[Finlande] Campus d'Helsinki

"Ah ouais j'y avais pas pensé à ça !" s'exclama le Grand Poileur. "On pourrait acheter genre... de la bière en la vendant !"

Nouveau regard effondré de l'Ancienne. Elle ne se laissa pas pour autant désarçonner :

"Faites ce que vous voulez. Nous accomplirons le rite de Ragnarok dans cet amphithéâtre que vous le vouliez ou non. Et vous en paierez le prix si vous avez choisi d'être contre nous plutôt qu'avec nous !"

Et ce fut la fin du court échange... Amanda et Lucy furent invitées à quitter rapidement les lieux. L'Ancienne de toute manière ne leur prêtait plus aucune espèce d'attention. Et alors que le Grand Poileur leur refermait la porte au nez, Lucy put entrapercevoir un regard glacial en provenance des yeux d'Elfriede-qui-ne-parlait-jamais...

*
**

Lucy avait pu enfin se coucher ! Bien entendu, Amanda avait tenu à papoter encore un peu. Lui offrant son amitié. La félicitant sur la belle manière qu'elle avait eu d'envoyer paître les infâmes anciens qui voulaient les martyriser... La fille au pyjama-canards avait même un peu chougné, s'excusant de ne pas être aussi moralement forte que sa nouvelle meilleure amie...



C'est donc tout naturellement que le lendemain, Lucy s'était retrouvée installée dans les gradins du grand amphithéâtre à côté d'Amanda. Cette dernière avait l'air inquiète. Comme si elle gardait bien en tête les propos douteux de l'Ancienne.

Le Professeur Johansen n'était pas encore arrivé quand la voix du Grand Poileur retentit à nouveau dans les oreilles de Lucy : il était juste derrière elle, assis sur le banc au dessus.

"Et maintenant le spectacle va commencer, poil aux nénés !"

Il désigna aux filles une drôle de boite en carton qui était sur le bureau du professeur, tout en bas.

"Zim-Boum !" s'écria-t-il.

Et c'est à ce moment que Johansen entra en compagnie d'un homme que Lucy ne reconnut pas...



Le Professeur s'approcha directement de la boite, avec la volonté évidente de l'ouvrir...

"Zim-Boum !" répéta le Grand Poileur...

Lucy avait passé une bonne partie de la nuit les yeux grands ouverts à fixer le plafond. Elle avait cherché désespérément un moyen pour éviter ce qui l'attendait demain. Elle avait même cherché un moyen pour que la journée de demain ne se passe pas. Mais malheureusement, elle en était venue à la conclusion que même un mutant ne pouvait posséder ce pouvoir là. Quoi qu'elle choisisse, elle était coincée. Si elle ne participait pas à ce "Ragnarok", elle était persuadée que la tranquille petite vie sur le campus qu'elle souhaitait allait être largement compromise. Et si elle faisait ce qu'on lui demandait, son année universitaire allait en pâtir.

La voilà donc, le lendemain assise au milieu de l'amphithéâtre, droite comme un i, le regard fixe, les mains moites dont les doigts tambourinaient nerveusement la table. Elle n'avait toujours pas de solution. Et le visage inquiet d'Amanda ne l'aidait pas. Elle avait eu beau la félicité de sa répartie de la vieil, ses compliments n'avaient pas pour autant gonflé le courage de la mutante.

Lucy fit un bon sur son strapontin lorsqu'elle entendit le Grand Poileur susurrer à son oreille. Elle se retourna vivement et le dévisagea un instant. La jeune fille venait de se rendre compte qu'elle ne connaissait toujours pas son nom. Chose qui ne lui sembla finalement pas nécessaire de savoir en cet instant précis. C'est pour cette raison qu'elle se remise droite sur son siège et se tritura les mains.

"Mais au fait, où est Elfriede ?" demanda-t-elle en cherchant des yeux la jeune blonde avant de se concentrer sur la boite que venait de leur montrer le Grand Poileur.

Le premier "Zim-Boum!" tomba faisant sursauté une fois de plus la jeune mutante. Elle s'enfonça un peu plus sur le strapontin.

