Un problème de plus à la frontière mexicaine

Roberta remuait pensivement sa touillette en attendant l’arrivée de volontaires. Elle n’avait pas grand-chose à leur présenter, car l’opération avait été décidée dans la hâte, et le temps leur était compté. Le problème était relativement simple à comprendre, néanmoins.

Elle espérait que son annonce soulignait suffisamment le besoin de personnes calmes et diplomates pour cette mission. Un pas trop faux, et l’usine pouvait se transformer en poudrière remplie de mutants, à la grande joie des badauds réactionnaires qui campaient aux alentours.

Jade était restée devant le panneau d'affichage pendant plusieurs minutes, relisant l'annonce plusieurs fois avant de retourner dans sa chambre, pensive. Finalement, après mûre réflexion, elle se dirigea vers le bureau de Roberta Schenzie. Ce n'était pas la première annonce que cette femme laissait sur le panneau, et Jade avait plusieurs fois refusé de trop s'y intéresser. Elle ne faisait pas entièrement confiance en ce nouveau système, mais préférait attendre un peu avant de se lancer. Il sembla donc que ce moment lui parut opportun pour se lancer dans l’aventure. Le fait en lui-même la prit par les sentiments, cette histoire de mutants immigrants réfugiés dans un hangar prêt à être prit d’assaut et hués par une foule d’anti-mutants assoiffés de sang au gêne X était pour elle inadmissible. Mais la situation était urgente, et peut être avait elle mit trop de temps à réfléchir, même si cela n’avait duré qu’une demie heure, peut être. Aussi accéléra-t-elle le pas et s’arrêta net devant le bureau. Elle posa son oreille contre la porte mais n’entendit rien à l’intérieur…

Se mordant légèrement la lèvre inférieure, la jeune fille se décolla de la porte et frappa trois coups avant de tourner la poignée et d’ouvrir. Dans la pièce, se trouvait Roberta, buvant tranquillement son café. Pénétrant dans la pièce, Jade regarda dans tous les coins, voir si d’autres élèves ne s’y cachaient pas, mais il n’y avait personne d’autre.

"Bonjour! Je m’appelle Jade Moran." Dit-elle en clignant des yeux. Ce devait être la première fois qu’elle s’adressait directement à elle. Elle pointa son pouce derrière elle par-dessus son épaule. "J’ai vu votre message dans le hall et je viens pour… enfin…"

Elle soupira, laissant retomber sa main et penchant légèrement la tête sur le côté.

"Est-ce que… j’arrive trop tard?"

Avant que Jade ne puisse refermer la porte du bureau, la main de Yanis se posa sur le battant pour l'empêcher d'être rabattue. Le mutant entrant silencieusement dans la pièce à la suite de la jeune fille, et salua la représentante du Pentagone d'un hochement de tête. L'annonce postée sur le panneau d'affichage avait attiré son attention pour plusieurs raisons, la première étant qu'en tant qu'issu lui-même d'une culture sujette à une forte immigration vers la France, il s'était senti interpellé par le sort de ces Mexicains en quête comme lui, d'un moyen de subsistance. La deuxième raison était liée à la première conversation qu'il avait eue avec Carrie. Ce fameux devoir de justice... Tel que c'était parti, il serait très probablement bafoué, notamment à cause du facteur anti-mutant. De plus, il estimait qu'il était forcément meilleur pour lui que ses camarades restent en vie, et le meilleur moyen de s'en assurer était de les accompagner.

"Yanis Elbaz." dit-il simplement de sa voix métallique, allant droit au fait.

