hunter, qui disait avoir entendu parler de nous par Alexis... Celui qui m'a enseigné la guérison. C'est lui qui nous a demandé d'aller dans ce trou infâme dans l'Oregon. Il disait qu'il s'y trouvait un appareil, une espèce de prise, et qu'on devait la prendre parce qu'il désirait l'étudier dans le cadre d'un projet médical. J'acceptais, et Lucas m'a suivi. Vous avez vu ce qu'il y avait dedans, c'était une horreur, dès que nous sommes rentrés, nous avons rendu l'appareil, et Lucas a piqué une crise disant qu'il ne voulait plus jamais rien avoir à faire avec eux. Et en effet, nous n'en avons plus entendu parler pendant un certain temps.

Il se gratta l'arrière du crâne, un peu gêné.

"Mais il y a deux jours, j'ai été recontacté par un collaborateur de Terry Hunter, sur le projet médical, me disant qu'il y avait besoin de mes talents, me disant qu'il y avait des décès. Je m'y suis rendu..." son regard se fit plus vague, et sa voix plus sourde. "Ils m'ont amené dans une pièce, où il y avait un patient dans un lit, crâne rasé, cette prise fichée dans la tête. Et vu ses relevés, il n'y avait pas besoin de mes pouvoirs pour constater qu'il allait très mal. J'ai passé près d'une demi-journée à essayer de le maintenir en vie, pendant que des médecins lui trifouillaient dans le crâne, sans succès. Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça. Mais le pire, c'est quand je suis reparti. J'ai vu, dans une autre pièce, il y avait des vingtaines de personnes... Des enfants ! Encore plus jeune que vos élèves ici, tous reliés de la même façon. Ils se sont servis de moi pour mettre au point leur truc..."

Il était visiblement dégoûté de ce qui s'était passé ce jour là. Il reprit alors la parole, la voix plus tremblante.

"Quand je suis rentré, j'ai tout raconté à Lucas. Il était hors de lui, dans une rage folle, et est sorti précipitamment. Je suppose qu'il y est allé. Au milieu de la nuit, peu avant qu'il ne revienne, quelque chose... enfin, quelqu'un a attaqué la maison. Je ne l'ai pas vraiment vu... Juste une espèce de forme grise, il a agité les mains, et les murs ont volé en pièces. Coupés comme du beurre. J'ai sauté par la fenêtre, et je me suis sauvé. Je me suis réfugié chez un ami, et j'ai réussi à contacter Lucas, qui n'était pas rentré. Il m'a dit que notre maison avait été rasée. Les murs, les fenêtres, les meubles... taillés en pièce."

Il baissa les yeux

"Il raccrocha tout de suite, pour éviter d'être localisé, et m'a juste dit qu'il partait en Amérique. Je n'ai pas eu de nouvelles depuis, mais je pense qu'il est encore en vie..." Il leva les yeux vers Cassandre "Je ne sais vraiment plus quoi faire... Vous êtes les seuls autres mutants que je connaisse et les gens disent que vous oeuvrez pour le bien. J'ai pas l'impression d'avoir fait de bonnes choses, mais je ne veux pas laisser tout ça se faire."

Pendant que les X-Rays se déchirait pour savoir s'il fallait aider ou pas cet homme, Olivier fixait Cassandre pour être sûr de bien comprendre ce qu'elle voulait dire mais ce regard était purement inutile car son hésitation ne dura pas.

Le pouvoir de Gaël était véritablement impressionnant, Olivier aurait voulu soigner aussi facilement puis le mutant expliqua son histoire et Olivier se décida à reprendre la parole sur le rôle de l'institut dans cet histoire.

"L'institut t'apportera son aide Gaël et à ton frère aussi. Les implications de ce que tu viens de nous raconter et de ce que nous avons pu chacun vivre au travers de nos différentes aventures va au delà des simples clivages qui nous opposent."

Olivier regarda ensuite les X-Rays un par un.

"Personne ne vous obligera à faire quoique ce soit et je suis sûr que les professeurs de cet institut de cet institut serait ravi de régler tous ces problèmes par eux-mêmes. je suis sûr que ton est relié et que nous retrouverons le Pr Zachary par hasard."