"Olala, il est pas tout seul en plus ..." Se lamenta Lucy.

Son esprit se remit en marche à toute vitesse pour trouver une solution à cette horrible situation. Il ne fallait pas qu'il ouvre la boite. Une diversion. Pour gagner peut être les ultimes minutes pendant lesquelles elle aurait une illumination.

" Vais l'occuper ..." souffla-t-elle en lançant un dernier coup d'oeil à Amanda

Lucy espérait ainsi que sa "nouvelle meilleure amie" la suive et s'occupe de la boite. L'ouvrir, la jeter par la fenêtre, s'enfuir avec, tout était bon. Tout ce que visait Lucy s'était de ne pas avoir à faire à la boite, elle même. Elle se décolla de son siège et tête baissée fila à travers les rangés pour rejoindre le professeur, entendant derrière elle le deuxième "Zim-Boum" crétin qui lui noua l'estomac pour de bon.

"Bonjour !" Dit-elle un précipitamment se retenant presque de crier.

Elle se plaça en travers du chemin des deux hommes, entre eux et la boite.

"Bon-bonjour, bégailla-t-elle avec une voix moins forte. Je ... Vous allez bien ? Enfin, je veux dire ..."

Toujours le regard diriger vers ses chaussures, elle sentait le rouge lui monter aux joues. Elle n'osait ni regarder le professeur et l'autre homme, ni regarder l'amphithéâtre et ses élèves.

"Je sais qui a gravé les têtes de Loki."

Lucy arrêta de respirer quelques instants, en se mordant violemment la lèvre. C'était ça, sa sublime solution ? Sous le coup de la pression, cette phrase était sortie toute seule et maintenant, elle se maudissait.

Le Grand Poileur s'était contenté de hausser les épaules bêtement quand Lucy lui demanda où était passée Elfriede. Visiblement il n'en savait rien mais surtout ça ne le concernait absolument pas !

Lucy se retrouva seule à descendre dans un premier temps, Amanda ne savant pas, une fois de plus, sur quel pied danser... Puis quelque chose dans l'attitude de la jeune mutante avait du faire réfléchir sa nouvelle meilleure amie : au fond si Lucy cavalait en direction du professeur, il devait y avoir une bonne raison...

Aussi quand la mutante s'intercala entre la boite et le Professeur et son ami, Amanda se dirigea vers le bureau.

Les deux hommes regardèrent Lucy bizarrement, fronçant de manière outrancière les sourcils. Ce n'est que quand elle mentionna le nom de Loki que Johansen parut plus à l'écoute, son ami restant globalement dubitatif...

Et c'est à ce moment là qu'Amanda projeta la boite qu'elle avait prise pour une bombe dans les airs. Le colis s'écrasa au sol dans un grand fracas. Quel que fut le contenu du contenant à l'origine, il était dorénavant cassé...

Amanda, se mettant à genoux pour voir ce qu'elle venait de détruire, commenta sobrement :

"Il s'agit des débris d'une petite statue... A vue de nez, il s'agit de... Baldr..."

"Les poils !" brailla le Grand Poileur du haut de l'amphithéâtre.

Et comme s'il s'agissait d'un nom de code pour le déclenchement d'une opération de vaste ampleur, la plupart des élèves du fond se levèrent et chantèrent en cœur :

"Nous sommes les historiens qui venons vous trouver / du fond de nos facultés pour vous admonester / Les dates, les batailles et puis les traités / Et la thèse à Baldr-les-poils pour mieux vous anesthésier ! / La bière au frais et le derrière à l'air / ..."

Bien entendu, Lucy avait mieux à faire que de se focaliser sur le brouhaha immonde que causait la chorale estudiantine.

D'autant plus que surgi du fond des gradins, un individu dans une robe de moine, visage couvert, descendait lentement avec ce qui semblait être un couteau dans la main...