Lucy était passée plusieurs fois devant le panneau d'affichage du hall d'entrée, sans vraiment y prêter attention. Seulement, le mot qu'avait laissé cette employée du ministère de la défense avait attiré son regard. La situation qu'elle évoquait avait fait remonté toute la compassion que Lucy pouvait avoir envers ses confrères mutants. Elle se les imaginait déjà totalement reclus et effrayés dans ce hangar, ne sachant plus quoi faire face aux persécutions anti-mutantes. Et bizarrement, elle pouvait ressentir toute l'angoisse qu'engendrait cette situation. A moins que ce soit son propre stress qu'elle ressentait en s'imaginait acceptant d'intervenir en leur faveur ...

La mutante relut alors plusieurs fois le mot. Médiateur. Pas besoin d'avoir le profil de Rambo pour y participer. Pas la peine d'avoir un pouvoir à tout faire péter. Juste un peu de patience et de calme. La patience, Lucy savait qu'elle en avait. Le calme, en revanche, elle en était moins sûr ... Mais après tout, il suffisait juste de délivrer un message qui à coup sur allait faire plaisir à ce groupe de mutants immigrants, non?

C'est donc peut être un peu trop naïvement et avec tout plein de bonnes intentions que Lucy se présenta au bureau de Roberta Shenzie.

"B-Bonjour. Bégaya-t-elle avec sa petite voie en se faufilant dans l'entrebâillement de la porte. Je m'appelle Lucy ... J'avais juste envie de venir ... Enfin... Si je peux être utile ..." Dit elle maladroitement comme pour donner une raison à sa présence dans la pièce.

Précédé d'une étrange odeur de jus de viande, Luther entra dans le bureau à son tour, une sorte de gros goblet dans la main qui exhalait cette odeur grasse et apparemment peu ragoûtante.

"Salut gang ! Excusez, j'étais en train de manger une poutine... Ça vous dérange-tu si je mange pendant le briefing ? J'ai pas eu le temps de dîner pantoute entre les cours et le sport, faque je... Bref..."

Il s'adossa au mur, et touilla pensivement une frite dans son goblet, avant de demander.

"On doit-tu prévoir un costard pour la mission ? Genre réceptions de l'ambassadeur avec des pinotes ?"

Un bref coup d'œil circulaire pour voir ses compagnons. La diplomatie allait être rude...

Roberta se leva tranquillement et ferma la porte derrière Lucas. Le compte était bon. Puis, toujours sans se presser, elle retourna s'asseoir à son bureau et croisa ses bras sur son ventre.

"J'espère que vous êtes diplomates, mes enfants."

Elle attrapa sa tasse de café qu'elle tint blottie contre elle pendant qu'elle poursuivait.

"Vous savez sans doute que la frontière entre notre pays et le Mexique est une des plus surveillées au monde, d'autant plus depuis que le gouvernement mexicain se montre hostile envers les mutants. Des miliciens en patrouille ont repéré un petit groupe de clandestins qui passait la frontière de manière fort peu orthodoxe : ils apparaissaient chez nous. Comme par magie."

Elle mima de sa main gauche un tour de passe-passe avant de reprendre.

"Même si cela ne constitue pas en soi une violation de la frontière, il s'agit d'un acte illégal. Sauf que, comme par magie, encore une fois, l'essence du réservoir du véhicule de patrouille s'est évaporé, et ils n'ont pu que poursuivre les fugitifs jusqu'à un hangar, dans lequel ils se sont retranchés. La police est arrivée trop tard pour intervenir."

Un dossier était ouvert sur son bureau, elle saisit la première feuille.

"Evidemment, dans un bastion conservateur, il n'a pas fallu longtemps pour que l'info se répande et que les médias s'en mêlent. On estime actuellement à cinq cents le nombre de militants anti-mutants qui font le siège du hangar en demandant l'intervention des forces spéciales. Dans notre jargon, on appelle ça une "poudrière"."

Avec toujours le même calme, elle retourna la feuille pour que les élèves puissent la voir. En en-tête, un logo stylisé indiquait les lettre "NCNG", traduites plus bas pas "Ni Couleur, Ni Gènes".

