Le taureau par les cornes

Habillé de son costume bleu nuit et de sa cravate jaune, Vadim travaillait depuis le matin sur son ordinateur. Il compilait les données sur l'évolution politique de Génosha, s'informait des conditions des mutants à Johannesburg et du réseau des transports de la ville. Il voulait pouvoir assister au mieux Sibylle dans ses "recoupements". Il réfléchissait aussi à son approche pédagogique à l'Institut. Les événements de la veille dans la cuisine avaient douché son enthousiasme et suscité un bilan réflexif des opérations.

Au détour de ses réflexions, il passa consulter ses mails. Il trouva encore et surtout une missive du Ministère russe de la défense, qui venait s'ajouter à une pile de plus en plus inquiétante. L'air sombre et morose, il prit connaissance du contenu du mail.

*"Cher Vadim Vladimirovitch"... hé bien, ils sont encore amicaux tant mieux...*

Sa tactique de l'autruche, qui consistait à répondre le plus succinctement et le plus rarement possible à ces sollicitations électroniques indésirables, trouverait bientôt ses limites. Il fallait résoudre énergiquement et rapidement le problème. Vadim termina d'une traite sa tasse de thé russe, et suspendit ses mains au dessus du clavier. Il fronça les sourcils, déterminé.

"Prenons le taureau par les cornes ! Comme dirait Spine... hum... Cher Stepan Ivanovitch j'ai bien reçu..."

Il s'interrompit, frappé par ce patronyme qui lui fit penser soudain à son nouveau collègue, Milan Ivanovic. Le collègue impromptu n'avait guère eut droit à un accueil digne de ce nom. Qu'allait-il penser des autres professeurs ? Qu'ils vivaient en ermite dans leur bureau sans se soucier de sociabiliser ? Etait-ce comme ça qu'on accueillait un collègue ?? Prenant conscience de sa négligence, Vadim regarda l'heure, puis se saisit de son communicateur pour joindre Milan.

"Gum ? Ici Gulliver. Tu es occupé ? Sinon je t'invite à prendre le thé dans mon bureau. Je veux m'assurer qu'on t'ait bien tout dit sur l'Institut Xavier..."

Dit-il de sa voix grave et profonde, qu'il suspendit pour ajouter au mystère. Paolo parti, et Adam étant le dernier des fêtards, Vadim devait poser les jalons de l'amitié virile qu'il fallait absolument ériger face au corps féminin professoral. Il eut un vague sourire en attendant la réponse de Milan.

Milan était avachi sur le fauteuil de son bureau, s'amusant à faire négligemment rebondir une balle en caoutchouc contre le mur d'en face. Même lorsqu'il tentait de mettre de l'ordre dans ses pensées, il fallait que son corps fasse quelque chose. Et comme il n'avait pas de stylo sous la main pour mettre en oeuvre ses lamentables talents de dessinateur, il s'était rabattu sur ce gadget gagné par sa soeur, qui avait une sainte horreur des ballons, et lui avait refilé sans remords.

Il allait pour la première fois se retrouver dans une salle de briefing - on la lui avait montrée - avec les élèves en charge. Il relut les noms, en essayant de se rappeler à qui ils renvoyaient. Ken, c'était le bavard, et Rachel, la souriante. Mina était la jeune fille avec les grandes ailes, et Amarenna...il avait un peu plus de mal, mais il lui semblait qu'elle était brune. Il était hors de question qu'il confonde ses protégés.

Le Croate se posait également des questions sur le ton à employer, sur la façon de s'adresser à eux. Par leur nom de code ? Par leur prénom, par "monsieur machin" ? Devait-il être un ami, un camarade, un chef autoritaire ? Il aurait bien aimé observer un de ses collègues dans sa manière de procéder, mais son intégration avait un peu bouleversé son emploi du temps, et la familiarisation avec les lieux avait accaparé tout son temps libre. Quand ce n'était pas l'étude attentive des documents afin de mener en toute connaissance de cause le briefing. Du coup, il se sentait franchement angoissé, et avait un peu peur de cacher son trac sous un flot de paroles qui noierait les élèves, comme il en avait l'habitude en situation de stress.

Le déclenchement de son communicateur le surprit, et il rata son lancer, la balle allant rebondir sur la tranche d'un des cadres du mur. Il étendit son bras pour évite qu'elle ne fasse d'autres dégâts tout en écoutant la voix grave du professeur russe. Prendre le thé...on ne le lui avait jamais proposé. Une coutume slave ? Milan n'y était pas habitué. Pourtant, il était aussi à moitié arabe. Son existence était rythmée par les cafés et les bières, plutôt, et la curiosité le piqua, d'autant que ce pouvait devenir l'occasion de poser quelques questions de bon sens sur son nouveau métier. Et puis dans la manière de prononcer "Institut Xavier", il y'avait un je-ne-sais-quoi d'attirant...

De tout façon, il avait relu dix fois ses dossiers, et les connaissait par coeur. Ce qui manquait à sa future réunion, c'était la forme. Autant se détendre et boire un petit coup. Il ne répondit pas, et se leva pour aller directement frapper à la porte du bureau de Gulliver, après avoir tout de même refermé le sien.

- C'est moi.

Il n'hésita pas à ouvrir. Il était invité, après tout, et il n'était pas du genre à ornementer sa politesse, ni à perdre du temps, et passa donc la tête à travers l'encadrement.

- Il se trouve que, non, je n'avais rien à faire. Rien de mieux que goûter à ton thé, en tous cas.

Il fendit sa remarque d'un grand sourire.

- Je peux entrer ?

Vadim ferma promptement la fenêtre de sa réponse à Stepan Ivanovitch, pour se fendre d’un grand sourire et faire signe à Milan d’entrer.

« Tu ne vas pas être déçu. Ce thé je le commande sur un site spécialisé qui me donne entière satisfaction. »

Il se leva, lissa son col et entreprit de faire de la place sur son bureau. Il alla chercher la vaisselle en imitation porcelaine et activa la bouilloire toujours remplie et prête à l’emploi.

« Alors, quelles sont tes premières impressions ? Tu as pris tes marques ? Thé vert ou thé noir ? »

Dit-il en montrant deux boites de thé aux motifs prometteurs. Il ouvrit également une boite de gâteaux. Le Russe était impatient d’en savoir un peu plus sur son nouveau collègue, mais il ne voulait pas non plus passer pour un inquisiteur zélé. Il s’assit donc confortablement dans son fauteuil, qui ploya en émettant quelques crissements désespérés. Il parla alors de sa voix grave et vibrante, son regard doré amicalement posé sur le référent des LateX.

« Quand je suis arrivé, c’était assez facile : Magma et Aleph étaient tout aussi nouveaux que moi. On pouvait se serrer les coudes ! Ha ha… j’étais épaté par la présence de tous ces mutants, tous ces pouvoirs… c’était la découverte d’un autre continent, vraiment ! Moi qui n’avait jamais côtoyé plus d’un autre mutant dans la même pièce… oui, c’était ça le plus grand choc. L’immersion dans le monde mutant qu’est l’Institut Xavier. »

La bouilloire chanta, et pour ne pas se lever de son siège, Vadim donna à son bras la taille nécessaire pour se saisir de l’appareil, et commencer la distribution.