Lucy se força à lever les yeux vers les deux hommes auxquels elle faisait face, leur adressant un léger sourire timide. Ils ne disaient rien, se contentant de la regarder avec scepticisme. Elle se remit machinalement à se tortiller les mains, commençant à bafouiller quelque chose qu'elle tentait vainement de rendre intelligible. De toute façon, ses pitoyables efforts pour essayer de s'expliquer furent interrompues. Pour la troisième fois consécutive en moins de dix minutes, elle sursauta à nouveau lorsque la boite en carton se fracassa à terre.

Ca y est. La statue du professeur Johansen était réduite en morceaux. C'est ce que confirma Amanda en décrivant les débris dans le carton. Lucy ne s'était rien imaginée de particulier quant à la réaction de la jeune fille, mais elle ne put s'empêcher de la regarder, médusée qu'elle ait fait voltiger de cette manière la boite.

Et ce n'était pas fini. Un mot lâché par le taré de Grand Poileur et voilà qu'une chorale se levait pour entonner un air qui avait effectivement des allures de Ragnarok.
Son regard se fixa alors sur le professeur, guettant la moindre de ses réactions.

"Je ... Je suis désolée ..."

C'était tout ce qu'elle avait réussi à formuler. Et elle l'était. Sincèrement. Elle avait cru comprendre qu'il n'aimait guère sa place de professeur au sein de cette université et à vrai dire, Lucy le comprenait de mieux en mieux. Il allait la détester. Les détester. Les étudiants ne faisant rien pour se faire apprécier par leur enseignant. Et aujourd'hui ca allait être certainement la cerise sur le gâteau. Lucy commença à reculer, cherchant à tout prix à s'enfuir d'ici. Son mal aise était à son apogée.

"Il faut partir ..." Dit elle d'une voix paniquée en arrivant à hauteur d'Amanda

Une silhouette se détacha des rangs, encapuchonnée. Lucy se figea à sa vue. Elle ne pouvait que penser à une seule chose en voyant cette ombre s'avancer lentement vers les deux hommes. La mort. Mais à la place de la grande faux, un couteau.

"Olala, olala, olala, olala ..." Répétait elle en portant une main à sa bouche et en agrippant de l'autre le bras d'Amanda.

La jeune fille regarda le Grand Poileur, n'en croyant pas ses yeux. Ca allait trop loin. Vraiment trop loin. Ils ne voulaient tout de même pas s'attaquer au professeur avec une arme ? Surtout qu'il n'était pas seul. L'autre homme avec lui pouvait très bien réagir. Et violemment. Lucy s'imaginait déjà un scénario catastrophe.

Prise d'une impulsion, Lucy revint sur ses pas entraînant Amanda avec elle et poussa le professeur et son ami devant elle en direction de la sortie de l'Amphithéâtre.

"Sauvez vous, partez d'ici ..." Souffla-t-elle

Et sans penser qu'elle était devant tout un amphi, elle se tourna alors vers l'encapuchonné et se concentra sur la lame du couteau, à coup sur en métal, qu'il tenait à la main. La mutante voulait lui faire lâcher l'arme et l'envoyer en bas de l'amphi, le plus loin possible des étudiants.

Johansen avait l'air effondré de la perte de sa précieuse statue... Le pauvre vieux faisait vraiment peine à voir. Amanda, quant à elle, avait l'air non moins désolée. Un regard en disant long s'était affiché dans ses yeux de gamine paumée : cela signifiait "Que veux tu ? J'ai fait ce que j'ai pu..."

Et la silhouette encapuchonnée continuait à descendre de l'amphithéâtre pour s'approcher inexorablement du petit groupe réuni autour de Baldr.

Le Grand Poileur cria, ses mains faisant office de porte-voix :

"Vas y l'Ancienne, fiche lui la peur du siècle !"

Mais quand le couteau, bien métallique, vola hors des mains de l'inconnue pour aller s'écraser au sol dans un grand tintement caractéristique, à quelques mètres de là, tout le monde se tut. Seul le Grand Poileur laissa échapper :

"Ah ben mince, c'est quoi ce délire... Le plastoc ça fait pas un bruit de métal quand ça fait sproutch au sol..."

