[JustiX + LeX 6.5.3] Bad moon rising

Esther conduisait un vieux bus scolaire pourri sur les routes poussiéreuses texanes. Abaigh, Lucas, Kanata et Yanis sentaient bien que les amortisseurs étaient fichus ! Mais, personne n'avait jamais prétendu qu'une mission se devait être de tout confort... Ils étaient partis depuis Dallas à bord de cette épave. La conduite de l'israélienne était nerveuse et elle n'avait peut être du dire que 10 mots depuis qu'ils s'étaient mis en route.

La mission n'était pas des plus rassurantes : en gros, il s'agissait de se jeter dans la gueule du loup en milieu inconnu. Tout simplement.

Et même si les témoignages croisés d'Alixtide et de Juan avaient pu permettre d'en savoir un peu plus sur la configuration de la Colonie, les données étaient bien maigres : tout au plus, les mutants savaient que l'accès qu'ils allaient prendre les conduiraient au sous-sol d'une tour qui comportait 66 étages, le dernier étant le bureau du chef de cette colonie, le Maître du Haut-Château. Autre élément troublant, Juan était arrivé quant à lui par le toit : or le bureau du Maître du Haut-Château était censé se trouver AU DESSUS de la position de Juan. Ce qui n'était guère réaliste ou possible...

Bref, un gigantesque mal de tête en perspective.

Esther rappela une dernière fois les consignes :

"Bon, si ce que nous as dit Alix et Juan est vrai, nous allons trouver l'accès à la colonie dans une petite station service désaffectée. A l'intérieur de celle-ci, il y a une pièce où se trouve un miroir. Il s'agit d'un vortex. De l'autre côté, c'est le sous-sol. C'est là que nous trouverons la Gardienne de la Lumière et le plan de cet endroit. Nous rencontrerons aussi, malheureusement, des robots programmés pour tuer... Donc... Faites bien attention à vous. Et restez sur vos gardes !"


Le bus passa à côté d'un épouvantail enflammé... Qui se tenait là tel un mauvais présage. Tout comme cette lune. Pleine. Et inquiétante.

L'heure tournait : minuit moins cinq. Babylone approchait. Et il allait falloir agir. Agir pour ne pas mourir.

"Nous savons que cette station service ainsi qu'une paquet de terrains non exploités sont la propriété de la Société Pyramid, déjà connue pour son affiliation à Nemo. En somme, ils possèdent TOUT le coin. Personne ne peut s'approcher, légalement, de cet endroit..."


Finalement, la station service apparut dans leur champ de vision. Elle n'avait rien d'extraordinaire. Rien du tout même. Mais...

... il y avait des gens devant. Un vieux dans un rocking chair qui fumait une pipe, ses jambes recouvertes par une couverture indienne. Un petit garçon qui jouait au ballon. Et une jeune femme qui étendait son linge. Le tout...

... à minuit.

Esther gara le véhicule devant la station service. Déjà la jeune femme se retournait et l'homme se redressait sur son rocking-chair.

[Voilà, le mode jeu est ouvert ! N'hésitez pas à faire des résolutions partielles si besoin est ! Lucas est leader. Bon jeu !]

Direction Babylone ! C’est menés par Esther que Lucas, Yanis, Abaigh et Kanata partaient dans cette mission suicide aux frontières du réel. La colonie pénitentiaire n’attendait plus qu’eux, et ça n’était pas les nids-de-pies et dos d’ânes de la route et leurs cahots inconfortables qui allaient les en empêcher. Ni l’heure tardive, ni les montagnes de robots qui se dresseraient contre eux, ni le stress de Melle Kofman ne les empêcheraient de mener à bien la mission qui leur avait été confiée : révéler la véritable identité de cette colonie pénitentiaire que Juan, Blake et Alixtide avaient découverte. Bien que le dernier obstacle allait sans doute être difficile à gérer… Le début de cette mission était éloquent : Esther était nerveuse, et ça s’en ressentait clairement dans sa conduite impulsive et saccadée. Lucas s’était pourvu d’un postérieur en diamant pour minimiser l’inconfort du voyage au maximum, bien que cela fut une tentative bien vaine et désespérée…

C’est donc secoués dans tous les sens par cet antique bus scolaire que les élèves de l’institut arrivèrent à proximité de Babylone en écoutant attentivement – pour Rock, du moins – les consignes de leur professeur référent. Ils devraient passer à travers un miroir situé dans une station service désaffectée, éviter de se faire tuer par des robots meurtriers et grimper tout en haut d’une tour de 66 étages qui semblait tout sauf rationnelle. Ils se rendaient un peu au Pays des Merveilles, tout comme Alice, mis à part que ce n’était pas un rêve et qu’ils ne seraient certainement pas invités à prendre le thé. Mais Lucas était certain que tout là-bas serait sans queue ni tête… Il n’y avait qu’à voir la demoiselle étêtée qui leur avait servi de ‘guide’ pour cette mission, de mode d’emploi énigmatique, un peu comme l’aurait fait le Chat de Chester.

