(EVENT) - Clair de lune en terrasse

(Foyer)

Aussitôt après avoir quitté le foyer et son animation de plus en plus vivante, sans doute un peu trop pour la gothique romantique habituée à une ambiance nettement plus calme et apaisante, Juliette se dirigea vers l’extérieur de l’institut. Elle pénétra lentement sur la terrasse, frissonnant quelque peu en ressentant la caresse glaciale de cette soirée d’un hiver pas encore tout à fait terminé, mais en même temps déjà bien engagé sur la voie du départ. Elle huma délicatement cet air froid en fermant les yeux avec la musique du foyer en arrière-plan sonore, tandis qu’elle recouvrit un peu plus ses bras nue de son châle, avant de croiser ces dernier contre sa poitrine offerte afin de se réchauffer quelque peu. L’atmosphère était sans doute moins chaleureuse que celle du foyer bondé, mais qu’importe. En pleine contemplation de ce clair de lune aussi rond que le ventre d’une mère bienveillante qui illuminait la nuit étoilée de sa lueur blafarde que Juliette aimait tant, la jeune femme était bien… Elle se sentait même bien plus sereine, que au milieu de tout ce monde en train de s’amuser qui, en dépit de la sympathie que lui inspirait la grande majorité des élèves et des professeurs, lui était devenu étrangement pesant. Juliette n’avait jamais été à l’aise parmi la foule, mais pour cet événement, et aussi pour faire plaisir à tous ceux qui la trouvait un peu trop distante par rapport au reste de la population de l’institut, elle avait décidé de faire une petit effort. Mais ce besoin de se sortir de ce rassemblement social lui était devenu de plus en plus pressant, un peu comme si elle avait peu à peu commencer à manquer d’oxygène. C’est pourquoi, la gothique romantique avait choisi de sortir sur la terrasse, en dépit de la température bien fraîche. De toute façon, si le froid se faisait un peu trop agressif à son égard, elle pourrait toujours s’évaporer et devenir brume. Une chose qu’elle avait remarqué concernant son pouvoir, était que sous cette forme éthéré elle ne subissait pas les variations de température… Qu’il fasse très chaud, ou bien très froid, elle ne ressentait pas vraiment la température ambiante. Ou plutôt, elle la ressentait mais n’en éprouvait aucune gène, un peu comme si elle ne l’atteignait pas. C’était assez difficile à expliquer avec des mots, tout comme la moindre sensation qu’elle pouvait ressentir sous sa forme de brume. Sans doute, faudrait-il inventer un tout nouveau vocabulaire, pour un état physique tout aussi nouveau…

Mais elle n’en était pas encore là, et c’est dans une contemplation songeuse de l’astre lunaire, que Juliette soupira doucement en un soulagement des plus lascive. Elle repensa alors à cet homme, cet inconnu qui s’était adressé à Adam. Un homme bien élégant, mais sans doute un peu trop peut-être pour une simple fête comme un anniversaire. Ce n’était pas un professeur, donc il ne pouvait s’agir que d’un ami du directeur de l’institut… Mais pourquoi diable, l’aurait-il invité.. ? Cette fête, cet anniversaire, c’était celui de l’institut et de tous ceux qui y vivaient, pourquoi aurait-il invité une personne qui n’avait aucun lien avec eux.. ? Même si la réponse ne lui importait en fin de compte que très peu, Juliette devait bien avouer que sa curiosité naturelle la poussait à s’interroger sur le sujet.

Des applaudissements étouffés parvinrent à ses oreilles, et la gothique romantique se dit alors que un nouveau numéro pour le concours de mister et miss mutant venait sans doute de se terminer Elle se demanda alors de qui il pouvait bien s’agir… Un frisson s’empara brièvement de son corps, et Juliette caressa machinalement ses bras fin de se réchauffer quelque peu. Perdue dans ses pensées, elle trouva que cette nuit naissante était belle. Elle s’interrogea aussi sur ses parents, une chose qu’elle n’avait pas fait depuis un certain maintenant. Que faisaient-ils à cette heure-ci.. ? Avec le décalage horaire, ils devaient être en fin de journée, en début de soirée… Comme à son habitude, son père devait encore travailler au grand dam de sa mère qui ne cessait ses efforts afin de le faire arrêter à une heure raisonnable. Un sourire illumina doucement le visage de Juliette devenue légèrement mélancolique… Elle avait assistée tant de fois à cette scène, qu’elle était prête à mettre sa main au feu tellement elle était certaine que c’était exactement ce qu’il était en train de se passer. Contrairement à elle, certaine choses n’avaient pas changée…

A nouveau, un soupir s’envola dans la froideur de cette soirée d’anniversaire. Debout sur la terrasse et le regard perdue en direction de la lune solitaire dans l’immensité de cette amas infini d’étoiles, Juliette était bien… Elle était même très bien…

Associé à la réflexion contemplative de la lune de la gothique romantique, les pieds nus de Georgia masquèrent son arrivée auprès de Juliette, à celle-ci qui mit un certain temps à réaliser que l'on venait de s'adresser à elle. Il fallait reconnaitre, à sa décharge, qu'elle ne s'attendait certes pas à ce que quelqu'un soit assez fou pour s'aventurer au dehors de l'institut par un tel froid. La jeune femme se retourna en pivotant légèrement sur elle-même en abandonnant son amie céleste, et vit apparaitre un sourire... Une chevelure blonde aussi rebelle que sa propriétaire en dépit d'une évidente tentative d'effort pour la dompter, une robe des plus... Naturelle, et des pieds nus...

"Belle soirée, en effet..."

répondit enfin Juliette, en un sourire retourné mais tout aussi sincère que celui que la jeune mutante venait de lui offrir. Un soupir fusa de ses lèvres étincelantes de manière fugace à la lumière blafarde, puis elle ajouta :

"J'avais juste besoin de prendre un peu l'air, le foyer me devenait un peu trop oppressant à mon goût... Et puis toute cette animation, cette foule rassemblée... Ce n'est pas vraiment dans mes habitudes pour tout te dire."

Tout en lui parlant, Juliette vit que Georgia grelotait quelque peu. En soi, cela n'avait rien de bien étonnant vu la légèreté de sa tenue végétale. Ivy avait très clairement du talent, mais elle paraissait ne pas tenir compte de la température ambiante dans la conception de ses œuvres vestimentaires. D'un geste délicat, Juliette laissa ses bras retomber dans le vide et son châle glissa doucement le long de se bras dénudés, jusqu'à atteindre ses mains gantés de dentelles sombres. D'un mouvement aussi adroit que fluide elle laissa alors un pan de ce dernier chuter dans le vide, avant de lever légèrement son bras tenant le second pan du carré de tissu et de le rattraper de sa main libre. Juliette se détourna ensuite brièvement de Georgia afin de venir se placer derrière elle, et elle fit preuve à son égard de ce que l'on nommerait, venant d'un homme, d'une galanterie certaine en déposant le châle de soie ténébreux parsemés de quelques ilots fugaces de blanc, sur les épaules de la jeune fille. La gothique romantique revint ensuite se placer devant l'incarnation terrestre du féminisme, et elle acheva de couvrir celle-ci en protégeant sa poitrine du fin mais chaleureux tissu qu'elle accrocha avec une espèce de petite pince visiblement assortie au châle. Elle contempla son œuvre l'espace de quelque secondes, puis elle se rapprocha au plus près de Georgia et lui murmura comme un secret :

"Voilà... Ce serait dommage que tu prennes froid, uniquement pour défendre tes convictions personnelles, n'est-ce pas..?"

Une parole accompagnée d'un sourire, et d'un rapide clin d'œil, qui se voulu à la frontière entre la malice et une certaine forme inconsciente de séduction. Juliette était Juliette... Perpétuellement romantique dans l'âme. Puis, après avoir quelque peu ajusté son châle qui protégeait désormais Georgia, la gothique romantique s'écarta de quelques pas et dit :

"Pourquoi est-ce que Camille n'est pas avec toi..? Vous qui êtes habituellement inséparable... Et Alixtide..? Je ne peux pas croire que quelqu'un d'aussi... Liant que toi, ne trouve personne pour l'accompagner...Surtout à l'occasion d'une telle fête..."