"Nous avons contacté une ONG pro-mutante, qui a accepté d'organiser un vol privé afin que les clandestins se rendent au Canada. Le gouvernement canadien n'y est pas hostile. Mais les immigrés refusent tout contact avec les forces de l'ordre, persuadés qu'il s'agit d'un piège pour les capturer et les reconduire à la frontière. Nous avons envoyé d'excellents négociateurs, mais ils sont dans une impasse. Et c'est pour cela que nous faisons appel à vous, jeunes gens."

La feuille fut rangée d'une main experte dans son dossier, lui-même promptement retourné sur une pile de documents.

"Nous espérons qu'ils accepteront de négocier avec vous. Vous êtes jeunes, vous êtes de plusieurs nationalités, et vous êtes mutants. Vous devez essayer de les convaincre d'accepter cette offre de transport. Avez-vous des questions ?"

Loin d’être en retard, elle était même en première. Roberta n’eut même pas à répondre à sa question, en quelques minutes, la pièce se remplit des différents volontaires pour la mission proposée. Yanis, égal à lui-même faisait partie de la sélection. L’intrigue ébauchée à Paris avait dû le mettre en appétit, qu’il persistait et signait pour un second tour. Luther avait amené une arme étrange, probablement en prévision d’une évacuation forcée ou d’une dissipation de foule en colère. Dès qu’il entra, l’odeur de la pièce changea du tout au tout et donna presque la nausée à Jade, aussi plaça t’elle stratégiquement et aussi discrètement que possible sa main devant son nez, faisant semblant de réfléchir. Une jeune fille entra également, Jade ne l’avait encore aperçu qu’une ou deux fois, la première fois étant dans le hall au moment de son arrivée quelques jours plus tôt. Vraisemblablement peu rassurée, mais volontaire, elle se présenta timidement. Et enfin, le clou du spectacle. Lui pourtant toujours le premier arrivé aux rendez vous, Lucas entra bon dernier. Voila un rendez vous peu commun, imprévu, mais apprécié à sa juste valeur, Jade lui lança un sourire lorsqu’il s’approcha.

Puis Roberta prit la parole. Diplomate ? Jade ? Elle y travaillait, toujours… Sa tendance aux boulettes et parfois son manque de tact la classait parfois hors catégorie, mais elle s’en tirait toujours. Roberta présenta la situation en un peu plus détaillée que sur l’affichage. C’était quelque chose d’assez énorme, finalement. Clairement, les élèves volontaires allaient se retrouver en plein milieu d’un conflit qui pouvait exploser à tout moment. 500 militants anti-mutants pouvaient leur tomber dessus, c’était immense, et un peu flippant… Un petit mystère demeurait cependant, pourquoi les mutants, qui comptaient apparemment un téléporteur parmi eux, n’utilisaient ils pas le même moyen pour s’enfuir? Ils en sauraient plus sur place, probablement. Jade imaginait une sorte de pouvoir-Rachel, mais il y avait tellement de capacités mutantes différentes, et des variantes pour chacune d’entre elle que cela ne servait à rien pour le moment de spéculer dans le vide.

"Pas de question particulière. Pour le moment…" Répondit Jade à Roberta. "Juste: Si la foule est prête à raser le hangar et que la police attend également des ordres de ce type, qui assure qu’il n’y ait pas de débordements?"

C'est que si les clandestins se montraient hostiles aussi, ce serait quand même dommage d'y aller en étant sur de se faire piétiner par quelqu'un...