L'ami de Johansen lâcha, sarcastique :

"Super, des mutants, exactement ce que je voulais pour mon retour à Helsinki..."

La capuche tomba, révélant... Elfriede !

Là encore la déconvenue du Grand Poileur fut importante :

"Mais où elle est passée l'Ancienne ?"

Alors que le Professeur tentait de quitter la salle, une drôle de mélopée stridente se fit entendre... Elfriede chantait. Et c'était assourdissant. Ça vrillait les oreilles de toutes et tous. Certains le ressentant plus cruellement, comme Amanda qui était au sol, en pleurs, se tenant les oreilles...

Inexorablement le volume sonore augmentait. Si Lucy ne se sentait pas dans sa meilleure forme en cet instant précis, elle savait bien qu'attendre n'allait rien apporter de bon.

L'ami de Johansen brailla avec l'énergie du désespoir :

"C'est ELLE"

Malgré elle, Lucy ne s'était qu'à moitié trompée. Dans sa panique, elle n'avait vu que le pire. Un tueur qui s'avançait vers le professeur pour l'abattre. A entendre l'exclamation de surprise du Grand Poileur, ce n'était pas le plan initialement prévu. Le couteau qui avait voltigé des mains de l'encapuchonné n'aurait pas dû être en métal. Ca aurait dû être un simple jouet, juste histoire de faire peur. Ce plan restait tout de même tordu

Le silence s'était fait dans l'amphithéâtre et Lucy n'osait plus bouger. Jusqu'au moment ou l'homme qui accompagnait le professeur se mit à parler. La mutante fit un pas ou deux sur le côté pour s'éloigner de lui tout en le dévisageant. C'était qui se type, d'abord, à parler tout de suite de mutants ? Décidément, la moindre allusion à ses congénères mettait immédiatement Lucy sur la défensive.

Nouvelle exclamation du Grand Poileur qui attira l'attention de Lucy sur la silhouette habillée comme un moine. Malheureusement, la situation avait semble-t-il échappé au Grand Poileur et à l'Ancienne. L'un n'était pas du tout au courant et l'autre avait disparue. L'encapuchonné était Elfried. C'était elle qui aurait tout manigancé ? Ce n'était de toute façon pas le moment de se poser la question puisque la blonde se mit à chanter, provoquant par la même occasion des cris de douleurs dans l'amphithéâtre. Instinctivement, Lucy se protégea les oreilles de ses mains dans une grimace de douleur, observant la blonde, stupéfaite d'avoir à faire à un mutant. Un vrai. Jusqu'ici, si elle en avait croisé, elle ne l'avait pas su. C'était la première fois qu'elle en voyait un utilisé ses pouvoirs devant elle.

Lucy finit par regarder autour. Certains étaient plus mal en point que d'autre, comme Amanda tombée à terre. Et le son qui augmentait toujours, accentuant la douleur. Il fallait faire quelque chose. Tout de suite avant que l'amphi soit repeint avec la cervelle des étudiants. Lucy se précipita pour ramasser le couteau. Non pas qu'elle voulait utiliser l'arme. Mais sait on jamais. Elle se dit qu'elle serait peut être plus impressionnante avec ... Et elle se jeta sur Elfried pour la plaquer au sol de tout son petit poids et lui mettre uns main devant la bouche. Il fallait qu'elle se taise.

La mutante récupéra le couteau puis - péniblement, sa tête et ses oreilles lui faisant horriblement mal - réussit à se ruer sur Elfriede. La blonde n'avait pas du prévoir de résistance pour sa petite sortie... Aussi, c'est surprise qu'elle tomba à la renverse... A cette distance là, le volume sonore était insupportable mais...

En plaquant, sa main sur la bouche d'Elfriede, Lucy réussit à stopper nette la production de bruits...

Elfriede se débattait et ne trouva rien de mieux à faire que de mordre la mutante. Au sang. Mais déjà, des gens s'étaient rués pour maîtriser la fille... Rejoints rapidement par l'ami de Johansen qui, d'un coup de poing bien placé, arriva à assommer leur opposante...