Le propos était sincère, aussi sincère que le regard clairsemés de Juliette qui s'attardait avec un certain ravissement sur la jeune fille dont la beauté dissimulée lui apparaissait étrangement concrète sous la pâle lueur diffuse de la lune. En effet, que la gothique romantique se retrouve seule, ce n'était pas vraiment surprenant, bien au contraire... Ce serait même plutôt l'inverse qui se révèlerait des plus inattendue. Mais Georgia... Celle qui avait la fâcheuse habitude d'embrasser la première fille venue sans même la connaitre, c'était déjà nettement plus étrange en la matière.

Un sourire amusée se dessina soudain sur les lèvres rosées et étincelantes de Juliette, tandis qu'elle poursuivait sa contemplation de Georgia... Son châle n'était assurément pas coordonné à la verdure végétale de la robe de la jeune fille, mais après tout le principal était qu'elle ai un peu moins froid.

Juliette se rapprocha doucement de Georgia, et lui dit d'un air amusé :

"C'est de la soie... Alors si Nan s'en faisait un tipi, il aurait sans l'ombre d'un doute le plus joli tipi de toute sa tribu..."

Un clin d'oeil vint ensuite conclure cette facétie initié par la mutante aux pieds nus, et Juliette se recula à nouveau de un ou deux pas.

"D'ailleurs, tu peux le garder si tu veux... Je t'en fais bien volontiers cadeau..."

Ajouta-t-elle alors, trouvant que le châle allait fort agréablement à la jeune fille. Bien sur, il lui faudrait le porter avec une autre tenue, mais peut-être que cela l'inciterait enfin à ne plus s'habiller comme un garçon, et à laisser sa féminité s'épanouir pleinement. Comme Ivy, et comme bien des filles à l'institut, Georgia était semblable à un diamant brut. La beauté était là, bien présente, mais il fallait tout d'abord en dégrossir les contours pour que enfin apparaisse l'essence même de cette beauté. Juliette écouta en un silence religieux, la jeune fille s'exprimer. Elle paraissait hésiter, comme si elle cherchait ses mots afin de ne pas dire de bêtise... La gothique romantique l'impressionnait-elle..? L'idée était assez flatteuse, mais Juliette pensait plutôt que, comme tout le monde, elle l'effrayait quelque peu. Un soupir fusa alors de ses lèvres, empli d'une résignation certaine... C'était ainsi, elle devait s'y faire... Lorsque Georgia eut fini de parler, Juliette resta songeuse une ou deux secondes puis elle lui répondit lascivement :

"Timide..? Non, bien sur que non voyons... La timidité est une chose qui m'est totalement inconnue très chère... Disons plutôt que je suis quelqu'un d'assez réservée... Si tu veux tout savoir,je ne suis pas d'une nature à aimer une foule trop nombreuse. J'ai le sentiment d'étouffer, de manquer d'air... De ne pas être à ma place, tout simplement. Voilà pourquoi, je suis sortis prendre un peu l'air... Et puis la nuit est tellement magnifique avec ce clair de lune sans nuage..."

Se perdit soudain Juliette, lorsque son regard croisa à nouveau l'astre lunaire immobile dans la nuit étoilée. Elle demeura ainsi de longues et interminables secondes, avant de finalement se reprendre et de poursuivre en revenant sur Georgia :

"Mais j'avoue avoir du mal à croire que tu étais autrefois timide, lorsque je vois avec quelle facilité tu te crée des... affinités... Avec certaines personnes à l'institut.Si tu dis vrai, j'admets que un tel changement reste un grand mystère pour moi, vraiment..."

Un grand mystère, mais au final pas un mal car le monde était sans pitié pour les gens timides... Souvent ils les écrasaient, les obligeant à surmonter leurs appréhensions ou à se laisser enfouir au plus profond de leurs craintes bien souvent infondés. Mais en même temps, Georgia n'en faisait-elle pas un peu trop parfois, confondant peut-être absence de timidité et indélicatesse..? Son interrogation la concernant fit éclater Juliette d'un rire discret mais généreux... La question n'était en soi pas stupide ou bien encore ridicule, mais ce qui était amusant c'était la récurrence de celle-ci parmi les gens qui n'étaient pas gothique. Juliette se reprit finalement, puis elle lui répondit bien volontiers:

"Le fait de ma mutation n'a influé en rien sur ma personne, si c'est ce que tu veux savoir Georgia... J'étais ainsi bien avant, et sans doute l'étais-je déjà à ma naissance... C'est assez difficile à expliquer, mais ce n'est pas un art de vivre ou bien un style que l'on adopte, bien que certain le fasse, mais ce ne sont pas de véritable enfants de l'ombre... Ce sont des gens un peu perdus sans doute, qui se cherchent dans une société en laquelle ils ne se reconnaissent plus vraiment. Non... C'est bien plus que cela... C'est quelque chose qui nait en toi, et qui grandit en même temps que ton corps... Et lorsque enfin tu te sens prête à accepter cette part de toi-même, alors elle éclos et fusionne avec ton moi actuel afin de te permettre de renaitre tel que tu dois être réellement... Je sais, c'est plutôt étrange... Mais ne t'inquiète pas, je suis habituée à ce que les gens ne me comprennent pas et j'ai appris à ne plus m'en offusquer... Même lorsque l'on me fait comprendre à demi- mots que je ne suis pas... Comme les autres..."

L'expression employée par Juliette était pourtant encore bien loin de la réalité, car bien souvent elle était remplacée par "anormale", "bizarre", "monstre", "dégénéré..." Que des qualificatifs charmants, en fin de compte... Quand Georgia lui expliqua plus ou moins clairement le pourquoi du comment de sa solitude actuelle, la gothique romantique pencha légèrement la tête sur le côté, signe d'une grande réflexion. Visiblement, elle n'avait pas eu le plaisir de faire partie du moindre groupe en cette soirée de spectacle, et elle paraissait avoir l'esprit bien encombré par certaines choses des plus désagréables. Juliette soupira alors doucement tout en tournoyant sur elle-même en faisant virevolter sa robe, donnant un bien étrange sentiment de légèreté à l'épaisseur de celle-ci. Un peu comme un voile de ténèbres soulevé par le vent, avant que finalement il ne retombe gracieusement sur le sol... Elle pointa ensuite son doigt en direction de la lune illuminé de son hâlo blafard, et dit à Georgia sans se détourner de l'astre mort :

"Regarde cette beauté Georgia... Elle est magnifique, n'est-ce pas... C'est l'une des rares beautés éternelles de notre univers proche... Lorsque je la contemple, je me perds dans sa béatitude et sa sérénité que jamais rien ne viens troubler. Je me fonds en elle, en oubliant tout ce qui est autour de moi... Tout ce qui est en moi... Je deviens sélène, aussi intemporelle et vierge de toutes choses, de toutes pensées qui pourraient me faire souffrir , que cette belle demoiselle suspendue dans le vide absolu. Je me plonge dans cet infini océan de tranquillité et d'oubli, et enfin je me sens loin de tout... Je ne suis plus que moi, uniquement... Pas Juliette, pas une mutante, ni même une femme... Uniquement moi... Et tout le reste, n'existe plus..."

La gothique romantique demeura ainsi hypnotisé par la beauté blafarde qu'elle semblait trouver à la dame de la nuit, puis elle laissa lentement son bras redescendre et rejoindre son autre lui-même qui l'attendait sagement sur le devant de sa robe ou ses mains s'enlacèrent...

"Est-ce que tu veux venir te perdre avec moi..?"

Invita Juliette, en s'adressant à la jeune fille, se disant que peut-être ainsi elle pourrait l'aider à se vider l'esprit de toutes ces contrariétés qui paraissait l'avoir envahi en cette soirée supposée être de fête...

"Assurément..."