Yanis ne connaissait Roberta que de vue. Il était arrivé trop récemment pour avoir pu côtoyer cette envoyée du gouvernement, et s'il ne la connaissait pas, il était néanmoins rassurant de voir un peu de couleur sur un visage. Le Maghrébin avait été surpris de voir tous ces visages pâles. Roberta le souligna, ils étaient de nationalités différentes. Pourtant, la grande majorité des résidents présentaient une physionomie nord-occidentale. A croire que l'égalité des chances était ce qu'elle était même pour les mutants : tout le monde n'avait pas la chance d'arriver jusqu'à l'Institut. En y repensant, sa propre arrivée était aussi improbable que providentielle.
Comme pour souligner sa réflexion morphologique, une jeune fille aux cheveux blonds comme les blés, et un garçon presque aussi blond se joignirent à l'expédition.
Avec toutes ces nationalités réunies, il espérait que quelqu'un parle espagnol, au cas où une médiation par l'anglais échouait.

Yanis resta impassible à l'arrivée des autres, malgré une forte odeur de graisse localisée autour de Luther. Il ignorait ce que mangeait le jeune homme, mais il conclut que cela devait être exceptionnel, sans quoi il aurait probablement eu la carrure de Niko, ce qui ne semblait pas être le cas s'il en jugeait par la silhouette relativement sculpturale du Québécois.
L'Algérien se concentra alors sur les faits relatés par Shenzie. Les fugitifs avaient apparemment usé de pouvoirs plutôt peu offensifs pour se défendre, mais il valait mieux rester prudent quant à leurs facultés. A priori, si tout se passait bien, ils n'auraient eux-mêmes pas besoin de recourir à leurs facultés, sauf peut-être pour montrer patte blanche.

A la question de Jade, le jeune homme croisa les bras sur sa poitrine. Il y avait de fortes chances pour que ce genre de besogne leur retombe également dessus, vu le statu quo qui régnait autour du hangar.

"Combien sont-ils ?" demanda-t-il sans préambule, de sa voix cybernétique.

S'ils devaient en plus assurer leur évacuation jusqu'au convoi de cette fameuse ONG, cette donnée avait son importance, à moins que les immigrés ne décident "d'apparaître" dans le charter vers le Canada, ce qui serait somme toute plutôt pratique pour tout le monde.

Ils n'avaient pas eu attendre longtemps que deux autres mutants viennent pointer leur nez. Luther et Lucas se portaient également volontaire. Lucy adressa un sourire timide à Luther. Elève qu'elle connaissait peu, qui la laissait perplexe mais c'était lui qui l'avait aidé lors de son arrivée. Ca suffisait pour que Lucy éprouve une plus grande sympathie pour le québécois que pour les autres. Elle en profita pour regarder avec curiosité la chose qu'il avait dans les mains et qui dégageait une odeur encore inconnue. Elle se contenta de froncer un peu le nez avant de se concentrer sur Madame Shenzie qui leur expliqua avec détails la situation et ce qu'ils allaient devoir faire.

Lucy se tassa un peu plus dans son coin. Elle ne s'était pas imaginée qu'il y aurait autant de monde. Cinq cent militants anti-mutants. C'était largement suffisant pour créer une grave émeute si cela devait s'envenimer. Plus certainement les forces de l'ordre sur le qui vive et d'autres badauds dont l'atmosphère tendue ne pouvaient qu'exciter.
Leur force à eux, c'était, comme l'avait dit Madame Shenzie, d'être jeune et mutant. Cela donnait l'impression d'être assez ridicule. Et bien sur, rester diplomate. Ca semblait tout d'un coup à Lucy bien plus risqué.

Elle observa du coin de l'oeil les autres. Ils semblaient tous très concentrés et pas plus affolés que ça. Cela permit à Lucy de se raisonner un peu.

"On aura un contact la-bas ? Je veux dire ... Quelqu'un qui pourra nous faire un topo de la situation lorsque l'on arrivera ?"

Parce que le temps que la demande d'intervention arrive à NewYork, le temps que Madame Shenzie convoque tout son petit monde, qu'ils débattent et qu'ils se rendent sur place, la situation aura peut être quelque peu changé.