Après un bref passage à l'infirmerie pour la morsure, Lucy fut conduite par la sécurité de la faculté dans un petit bureau. Seule. On ne lui avait pas spécifié l'objet de cette mesure. En fait, les gens évitaient de la regarder. Et surtout : ne lui adressaient plus la parole.

Au bout de quelques minutes, l'ami de Johansen entra dans la pièce, un dossier à la main. Il s'assit face à la mutante et alluma une cigarette.

"Mademoiselle Jokinen... J'imagine que vous connaissez la raison de votre présence ici. Aussi, je tâcherai d'être bref : Je m'appelle Stellan Feuerstürm et je suis le directeur d'une organisation appelée le PISS, spécialisée dans la traque et l'interpellation des personnes qui se sont rendues coupables de crimes de guerre sur Génosha"

Il tira une bouffée sur sa cigarette.

"En l'espèce, la fille dénommée "Elfriede" a participé à cette opération. J'avais eu vent que cette mutante se cachait à Helsinki, ce qui explique ma présence ici. Mais..."

L'agent plongea ses yeux dans ceux de Lucy.

"Tout à l'heure, il s'est passé une chose étrange avec ce couteau. Une chose pas normale. Qui ne peut être que l'action d'une mutante. Et cette mutante j'ai de bonnes raisons de croire qu'elle ne peut être que vous ou votre amie Amanda"

Un drôle de sourire sur les lèvres, il termina :

"Alors qui est la mutante ?"

La douleur que Lucy ressentait à cause du cri d'Elfried fut bientôt remplacée par une plus aiguë. Elle laissa échapper un cri de douleur avant de se rendre compte que plusieurs étudiants venaient l'aider à maîtriser la blonde. Le coup de grâce fut donné par l'ami de Johansen. Tenant sa main ensanglantée contre elle, Lucy observa quelque instants Eflried d'un air navrée. Pourquoi avait elle fait ça ? Elle comprenait à présent mieux le regard noir qu'elle lui avait lancé la veille alors qu'elle sortait de la chambre de l'Ancienne. A discuter, elle avait faillit faire échouer le plan qu'elle avait certainement préparé depuis un petit moment. Et puis cet incident n'allait pas arranger les affaires des mutants ...

Lucy en subissait déjà les effets. Amenée à l'infirmerie pour soigner sa main, son passage dans les couloirs laissait les étudiants silencieux et fuyants. Lucy baissa la tête, un sentiment de profonde solitude commençant a poindre. Etait-ce ses réactions durant l'incident qui provoquait chez les élèves ce comportement envers elle, ou bien était-ce son éventuelle appartenance à cette maudite espèce de mutant ? Parce que rien ne prouvait qu'elle en était une, n'est ce pas ? Mais quoi qu'il se passe, quoi qu'il résulte de cette affaire, à présent sa vie sur la campus n'allait pas être facile. Ce qu'elle craignait s'était finalement réalisé ...

Escortée par la sécurité, chose qui la marginalisa un peu plus, elle se retrouva dans un bureau, seule. Quelques minutes passèrent, lui laissant l'impression que cela durait des heures entières. Assise sur sa chaise, elle regardait fixement ses mains. Jusqu'à sursauter lorsque l'homme qui accompagnait le professeur Johansen apparu dans la pièce. Lucy déglutie difficilement, n'osant pas le regarder.

La mutante consentie à lever les yeux lorsqu'il se présenta comme étant le directeur du PISS. Alors c'était lui ... Elle se souvint qu'Amanda lui avait dit qu'il viendrait faire des conférences sur le campus. Lucy ne put soutenir son regard lorsqu'il lui fit comprendre qu'il savait ce qu'elle était. Du moins, le devinait il ...

"Police d'Investigation sur les Suicides ... Je ne pensais pas que vous vous intéressiez à ce qu'il s'est passé sur Génosha ..."