Répondit lascivement Juliette avec un sourire esquissé au propos de Georgia, lorsque celle-ci lui accrocha la fleur sur sa poitrine. Elle contempla cette dernière durant de longues secondes, songeant à la rose noire que Ivy lui avait offerte quelques mois plus tôt. Cette sombre beauté végétale trônait d'ailleurs toujours sur son bureau, même si le temps faisait son œuvre sur la fraicheur de cette dernière... Mais qu'importe, Juliette la conserverait toujours, tout comme elle conserverait celle qui venait de lui être offerte en cette soirée. Le geste tendre de Georgia lui fut toutefois surprenant, loin des habitudes légèrement sauvages et insensée que la jeune fille prônait bien souvent comme une liberté détaché de toutes conventions sociales établies.

"Elle est jolie, merci... Ivy a décidément un véritable talent d'artiste... Et ne t'en fais pas, je sais que tu sauras prendre soin de ce châle..."

Acheva-t-elle négligemment, tandis que ses doigts effleurèrent délicatement la fleur offerte. Encore que sur ce dernier point, et vu la philosophie actuelle de Georgia, Juliette n'était pas certaine que la jeune fille ne le déchire sans l'ombre d'un regret, afin de rester fidèle à sa philosophie du "no flingues, non fringues..." Si tel était le cas, hé bien tant pis... Il lui appartenait maintenant, elle pouvait donc en faire ce qu'elle voulait. Lorsqu'elle tenta d'interpréter ses paroles sur sa réserve, Juliette plissa légèrement son regard de glace et une malice facétieuse se dessina sur ses lèvres ou pointa subrepticement une petit bout de langue rose. La gothique romantique croisa alors ses mains derrière son dos, se pencha doucement en avant et elle Murmura à Georgia :

"Je veux dire que je préfère laisser la foule et tous ce que cela implique comme responsabilités, à ceux qui aiment ce genre de choses... Pour ma part, je préfère l'intimité d'une rencontre plutôt que de trop me disperser entre plusieurs personnes à qui je ne pourrais pas offrir toute l'attention qu'elles méritent... Et puis... Je n'ai pas une voix qui porte assez loin, pour me faire entendre..."

Conclu-t-elle, en accompagnant sa parole d'un clin d'œil complice. En effet, Juliette aurait sans doute le talent pour s'adresser à une assemblée, mais élever la voix pour se faire entendre n'était pas vraiment dans sa nature profonde. Elle était une ombre, un murmure... Un esprit qui vous susurre mille et une chose au creux de l'oreille, en une sorte de voix intérieure immatérielle. Mais elle était aussi une oreille attentive, et c'est pourquoi elle écouta avec intérêt le semblant de confession qu'était en train de lui livrer Georgia. Loin de ses perpétuelles folies qui était sans doute un moyen pour elle de se protéger du monde extérieur, la jeune fille se livra presque sans retenue. Elle exprima à Juliette ses doutes, ses incompréhensions, ses peurs de la vie, de l'avenir... De son devenir... D'après Georgia, le changement dont elle avait été l'objet coïncidait avec l'apparition de son pouvoir. Il ne fut donc pas difficile à la gothique romantique de se faire une première et rapide idée sur le malaise profond qui habitait sans doute la révolutionnaire des bacs à sables. L'apparition de leurs pouvoirs pouvait en effet être un bien, ou un mal... Certains, comme elle était assez posé pour ne pas se voir changer, mais d'autres en revanche... Il y avait ceux qui n'acceptaient pas, et puis ceux qui acceptaient sans vraiment savoir comment faire. Selon Juliette, Georgia entrait dans cette seconde catégorie. La différence, ajoutée à sa timidité d'autrefois, avait sans doute du se révéler un fardeau bien trop lourd à porter, et sa personnalité actuelle résultait peut-être d'une banale envie de se faire accepter à tout prix. Juliette comprenait ce sentiment... Il n'était pas le sien, bien que parfois elle en caressait les contours avec envie, mais jamais elle n'en avait franchi les limites.Se positionnant à nouveau derrière la jeune fille, Juliette déposa ses mains sur ses épaules très délicatement, et approcha ses lèvres de son oreille afin de lui murmurer:

"Georgia... Je pense que tu as peur, tout simplement... Peur de l'avenir pour l'adulte que tu es en train de devenir... Pour la mutante que tu es... Grandir n'est jamais facile, crois-moi, et je ressens un profond sentiment de crainte de l'abandon en toi. Je pense que ta mutanité t'a obligé à surmonter ta timidité naturelle afin de pouvoir continuer à exister en tant que personne, pour, en quelque sorte, faire oublier que tu étais une mutante. Je ne sais si j'ai vu juste, mais sans doute te refuseras-tu à le reconnaitre si tel était bien le cas. Mais... Georgia... Je te suis reconnaissante de m'avoir fait le privilège de ta confiance..."

Les lèvres parfumées de Juliette glissèrent alors doucement sur la joue de la jeune fille, et y déposèrent un doux petit bisou tendre, avant que la gothique romantique ne se détache à nouveau de Georgia. Elle se déplaça de manière à lui faire une fois de plus face, et ajouta d'une voix un peu plus clair :

"Pour reprendre ton image du train, Tu es comme un voyageur attendant patiemment sur le quai... Tu regardes les gens arriver, puis partir... Et toi, tu restes la, indécise quant à ce que tu dois faire... Monter dans le train vers cet inconnue incertain que tu semble tant chérir, ou bien rester en sécurité sur le quai..? Il est vrai que à demeurer sur le quai, ta vie ne changera pas, elle restera telle que tu la conçois dans ton désir de sécurité... Mais si tu montais enfin dans ce train, celui que l'on appelle la vie... Tu prendrais certes des risques, mais en même temps tu pourrais découvrir tellement de choses merveilleuses en contrepartie..."

Juliette soupira doucement, comme songeuse, puis elle reprit :

"L'insouciance de l'enfance n'a qu'un temps Georgia, et l'âge adulte finit toujours par nous rattraper, parfois avant même que l'on y soit préparé... Alors, le mieux et de le devancer avant que cela n'arrive, et ainsi nous pouvons assurer la transition entre ces deux états afin qu'elle se passe de la façon la moins douloureuse possible pour nous..."

Juliette savait ne pas avoir eu cette opportunité... Elle pensait, sans doute comme tous ceux en passe de devenir adulte, avoir le temps de s'y préparer. Une grossière erreur, qui l'avait obligé à basculer dans la réalité sinistre en l'espace d'un battement de paupière... Mais si elle pouvait éviter cela à Georgia, alors elle en serait bien heureuse. Mais la jeune fille le comprendrait-elle ainsi, ou bien regarderait-elle la gothique romantique avec une incompréhension dans le regard..? Avec Georgia, on ne pouvait jamais vraiment savoir...

"Tu as raison sur un point toutefois..." reprit Juliette " Le romantisme, comme bien des choses en fait, est devenu tristement matérialiste... Mais je suppose que c'est le monde qui veut cela. En ce qui me concerne, ce part romantisme inhérent à mon être n'est en rien la sublimation de quoi que ce soit... Il est moi, uniquement... Me demander de le justifier, ce serait comme demander au soleil de justifier le fait qu'il se lève chaque matin, et se couche chaque soir... C'est dans l'ordre des choses, Tout simplement... Mais n'oublie jamais ceci Georgia... Ce qui a été fait, peut-être défait... Il ne tient donc que à toi et toi seule, de retrouver un jour l'innocence de ce romantisme qui était autrefois le tien."

Juliette laissa la jeune fille méditer sur ces quelques paroles, sans doute un peu trop présomptueuses, mais ainsi était la jeune femme ténébreuse... Lorsque Georgia fut visiblement ravie de sa proposition de "se perdre" avec elle, Juliette se réjouit. C'était la première fois qu'elle pouvait proposer ce genre de chose à quelqu'un, et son monde, son autre monde, était tellement étrange, qu'elle n'était pas vraiment certaine que les gens puissent l'apprécier. Pour elle, il était devenu normal puisque c'était son pouvoir, sa capacité... Tout son être tendait à cette vision alternative de la réalité... Mais peut-être que pour les autres, ce serait quelque peu déroutant, pour ne pas dire dérangeant... Leur vision serait-elle identique à la sienne, ou bien son pouvoir lui donnait-il par définition une vision en accord avec cet autre état d'elle-même..? Des grandes interrogations, sans réelles réponses encore. Lorsque Georgia accepta contre la promesse de lui faire à son tour découvrir son propre univers, Juliette marqua un temps d'arrêt. Elle parut perplexe durant de longues secondes, puis elle fronça légèrement les sourcils en faisant une moue quelque peu contrariée...