Alors que Gaël opérait le miracle que Cassandre lui avait demandé le plus simplement du monde, la psychologue tourna lentement le visage vers Iacobo. Cette frustration mêlée d'incrédulité, elle l'avait suscitée malgré elle bien des fois depuis l'apparition de son pouvoir. C'en était presque un effet secondaire. La jeune femme ferma calmement les yeux.

"Croyez-vous vraiment que je vous aurais laissés partir sur Génosha si je n'avais pas su que vous en reviendriez ? L'accident de Jenifer était une probabilité ténue que certains concours de circonstance ont favorisée, mais dans tous les cas de figure que j'ai étudiés, la venue de monsieur le Brehan devait nous raccorder à l'embranchement principal. Nous ne servons le jeu de personne, nous suivons notre propre chemin... quels que soient les rôles ponctuels des acteurs qui le jalonnent. Ce n'est sûrement pas une réponse satisfaisante, j'en suis consciente, mais c'est la seule que peut t'offrir une oracle délirante, Iacobo." répondit doucement Cassandre. Elle ajouta :

"Quant à Tim... Son choix n'est en rien une surprise : il germait en lui depuis longtemps. Son chemin s'est écarté du nôtre bien avant qu'il ne vous quitte." dit-elle, une expression réaliste sur ses traits mélancoliques. Depuis combien de temps Cassandre savait-elle ce qui allait se passer et quelle était la portée de ses connaissances ? La jeune femme n'avait jamais rien caché. Elle s'était contentée de laisser les événements se produire en aiguillant leur cheminement à tous sur la voie du moindre mal, à court et long terme. Les élèves réclamaient la transparence, mais vivant sous le même toit qu'une médium, ils ne lui avaient jamais demandé ce qu'elle savait. Quand bien l'auraient-ils fait, aurait-elle révélé les futurs possibles ? Car voiser le futur, c'était quelque part déjà modifier les assemblages complexes qui le composaient comme une mosaïque infinie.
Cassandre se tut, écoutant avec soulagement le regain de vie de Jenifer. Elle avait vu juste ce jour-là dans le souterrain, Gaël et Lucas, ainsi que leurs pouvoirs... Gaël reprit la parole une fois les soins terminés. Il semblait éprouvé par l'utilisation de son don. La psychologue se contenta d'avancer doucement une chaise dans la direction du guérisseur, puis écouta ce qu'il avait à leur dire.

A mesure qu'il narrait ce qui l'avait amené à se rendre dans l'Oregon et ses dernières "missions", la jeune femme sembla blêmir plus que d'ordinaire. Olivier et elle avaient récemment "vu" à quoi servait l'engin qu'ils avaient trouvé dans le souterrain, et cette vision horrifique avait passablement perturbé Cassandre. Les paroles de Gaël faisaient écho aux expériences perpétrées il y a un siècle dans le souterrain de l'église de l'humanité...
Cassandre porta une main à sa tempe et secoua doucement la tête, le visage crispé, sans aucune raison apparente pour les élèves.

"Olivier..." dit-elle à mi-voix.

"C'est exactement ce qui s'est passé dans le souterrain il y a un siècle... A cela près que les victimes de ces "projets médicaux" n'y survivaient pas à l'époque... Et visiblement, c'est toujours le cas, sauf intervention mutante. Ils semblent chercher un moyen de garder les cobayes branchés en vie... Des adolescents... en Europe... Le DNSMH... Se pourrait-il que... ?"

Cassandre avait rouvert les yeux et semblait fébrilement chercher quelque chose dans le vide de sa cécité, comme si elle remettait en ordre les cases éparpillées d'un jeu de taquin. Tout devenait clair.

Culpabilité.
De n'avoir pas su, une fois de plus, bien jauger rapidement un inconnu.
Pas que celui-ci lui faisait pitié à proprement parler, il avait déjà entendu quelques histoires, entre les branches ou non, de ses camarades mutants, et peu d'entre elles semblaient être très intéressantes. C'est pourquoi il n'avait parlé de ses propres aventures qu'une seule fois, à Jen.
Le dénommé Gaël, malgré tout, avait touché un point sensible de Nan'. L'amérindien avait lui aussi montré qu'il était prêt à tout pour ses frères et soeurs. N'était-il pas parti aveuglément de son village à la recherche d'un médecin dont il ne savait que le nom, pour se retrouver prisonnier sous New-York? Il lui semblait comprendre le visiteur, bien qu'il ignora la gémellité de Lucas et Gaël, donc les liens plus forts encore les unissant.