Tout en écoutant le discours de Roberta, Luther avait extrait de son gobelet une frite qui était semble-t-il imprégnée de fromage, qui s'étirait, dégoulinait de sauce, gouttait, et était délicieuse au vu de l'expression satisfaite qu'il affichait ton en mangeant.
Il pouffa de rire en entendant la proposition de les envoyer au Canada, puis se sentit obligé de préciser.

"Câline ! C'est donc ben une chance que ce soit moi et pas Annaëlle l'ambassadeur du Canada ! Sinon, les aut'là auraient sacré leur camp direct pour Mexico, et ne seraient jamais revenus !"

Il engouffra une autre frite, sa poutine québécoise valant toutes les ambassades, puis leva une frite fromagère en guise de doigt, et demanda :

"Ouin. Si y'ont un téléporteur avec eux, pourquoi ils s'en sortent pas eux-mêmes ? Et on est censés faire quoi s'ils ne veulent pas nous parler ? On pourra pas leur forcer la main, sauf à tous les assommer, mais ce serait pas cool pantoute. Aussi, si la foule déborde les flics, ils nous protègeront, ou bien ce sera chacun ses fesses ?"

Il enfourna ensuite la frite, posant de façon ostentatoire le paradoxe bien connu de la gent féminine et de la gent masculine : comment peut-on bouffer une chose pareille, et garder la ligne ?

Lucas était le dernier mutant à se présenter pour cette mission, et sitôt après son arrivée, Roberta ferma la porte du bureau et entama un briefing des plus effrayants : Là où lui et Abaigh avaient du fuir devant une cinquantaine de Parisiens enragés, ça n’était pas moins de cinq cent texans farouchement anti-mutants qu’ils allaient devoir gérer en même temps. Sans compter que les personnes visées n’étaient cette fois pas un notaire faiblard et sa secrétaire peureuse, mais bien un groupe de mutants retors avec des pouvoirs tout autres qu’une épée en métal… Cette histoire ne sentait pas bon, et lorsque l’afro-américaine parla de poudrière, Lucas ne put qu’acquiescer. Cette mission sentait le souffre… Et ça n’était pas dû au plat douteux qu’était en train d’engouffrer Luther en pleine réunion.

Heureusement, ils ne seraient pas seuls sur l’affaire : pour sortir les mutants retranchés de leur pétrin, une association de sauvegarde des droits des mutants avait proposé un transfert jusqu’au Canada, ce qui arrangerait tout le monde au final… Du moins l’espéraient-ils. Et vint le but réel de cette mission : convaincre les mutants récalcitrants de monter à bord du jet qui les emmènerait loin de tous leurs soucis, tout en gardant une paix relative chez les texans radicalistes. Ça n’allait pas être chose aisée ! Leurs points forts pour cette mission : ils étaient mutants, ils étaient jeunes, ils venaient de nombreux pays, et ils devraient se montrer diplomates… Bon… ça pouvait être jouable…

Chacun y alla alors de sa petite question pour amener des précisions sur l’affaire. C’était bon à prendre… Pour ajouter lui aussi son grain de sel à l’histoire, il demanda à son tour :

« Mis à part le téléporteur, a-t-on une idée des pouvoirs des autres mutants ? Ça peut toujours être utile de le savoir… Et puis, si vous avez un plan de la disposition globale des lieux, ça serait bon de savoir s’il y avait moyen de sortir du hangar – et d’y entrer – sans se faire voir par la foule… parce que bon… S’ils sont déjà remontés contre le groupe de mutant là-bas, il n’apprécieront sûrement pas qu’il y en ait cinq de plus qui se joignent à la fête… »

Il essaya de ne pas trop regarder le truc gluant qu’engouffrait Luther, préférant se concentrer sur la mission plutôt que sur les affres diététiques de ses congénères…

Roberta eut un petit sourire pour Jade, vaguement maternel.

- Non, ma chérie, tu m'as mal comprise. Les policiers veulent prendre le hangar d'assaut pour arrêter les immigrants. La foule veut prendre le hangar d'assaut pour les lyncher. Ce sont donc bien les forces de l'ordre qui surveillent le secteur.