"Dis-moi Georgia... Ce ne serait pas un bien vilain petit chantage que tu me fais là..? Ce n'est pas très gentil je trouve..."

Lui dit-elle alors, la mine sombre. Juliette se détourna brusquement de la jeune fille, et s'avança de quelques pas en direction de l'escalier de pierre qui menait au jardin. Elle demeura ainsi quelques instants, puis, tournant la tête de façon malicieuse en direction de Georgia, elle leva délicatement une main en l'air en disant tout simplement et d'une voix redevenue agréablement musicale :

"Hé bien..? Vas-tu faire attendre encore longtemps ta cavalière..? La lune nous attend, alors ne soyons pas en retard veux-tu..?"

Coquine Juliette, qui aimait jouer de la sorte... Les occasions de le faire lui étaient pourtant bien rare.

Des interrogations, des interrogations, et, ô surprise, encore des interrogations... Juliette trouvait sincèrement que Georgia se posait beaucoup trop de questions existentielles sur elle-même, ce qui, malgré les dénégations de la jeune fille, tendait à lui prouver qu'elle avait vu juste concernant sa peur et son angoisse de son devenir. Peut-être était-ce normal après tout, peut-être était-ce le genre d 'interrogation universelle, qui prenaient naissance dans chaque esprit juvénile... La gothique romantique se les étaient-elles posé..? Sans doute, mais vu le peu de souvenirs impérissables que cela lui avait laissé, ces dernières n'avaient guère du être insistantes à son esprit. Juliette, elle, ne se posait pas vraiment ce genre de question, ou plutôt ses interrogations étaient d'une toute autres nature. Peu réjouissante, voire même sans doute morbide et malsaine selon les un ou les autres... Il y avait de toutes manière bien longtemps que la jeune femme avait renoncé à confier ses doutes existentielles intérieur, à qui que ce soit.

Les propos de Georgia ressemblaient plus à des contradictions tentant vainement d'excuser la sinistre mais sans doute bien réelle vérité que suggéraient les paroles de Juliette à son propos, mais celle-ci se refusa à argumenter sur le sujet. Après tout, elle n'était pas la pour ça et si Georgia voulait se rassurer en noyant cette possible vision de sa personne dans le flot des "peut-être" et des "si", ce n'était pas à elle, simple étudiante en art et en psychologie, de la forcer à voir ce qui était probablement une vérité à haut taux de pourcentage. C'était l'anniversaire de la première année d'existence de l'institut après tout, et non pas une rencontre sur la nature de l'être et de son existentialisme. C'est pourquoi, ne voulant certes pas créer un débat sans doute bien futile en la matière, Juliette répondit à Georgia en la regardant paisiblement :

"Je crois, que jamais personne n'aura raison ou tort sur un tel sujet Georgia... Il doit certainement exister autant de réponses envisageable en la matière qu'il existe d'êtres vivants sur Terre, car chacun est différent de son voisin... Alors sans doute as-tu raison dans ton erreur, et sans doute fais-tu erreur dans ta raison... En dépit de toutes les choses que moi ou qui que ce soit d'autre pourrions te dire, il n'y a que toi et toi seule qui sache exactement qui tu es... Et qui tu n'es pas. La principale interrogation demeurent donc la suivante à mon sens : Es-tu réellement prête, au plus profond de toi, à accepter ce tu es réellement..? Si tu trouve la réponse à cette question, alors tu découvriras qui tu es vraiment."

C'était une réponse ma foi fort simple, qui en même temps ne reniait en aucun cas son propre avis sur la jeune mutante, Tout en lui laissant l'opportunité de croire en sa propre vision sur elle-même. lorsque ensuite Georgia affirma que Juliette était folle, cela blessa profondément la gothique romantique. Bien entendu, elle ne s'attendait pas vraiment à autre chose de sa part, et sans doute l'avait-elle fait sans même y penser... Mais cela confirmait toutefois bien le fait que, en dépit de toutes ses extravagances, Georgia n'était pas aussi différente des autres qu'elle pouvait se l'imaginer. Pour elle, Juliette était aussi et avant toute chose, quelqu'un de bizarre, une personne différente, bien loin de la différence qui séparait habituellement les êtres vivants. Juliette en fut blessée, car ce début de conversation lui avait semblé avoir bien débuté. Mais le naturel de la jeune fille était apparemment revenu au triple galop, chassant ainsi la charmante personne qui lui faisait face. Qu'importe, la gothique romantique ne pouvait décemment pas lui en vouloir d'être tout simplement ce qu'elle était. Comme à son habitude, elle assuma en silence cette blessure et écouta Georgia poursuivre.

Celle-ci enchaina ensuite sur les murs impénétrables que les gens se constituaient, afin de se protéger dans leur inaccessible tour d'ivoire. Une indéniable vérité en réalité, mais assombrit rapidement le visage de Juliette à la fin de son propos. Elle parlait de trésors dissimulés, de valeurs inutile, si ces derniers n'était pas partagé... La mine sombre, la gothique romantique lui répondit de manière assez amère :

"Tu as raison, il y a bien une frontière à ne pas dépasser chez moi, et cela pour le bien de tous... Car si les gens découvraient le sinistre contenu de ce que dissimule ce soit disant trésor qui est enfoui en moi, alors je peux t'assurer que vous ne me regarderiez plus jamais de la même manière."

Contrairement à ce que pensait Georgia, Juliette était ce qu'elle affichait aux yeux de tous... Elle ne se dissimulait pas derrière son attitude ou bien son apparence, et seuls les gens se refusaient de passer au-delà de ces simples apparats et des idées reçues qui y était accolées. Mais il y avait toutefois bien une chose qu'elle se refusait de livrer aux autres... Une chose monstrueuse, et qui la renforcerait sans l'ombre d'un doute dans son image de monstre ténébreux dont nombre de gens devaient surement l'affubler. Elle ajoute cependant , dans un demi sourire retrouvé :

"Tu n'es pas mauvaise Georgia, ne dis pas cela... Tu es juste... Libre, voilà tout... Etre libre n'est pas un crime tu sais, bien au contraire... C'est une chose précieuse dans notre société actuelle. Tu es en quelque sorte une bouffée d'oxygène, tout comme Ivy ,dans un monde au bord de l'asphyxie..."

Juliette trouva son image fort jolie... Pas des plus originale, mais tout de même fort jolie. Lorsque Georgia lui confirma encore une fois son envie de venir avec elle "danser sous la lune", la gothique romantique avait recommencer à retrouver un sourire heureux comme en témoigna sa coquine attitude. Mais très rapidement, celle-ci disparut à mesure que aucune main glacée ne vint se déposer dans la sienne. Au bout de quelques secondes, Juliette se trouva fort désagréablement stupide avec sa main levé et c'est pourquoi elle fini par la laisser retomber contre elle. Un soupir de déception fusa ensuite de ses lèvres. Georgia avait brisé la magie de ce moment de partage que la gothique romantique avait voulu avec elle, et elle prit assez mal le fait de s'être ainsi ouverte à la jeune fille qui n'avait visiblement pas compris ce qu'elle attendait d'elle... Ou peut-être, Georgia s'empêtrait-elle tellement dans son "moi" et ses éternelles doutes et interrogations, qu'elle en oubliait d'ouvrir les yeux sur les subtilités des gens... Quoi qu'il en soit, Juliette fut contrariée de cette rare, et sans doute unique tentative vu la résultat, de partage avortée , et elle commença alors à descendre d'un pas nonchalant les marches de l'escalier qui menait au jardin...

"J'ai changé d'avis finalement..."

Dit-elle au cours de cette lente descente, en levant son regard translucide vers la dame sélénite...