D’autres auraient comparé cette mission à l’Enfer de Dante, dont ils étaient actuellement à la descente, mais bon… Ne soyons pas tatillons.

Bref à leur approche, tout semblait avoir été organisé pour les accueillir comme il se devait : la pleine lune qui aurait sans doute effrayé Lucas s’il n’avait pas passé une semaine à côtoyer un loup-garou au sein même de l’Institut, ainsi d’un affreux épouvantail enflammé qui fit frissonner le rocher l’espace d’un instant. Ce machin remplissait bien son rôle, il était épouvantable. Mais Lucas savait que ça n’était rien comparé à ce qu’ils pourraient rencontrer à l’intérieur même de la colonie.

Lorsqu’il arrivèrent à la station service, ils purent tous remarquer qu’elle était gardée… Et ce détail sonna comme une symphonie glauque dans l’esprit du franco-suédois. Un gosse qui jouait au ballon, un vieux dans un rocking-chair, une femme qui étendait son linge… Au beau milieu de la nuit. Esther gara le bus et Lucas se permit un commentaire :

« Quel accueil… Des illusions fort réalistes…A moins que ce ne soit déjà des robots gardiens… »

Il activa aussitôt son pouvoir diamantin, parant sa peau d’une protection efficace, mais pas indestructible… C’était mieux que rien, compte tenu des circonstances.

« Restons prudents… »

Comme il l’avait toujours fait lorsqu’il avait été Leader des Ceresix, il précisa à ses compagnons :

« Mot d’ordre de la mission : communication. On reste toujours en contact, voire même en groupe. Il est hors de question qu’on reparte en en laissant un derrière… »

Et comme une ritournelle portant bonheur, refrain de ses missions passées couronnées de succès, il se dit pour lui-même :

*Et let’s Rock…*

Tout couvert de diamants, il sortit donc du bus scolaire et s’avança vers les soi-disant gens, sur ses gardes, pour leur dire sur un ton qui se voulait naturel :

« Bonsoir, pourrions-nous utiliser vos commodités ? »

A peine Lucas eut-il mis un pied hors du bus que les autochtones s'activèrent. Le vieux sortit un pistolet Uzi de sous sa couverture, la femme se pencha pour aller prendre quelque chose que les mutants ne voyaient pas dans son panier à linge et le gamin abandonna son ballon pour faire volte face, dans le but évident d'entrer à l'intérieur du bâtiment.

C'était non sans une certaine ironie que Yanis se retrouvait dans le bus scolaire censé le mener à Babylone. Ce symbole de décadence était plus issu de sa culture que de celle des Américains, pourtant ils avaient leur propre Babylone. Quelle idée saugrenue de baptiser la ville ainsi. D'après les conclusions des LeX, les groupuscules mêlés à toute cette affaire étaient portés sur la religion. Ca tombait bien, lui aussi. Le symbolisme religieux de leur situation géographique ne leur avait sans doute pas échappé. Il fallait se rendre à l'évidence : il y avait de fortes chances pour que leurs adversaires fassent volontairement le mal. Le nano-mutant s'y était préparé, tout comme il s'était préparé à l'éventualité de ne pas en revenir. Avant de partir, il avait pris le temps de faire sa prière en bonne et due forme. Bien entendu, il ferait tout pour assurer sa survie, en commençant par appliquer le conseil d'Annaëlle concernant les salves balistiques.

Aleph était restée silencieuse durant le voyage, ce qui convenait parfaitement à Cobalt. Le mutant était resté tranquille dans son coin, impassible devant la tâche périlleuse qu'ils devraient accomplir. Outre les objectifs officiels de l'équipe, il avait son propre objectif, plus personnel. Sa quête intérieure, qu'il partageait avec Viconia, l'avait poussé à se porter volontaire. C'était une motivation plus convaincante, plus puissante que la simple perspective de rendre service aux LeX. Pour ça, il était prêt à risquer sa vie.

C'était la première fois qu'il voyageait à bord d'un bus scolaire. La sortie n'était pas éducative... mais il en tirerait peut-être des enseignements. Le décor se fit de plus en plus aride de l'autre côté des vitres, jusqu'à ce qu'Esther arrête le véhicule.

Rock prit sa forme rocheuse, tout en leur intimant la prudence. Les bras croisés sur la poitrine, l'Algérien ne dit rien, mais l'observa mettre en pratique sa tactique "prudente", perplexe. Difficile d'estimer si l'apparence mutante du jeune homme avait provoqué cette réaction hostile, ou si toute visite était ainsi accueillie.
Quoi qu'il en fut, la présence de ces gens dehors était étrange, sans parler bien sûr de leur armement.