Elle baissa à nouveau son regard sur ses genoux, alors que ses mains étaient mises à rudes épreuves. Que faire ? Lui avouer ? Après tout, dans ce pays, les mutants n'étaient pas censés être mis en cage. Mais cet homme ne lui inspirait pas confiance. Il aurait pu être un bisounours, ses remarques et son comportement l'aurait tout de même fait douter.

"Je suis désolée pour ce qu'il s'est passé dans l'amphi. C'était un bizutage. Vous savez bien ... Il paraît que vous avez fait partie des Anciens quand vous étiez là ... Amanda va bien ? Demanda-t-elle, esquivant volontairement la question de Mr Feuerstürm. Et ... L'Ancienne, on sait où elle est ?"

Lucy se stoppa un instant, se rendant compte qu'elle avait tout un tas de questions à poser, mais qu'elle hésitait à le faire. Elle prit une profonde inspiration. Tant pis ...

"Et le professeur Johansen, il va bien ? Que va devenir Elfried ? Pourquoi elle a voulu faire ça ? Et puis ... Qui vous dit que ce n'est pas un étudiant de l'amphi qui a fait ce truc avec le couteau ? Qu'est ce que ca pourrait bien faire de toute façon ? Il a désarmé Elfried, c'est le principal, non ? A quoi ca vous avancera de savoir qui a fait ca ? Son débit de parole et sa voix se faisaient de plus en plus rapide et agressif alors qu'elle se contractait sur sa chaise. Vous voulez lui faire quoi à ce mutant ? L'enfermer aussi ? Tous ne sont pas des criminels en puissance vous savez. Il y en qui veulent juste mener une vie tranquille. Et puis qu'est ce que vous faites ici, d'abord ? Vous voulez faire des conférences, c'est ça ? Mais sur quoi ? Vous voulez endoctriner les étudiants ?"

Lucy prit une profonde inspiration et s'affaissa sur la chaise, dépitée. D'une certaine manière, elle venait de confirmer que c'était bien elle, la mutante. Ses questions avaient été posées en vrac, mais elle n'avait pas réussi à faire le trie dans sa tête. Elle ne comprenait pas pourquoi elle se comportait ainsi. Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes.

"Pardon ..." Finit elle par souffler.

"Police d'Investigation Sur les Suprahumains" corrigea Feuerstürm. "L'acronyme est le même mais la signification des lettres est différente. Je ne m'intéresse plus guère aux suicides dorénavant. Nous avons mieux à faire. Mais par le passé, oui, avec l'aide d'une amie nous avions réussi à neutraliser un mutant particulièrement odieux"

Le regard du Directeur roula l'espace d'un instant dans le vague. Puis, il reprit d'une voix plus déterminée :

"Je sais qu'il y a beaucoup de choses à dire... Aussi, je tâcherai d'être le plus clair possible : votre amie va bien tout comme le professeur Johansen. Quant à "Elfriede"..."

Il tira à nouveau sur sa cigarette.

"Cette personne était recherchée pour crimes de guerre. Elle a jugé bon de retourner dans son pays natal et de se faire passer pour une étudiante en histoire, le temps que l'affaire se tasse... Mais notre indic nous a mis sur la bonne piste. Il s'avère également que ces affaires de bizutage..."

Le Directeur se leva et passa derrière Lucy.

"Que ces affaires l'ont quelque peu secoué. Cette jeune fille n'est pas la définition même de la santé mentale. A première vue, elle semble s'être prise réellement pour ce Loki. Et quand les Anciens ont voulu jouer un mauvais tour à Johansen, elle a fait en sorte de pouvoir rejouer la mort de Baldr avec un vrai couteau. Stella Anspach - celle qui se fait appeler l'Ancienne - a été retrouvée ligotée dans un placard..."

Faisant les 100 pas dans la pièce, il poursuivit :

"Quoi qu'il en soit, "Elfriede" va être trainée devant la Cour Pénale Internationale pour y être jugée selon les règles du procès équitable. Elle peut d'ailleurs nous remercier : là bas elle ne risque que la réclusion criminelle à perpétuité. Si les agents de Génosha l'avaient trouvé avant nous, elle aurait encouru la peine capitale"

Il alla se rasseoir.