Milan se glissa dans la pièce et ferma la porte, espérant avoir passé assez peu de temps dans le couloir pour que personne ne l'ait remarqué. Il espérait sérieusement que personne ne viendrait les déranger durant cette petite discussion.

- Thé vert.

Réponse donnée totalement au hasard. Il préféra s'asseoir avant de répondre aux questions un peu plus complexes que la couleur de sa boisson. Enfin, s'asseoir...il s'avachit sur le siège qu'on lui proposa, avant de se rappeler qu'il était en présence d'un collègue, et qu'un peu de prestance ne pouvait nuire à sa réputation. Il se redressa donc, en écoutant Vadim se remémorer ses souvenirs d'arrivée à l'Institut.

- C'est vrai que savoir qu'il y'a uniquement des mutants, ici, c'est assez étrange...

Il se souvint alors de la présence de Roberta Truc, l'envoyée du gouvernement. Et corrigea donc.

- ...enfin presque uniquement des mutants. Je vivais avec ma soeur, donc j'ai l'habitude de fréquenter au moins une personne avec des pouvoirs. Mais cinquante, c'est autre chose.

Il saisit sa tasse en allongeant le bras avec un petit sourire pour son interlocuteur - leurs techniques de fainéantise étaient assez similaires - et y trempa les lèvres.

- Délicieux !

Il savoura quelques secondes avant de reposer sa tasse, sans plus relever les fesses de son siège.

- Par contre, j'ai un peu de mal avec mes responsabilités, je sais pas comment dire...c'est pas le côté action qui m'inquiète, c'est l'aspect pédagogique du boulot. Je sais ce dont je suis capable sur le terrain, je dirais presque que ça m'attire. Mais devoir gérer des ados ! Si tu m'avais vu à quinze ans...

L'embarras se peignit sur ses traits.

- J'étais le glandeur-sportif, la hantise de tout professeur. Maintenant, il faut que je sois un modèle, et je dois t'avouer que j'ai pas la moindre idée sur la manière de m'y prendre. Le job m'est tombé un peu à l'improviste dessus, j'ai accepté et je ne le regrette pas, mais là, j'angoisse.

Milan tentait de se rassurer en se disant que sa réaction venait effectivement de la rapidité avec laquelle sa vie avait changé. Mais au fond de lui, il savait bien qu'avec deux jours ou deux mois de préparation psychologique, il se serait retrouvé dans la même situation au moment de sa première véritable rencontre avec les élèves. Le stress du prof débutant...

- Enfin, vous me paraissez tous particulièrement compétents. Tu m'excuseras si je copie un peu au début ? Je suis très doué pour ça...

Souriant de nouveau, il reprit sa tasse pour avaler une gorgée supplémentaire.

La rentrée promettait bien des épreuves songea Nora Winter. La représentante du gouvernement et les professeurs avaient chacun de quoi emmener les élèves au front pour résoudre des mystères liés au mutants. L'espionne du gouvernement n'attirait pas Nora. Elle se promit lorsqu'elle serait plus douée de sonder son esprit pour savoir qui elle était vraiment et son opinion sur les mutants. En attendant, à éviter.

Elle arpentait seule les couloirs en direction des bureaux. Sans Claire et Kitty cette fois-ci. Elle était peu souvent avec des élèves. Pas vraiment de copains ni de copines. Deux où trois affinités dont Wind qui venait de partir. Elle soupira tristement. Ce départ la renforçait à lier peu d'amitiés. Ce n'était pas qu'elle n'était pas sociale, elle avait déjà du mal à trouver des repères, alors avec les autres...

Parmi les professeurs, elle n'avait pas de préférence. C'était des profs voilà tout. Oki, ils pouvaient être sympa, mais c'est eux qui mettait la note. Elle s'était inscrite sans trop savoir pourquoi chez Cassandre. Pour une séance privée. Elle lui faisait peur et Nora prenait son courage à deux mains. Elle avait besoin de se confier, d'être écouté et qui sait, guidée. Nora ne voulait pas monopoliser Yamina Gham sur ses problèmes personnels. Elle voulait paraître "ensoleillée" à l'instar de son amie.

En passant devant le bureau de Carrie, la télépathe espérait que madame Marcin ne prenait pas à la légère son aide. La pauvre, elle paraissait si loin et peu présente. Un frisson parcourut la jeune femme.

La télépathe s'arrêta devant le bureau du géant rouge. Il était grand, fort, effrayant et charismatique néanmoins. Et si rouge. La couleur du sang. D'ailleurs, était-il mutant ou démon ? M. Vadim lui faisait peur aussi. Mais bon, si on devait commencer par citer ceux qui ne lui faisaient pas peur, on les comptait à peine sur les doigts d'une main. Elle l'avait entendu parler du monorail à la cuisine, il y a peu. Intéressée, elle s'était lancée pour arriver là, devant son bureau.

Nora Winter entreprit des exercices de respiration avant de s'apprêter à toquer.

Vadim suspendit son geste de touillage de thé sucré, et regarda Milan avec surprise.

"Tu as une soeur mutante ? Quelle chance... le même pouvoir que toi ? Vous l'avez découvert comment ? Et les parents... ?"

Le Sibérien se demanda jusqu'à quel point sa vie aurait changé si seulement un autre de ses frères avait hérité de la "malédiction". Il espérait du moins que le Croate lui en dise plus pour satisfaire sa curiosité. Il sourit quand le nouveau collègue se décrivit comme un ex-glandeur sportif, et apprécia le geste surnaturel qu'il avait produit pour saisir sa tasse.

Le visage de Vadim redevint morose quand son vis-à-vis évoqua ses questionnements pédagogiques. Vadim étouffa un grondement dans sa gorge.

"Hé bien puisque tu en parles... Je venais juste de faire un bilan pour le moins mitigé de mon expérience avec les KozaX. Avant-hier encore j'étais sûr de moi et content de mon travail. Mais j'ai réalisé brutalement que les jeunes se sont attachés de la mauvaise manière à l'équipe. L'équipe en elle-même devenait plus importante à leurs yeux que les finalités de l'équipe. Tu vois ?"

Il soupira, porta ses yeux dorés sur l'écran d'ordinateur et bougea négligemment la souris pour chasser l'écran de veille.

"Gérer des ados, comme tu dis, c'est devoir gérer l'affectif. Tu t'attaches à eux, ils s'attachent à toi, ils s'attachent les uns aux autres... mais ces liens peuvent les amener à former une sorte de cocon. Je pense que ce que tu dois faire en priorité, c'est mettre de la distance. Dans ton équipe et pour les missions, je veux dire."

Il fronça les sourcils, l'air sombre, répondant à ses propres pensées remâchées depuis la veille.