"Je crois que tu n'es pas prête à découvrir mon monde Georgia, je ne te sens pas suffisamment... Réceptive... Peut-être devrais-tu rentrer et rejoindre les autres dans le foyer, tu dois certainement mourir de froid... Et puis... Camille a sans doute fini son numéro maintenant, tu ne seras donc plus seule..."

Puis Juliette se tut, croisant à nouveau ses mains devant elle tout en continuant de fixer, immobile, l'astre lunaire qui resplendissait telle une orbe sans défaut illuminée en son cœur...

Perdue dans sa contemplation de l’astre céleste paradoxalement beau dans la mort qui était la sienne, Juliette s’était désintéressée de Georgia. Bien que facile à vivre, la gothique romantique n’était pas parfaite, loin de la même… Elle avait certes beaucoup de qualités, mais aussi et comme tous le monde, des défauts. L’un de ces défauts, justement, était de réagir parfois assez violemment lorsqu’elle se sentait blessée ou bien encore profondément heurtée par un refus de ce qu’elle offrait bien trop peu souvent. Il était vrai, que son ascendance méditerranéenne n’était sans doute pas sans responsabilité dans ce désagréable côté de sa personnalité qui était d’autant plus terrifiant qu’il ne s’exprimait que très peu souvent. Juliette s’était donc désintéressée de Georgia, et c’est pourquoi elle ne la vit pas foncer droit sur elle et ressentit comme un choc lorsque celle-ci vint s’agripper à elle comme mû par une peur irrépressible de se voir abandonnée. Mais si peur il y avait eu à l’origine de ce comportement des plus inattendu de la part de l’anarchiste des bacs à sable, l’abandon n’était sans doute pas à l’origine de celle-ci. Surprise par le choc, Juliette détourna alors les yeux de la lune et reporta son regard sur la jeune fille qu’elle écouta en silence sans toutefois se départir d’un air de suspicion certain que ses ténébreuses iris ne trahissait nullement.

Georgia lui parla, lui présentant tout d’abord des excuses… Une chose assez rare chez elle pour être appréciable, même si cela ne suffisait pas toujours lorsque certaines choses avaient été dites. Puis, son discours ininterrompu se révéla être semblable à un aveu sans concession, dévoilant par-là même sa véritable nature selon Juliette… Celle d’une jeune fille perdue, sans doute dépassé par les évènements de sa vie même si elle ne se l’avouerait pas vraiment si on la mettait en face de cette vérité rempli d’incertitude. La nature abhorre le vide disait-on… Il semblerait que Georgia soit aussi dans le même cas. Plus la jeune fille s’exprimait, en toute simplicité et sans s’appuyer sur des théories existentielles des plus abracadabrante, et plus le visage de Juliette reprenait son aspect de douceur bienveillante qui était habituellement le sien. Lorsque finalement Georgia cessa de parler et se recula de quelque pas tout en lui tendant à son tour une main timide et hésitante, les lèvres scintillantes de la gothique romantique s’étirèrent doucement en un sourire tendre… C’était une de ses grandes faiblesses, Juliette ne savait pas résister à jolie fille, fut-ce une jolie fille qui s’ignorait… Au bout de quelques secondes de flottement, elle leva délicatement une main et la glissa avec douceur dans celle de la jeune fille après s’être retourner afin de lui faire à nouveau face. Heureusement pour Georgia, Juliette ne savait pas demeurer fâcher longtemps… Son côté romantique sans doute…

‘’Hum… Dis-moi Georgia… Tu n’as jamais assister à une de mes transformation, n’est-ce pas.. ? Non, je ne pense pas…’’

Dit alors Juliette, sans vraiment attendre de réponse de la part de la jeune fille devenue étrangement si fragile. La gothique romantique n’était pas du genre à faire étalage de son pouvoirs devant les nouveaux venus, et jamais encore elles n’avaient participé à un seul entrainement commun en salle des danger. De même, leurs équipes respectives n’avaient jamais eu à travailler ensemble, et comme cela ne risquait plus vraiment d’arriver…

‘’Puisqu'il s'agit de ta toute première fois, nous allons y aller doucement, ne t’en fais pas… Tu n’as qu’une seule et unique chose à faire, c’est de te laisser aller et de me faire confiance…’’

Ajouta-elle encore, tandis que sa brume violacée, toujours empreinte de ce ton empourprée, envahit en silence la terrasse ou se trouvait les deux jeunes filles. Très rapidement, Georgia se trouva visuellement isolée du monde extérieur. Juliette jugea cela utile, afin que le choc du changement ne soit pas trop rude à Georgia qui avait déjà l’esprit bien trop dispersée en temps normal. C’était aussi la première fois que la gothique romantique emmenait un être humain avec elle. Elle avait seulement essayé avec un petit chat jusqu’à présent, ce qui signifiait que Georgia allait expérimenter le tout premier voyage éthérique d’un être humain. Afin de ne pas ajouter à son éventuelle angoisse, Juliette jugea préférable de lui taire ce point de détail. Juliette apparaissait diffuse à la jeune fille, et sans même sans rendre compte celle-ci la vit doucement mais sûrement, disparaître dans la brume colorée. En réalité, Georgia vit Juliette s’évaporer dans l’éther, mais le voile brumeux lui donna l’impression d’un renforcement de l’opacité les séparant. Puis, Georgia se sentit soudain étrange… C’était un sentiment quelque peu diffus, mais non désagréable, bien au contraire… Elle se sentit peu à peu légère, comme si la gravité elle-même avait cessé son emprise sur sa personne. Comme dans un rêve, Georgia avait l’impression de s’envoler… Instinctivement, elle voulu ordonner à ses membres de bouger. mais ce fut comme si ses ordres n’arrivaient pas à destination, comme si toutes liaisons neuronales avait été sectionné entre son cerveau et ses membres. Mais en vérité, comment aurait-elle pu commander à des membres qui, désormais, n’existaient plus… De plus, le fait de ne rien avoir d’autre que cette brume aveuglante comme horizon, rendait ces nouvelles sensations encore plus troublante. Juliette le savait, la première fois pouvait être assez déconcertante.

Georgia se sentit tout à coup attiré en avant, sans pouvoir offrir la moindre résistance à cet élan qui n’était pas le sien. Le contact glacial du sol avait disparu, et ce fut comme si elle planait dans le vide lui-même. A mesure qu’elle se sentait avancer, la brume pourprée se dissipa pour rapidement laisser le monde s’offrir à nouveau à son regard… Et quelle monde… Juliette fit traverser le jardin à Georgia, avant de se diriger dans le sous-bois l’espace de quelques minutes. Elle revint ensuite plus près de l’institut, parcourant les alentours de celui-ci afin d’offrir à sa passagère des images aussi variées que possible. A un moment, Elles se dirigèrent vers la piscine et demeurèrent immobile de longues secondes… Jésus avait marché sur les eaux, mais y planer sous forme brumaire ce n’était pas vraiment commun non plus, il fallait bien l’avouer et cela offrait à Georgia une vision de la surface liquide à laquelle encore jamais personne n’avait eu droit jusqu’ici. Juliette reprit ensuite sa course éthéré, et continua à emmener la jeune fille à la découverte de ce tout nouveau monde dont elle ignorait l’existence. Habituée à cet état éthéré, Juliette ne prêtait plus vraiment attention à toutes les sensations qui devaient sûrement assaillir Georgia. Peut-être était-ce sa grande habitude, peut-être était parce que son code génétique avait été spécifiquement programmé pour accepter cet aspect vaporeux… Quoi qu’il en soit, pour la gothique romantique ce n’était en fin de compte qu’une promenade comme toutes les autres…

Pour Georgia en revanche, c’était à chaque fois un choc certain. Chaque nouvelle sensation était une découverte à elle seule, et celles-ci se succédaient à un rythme effréné au fil de la ballade nocturne. Tout comme Juliette, sa vision du monde était passé d’un angle de cent quatre vingt degrés à un angle de trois cent soixante degrés. Les images de son environnement lui parvenaient de partout et nul part à la fois, comme si une infinité de paires d’yeux scrutaient chaque coin et recoin de son environnement visible. C’était comme un kaléidoscope d’images sans cesse renouvelés, qui se seraient vu centralisé en un regard unique et multiple à la fois. Une manière de visualiser le monde assez déroutante et difficile à appréhender pour une personne novice, même si un très léger étirement apparaissait aux coins de chaque vision, comme pour aider à distinguer les différentes images des unes des autres. Cela faisait longtemps maintenant, que Juliette ne faisait plus attention à ce détail optique. Elle avait appris de manière inconsciente à enchaîner les images aussi naturellement que pouvait le faire l’œil humain, et sa vision sous sa forme de brume lui était devenue quasiment sans défaut.