"J'ai effectivement fait parti du Conseil des Anciens. Ce n'est pas, d'ailleurs, la période la plus glorieuse de mon existence. Et les conférences n'étaient qu'un prétexte pour être ici. Espérant bien forcer "Elfriede" à se révéler. Ma mission étant accomplie, je n'ai donc plus rien à faire ici..."

L'homme regarda fixement Lucy.

"Néanmoins, la mutante qui a désarmé "Elfriede" risque d'avoir de gros problèmes de discrimination ici. Pas que notre pays soit particulièrement hostile aux mutants. Mais tout de même... Par le passé..."

Il s'alluma une nouvelle cigarette.

"Par le passé, une mutante m'a aidé. En retour, je lui ai permis d'aller vivre aux USA, dans une école spécialisée pour les mutants, l'Institut Xavier... Bien entendu, si je connaissais le nom de la mutante qui aujourd'hui a sauvé la vie du Professeur Johansen, je serai ravi de lui faire une proposition similaire..."

Faisant des ronds de fumée, Feuerstürm termina :

"Je sais que c'est injuste pour cette mutante qui n'aspirait, je pense, qu'à mener tranquillement sa petite vie. Mais l'existence est faite de telle manière que jamais rien n'est facile. Ni acquis"

"Mouais, c'est trompeur votre truc ..." Bougonna Lucy lorsque le Directeur la reprit sur l'acronyme PISS.

Mais si elle comprenait bien, il avait tout de même eu à faire àses histoires de suicide. Et Lucy comprit qu'au moins un mutant en était à l'origine. Elle qui avait voulu croire que les mutants n'étaient pas impliqués dans ses sombres histoires, s'était fait avoir ...

Mis à part ça, elle fut tout de même soulagée de savoir qu'Amanda, le professeur ainsi que l'Ancienne dont le nom était donc Stella, allaient bien. C'était déjà ça, même si elle doutait qu'il n'y aurait pas de répercussions de leur côté aussi. Quant à Elfried, ca semblait être une autre histoire. C'était le Grand Poileur et l'Ancienne qu'elle avait pris pour des détraqués. Même si ces deux là étaient plutôt des marginaux, au final c'était Elfried la muette qui se révélait être la plus désaxée. Lucy fut secouée par un frisson. Sans le savoir, elle avait côtoyé une véritable criminelle. Une criminelle de guerre, rechercher à travers le monde.

"Alors ... quelque part, ca se finit plutôt bien ... Pour tout le monde, hein ?" dit elle, en haussant les épaules.

Ca aurait pu effectivement être pire, si Elfried avait réussi à tuer le professeur. Si elle avait utilisé son pouvoir sur les étudiants. Peut être même qu'elle aurait rallié à sa cause d'autres personnes ...

Monsieur Feuerstürm confirma ensuite son statut d'Ancien. Il confia même que ce n'était pas sa plus grande fierté. Avait il été aussi dingue que ceux d'aujourd'hui ? Lucy l'observa du coin de l'oeil, avant d'esquisser un sourire. Elle n'en savait rien, mais elle avait tout de même du mal à l'imaginer ... Quoi qu'il en soit, il avait fini ce pourquoi il était venu et devait à présent repartir. Lui proposant d'ailleurs de faire la même chose. Le directeur avait la même vision qu'elle concernant son avenir dans cette faculté. Elle en était très consciente, mais le fait de l'entendre dire par quelqu'un d'autre était encore plus dure. Il fit alors allusion à l'institut Xavier, le fameux institut pour jeune mutant dont la jeune fille avait déjà entendu parlé. Et il était prêt à l'aider à s'y rendre.

"Non, c'est pas facile, effectivement ..." Répéta Lucy, les yeux baissés.

Cet homme qu'elle prenait pour un farouche anti-mutants n'était peut être pas si méchant que ça, après tout. Il lui proposait son aide, non ? Et malgré qu'elle ne sache pas grand chose sur l'institut Xavier, elle en savait suffisamment pour croire que ce n'était pas une prison. Du moins, c'est ce qu'elle en avait déduis. Donc, ce n'était peut être pas un traquenard ...