Elle poursuivit en répondant successivement aux différentes interrogations.

- Ils sont entre six et douze, nous n'avons aucune certitude sur ce sujet. Les seules sources d'informations sont les miliciens, dont les version varient, et, non, personne d'autre que moi ne vous informera sur le sujet : il vous faudra vous débrouiller. Nous n'avons par exemple aucune information sur la plan du hangar : c'est un bloc vide rempli de containers, mais il est désaffecté et personne ne connaît leur disposition ou leur nombre.

Elle se resservit un verre sans cesser son discours. Un geste qui avait été sans doute longuement travaillé avec les années.

- Ne vous inquiétez pas pour l'arrivée sur les lieux : la foule ne s'est massée que d'un côté du hangar, les policiers vous feront entrer par l'opposé. Pour les pouvoirs, je crains de ne pouvoir vous dire plus que ce que vous savez déjà : l'un d'entre eux a vidé un réservoir d'essence, un autre les a fait apparaître de notre côté de la frontière. Quant à savoir pourquoi ils n'utilisent pas de nouveau ce pouvoir pour s'enfuir...ma foi, vous êtes plus au courant de moi de la manière dont fonctionnent vos capacités, mes enfants. Sans doute le téléporteur est il incapable d'agir à grande distance. Ou bien peut-être doit-il déjà avoir vu les lieux pour utiliser son pouvoir.

Elle rassembla ses notes après avoir en partie vidé sa tasse.

- La police fera en sorte de retenir la foule, mais si elle est débordée, je vous conseille de décamper, car ce sera dangereux. Très bien. Ai-je éclairci toutes les zones d'ombre, ou bien êtes vous prêts à partir ?

Chacun leur tour, les volontaires posèrent leur questions afin d’apporter un maximum d’éclaircissement sur l’affaire. La situation n’étant pas sensée être comique, Jade fit tout pour s’empêcher de rire à la blague de Luther. Mais sa main devant sa bouche limita les dégâts à un simple sourire et un tressautement. Annaelle avait effectivement un sens de la diplomatie à un niveau différent de celui de Jade et qui lui était propre, tout comme Luther, finalement...

"D’accord…" Fit simplement Jade à la réponse de la femme.

Roberta rassura un peu Jade. Ils n’étaient donc pas totalement livrés à eux même en cas de débordement, même si ils auraient l’impression du contraire sur place puisqu’ils seraient dans un lieu inconnu, avec aucun intermédiaire pour les briefer. La jeune fille imagina la scène à mesure que Roberta la décrivait. Ils allaient arriver sur la scène par la porte de derrière alors que la foule hurlerait de l’autre coté. Ils auraient ensuite à faire leur numéro avant de quitter la scène rapidement avant que la foule n’investisse les lieux, hurlant et levant les bras au ciel. Rien de bien compliqué, en somme, Jade avait déjà vécu la même situation pendant un gala de danse, alors qu’avec ses amies, elles faisaient la première partie d’un sosie de Johnny Halliday, une légende en son temps.

Sur place, les autres mutants devraient bien avoir des pouvoirs intéressants, et Jade était toujours toute excitée à l’idée de découvrir de nouvelles capacités. Elle fit un tour de salle des yeux. Les pouvoirs des personnes présentes seraient aussi peut être utiles. Ses yeux s’arrêtèrent sur son Lucanounet. Qu’ils y viennent les anti-mutants pas contents, qu’on voit s’ils tiennent deux minutes face à son diamant. Et puis, elle, elle mordait fort… Seul le pouvoir de Lucy était encore inconnu pour Jade. De toute façon, Roberta leur suggéra de prendre la fuite en cas de dérive, ce qui était plutôt une bonne idée.