Outre la vision, Georgia percevait aussi l’environnement sonore d’une manière à peu près identique. Le son arrivait, lui aussi de partout et nul part à la fois, un peu comme si des milliers de d’enceintes répercutaient le son en écho, tout autour d’elle. La meilleure image que Juliette avait pu trouver pour essayer de donner un élément de comparaison afin de faire comprendre son monde par des mots, c’était celle d’un home cinéma dernier cri, mais avec une qualité sonore et de réverbération que sans doute jamais l’homme ne serait capable d’obtenir même dans ses rêves les plus fous. La encore, il était assez difficile pour un non initié de faire la part des choses entres tous les bruits ambiants qui lui parvenaient aux oreilles qu’il n’avait plus vraiment. Juliette se souvenait que lors de ses première fois, elle n’avait retenu que les sons les plus puissants, les plus longs… Ce monde, le monde de la gothique romantique était d’une incroyable richesse visuelle et sonore, mais seul le temps lui avait permis d’en découvrir tous les aspects, et ce temps, cette expérience, Georgia ne les avaient malheureusement pas.

Toutefois, la jeune fille profitait d’une curieuse, mais pratique singularité. Sous cette forme, Juliette avait découvert que les conditions atmosphériques, hormis le vent jusqu’à présent, n’avaient aucune prise sur elle. Georgia pouvait ressentir le froid mordant encore présent en cette soirée à la limite de l’hiver la traverser littéralement de part en part, mais elle n’en éprouvait cependant aucun frisson, aucune envie de se blottir afin de se réchauffer… C’était un peu comme voir une tempête ou un orage bien à l’abri derrière la fenêtre de son appartement, sans en subir les effets.

Il était bien difficile de trouver les mots juste pour décrire tout un univers de sensations nouvelles et sans réelle équivalence dans ce qui était l’autre monde de Juliette, le monde qui était celui de ceux qui ne pouvaient quitter leur enveloppe de chair et de sang. Les descriptions que la gothique romantique tenterait d’en faire ne seraient jamais que approximative, et seul un passage à cet état éthéré permettrait aux gens de découvrir par eux-mêmes la vérité que les mots peinaient à démontrer. Voir le monde sous cette forme, c’était comme passer d’une image télévisé classique, à la très haute définition. Tout était plus vif, plus pur… En résumé, il y avait autant de différence entre la perception du monde d’une personne de chair et de sang et la forme éthéré que Juliette avait fait adopter à Georgia, qu’il y en avait entre une personne myope comme une taupe et une autre qui ne l’était pas.

Aussi incompréhensible que cela puisse paraître au non initié, Juliette aimait ce monde. Elle aimait s’y plonger afin d’en goûter toutes la saveur, un peu comme un toxicomane aimait le sentiment de béatitude qui suivait son injection d’héroïne, mais la toxicité et l’accoutumance en moins. Est-ce que Georgia aurait aussi ce sentiment, ou bien alors, celui-ci n’était-il du que au fait de l’acclimatation génétique naturelle de Juliette à cet état.. ?

Quoi qu’il en soit, cette forme éthéré avait un dernier avantage non négligeable, même si ce n’était pas vraiment le but recherché… Elle empêchait Georgia de parler…

Ce n'était pas la première fois que Juliette se partageait avec un être vivant de cette manière, mais c'était la première fois qu'elle se partageait ainsi avec un être humain semblable à elle. L'effet de cette autre présence, en elle et hors elle était comme multiplié par dix ou cent, un peu comme si la conscience humaine, bien plus logique et réfléchit que celle des animaux, plus instinctive, s'accordait au diapason de sa propre perception de cet état de brume vaporeuse. La gothique romantique ressentait intimement les différents états émotionnels de Georgia, sans vraiment pouvoir les définir exactement...

... Elle avait tout d'abord ressenti son désarroi, son sentiment de perte de son intégrité physique, un sentiment que elle-même avait ressenti au début. Puis, ce fut le tour de son excitation du à la découverte de ses nouveau sens, qui se teinta d'un certain dépassement difficile à contrôler. C'était, il est vrai, une tout nouvel univers auquel l'homme n'était absolument pas préparé, et Juliette elle-même devait sans doute sa capacité d'assimilation déconcertante à ce monde unique, à sa spécificité génétique propre. Pour qui se trouverait isolé dans ce monde éthéré, il serait ans doute terriblement chaotique. Les informations à traiter en une seconde était absolument loin des capacités de traitement des perceptions humaines, et sans doute cette personne isolé dans cette univers, sombrerait rapidement soit dans l’oubli de sa propre existence, soit dans la folie. Mais heureusement pour Georgia, elle n’était pas toute seule et Juliette était pour elle comme un garde-fou, une sécurité interne qui veillait à ce que rien de fâcheux ne se produise. Grâce à cette étrange fusion qui restait encore à définir, la gothique romantique pouvait suivre l’évolution du voyage de la jeune fille. Juliette ne pouvait certes agir sur elle de manière concrète, mais tout comme elle ressentait la présence quelque peu perdue de Georgia, celle-ci pouvait sentir la caresse constante et bienveillante de la gothique romantique effleurer sa personne devenue éther.

A mesure que s’écoulaient les minutes égrenant cette promenade sous la lune, Georgia apparut à Juliette comme un éventail de sensation aux volets infini. Celle-ci craignait que, à la suite de l’instant de la découverte, ne s’ensuive un irrésistible sentiment de peur. Ne plus avoir le contrôle de son corps était une chose horrible pour bien des gens, mais si en plus de cela on y ajoutait la perte physique du dit corps, cela pouvait devenir terriblement cauchemardesque pour certains. Ce ne fut heureusement pas le cas, et elle en fut bien heureuse car ce qu’elle souhaitait le plus au monde c’était que Georgia apprécie son expérience, et non pas qu’elle en ressorte complètement traumatisée. Pourtant, pourtant… A un moment donné, un trouble traversa Juliette. Un trouble malaisé, qui lui fit ressentir un très léger vide en son sein éthéré. La gothique romantique percevait toujours la présence de Georgia en elle, mais cette dernière paraissait s’éloigner peu à peu, comme si la jeune fille se fondait plus encore dans sa brume. C’est alors que Juliette compris… Georgia était en train de se perdre, doucement mais sûrement dans ce monde qui n’était que informations perpétuelles, et il semblait évident que sa défense avait était tout naturellement l’oubli et l’abandon dans cette océan d’images et de sons.

Juliette connaissait bien ce sentiment de paix et de béatitude sans égl, car bien souvent elle s’y perdait elle aussi. Mais à la différence de la jeune mutante qui n’avait sans doute pas conscience de ce qui était en train de lui arriver, la gothique romantique possédait les clés de ce monde éthéré… Même si elle s’y perdait parfois, elle en retrouvait toujours le chemin lorsqu’elle le désirait. Sans doute pourrait-elle aller à la recherche de Georgia afin de la ramener à son état de conscience humaine, mais elle ne voulait pas prendre ce risque, pas maintenant…Etre ainsi accompagné était une chose bien trop récente encore, elle ne voulait pas prendre le risque de perdre la jeune fille, et de porter tout le poids de cette responsabilité. Plus tard peut-être, lorsque ce genre de chose lui sera devenue familière… Par définition, sous cette forme Juliette était partout à la fois, dans chaque millimètre carré de brume qui la composait. Elle devrait alors sans doute être capable de retrouver la moindre parcelle de conscience n’étant pas la sienne, et la guider sur la voie du retour à la réalité. Peut-être… Certainement même… Mais elle ne voulait pas essayer ce soir, surtout pas.