La suite des évènements ne tenait maintenant qu'à elle. Elle avait attendu tellement longtemps pour venir faire ses études à l'université. Et maintenant qu'elle y était, elle ne pouvait plus y rester. En échange, on lui proposait d'aller dans une école spéciale pour mutants. En venant à Helsinki, son objectif principal avait été de commencer une nouvelle vie, tranquille et sans complications, à étudier ce qu'elle aimait. Mais elle devait bien avouer qu'elle cherchait aussi à en savoir plus sur ce qu'elle était et sur le monde mutant. À présent que son objectif premier était compromis, devait elle se tourner vers le second ? Il était tellement plus angoissant ...

"Et en était mutante, ca l'est encore moins, n'est ce pas ? Lucy prit une profonde inspiration. C'est moi qui ai fait bouger le couteau. Je suis une mutante. Dit elle avec une mine qui semblait signifier 'Ben oui, c'est comme ça ...' En le disant, Lucy ressentie un certain soulagement. C'était la première fois qu'elle avouait aussi clairement sa nature. Et l'existence est aussi faite d'opportunités ... Je ne sais pas si s'en est une belle et je ne sais pas si j'ai raison de la saisir ... Mais entre ça et le risque de me faire écharper à chaque pas dans les couloirs ..."

"Je suis assez nostalgique de ce nom douteux en fait" admit Feuerstürm. "Il m'évoque une période où tout était plus simple... Moins politique et plus simple..."

Écrasant son mégot dans un cendrier, il souffla ostensiblement et conclut :

"Très bien, Mademoiselle, j'ai obtenu ce que je voulais entendre... Nous n'avons donc plus à retenir votre amie. Quant à vous..."

Un regard perdu pouvait se lire dans les yeux de l'homme.

"Quant à vous, nous organiserons votre départ pour les USA dans les meilleurs délais. En attendant, j'imagine que vous saurez nous indiquer un endroit où vous déposer. Je suis sincèrement navré pour votre semestre qui risque d'être en dents de scie. Et même si j'imagine que vous pourrez suivre des cours d'histoire outre-atlantique, je doute que les cursus américains comprennent la mythologie scandinave"

Il se dirigea vers la porte.

"Je crois que vous pouvez préparer vos affaires..." termina-t-il d'une voix triste. "J'espère que d'ici quelques mois vous m'écrirez pour me dire que là bas tout est formidable... J'espère"



Au fond tout alla très vite pour Lucy. Alors qu'elle vidait les affaires de sa chambre d'étudiante, Amanda vint la voir pour lui donner son adresse internet. Sa nouvelle amie ne semblait pas trop mal prendre le fait qu'elle soit une mutante... Leur courte entrevue avant le départ de Lucy fit même penser qu'Amanda avait décidé d'adopter une nouvelle politique vis à vis des mutants : plutôt que de les craindre à l'avenir, la jeune fille jura à son amie qu'elle jetterait tous ses exemplaires de la Sentinelle, qu'elle écrirait à ses parents pour leur dire qu'elle était elle même une mutante - juste pour voir comment ils le prendraient si c'était vrai - et qu'elle ferait en sorte de monter un groupe d'autosupport pour les mutants de l'Université... Lucy avait créé, sans le vouloir, un monstre militant !

La jeune mutante passa ensuite quelques jours en famille, avant de s'envoler pour les États-Unis. Feuerstürm l'avait attendue au départ de l'avion pour lui remettre à la fois son billet ainsi qu'un peu d'argent, pour couvrir ses menues dépenses une fois aux USA. Avant de lui serrer la main chaleureusement, le Directeur du PISS lui avait juste demandé de saluer une certaine Viconia de sa part une fois là bas...

Lucy Jokinen partait donc pour les États-Unis...

[Et c'est ainsi que s'achève ta phase de courtier... Tu peux rajouter 3 points à ton barème. Quant à la suite, tu la trouveras ici ! Bonne continuation !]