Culpabilité.
D'avoir laissé ses coéquipiers accuser ainsi leurs professeurs.
Ils ne semblaient pourtant pas, étonnamment, outrés, insultés, fâchés, contrariés, ou tout autre qualificatif équivalent. Malgré que les paroles d'Olivier sonnaient comme un reproche, et avec raison, il semblait plutôt paternel, aux yeux de Nan'. Et Cassandre était tout aussi déroutante, à son habitude.
L'algonquin baissa la tête en entendant parler de son ancien colocataire ainsi. Ancien, réellement? Déjà ancien? Un pincement au coeur, il se répétait les paroles de la voyante aveugle. Son chemin s'est écarté du nôtre bien avant qu'il ne vous quitte. Son chemin s'est écarté du nôtre bien avant qu'il ne vous quitte. Son chemin s'est écarté du nôtre bien avant qu'il ne vous quitte. Comme un rappel harcelant. Tim, c'était devenu sa famille-à-l'institut. Et Nan' restait persuadé qu'il ne voudrait plus jamais se rapprocher de qui que ce soit ici. Trop de risques que les gens partent rapidement...
Il lança un petit regard à Jen, et avant qu'il n'ait le temps de demander pourquoi Tim ne lui en aurait jamais glissé un mot, Cassandre reprit, manifestement troublée. Et bien que Nan' ne comprit pas le sens exact de ses paroles, il avait suffisamment entendu parler de la mésaventure d'Iacobo et les autres en Oregon pour comprendre que ce qu'elle annonçait n'était pas agréable à savoir... Et il avait compris, enfin, en écoutant parler Gaël, pourquoi tout le monde ici, ou presque, s'était méfié de lui.

Joachim était à la hauteur des professeurs, presque prêt à sortir. Mais finalement la discussion se passerait ici. Il écouta tout, bien sagement, bien proprement. Puis finalement il se mit à ricaner de manière silencieuse. Et le visage de Nan' fut le coup fatal à son self-control. Il rit. Tout simplement. Et nerveusement surtout. Il se tourna vers la salle avec un main à hauteur de la bouche ne bloquant aucunement ses paroles mais sensée l'aider à contrôler ce rire nerveux. Les choses étaient complétement aberrantes, et l'absurdité de certains faits et réactions n'avaient pu le laisser de marbre.

"Hmmm... Gaël, vous voyez le problème de la gentillesse, c'est que lorsqu'on est proche de quelqu'un de moins patient et agréable, il semblerait presque que ce soit la faute du 'gentil' si l'autre ne l'est pas. Il semblerait aussi que les gens soient marqués par les choses douloureuses ou grave et oublient tout ce qu'ils ont vécu de bien. Finalement c'est un peu votre cas. Il semblerait que tous dans le peu que nous leur avons dit de nos aventures catacombesques dans l'Orégon ne se soient souvenus que de la rudesse de votre frère."

Son expression changea du tout au tout, il ne souriait plus, ne riait plus. Il aurait même tendance à foudroyer ses camarades du regard.

"Si on est sortis facilement de la **** dans laquelle on était dans ces souterrains, c'est peut-être parce que Cassandre à retenu son frère, mais c'est surtout parce que LUI" Il montra Gaël du doigt "Ne nous a pas retenu, nous pauvres élèves. On serait peut-être sortis, mais s'il avait eu le même caractère que son frère peut-être pas tous entiers. La méfiance c'est bien, mais on fait quoi ? Un des membres de l'institut est parti, peut-être pas d'une bonne façon ni au bon moment, mais il est parti. Ce n'est pas le premier ! On fait quoi ? On fout tous les nouveaux arrivants et ceux qui ont des problèmes dehors sous prétexte qu'un des 'anciens' est parti ?"

Il se retourna à Gaël, avec une expression adoucie, il s'inclina un peu.

"Veuillez m'excuser de vous avoir montrer du doigt, ce n'était pas très poli. Je suis avec vous, quoi que fassent les gens "tolérants" de cet institut."

Son visage repris rapidement une expression souriante, par habitude. Ca lui calmait les nerfs.