La brumeuse compagnie s’orienta alors à nouveau en direction de la terrasse, et une fois de retour à l’endroit ou le surprenant voyage avait débuté, Celui-ci se vit une fois de plus envahit par la brume pourprée qui avait accompagnée la transformation des deux mutantes. La encore, Juliette avait songé que le retour à l’était physique de Georgia devait se faire en douceur… Pour cette fois-ci du moins, le temps que la jeune fille puissent analyser, avec le temps, son aventure. La brume envahit donc la terrasse pour la seconde fois de la soirée, et Georgia vit Juliette réapparaître à travers le voile trouble qui lui donna la sensation de la voir tout simplement approcher, tandis que de son côté elle se sentit soudain redevenir aussi pesante qu’une vache. La encore, difficile était le retour à la gravité, après avoir goûté à la liberté de l’élévation. Puis la brume environnante se dissipa. Alors que ses dernières volutes s’évanouissait dans le néant en une danse gracieuse et silencieuse, Juliette tenait à nouveau délicatement la main de Georgia et lui souriait. Un sourire de plaisir tout autant que de soulagement, d’avoir su revenir à temps au monde matériel.

‘’Comment te sens tu Georgia.. ?‘’ lui demanda Juliette, tout de même inquiète du résultat de ce premier voyage avec un être humain ‘’J’ai jugé préférable de revenir, car je sais combien il est difficile de s’arracher à ce monde lorsque l’on y est pas habitué. Il te faudra sans doute plusieurs expérience de la sorte, pour t’y acclimater quelque peu…’’

Malgré tout, la gothique romantique ne laissa rien paraître de son inquiétude… Georgia paraissait aller bien, quoique un peu absente encore. Mais cela n’était pas trop alarmant, il lui fallait sans doute un peu de temps pour revenir à sa propre réalité… Tout de même, pour une première fois c’était une sacré expérience sur une durée aussi longue, elle en savait elle-même quelque chose.

Cette première tentative avec un être humain lui apparut toutefois très instructive. Tout d’abord, une première fois devrait se faire sur un laps de temps plus court… Ensuite, ce ‘’partage’’ de soi lui avait ouvert des nouvelles sensations sensorielles… Elle percevait l’autre, dans son intimité la plus profonde… Ce fut en fin de compte un voyage tout aussi enrichissant pour Georgia, que pour elle-même…

Il était difficile de dire si Georgia avait appréciée ou non son expérience éthérée, tant elle demeurait des plus silencieuse. L’espace d’un moment, Juliette se demanda même si elle n’avait pas réagit trop tard, et si une part de la conscience de la jeune fille ne s’était pas définitivement perdu… C’est alors qu’elle vit celle-ci venir se coller contre sa personne, juste avant de s’effondrer en un torrent de larmes qui surprit fortement Juliette. D’instinct , elle enveloppa les épaules de Georgia de ses bras tendres et accueillants. Il était étrange de voir ainsi oublié la fière et rebelle mutante, la Jeanne d’Arc des causes perdues les plus loufoque qui puisse exister, pour ne finalement ne plus laisser apparaître qu’une petite fille visiblement désorientée. Pour la première fois depuis son arrivée, Juliette trouva Georgia vraiment touchante dans la simplicité et la fragilité la plus sincère qu’elle pouvait affichée à cet instant présent. Loin du masque de la féministe un peu folle, indécente et sans gène qui était habituellement le sien, Juliette compris que en fin de compte Georgia se révélait tout simplement Georgia. A son tour, elle la serra très fortement dans ses bras avec un tendresse certaine. La gothique romantique sentit les larmes de la jeune filles s’écoulait le long de sa poitrine dénudée, et lorsque celle-ci lui dit enfin un mot, mais quel mot cela dit, Juliette sourit délicatement et lui dit en déposant sa joue contre sa tête parsemée d’or :

‘’C’était un plaisir Georgia, je suis ravie que cela t’ai plu… Mais il ne faut pas pleurer tu sais… Ce n’était rien de bien extraordinaire en fin de compte… Il s’agissait tout simplement d’un voyage… En terre inconnue… Et tu en feras sûrement bien d’autre tout au long de ta vie…’’

En effet, Juliette avait quelque peu perdu le parfum du sensationnel de son pouvoir. Génétiquement adaptée à cet état éthéré, la gothique romantique avait fini par considérer ce dernier comme étant en fin de compte une chose tout à fait normal, aussi ordinaire que le simple fait d’être une être humain de chair et de sang. La réaction de Georgia la surprenait donc quelque peu, car jamais elle n’aurait imaginée que quiconque aurait pu trouver cette expérience tellement extraordinaire. Immobile, Juliette maintenait sans faiblir ses bras rassurants autour de Georgia, patiemment, en attendant qu’elle se remette de ses émotions. Malgré toute sa tendresse réelle, la gothique romantique s’amusa de ce petit côté mignon de Georgia qu’elle ne montrait jamais à qui que ce soit…. Ce n’était pas dans ses habitudes de faire pleurer les filles après tout… Dans un murmure, afin de ne pas troubler plus que nécessaire ce moment précieux dans son éphémère éternité, Juliette ajouta :

‘’Tu sais, si vraiment tu as aimé, nous pourrons toujours recommencer un autre jour… Je peux le refaire toutes les fois que je le désire, ne t’en fais pas… Si tu veux, je pourrais aussi essayer d’emmener une autre personne avec qui tu voudrais partager ce moment, comme Camille, ou bien Ivy par exemple… Qu’en dis-tu.. ?’’

Oui, une autre personne, pourquoi pas… Le pourrait-elle cependant.. ? Ceci, était une autre histoire, mais si Juliette pouvait emmener une personne, alors pourquoi pas deux… La gothique romantique pensa que le fait de dire à Georgia que l’expérience n’était pas unique, la ferait cesser de pleurer toutes les larmes de son corps. En dépit de ce que l’on pouvait penser d’elle, Juliette n’aimait pas voir les gens triste. Elle songea alors que peut-être Georgia devrait rentrer se reposer… Elle lui avait fait promettre de visiter son monde à elle à la suite du sien, mais peut-être n’était-ce plus tout à fait le moment…

Juliette demeura toujours là, immobile… Attendant avec un patience sans faille que la jeune fille se décide à bouger par elle-même… Ou pas…

Un pouvoir magnifique... Ces trois mots firent jaillirent un bonheur immense dans le cœur de Juliette... Il était vrai que son pouvoir était merveilleux, tout au moins s'autorisait-elle l'arrogance de le penser. Il n'était certes pas le plus utile, si on le comparait à celui de Jen qui avait assurément un éventail d'utilisations potentielles des plus variés, ni même le plus spectaculaire comparée à celui d'un nouveau comme Luther, mais malgré tout Juliette trouvait son pouvoir vraiment magnifique. Il était aussi l'un de rares pouvoirs de l'institut à échapper totalement à l'intégrité physique qui rattachait les mutants aux non mutants, et cela lui donnait, en quelque sorte, une toute autre dimension parmi la classe mutante. Juliette aimait son pouvoir, elle ne s'en était jamais caché à vrai dire... Mais il était vrai que c' était aussi un pouvoir solitaire, quoique en cette soirée d'anniversaire il lui était apparut que ce n'était peut-être pas entièrement le cas. Se partager dans l'éthéré avait été étrange, mais pas désagréable... Cela avait été comme veiller sur Georgia, aussi perdue et sans défense qu'un nouveau-né, avec un incroyable sentiment de contrôle total... Un sentiment qui pouvait sans doute se révéler dangereux, mais heureusement Juliette n'avait que très peu d'attrait pour le pouvoir et l'autorité... Mais en tout cas, ce fut une expérience riche et qui rehaussa encore un peu plus l'estime qu'elle pouvait avoir pour sa mutation personnelle.

