[1er mai]La kermesse des peuples

Dans un sourire quelque peu retrouvé, Juliette hocha positivement la tête en entendant Cindy approuver ses propos. En effet, reconstruire l’île et en faire une nation à part entière ne serait d’aucune utilité, si le monde se refusait à la reconnaître en tant que telle. L’idée de devoir se plier aux règles internationales ferait sans doute grincer bien des dents parmi la population mutante de l’île quelque peu éprouvé par les lois des hommes pour certains, mais en politique il fallait bien souvent faire abstraction de ses sentiments personnels afin de faire ce qu’il convenait au mieux pour l’ensemble du groupe. C’était en tout cas ce que son diplomate de père lui avait enseigné. Plus facile à dire que à faire, certes, mais c’était malheureusement une condition sine qua non pour devenir un jour, peut-être, une nation unanimement reconnue.. D’ailleurs, si la gothique romantique n’avait pas ses propres devoirs vis-à-vis de l’institut, ce serait là une aventure diplomatique qui la tenterait furieusement. Mais encore une fois, Genosha n’était ni sa nation, ni son peuple, et par définition elle ne devait pas se mêler de ce qui allait être leur propre combat pour l’indépendance… Tout au plus, continuerait-elle d’œuvrer pour la cause mutante, à son échelle. Sa main se referma délicatement sur celle de l’universitaire, qui lui parut alors bien plus expansive qu’ elle-même ne le serait sans doute jamais. Peut-être, était-ce ce contraste qui plaisait à Juliette chez elle… Une sorte d’image de la complémentarité, que la gothique romantique n’aurait certainement jamais. Mais comme le soulignait avec justesse le professeur Jacob, c’était en fin de compte ces différences qui les unissaient tous sous la bannière des êtres vivants.

Un propos frappa cependant la jeune femme lorsque ce dernier parla de Komodo et de sa légitimité. Certes, il avait sauvé des vies et était un héros pour les mutants de l’île, mais… En quoi, différait-il de tous les autres qui avaient combattu et souffert en même temps que lui.. ? C’était là une question à débattre assurément, mais comme le dit Viconia le mutant reptilien était désormais le dirigeant de cette nouvelle nation et lui discuter sa légitimité ne ferait que plonger l’île dans un conflit stérile. Il ne restait plus que à attendre, et de voir au fil du temps comment ce dernier régenterait cette toute nouvelle nation. Mais en dépit de ce petit différent, somme toute sans grande importance, le professeur Jacob et Cindy avaient une vision bien plus juste de la situation, que ce que l’attitude love and peace de l’inter MHT pouvait de prime abord le laisser supposer. Si Juliette doutait encore de son utilité dans tout ceci, elle se promis de suivre avec un intérêt certain le développement de cette nouvelle faction à forte tendance pacifiste. La gothique romantique allait ajouter quelque chose, lorsque des effluves désormais bien connue vinrent effleurer ses narines… Sans même se retourner, elle salua le mutant porcin dans une légère grimace. Même en étant habitué, c’était toujours un choc de sentir Alixtide arriver. Au vu de son attitude, le mutant avait visiblement adopté une certaine opinion de lui-même, bien plus que d’habitude. Juliette ignorait encore comment il s’était comporté dans cette lutte pour la survie de l’île et de ses habitants, mais ce dernier paraissait en avoir une très haute opinion. Mais Alixtide était Alixtide, tout était dit en cette simple phrase et au final cela ne faisait pas du mutant porcin quelqu’un de vraiment désagréable. Mais elle s’abstiendrait de lui faire part de cette pensée, de peur que son égo ne s’en trouve amplifiée à la puissance dix.

Un homme apparut alors, un journaliste apparemment, qui semblait avoir déjà rencontré Alixtide et à qui il avait eu, visiblement, la fâcheuse idée de promettre une interview d’après ce que la gothique romantique comprenait de leur échange. Voilà, qui n’allait pas aider le mutant porcin à garder les pieds sur terre. Le dénommé Paul van Paul, sans doute un belge, les invita alors tous à participer à cette interview. Juliette hésita un moment, mais finalement elle se dit que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Après tout, il fallait bien quelqu’un pour tempérer l’enthousiasme ambiant, inhérent à la création de ce qui allait se révéler, pour le meilleur comme pour le pire, sans doute le plus grand événement de ce début de siècle.

L’enthousiasme était une chose très importante, mais à trop forte dose elle devenait un terrible piège lorsque la réalité reprenait ses droits implacables