"Nous ne devons pas répondre à leurs attentes. Nous devons répondre à leurs besoins. Ne pas écouter ce qu'ils disent, en somme..."

Il sourit et fixa le professeur des LateX.

"Tu ne dois pas être leur père, ni leur grand frère. Pour le reste... être naturel, et garder la tête froide. Ha ha, si tu essaies de nous copier, j'ai peur du résultat !"

Il se mit à rire, imaginant Milan faire claquer ses talons à la manière d'Esther, jeter des regards glaciaux à la Carrie, prendre une voix d'outre-tombe comme Cassandre ou éclater d'un rire tonitruant comme Sahari.

"Ha ha... Hmmm... tu n'as pas une tête à te faire marcher dessus par les élèves. Je ne m’inquiéterais pas à ta place. Tu n'as aucune expérience de commandement d’escouade, même … dans ton métier ?"

Vadim rapprocha son siège près de la table du bureau, et observa Milan sans se douter de la présence silencieuse de Nora derrière la porte.

La tasse se vida progressivement lors de l'exposé du géant rouge sur sa façon de voir le métier de professeur. Mais il en restait un bon fond lorsque Milan prit la parole, car il ne buvait qu'à gorgées minuscules, du bout des lèvres, tant pour savourer que pour ne pas s'ébouillanter.

- Ah non, le pouvoir de Sasha n'a rien à voir ! Elle...

Interruption. Ce qu'ils avaient soigneusement caché à la face du monde, il s'apprêtait à le révéler sur un ton badin. Mais son interlocuteur était, lui, clairement mutant. Et une telle information ne lui ferait sans doute ni chaud, ni froid. Les yeux du Croate se perdirent un instant dans le vide, avant qu'il secoue la tête.

- Excuse-moi. Je disais, elle peut passer à travers les murs. Elle est très douée pour ça, mais contrairement à moi, elle a la tête sur les épaules et n'a pas orienté son existence en fonction de ses facultés.

Les jours d'incertitude sur son avenir lui revinrent rapidement, et lui parurent d'autant plus incongrus qu'après coup, il se rendait compte qu'il n'était pas fait pour la stabilité, et qu'il avait beau s'acharner à trouver la meilleure voie, il était capable d'en changer sur un coup de tête. Ce qu'il avait fait quelques jours auparavant.

- En fait, c'est ma demi-soeur. Mais ma mère est normale. Il haussa les épaules. J'imagine que si quelqu'un avait complètement élucidé le fonctionnement du gène X, il aurait déjà le prix Nobel.

Il sourit un instant, avant de redevenir plus grave sur le sujet de la relation professeur-élève. Les paroles du Russe lui paraissaient particulièrement justes et empreintes de sagesse. Restait à les mettre effectivement en application.

- Disons que j'ai bien été à certains moments chargé de superviser le déroulement d'une lance à incendie, ou d'annoncer des systèmes de jeu sur un terrain de basket, mais j'ai du mal à assimiler ça à du commandement. Ca s'apparenterait plus à...de la coordination.

Il se carra dans son siège.

- J'imagine que dans certaines situations, la coordination peut suffire. Mais si c'était le cas en permanence, j'imagine que notre boulot n'aurait pas lieu d'être, non ?

Sa phrase fut ponctuée d'un petit rire, puis il allongea le bras pour - enfin - finir sa tasse.

- Parce que tu avais l'habitude de donner des ordres à des gens avant d'arriver ici ? J'ai toujours eu une relation assez distante avec l'autorité. Disons qu'on m'a éduqué sans personne pour me dire où se trouve le trou. Soit je trouvais tout seul comment l'éviter, soit je me cassais la gueule et j'en tirais les conséquences. On m'envoyait la corde quand j'étais vraiment coincé et que j'avais fait le tour de mes possibilités.

Il reposa pensivement le récipient vide.

- Mais je pense que dans un premier temps, je vais suivre tes sages conseils, Gulliver, pour éviter de provoquer un carnage dans mon escouade. J'improviserai quand j'aurai confiance en moi.

Puis :

- Tu es un virtuose de la théière.

Debout devant la porte du bureau de Vadim, Nora hésitait à toquer. Au dernier moment, elle posa son oreille contre la porte. Monsieur Vadim ne voulait peut-être pas être dérangé. Il travaillait peut-être sur une solution concernant un problème mutant évoquait dans le sentinelle. Ah ben non ! Il riait. Et il n'était pas tout seul. Elle se retint de respirer mais ne se détachait pas de la porte. C'était à la fois excitant et effrayant. Elle se compara à une fée minuscule espionnant la caverne de géants. Bon, concentration.

Demi-sœur passe-partout, et relation distante disait la voix inconnue. Passe-partout comme Yam ? Était-elle à l'institut ? Sacha, c'est ça ? Et Vadim semblait approuver l'enseignement sans réelle amitié. * C'est bien. * songea Nora. Elle n'avait jamais été proche de quelqu'un qui soit encore en vie. Il y avait bien Yamina et Wind. Et ils parlaient d'escouade ? Elle ne comprit pas, leur but était de transformer les équipes en escouades de combat ? Cela expliquait peut-être la présence de la représentante du gouvernement alors. Nora se dit que si l'occasion se présentait, elle deviendrait Soulrider pour fouiller les esprits de Vadim et de l'étranger. Nora soupira de réflexion. Elle mit sa main devant la bouche et retint sa respiration se redressant doucement pour reprendre l'attitude de "l'élève qui va frapper à à la porte".

* Et dire que j'ai dix neuf ans... La honte... * se dit-elle en souriant et s'appuyant sur la poignée de la porte machinalement. Elle retira sa main vite fait et paralysée attendit... Devait-elle frapper à la porte pour être polie ? Elle s'imaginait la fureur du "démon", et elle ne parvenait pas à bouger de suite. C'était pas croyable quand même.

Vadim resta songeur aux paroles de Milan.

"Oui... c'est quelque chose que j'ai bien réalisé à Génosha. Certains mutants peuvent s'offrir le luxe de ne pas orienter leur vie en fonction de leurs... facultés oui. C'est en tout cas une bonne chose pour ta sœur ! Maaddi a aussi ce pouvoir de passe-muraille et en Inde la société ne l'aurait jamais laissé tranquille. Tant qu'un mutant ne maîtrise pas ses pouvoirs, il est très vulnérable."

Il se frotta le menton et hocha légèrement la tête.

"Ta sœur, ta demi-sœur, tu veux dire qu'elle a renoncé à utiliser ses capacités mutantes ?"

Vadim était curieux de cette situation familiale plutôt atypique. Milan et sa sœur semblaient avoir choisi des façons différentes de vivre leur don, à une époque où le phénomène mutant était totalement inconnu. Il devina que ce sujet plairait aussi à Esther, sur un plan plus scientifique. Mais le Russe ne voulut pas se faire trop indiscret pour le moment, d'autant que Milan ne paraissait pas tant en confiance que ça.

Il but une bonne gorgée de thé, sans crainte pour sa gorge ignifugée, et sourit devant le compliment du Croate.