Paraissant reprendre une certaine contenance Georgia s'était donc écarté doucement de la chaleureuse et apaisante présence de la gothique romantique. Elle lui parut encore quelque peu troublée et confuse, mais au final la jeune fille paraissait s'être enfin remise de son voyage initiatique à travers le monde de l'éther. Elle lui dit alors :

"Mon pouvoir n'a pourtant rien de bien enviable, mais si grâce à lui j'ai pu t'apporter un petit peu de bonheur l'espace d'un moment, alors sache que j'en suis très honorée Georgia..."

Juliette pencha délicatement la tête sur le côté tout en croisant ses mains devant elle et ajouta d'un ton presque professoral mais néanmoins très agréable, grâce à la douce musicalité de sa voix teintée de ce si charmant et léger accent italien qui était le sien :

"Il est vrai que le monde de l'éther est une chose assez particulière... Il nous oblige à voir le monde qui nous entoure autrement, à le ressentir sans l'aide des sens qui sont les nôtres depuis notre venue au monde... Il nous obliges à réinventer tout un panel de sensations, tout un vocabulaire jusqu'ici inutile, afin de lui donner une réalité qui nous était inaccessible il y a encore peu... Mais je ne vais pas t'ennuyer avec ces considérations purement technique, et te laisser apprécier ce moment comme il se doit... C'est à dire, avec le regard de l'émerveillement de la néophyte que tu es."

L'index de Juliette se leva ensuite doucement, et en un geste tendre elle le fit lentement glisser sur l'arête du nez de Georgia en une caresse presque maternelle... Georgia avait refusé de lui imposer quelqu'un autre lors d'une éventuelle prochaine fois, c'était tout à son honneur, même si cela n'aurait pas vraiment embêtée la gothique romantique qui n'aurait pas refusée de partager encore un peu plus ce petit bout d'elle-même... Mais peut-être, georgia trouvait-elle justement ce partage trop intime, pour y inviter une autre personne..? Ma fois, cela serait un point de vue qui avait un certain poids, et que Juliette serait même assez encline à le partager. Lorsque la jeune mutante lui rappela sa promesse, la gothique romantique sourit à nouveau. Une promesse était une promesse après tout, et Juliette n'avait pas pour habitude de se renier... Devant la main tendue de Georgia, semblable à une invitation à se rapprocher à nouveau d'elle, Juliette pinça délicatement les pans de son encombrante robe ténébreuse et en un geste gracile et plein de charme, elle plia les genoux tout en courbant la tête en avant, en une révérence digne des temps anciens...

"Mademoiselle Beccaria... Ce sera pour moi un véritable plaisir d'être votre cavalière en cette soirée de festivités..."

Lui dit-elle alors, juste avant de se redresser et de tendre à son tour un main afin de la glisser dans celle de la jeune fille. Mais avant que leurs mains ne se joignent, Une voix surgit de nulle part interrompit le geste de Juliette. Celle-ci chercha du regard d'où pouvait provenir cette dernière, et rapidement elle aperçut Camille qui demeurait immobile quelques mètres derrière elles avec... Une boite..?.

"Camille..." commença alors la gothique romantique "Que fais-tu ici..? Tu n'as pas envie de t'amuser dans le foyer avec les autres..? Et pourquoi portes tu cette boite, dis-moi..?"

Une évidence apparut alors dans l'esprit de Juliette qui ajouta dans un sourire amusé :

"Tu es venu chercher Georgia, n'est-ce pas..?"

Il ne pouvait en effet s'agir d'autre chose selon elle. Si tel était bien le cas, alors la gothique romantique se retirerait gracieusement de l'équation. Après tout, elle avait bien assez de manière pour ne pas s'interposer entre deux jeunes filles tellement... Complice.

Camille paraissait visiblement énervée... Mais pour quelle raison..? Ma foi, peut-être ne l'aimait-elle pas tout simplement, qui sait..? Il était vrai que, tout comme Abaigh qui l'accompagnait, elle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole, plus que de raison... Comme un bon nombre des résidents de l'institut cela dit, ce qui ne signifiait nullement que tous la détestait. Elle avait l'air d'effrayer jusqu'à Georgia, qui s'agrippa à son bras dénudé en lui chuchotant de rester avec elle. Juliette avait toujours pensé que c'était elle qui dominait dans le binôme, mais en cette soirée glaciale, aussi bien par la température extérieure que par l'ambiance de la terrasse, il lui apparut qu'elle s'était fourvoyée sur la question.

Pour faire baisser la tension naissante que même un aveugle serait capable de ressentir, Abaigh proposa à la gothique romantique de l'accompagner pour voir si Kate allait mieux, suite à son... Embarras dans le foyer. Juliette haussa un sourcil, surprise. Kate avait eu un embarras de santé..? Qu'en savait-elle, cela avait du arriver après son départ pour la terrasse. D'un geste de la tête, elle lui signifia son refus de la suivre en lui répondant calmement :

"Tu m'en vois navrée pour elle, mais que veux-tu que j'y fasse..? Je ne possède pas de pouvoir de guérison, et j'imagine sans peine que quelqu'un est déjà en train de prendre soin d'elle... Inutile d'aller l'embarrasser plus que ce raison n'est-ce pas..?"

Etre malade n'était jamais amusant, mais si en plus on devait voir défiler tous le monde sur le pas de sa porte, cela en devenait rapidement gênant. Georgia dit alors d'une toute petite voix timide à Camille qu'elle lui avait promis une danse, et lui demanda immédiatement après si cela ne la dérangeait pas. Un léger sourire apparut alors sur les lèvres rosé de Juliette. Un sourie pas vraiment triste, mais se partageant plutôt entre la consternation et le désabusement... Une danse..? Une simple danse.? Mais ou était donc passé l'exploration de ce monde si particulier, qui était le sien..? Ce monde, que Georgia avait promis de lui faire découvrir, en échange du sien..? Visiblement, il s'était réduit comme peau de chagrin devant la colère évidente de Camille.

Mais Juliette n'en voulait pas à la rebelle des bacs à sable en réalité. Ce qu'elle regrettait en revanche, c'était son absence de bravache devant la jeune fille en colère. Il était bien inutile de faire illusion devant les gens, si en réalité on était pas en mesure d'assumer ce que l'on affirmait être. Finalement, Georgia était bien comme Juliette l'avait décrite... Perdue et esseulée, jouant un jeu dissimulant ses craintes, jusqu'à ce que la triste réalité la rattrape. En l'occurrence, la gothique romantique ne l'enviait pas de se voir ainsi assujetti à une mégère comme Camille. Elle songea qu'il valait bien mieux être seule, plutôt de que devoir supporter chaque jour une telle attitude empli de violence et de sarcasme blessant et désobligeant. Dans un soupir, Juliette se pencha et murmura au creux de l'oreille de Georgia durant plusieurs secondes durant lesquelles les deux autres jeunes filles furent exclu de la conversation. Ce moment s'éternisa, puis la gothique romantique se redressa et, dans un mouvement lascive, se désengagea de l'étreinte de Georgia. Elle vint se placer derrière elle, et remit délicatement en place le châle qu'elle lui avait offert au début. Elle le lissa avec tendresse, passant et repassant ses mains fines sur les épaules et les bras de la jeune fille, avant de finalement déposer ses lèvres avec délicatesse sur sa joue, afin de lui déposer un doux petit bisou non dénué de chaleur.

"Il te va vraiment très bien tu sais, j'espère que tu le portera encore après cette soirée..."

Finalement, Juliette s'écarta de la malheureuse jeune fille bien incapable d'assumer sa nature de rebelle pourtant si fièrement affichée habituellement, et après avoir fait un tour sur elle-même en faisant virevolter la lourde robe ténébreuse, elle se dirigea vers l'institut. Elle ajouta toutefois à l'encontre de Georgia, sans prendre la peine de stopper sa marche et de se retourner...

"ce fut un moment très agréable Georgia, n'hésites surtout à revenir me voir lorsque tu auras envie que l'on se mélange à nouveau rien que toutes les deux."

Le propos était certes mal venue vu la tension ambiante, mais Juliette, avait envie de donner une toute petite leçon à Georgia, afin qu'elle comprenne que lorsque l'on prétendait à une certaine attitude, il fallait en assumer la responsabilité jusqu'au bout.

C'était ça aussi grandir après tout...

(Foyer - dancefloor)