Jade passa sa main dans le dos de Lucas sans pour autant faire elle-même trop de débordements affectifs. Ne voyant pas quoi demander de plus pour le moment :

"Je pense que ça ira… pour moi." Elle regarda alors les autres volontaires.

Shenzie était particulièrement familière avec les élèves, bien plus par exemple, que le professeur des JustiX ne l'était. Et pour un envoyé du gouvernement, elle semblait finalement plutôt bien accueillie par les mutants, s'il en jugeait par le comportement des présents. D'ailleurs, elle venait bien de drainer des volontaires pour sa mission, et plutôt rapidement. Cette femme était un choix habile de la part du Pentagone. Elle répondit aux différentes questions, apportant des réponses assez peu positives lorsqu'on les mettait bout à bout. En somme, ils allaient être lâchés en plein no mutant's land, et leurs cibles étaient en surnombre. Enfin, le mieux était encore de juger sur place de la situation.

"Bien." dit-il simplement pour signifier qu'il n'avait rien à ajouter pour le moment.

En fait, ils ne savaient rien. Juste qu'il y avait un hangar avec des mutants effarouchés à l'intérieur et des forces de l'ordre dehors, prêt à tout faire péter. Le reste étaient des informations plus que floues. Peut être qu'ils n'avaient pas besoin d'en savoir plus. Peut être que c'était l'une de ces escapades où il fallait juste improviser sur le tas. Après tout, il n'y avait pas trop de questions à se poser. Rentrer dans le hangar et discuter avec les mutants pour les convaincre de se laisser aider par une ONG. Comme venait de le dire Madame Shenzie, si ca tournait mal, ils pouvaient se carapater ventre à terre.

Mais quoi qu'il en soit, ce n'était pas pour rassurer Lucy qui avait fini par se ronger les ongles, machinalement. Et pourtant, ca ne l'empêchait pas de vouloir le faire. D'aller mettre son grain de sel aussi fin soit il, dans cette histoire. Peut être était ce l'ambiance de l'institut, d'entendre des anecdotes de mission et autres aventures auxquelles les élèves faisaient parfois allusion qui la motivait autant ?

Lucy arrêta de se mordiller les doigts et haussa les épaules. Non, pas d'autres questions.

"Allright... On va voir ce qu'on peut faire..."

se contenta de répondre Luther, tout en finissant sa poutine. Mutants terrorisés, foule échauffée, policiers dépassés... La routine quoi.

Et toutes les questions trouvèrent réponse dans le discours de Roberta qui suivit les interrogations étudiantes. Presque toutes, en tout cas : la dame du gouvernement n’avait pas non plus tous les renseignements, même si elle se disait la mieux renseignée – et c’était sans doute vrai – sur le sujet. Ainsi donc leur entrée, et Lucas l’espérait, leur sortie, se passerait sans devoir affronter directement la foule anti-mutante. Ils n’auraient pour ainsi dire qu’à faire face aux forces de l’ordre, ce qui n’était peut-être pas préférable, au final. Tout dépendait des flics présents dans ce que Madame Shenzie avait appelé « un bastion anti-mutant », le Texas très à droite de la droite, en ce qui concernait la question mutante…

Ils avaient donc leurs ordres, les précisions inhérentes à la mission, le plus qu’il était possible de donner, et ils allaient donc pouvoir partir. Visiblement, personne n’avait d’autre question quant à cette mission : ils verraient bien sur place.

Et ce fut Lucas à clôturer le tour de parole, et certainement aussi la petite discussion avec l’afro-américaine.

« Rien pour moi non plus… On avisera sur place selon l’évolution de la situation ! »

Roberta hocha la tête d'un air satisfait.

- Très bien, mes enfants. N'oubliez pas votre dég...votre costume pour bien montrer que vous n'êtes pas des gens ordinaires. Le Jet vous emmènera.

Puis elle rassembla ses papiers et tira un autre dossier, qu'elle commença à feuilleter, vraisemblablement passée à autre chose.