"Le thé est la boisson nationale en Russie, je n'ai pas de mérite. Où alors le mérite de savoir surfer sur Internet. Pour des boissons plus... fortes, il te faudra t'initier aux secrètes réunions de poker que nous organisons entre professeurs, quand sonne l'heure du couvre-feu pour nos bambins..."

Il fit un clin d'œil conspirateur à son collègue, avant de reprendre le point sérieux du jour : la pédagogie. Il nota que l'expérience professionnelle de Milan serait d'un grand secours pour les élèves. Il s'exclama.

"La coordination ! Tu viens de prononcer le mot fatal pour les élèves... après plusieurs missions, je peux te dire que c'est là leur principal défaut. Mauvaise coordination, mauvaise communication, répartition sous-optimale des unités, prises de risques inutiles, mises en danger du groupe par des initiatives téméraires, ou bien absence d'initiative... il y a un sacré travail à accomplir. Seul la présence d'un télépathe parmi les KozaX aurait pu faciliter les choses !"

Il se rendit compte de la noirceur du tableau, aussi ajouta-t-il :

"Bien sûr pour des adolescents, ce que nous leur demandons est d'un niveau de coordination très élévé. En effet, mon expérience des commandos me permet de voir clairement les failles du dispositif."

Embalé par le sujet, Vadim se leva de son siège et fit quelques pas.

"Que ça leur plaise ou non, les élèves doivent savoir que désormais, les missions leur demandent clairement des réflexes et des compétences de soldat. Et le maître-mot de ce job, tu l'as dit, c'est la coordination. Le commandement, c'est pour assurer la cohérence. Parce qu'il est toujours rassurant de savoir que quelqu'un, au dessus de soi, à une vue globale de la situation."

Il s'arrêta, tendit l'oreille comme s'il lui semblait avoir entendu quelque chose. Il regarda la porte un instant, quand Nora retira in extremis sa main de la poignée, puis revint sur Milan.

"Hum, j'ai en effet servi dans l'armée russe. Une carrière de sous-officier essentiellement. J'ai beaucoup touché à la tactique mais peu à la stratégie. "

Il se rassit lourdement et soupira.

"Dans l'active, il y avait un certain grade que je ne pouvais dépasser. Et on comprend qu'on ne puisse pas mettre un démon de la théière à la tête d'un bataillon ! Ha ha..."

Il termina sa tasse en deux temps trois mouvements.

"Donc oui, tu as raison, la coordination peut suffire. Cela dépend de ton escouade je dirais. Certains élèves sont évidemment plus mûrs que d'autres. Voyons qui as-tu dans ton groupe ?"

- Ah bon ? Ce n'est pas la vodka ?

Milan n'avait qu'à moitié feint la surprise lorsque Vadim évoqua la boisson nationale de son pays d'origine. Même s'il se doutait qu'un alcool aussi fort aurait du mal à être totalement populaire, l'image des bouteilles transparentes aux étiquettes cyrilliques s'imposait dans son esprit.

- Mais je ne suis pas certain que le poker soit bon pour mes finances. Je n'ai pas exactement un visage de bluffeur impassible. En plus, j'ai laissé mes lunettes de soleil à Seattle.

Ce qui était faux : il n'avait pas de lunettes de soleil. Enfin si, mais elles étaient restées en Croatie, et il n'en avait pas ressenti le besoin sur le territoire américain.

- Détrompe-toi : Sasha adore utiliser ses pouvoirs. C'est pour cette raison que je n'ai jamais, jamais amené les quelques amies que j'ai eues dans notre appartement.

Même s'il le disait sur le ton de la plaisanterie, le problème l'avait réellement travaillé.

- Simplement, elle souhaitait réussir dans un domaine où elle se trouverait à égalité avec tout le monde. Elle ne voulait pas qu'on puisse dire "oui, tu es une excellente employée, mais c'est grâce à tes pouvoirs". C'est pour ça qu'elle bosse dans l'électronique. Et qu'elle réussit.

Il haussa les épaules. Leurs débats sur le sujet avaient été très, très longs et fréquents. Il avait une foultitude d'arguments contradictoires, ou au contraires qui renforceraient cette thèse.

Puis il écouta attentivement le laïus de Vadim, qui était effectivement bien informé sur la question des ordres. Il hochait régulièrement la tête lorsque ressortait une idée qui lui paraissait particulièrement importante. Mais qu'un militaire dise qu'il était difficile de commander des élèves l'inquiétait tout de même assez nettement. D'autant qu'à sa connaissance, nul télépathe n'avait été assigné à son équipe. Ou alors il avait mal lu.

- Et il y'a des entraînements pour leur apprendre à se...synchroniser ? J'ai déjà une idée de l'endroit où se déroulera notre première mission, et ça risque d'être un peu dangereux. Comme pour tout le monde, en fait, mais comme à priori mes élèves ne se connaissent qu'en classe...

Le terme de synchronisation était plus mécanistique que la coordination, n'en constituait qu'une étape, mais cette étape était, du peu qu'en savait Milan, essentielle.

- Attends, je te trouve la liste.

Une feuille pliée en quatre sortit de sa poche de pantalon.

- Je ne les ai pas mémorisés, parce que j'ai peur de faire des confusions si j'arrive en connaissant tous les noms. Alors, j'ai : Mina Kovacs, Ken O'Connell, Rachel McCallum - un Irlandais et une Ecossaise ? - et Amarenna Carpentier.

Il replia sa liste.

- Tu les connais ?

Nora attendit une vingtaine de secondes qui lui paraissaient bien longues. C'était faciles d'être une espionne finalement. Elle avait eu peur de se faire remarquer et elle regrettait de ne pas avoir une meilleure maîtrise de son don. Bon, résumons, pas d'amitié, de la coordination, et des équipes de combat sûrement pour le gouvernement à long terme.
Commandos ? Des malades, ces profs, on fait pas la guerre avec des adolescents, et si on la fait, on ne se plaint pas que ça fonctionne pas. En plus, aller en mission sans équipement avec un pouvoir à peine contrôlé, c'était pas le top. Bon, il y avait la propagande. Nora pensa en parler à Cassandre. A moins que celle-ci savait déjà ce qu'elle savait. C'était stressant. Nora pensait créer son propre destin. Essayer du moins. Mais là avec Cassandre ? Et si elle avait su pour Greg ? Et si elle avait juste fait ce qu'il fallait pour que Nora se retrouve à l'institut... Non, Nora était bien trop insignifiante.
Soulrider secoua la tête tristement, elle eut une pensée pour son rayon de soleil et sourit.

La main tremblotante un peu, elle toqua à la porte du bureau de Vadim. Le visage un peu baissée, timide, elle pria pour que tout se passe bien.

"Ne t'inquiète pas, on ne joue pas d'argent au poker. Par contre, j'amène de la vodka, notre seconde boisson nationale. Mais le vin et la bière ont plus de succès auprès de Pulse et Aleph."

Il se rappela d'ailleurs que la bouteille de vodka avait à peine été entamée. Elle trônait quelque part au fond d'un placard, loin du regard indiscret des élèves.

La réponse de Milan au sujet de sa soeur intrigua encore plus Vadim. Il haussa un sourcil en tentant d'imaginer la scène.

"Donc ta soeur jouait les fantômes avec tes invités ?? Elle faisait des sortes d'apparition pour faire des farces ? Maaddi a fait ça à un éminent docteur et je ne crois pas qu'il s'en soit remis. Bon dans ce cas on peut dire qu'elle n'avait pas froid aux yeux ta Sasha ! Du caractère ! Quand est-ce qu'elle vient nous rendre visite ?"

Dit-il avec un franc sourire. La philosophie de cette femme lui plaisait beaucoup et il verrait grand intérêt à deviser avec elle. En attendant le frangin semblait lui aussi plein de ressources. Vadim enchaîna sur les entraînements.

"Hmmm oui, il y a les cours et les entraînements bien sûr. Mais les conditions réelles changent tout ! J'ai vu certains élèves réussir brillamment les exercices de leadership, tandis que sur le terrain ils se montrent démunis et mous. Cela dit oui bien sûr... il faut prendre note de leurs défauts sur le terrain pour ensuite corriger le tir en salle des dangers..."

Il désigna son ordinateur du regard. Il avait déjà fait une liste des thèmes à aborder obligatoirement en cours après les épisodes de Génosha. Vadim écouta avec attention les noms des Latex égrenés par Milan. Il se frotta le menton et réveilla à nouveau son écran d'ordinateur.

"Fury est américain et Warp est canadienne... mais en effet les noms trahissent des origines européennes. Hmm oui je vois, je pense que c'est une bonne escouade. Les éléments ont des qualités différentes et complémentaires. Je connais un peu mieux Mina Kovacs, alias Lilith, car elle est partie avec nous en mission en Inde. Elle a aussi montré beaucoup d'agilité et de force quand elle a déposé Tide dans un X-Jet en chute libre en Russie... C’est une sacrée mutante comme je n’en ai vu qu’à Génosha ! oui elle a beaucoup de sang-froid et c'est une exécutante fiable. En cours de leadership elle a montré qu'elle pouvait avoir de très bonnes idées en matière de tactique. Sur le terrain elle a plutôt tendance à s'en remettre aux autres. Elle sera très efficace j'en suis sûr."

Il sourit en pensant à la façon adorable dont la harpie s’était adressée à lui en briefing. Professeur de mon cœur, oui c’était ça… Alala ces jeunes. Il s’éclaircit le gorge et se reconcentra sur la feuille repliée de Milan.

"Mais pour le leadership, tu disposes de deux anciens leaders d'équipe, Blackhole - alias Amarenna - et Fury, Ken O'Connell. Je crois savoir qu'ils ont fait leur preuve, mais tu devrais peut-être en parler avec Aleph et Pulse. Quant à Warp, son pouvoir est d'une efficacité redoutable pour ta logistique. Elle est expérimentée en plus. Elle est de la vieille garde, haha !"

Il hocha un peu la tête, repensant cette fois au Docteur Fleury, le fondateur, et à sa mort tragique. Revenant à la liste, il ne pouvait pas dire grand chose de plus, ne connaissant pas beaucoup ces élèves sur le terrain.

"Tout cela me semble bien équilibré et très promet..."

Un visiteur les interrompit. Vadim décrocha son regard de Milan et lança d'une voix grave vers la porte :

"Entrez, c'est ouvert !"

- Tu me rassures !

Les certitudes de Milan concernant les coutumes des Slaves orientaux étaient confortées. Des Russes sans vodka, et c'est tout un pan de sa conception de la géopolitique mondiale qui s'effondrait.

- Elle l'a fait une fois, et elle l'aurait refait si je lui en avais laissé la possibilité...oh, elle finira bien par venir ici, je pense. Je te préviendrai.

Il croisa alors les mains sur son genou et écouta attentivement les remarques de Vadim sur ses élèves, tentant de faire la part entre les informations utiles et inutiles, et surtout entre positif et négatif. Positif : il avait visiblement de bons élèves, expérimentés et maîtrisant correctement leur pouvoir, avec des applications variées. Négatif : il avait deux ex-chefs, ce qui pouvait allègrement massacrer tous les avantages s'ils en venaient à se taper dessus.

- Et ben ça en fait des choses auxquelles penser...

Ceci dit ponctué d'un gros soupir, mais feint. Milan n'était pas un fainéant, et il aurait été quelque peu déçu d'arriver sur un boulot déjà tout fait, où il n'aurait rempli qu'un rôle d'administrateur, ou de bureaucrate.

Alors qu'il allait poser des questions complémentaires sur l'escouade qui lui avait été attribuée - SON équipe - quelqu'un frappa à la porte. Curieux, le Croate se retourna vers l'entrée de la pièce pour savoir qui était l'indiscret qui les dérangeait en pleine conversation.

Prenant son courage à deux mains, Nora pénétra donc dans le bureau du "Géant rouge. Il était avec un autre prof sûrement. Un nouveau. Elle salua tout ce beau monde avec une petite voix polie et ne s'avança pas trop non plus. Machinalement, elle effleura leur esprits, l'air rêveuse. C'était pas bien mais on pouvait considérer que c'était un entraînement. Avec son air timide qui était vrai. Elle se concentra quelques secondes avant de lever doucement le visage et de laisser échapper un "B'jour ". Elle fixa monsieur Vadim avec u calme olympien. Elle s'était entraînée en l'apercevant et dans ses cours. C'est facile de penser que les mutants ne font pas peur. Ils sont comme les autres. Mais aller dans un institut ou tous peuvent être une menace potentielle dont certains ont en plus une apparence des mutants des films. D'accord, le monde change. Mais trop à son goût.

Nora expliqua donc sa venue d'une voix douce et calme. Pas à voix basse comme au début de son arrivée. Elle avait prise de l'assurance grâce à certains élèves.

" Je ne voulais pas vous déranger. J'aimerais participer à l'affaire du monorail en Afrique du Sud. Je ne maîtrise pas parfaitement mon don comme la plupart des élèves mais cette affaire m'intrigue. Et je suis motivée. Je... Merci de m'avoir reçu et écouté. "

Nora Winter, les mains dans le dos, attendait une réponse incertaine. Espérant ne pas s'attirer leurs colères. Elle avait l'impression de les avoir dérangé. Elle regardait dans le vague pour ne pas laissé transparaître une émotion particulière.

Vadim sourit en voyant ce cher Milan dépassé par toutes les informations à retenir. Il attendit avec gourmandise de plus amples questions sur les potentialités de l'escouade du soldat du feu, mais la visite de Nora interrompit ce moment délectable.

Le Russe la regarda entrer, et les pensées superficielles qui traversèrent son esprit consistèrent à se rappeler du nom de code de la jeune fille. Ce processus aboutit rapidement car l'Ogre répondit :

"Soulrider. Ainsi cette affaire t'intéresse ?"

Son regard sombre oscilla de Milan à Nora. Le Russe fronça les sourcils.

"Tu sais il risque d'y avoir beaucoup d'action. Je suis un peu étonné que tu sois volontaire. Il me semblait que les jeunes télépathes étaient à l'aise dans des missions plus posées, qui leur laisse le temps d'opérer... Des missions de recherche d'information, d'infiltration, de négociations par exemple."

Il remit en place sa cravate qui pourtant l'était déjà parfaitement à la base. D'un regard interrogatif, il suscita l'attention de Milan pour avoir son point de vue sur cette opinion concernant les préférences des télépathes débutants. Puis il se tourna à nouveau vers Nora.

"J'apprécie beaucoup ta motivation et je prends très au sérieux ta demande. Dis-moi seulement en quoi tu penses que tes capacités seront utiles pour cette mission ?"

Comme il restait une chaise près du bureau, Vadim, malgré son expression sévère, indiqua d'un geste à Nora de s'asseoir si elle le désirait.

En fait d'indiscret, il s'agissait d'une indiscrète qui venait voir le professeur Volkov. Elle ne se présenta pas, mais Vadim la nomma Soulrider, et Milan en déduisit qu'il ne s'agissait pas de son prénom. Le Russe semblait affectionner particulièrement d'appeler les gens par leur nom de code, plutôt que de manière plus civile et officielle. Il en prit note pour ne pas froisser le géant rouge.

La jeune fille semblait désireuse de rejoindre l'escouade KozaX, même si le sentiment qui ressortait le plus de son petit monologue était la retenue. Milan avait déjà croisé des élèves expansifs, et celle-ci n'en faisait pas partie. De toute façon, il ne savait même pas en quoi consistait son pouvoir, n'ayant pas encore mémorisé les capacités des nombreux élèves - si tant est qu'il y parvienne un jour.

Du coup, il fit glisser son siège sur le côté de la pièce, pour ne pas constituer un obstacle entre le professeur et l'élève. Il ne voulait surtout pas gêner la jeune fille dans l'exposé de ses compétences, et pouvait ainsi faire d'une pierre deux coups : connaître son pouvoir - Milan était curieux de savoir de quoi était capable une télépathe - et voir comment s'y prendre face à un élève dont on n'était pas le professeur référent, qui était une problématique à laquelle le Croate serait forcément confronté. Même si dans son esprit, elle était en seconde position, après "comment s'y prendre avec un élève dont on EST le référent".

Il sourit à la jeune fille.

- Fais comme si je n'étais pas là.

Puis il fit passer son pied droit au-dessus de sa cuisse gauche, comme pour s'étirer la cheville, et croisa les bras, confortablement installé, prêt à prendre une petite leçon informelle de gestion pédagogique mutante.

Nora hocha la tête au professeur Ivanovic avec un petit sourire humble. Puis elle s'avança un peu et ne s'assit pas, évitant une position de soumission et prête à prendre la poudre d'escampette. Non bien sûr pour la fuite. Soulrider répondit après une petite hésitation. Sa voix était neutre, du moins elle désirait paraître plus assurée qu'elle ne l'était. Elle aurait préférée un dialogue télépathique.

" Je... Je ne suis pas comme les autres télépathes. Ne me classez pas monsieur Vadim. S'il vous plaît. Lire la surface des esprits est ce dont je suis capable pour l'instant. Je veux aussi encourager mes équipiers dans les situations difficiles. Je suis une novice avec deux missions à mon actif. Dont celle avec feu Garçia. Je veux apprendre sur le terrain. Me diversifier. Aider les autres... "

* Et moi même * pensa la jeune femme. Soulrider n'était pas la parfaite petit soldat mais elle était déterminée à faire de son mieux. Elle se cherchait peut-être. Elle n'ajouta rien de plus. Elle n'aimait pas spécialement parler et elle pensait avoir fait le tour de la question. Elle occulta sa capacité à donner la nausée. Elle n'était pas vraiment sûre de son efficacité pour l'instant.

Vadim haussa les sourcils et eut un air sincèrement étonné. La petite Nora avait le don de le désarçonner par ses remarques murmurées.

"Je ne voulais pas te ... hum... classer, excuse-moi. Il me semble que certains pouvoirs mutants sont plus facilement utilisables dans certaines configurations que dans d'autres, tout simplement."

Il afficha un mince sourire et joignit les mains devant lui sur le bureau. Il prit un air absorbé. Il cherchait à se rappeler si Nora avait des affinités particulières avec des membres de l'équipe, mais rien de significatif ne lui revenait. Il opina du chef d'un air grave.

"Eh bien ma foi... voilà des objectifs très louables. Il n'y a qu'en forgeant qu'on devient forgeron ! Et je disais il y a un instant à Gum que la présence d'un télépathe serait très bénéfique pour la coordination. Les pensées vont plus vite que les paroles, c'est un atout tactique non négligeable ! Bien sûr encourager les autres est important, mais pour l'avoir vécu, une intrusion mentale est assez déstabilisante. Il faudra que tu travailles cela avec tes coéquipiers."

Son regard passa de Milan à Nora. Puis à Milan.

"Je te resserre du thé ?"

Et à Nora, qui restait debout, intimidée.

"Puisque tu sembles sûre de toi Soulrider, je te convoquerai au briefing des KozaX et des NeXus."

Ecouter Nora réciter sa lettre de motivation fut une curiosité pour Milan, qui saisit l'occasion d'en apprendre un petit peu plus sur les subtilités du fonctionnement de sa nouvelle demeure. Ainsi, les élèves semblaient très motivés à l'idée de participer aux missions fixées. Et ce, malgré le fait que certains d'entre eux n'en soient jamais revenus - la jeune fille avait cité le prénom, ou le nom, d'un camarade disparu. Le Croate tenta de s'imaginer dans la même situation, mais secoua la tête dans son coin. En bon pompier, il avait déjà du mal à supporter la mort d'illustres inconnus. Avec fatalisme, il conclut qu'il se préoccuperait de ce genre de détails si, par malheur, ils survenaient. Vadim serait sans doute également de bon conseil, et il savait que Cassandre était psychologue.

Il avait l'impression que Nora était mal à l'aise, et songea qu'il en était en partie responsable. Elle avait déjà du prendre son courage à deux mains pour décider de venir en tête à tête avec le professeur Volkov, et voilà qu'un second larron venait assister à son exposé !

- Tout à fait. Si tu peux aider tes camarades à synchroniser leurs actions, vous serez tous gagnants.

Il occulta le souci de la lecture de pensées. C'était sans doute un véritable casse-tête éthique pour la mutante et les professeurs - littéralement. Et puisque Vadim avait accepté de l'embaucher, il était désormais son référent, et le mieux à même de faire d'éventuelles remarques.

- Oui, s'il te plaît.

Assister à ce recrutement quelque peu anarchique - comparé à l'équipe qui lui avait été très officiellement assignée - donna des idées à Milan. Il songea aux documents qui dormaient dans son bureau, et à ce qu'ils impliquaient pour le futur. Ce qui le décida à poser sa question.

- Dis-moi, Gulliver, y'a-t-il d'autres élèves qui seraient susceptibles d'être appelés en renfort pour des missions, comme Nora ici présente ? Une liste, ou quelque chose ?

Après tout, autant demander à une personne informée. S'il devait emmener ses troupes dans un lieu dangereux, un camarade supplémentaire ne serait sans doute pas de trop.

Nora répondit au deux professeurs. Sans insister sur le fait qu'il s'excusait de sa maladresse. Elle ne l'imaginais pas comme ça en fait. Pour un Démon rouge comme le sang. Monsieur Ivanovic était comme en retrait. Il intervient pour la rassurer. C'est ce qu'elle pensait même si elle se méfiait. Après tout ce c'était qu'un mutant près à envoyer des élèves sans équipement et sans maîtrise de leurs pouvoirs pour les envoyer à la mort. Elle s'arrêta là de psychoter et répondit poliment sans élever la voix, en essayant d'être la plus respectueuse possible.

" Je ferais mon possible pour aider, je n ai pas jamais utiliser mon don ainsi. Avec des... mutants. Une intrusion mentale est déstabilisante si on l'a remarque, monsieur Vadim. Je suis sûre de moi monsieur Vadim. Merci encore. "

Elle s'inclina devant chacun d'eux et sortit sans faire trop de bruit. Au fond d'elle, elle était heureuse de la décision de monsieur Vadim. Même si pour lui, elle n'était qu'un outil utile.
Dans le couloir, elle aperçut Lucas qui sortait de chez madame Deneos. Il n'avait pas l'air en forme. Cela promettait. Quoi faire, Nora hésitait à renoncer à son rendez-vous avec la psychologue. En tout cas, elle ne désirait pas se faire voir. Honteuse de ne pas pouvoir résoudre seule ses problèmes. Et d'avoir besoin de la seule psychologue dans cette institut qui soit une mutante au pouvoir plus intime selon que la télépathie.

Cassandre Deneos

Vadim haussa un sourcil, et accompagna d'un regard un peu inquiet Nora vers la sortie. Il prolongea ce regard jusqu'à Milan, et se frotta les joues comme pour ajouter à sa perplexité.

"Elle a bien dit : Destabilisante si on la remarque ? Hmmm..."

Le Russe se demanda si la jeune femme avait lu dans ses pensées pendant cet entretien. En d'autres termes, si elle s'était gentiment payé sa tête. Il s'interrogeait sur la sincérité de ses propos, car le ton qu'elle employait lui faisait un étrange effet. Peut-être l'emploi un peu trop exagéré de "Monsieur Vadim" ? Cette situation ne lui plaisait que moyennement. Il nota de vérifier plus tard où en était Nora de ses compétences en télépathie. Il s'enfonça dans son siège et fronça les sourcils, se reconcentrant sur la question fort judicieuse de Milan.

"Hmmm hé bien non une telle liste n'existe pas vraiment... c'est si tu as besoin d'une compétence particulière que détient un élève, tu peux bien lui proposer de t'accompagner pour une mission. Ou bien, si un élève te semble particulièrement motivé pour t'accompagner..."

Vadim se demanda s'il n'avait pas été un peu hatif de dire oui à Nora. Mais à y repenser, il ne voyait pas non plus pourquoi il aurait refusé.

"Pour ma part c'est la première fois que je fais face à une telle demande. Une telle candidature spontanée je dirais. Mais cela s'inscrit dans la politique de l'école, après les événements à Génosha. Les élèves doivent être en quelque sorte des militants actifs de la cause. Seuls ceux qui sont vraiment volontaires partent en mission. Des élèves qui ont conscience des enjeux, et souhaitent s'investir. Bon mais maintenant mon groupe est complet, donc j'espère ne pas avoir une nouvelle demande de ce type."

Il se redressa pour resservir du thé à son interlocuteur.

"Alors comme ça tu veux déjà des renforts ?"

Dit-il avec un sourire. Il se souvint qu'il avait à aborder des sujets un peu moins axés sur le travail avec ce cher Milan.

"Tu joues aux échecs ? Et est-ce que l'on t'a parlé de notre simulateur de combat ? Oh as-tu déjà utilisé tes pouvoirs pour te battre ?"

Demanda l'Ogre avec une curiosité certaine, arrondissant ses yeux dorés et reprenant une posture douillette dans son fauteuil de bureau, devant son thé fumant.

Milan se leva pour fermer la porte derrière Nora, avant de retourner sur son siège.

- Brr...à ta place, je serais à moitié rassuré. J'espère que tu n'as pas de secrets superficiels à cacher.

La télépathe n'inspirait que moyennement confiance au Croate. Il avait vu des dizaines de films, dans lesquels le traître du groupe employait ce ton faussement dévoué, en jurant son innocence et la pureté de ses actes. Il n'était pas dans un film, mais sa conscience de cinéphile lui dictait de se méfier.

- Je demandais ça par curiosité. J'ai peur que nos effectifs soient un peu réduits pour l'objectif que je vise. Et je ne connais malheureusement pas encore bien les élèves.

Il accueillit avec un remerciement la tasse, se promettant qu'il s'agirait de la dernière. Sinon, il ne fermerait pas l'oeil de la nuit. Il était sensible aux excitants.

- Et non, je ne joue pas aux échecs. C'est trop subtil pour moi, je suis incapable d'anticiper deux coups à l'avance. Il faudrait une capacité de concentration que je ne possède pas.

Il pointa la porte du doigt.

- Et puis l'intérêt de ce sport cérébral doit être limité, quand tu te retrouves contre une télépathe. Ou contre Cassandre.

La conversation dévia ensuite sur le combat, et Milan comprit que les échecs devaient être une métaphore de l'affrontement dans la bouche du Russe. Chose pour laquelle il était totalement novice.

- Un simulateur de combat ? Mazette ! Non, je ne me suis jamais battu grâce à mes pouvoirs. Ah si ! Contre les flammes, ça compte ?

Une gorgée passa.

- De toute façon, mes dons sont plutôt défensifs, je serais incapable de mettre l'un d'entre vous au tapis. Par contre, je ne suis pas une proie facile. Vous vous entraînez les uns contre les autres ?

Utiliser le jardin comme ring pour des affrontements de mutants aux pouvoirs dévastateurs aurait paru...barbare à Milan. Mais s'il y'avait une salle qui rendait tout cela virtuel, dans ce cas, c'était comme un jeu vidéo en réalité très augmentée. Et c'était plus acceptable, au moins pour l'image de l'école.

Vadim ne pouvait qu'approuver en soupirant la mise en garde de Milan à propos de Nora.

"Je suis à moitié rassuré en effet... mais je me dis que c'est elle qui risque le plus gros, en allant voir ce que je pense. Car en pensée je ne mâche pas mes mots ! Ha ha !"

Il se prit à rire, imaginant sans peine que Nora se trahirait rapidement si elle venait à abuser un peu trop de son pouvoir sur lui. Il haussa les épaules quand le Croate lui avoua sa faiblesse en concentration.

"Chacun ses points forts et ses points faibles. Moi c'est en psychologie infantile et post-infantile que je trouve rapidement les limites. Heureusement que nous sommes bien armés à l'Institut avec Sibylle et Aleph ! Parfois je me demande pourquoi les élèves vont chercher tant de complications dans leur comportement..."

Il soupira et balaya ces considérations d'un geste. Milan l'interpella sur le thème du jeu d'échec. Vadim s'autorisa un rire goguenard.

"Un télépathe ou Sibylle aux échecs, cela relèverait typiquement de la triche ! Cela tuerait le jeu sans aucun doute. Néanmoins... le pouvoir de Sibylle n'est pas si imparable qu'il en a l'air..."

Dit-il en levant l'index, dans une attitude qui montrait que cette affirmation n'avait pour l'heure qu'une base théorique.

"Contre les flammes bien sûr que ça compte ! Ce sont des ennemis particulièrement coriaces et voraces non ? De nos jours on rencontre des mutants qui ont la manie d'en déclencher. Quelle formation donne-t-on aux pompiers chez toi ? En Russie ce sont des militaires affectés au Ministère des Situations d'Urgences, bien que des sections de pompiers existent aussi dans tous les ministères de force. Enfin ils ont tous une formation militaire intensive. Hé hé... je me souviens d'une mission où nous avons revêtu l'uniforme des pompiers pour investir le siège d'une compagnie commerciale aux activités suspectes... ha ha... de vrais pompiers ne s'y seraient pas trompés en nous voyant opérer !"

L'Ogre se rappela ces bons souvenirs, omettant toutefois de préciser que pour bien faire, il avait aussi fallu provoquer l'incendie. Il reprit une gorgé de thé brûlant, et réagit aux derniers propos fort judicieux de Milan. Il hocha la tête avec conviction.

"Bien sûr qu'on s'entraîne entre nous. Cela forge les liens d'amitié ! Et c'est tactiquement essentiel pour connaître nos aptitudes respectives."

Il prit une mine plus sombre et sa voix se fit gravissime.

"Les éléments féminins de notre escouade sont redoutables... J'ai affronté Spine en duel et j'en fais encore des cauchemars."

Il soupira, frottant tristement la surface mutilée de sa corne gauche.

"Je suis terrifié, je n'ose plus provoquer les femmes en duel. Et notre directeur est aussi occupé qu'invulnérable..."

Il soupira encore un peu plus fort et ajouta du sucre dans son thé.

Une petite moue apparut progressivement sur les traits de Milan, s'élargissant au fur et à mesure en un véritable sourire, qu'il tenta de dissimuler derrière une fausse toux. Puis il se composa un faciès résolument triste.

- Je te plains, mon pauvre...être vaincu par une femme, ce doit être la pire honte que puisse subir un militaire. Je ne sais pas si je l'aurais supporté.

Il se retourna, afin de s'assurer que personne n'était entré dans la pièce pour l'entendre jouer son misogyne.

- Enfin, je pensais que tu me le demanderais plus directement. Martialement. "Je ne t'accepterai comme collègue qu'après t'avoir affronté", comme dans les films. A moins que ce soit un test pour t'assurer de mes capacités d'interprétation ?

Son sourire revint naturellement.

- Oui, je veux bien, à l'occasion, t'affronter en duel. Cela dit, j'ignore tout de vos règles du jeu. Est-tu suffisamment sport, ou bien faut-il que j'aille me renseigner auprès d'une tierce personne honnête ?

Il ajouta, d'un ton désinvolte.

- J'imagine qu'il vaut mieux que je commence par toi, si les femmes sont si dangereuses. Autant aborder les obstacles dans un ordre de difficulté croissant...

Sa remarque fut ponctuée d'un clin d'oeil.

- D'ailleurs ce simulateur de combat...de quoi est-ce qu'il est capable concrètement ? Par exemple, je pourrais décider de me battre sur le Parthénon ? Dans les rues de Venise ? Dans le parc de Yellowstone ? Ou dans le Millenium Falcon ?

Si ce simulateur était effectivement capable de reproduire des choses aussi extraordinaires, Milan se dit qu'il allait devenir un usager très régulier de ses services. Il y'avait une tonne de décors dans lesquels il rêvait de se déplacer, réels ou fictifs.

Vadim éclata d'un rire franc et goulu, en réaction à la fausse toux de Milan. Ce gaillard au pouvoir défensif voulait donc se donner le beau rôle d'accepter le duel plutôt que de le provoquer. L'Ogre perçut chez son collègue un esprit retors et une grande assurance, assortie de beaucoup d'humour. Amusé, le Russe garda sa posture humble et affligée.

"Ah tu ne peux pas savoir comme la vie ici m'a changé ! Avant je travaillais seul parmi les humains, une semi-divinité aux pouvoirs surnaturels, au charisme effrayant, prêt à affectuer toutes les taches les plus anodines ou impossibles comme un génie sorti de sa lampe. Mais ici à l'Institut... je me sens vraiment minuscule à côté de ce que peuvent accomplir les collègues et certains élèves. C'est dur de se retrouver dans la cour des grands !"

Il se frotta le menton, son regard balayant inooncemment la pièce. Il se souvint du mémorable rendez-vous dans le Palais de Ganymède, ou sa seule et unique utilité avait été de jouer les taxis à la fin des hostilités. Mais l'Ogre rouge avait fini par conclure de tout cela que son pouvoir permettait une très grande polyvalence.

"Si tu es plus à l'aise dans le rôle de la proie, j'accepte d'être le chasseur. C'est le rôle qu'avait choisi Spine d'ailleurs. Elle portait un drapeau et son but était tout simplement de le conserver, et moi de le lui prendre manu militari... ha ha..."

Vadim se perdit dans les souvenirs de ce duel sanglant et du rire tonitruant de l'Africaine. Rire qui avait tout de même vacillé à plusieurs reprises, il fallait le rappeler !

"Hum on peut aussi faire un simple combat jusqu'à ce que mort ou KO s'ensuive. C'est la variante la plus choisie. Tu sais, tous les coups sont permis. Tu peux demander confirmation à ... tous ceux qui se sont affrontés en duel ! Et pour te parler très franchement, je n'aurai aucune hésitation à te mettre en charpie !"

Dit-il avec un clin d'oeil pour donner à Milan un gage de son honnêteté et de sa franchise.

"Il s'agit d'une simulation, entièrement virtuelle sauf pour les blessures modérées. Ne me demande pas comment ça marche ! On peut en effet choisir n'importe quel décor."

Il adressa un sourire en coin à son vis-à-vis.

"Si tu veux, je te laisserai une minute d'immunité pour que tu puisses tranquillement contempler le paysage. Mais ne choisis pas des lieux qui te tiennent à coeur, car ils vont subir des dégats."