Descendant à son tour du bus, tout en ajustant le gilet sans manches de sa tenue de combat, Cobalt commenta, suite à la question de Lucas :

"Je crois que c'est un non."

Son oeil perçant survola les forces en présence. Vieillard, femme, enfant. Ils ignoraient ce qui les attendait à l'intérieur de la station, mais ils ne pouvaient courir le risque que le petit donne l'alerte.

Cobalt se plaça directement dans le dos de Rock, afin de se servir du mutant comme d'un bouclier humain. Voilà comment le nano-mutant restait en contact. A l'abri derrière son coéquipier, il dévida son bras gauche en un fouet, qu'il fit claquer en direction des pieds du gosse dans le but de l'immobiliser, voire de le faire tomber.

C'était armé de nombreux jurons que le Yun avait fait le voyage dans ce taudis ambulant. La prof était loin d'être marrante et elle conduisait comme une tarée sur un terrain à la con. Son cul rebondissait régulièrement sur les fauteuils aussi moelleux qu'une plaque de ciment ce qui lui vaudrait de jolis bleus aux fesses. Il demanderait à Jeckel confirmation ! Il avait le front contre la fenêtre, tentant désespérément de fermer l'oeil. Et en plus ça sentait le phoque.

Nouveau rebond. Tête qui cogne. " Rha mais merde putain à la fin, salopris ! " Ils arrivaient quand ? Kanata tenait à voir cette tour au dernier étage volant, ou un truc du genre. Dehors, il aperçut comme les autres l'épouvantail qui cramait. Ca faisait un peu dans le style " toi qui rentre ici abandonne toute histoire " dans le fond. Trop bien. Ils étaient à Pyramid Parc et ils avaient vu une animation d'Halloween.

Et puis enfin, ils arrivèrent ! Une belle petite famille était paisiblement là entrain de faire des trucs banals qu'on fait en pleine journée. A part que c'était le milieu de la nuit. Et le gamin il roupillait pas à cette heure ? Faire bosser un gamin si tard, c'était pas cool. Il faudrait le faire remarquer à un organisme de défense de l'enfance !

Lucas descendit en mode Caillou de valeur. Le Japonnais pensa un instant à essayer de grappiller un morceau ou deux de son corps pour arrondir la fin de moi mais ça bougeait sévère à côté. Le petit vieux sortit une flingue mitrailleur, la femme récupérait aussi un truc et le gamin se barrait. Aucune doute qu'il se ramènerait avec un truc léger, genre lance roquette. Une famille américaine banale quoi.

Le Yun descendit également du bus mais se plaça derrière de manière à être protégé en cas de rafale de balle. Pas qu'il ait peur, mais il aurait l'air con s'il était étalé au premier round, et encore plus s'il se faisait refroidir. Et puis se faire tuer par une illusion, c'était quand même la honte. Alors autant laisser Rockman tester les balles. Il voulait de la communication, alors il avait qu'à leur communiquer que tout allait bien.

Le vieux tira une rafale d'Uzi contre Rock qui encaissa les coups sans broncher. Kanata et Yanis, planqués juste derrière le suédois entendirent les balles rebondir contre leur ami.

Les femmes du groupe, quant à elles, étaient pour l'heure encore dans le bus. Esther sortit en toute hâte et se jeta au sol... Le nez dans la poussière, elle grimaça en se concentrant sur le vieillard et son arme.

"Bordel" marmonna-t-elle.

Le fouet de Yanis claqua aux pieds du gamin. Ce dernier fit un joli vol plané et s'écrasa lourdement sur le perron de la porte. Un peu trop lourdement. Bien trop lourdement. Cela avait même fait un bruit mécanique. Et dans l'obscurité des étincelles s'échappaient de son corps... décapité.

C'était un robot. Et visiblement d'une conception guère solide.

Le vieux sans ciller allait pour recharger son arme. De la vapeur commençait à s'échapper de ses mains. Elles fondirent tout simplement, en même temps que le pistolet Uzi qui tomba par terre, réduit à une masse liquide et bouillante. Finalement, la tête de la machine fut également fondue. Aleph ne relâchant sa concentration qu'au moment où le vieux ne bougea plus du tout.

Mais pendant ce temps, la femme extirpa de sa panière à linge un couteau de chasse. Et lentement. Mécaniquement. Elle s'approcha du groupe mutant.

C'était peut-être dû à son pouvoir de métamorphose, mais lorsque Yanis sentit Kanata derrière lui, il se fit la réflexion que le mutant japonais agissait souvent par mimétisme, comme il avait pu le faire quelques jours plus tôt dans le foyer avec Alixtide. Par chance, il ne bloqua pas ses mouvements, et le Maghrébin put mettre le gosse à terre. Sa tête se désolidarisa de son corps avec une facilité surprenante, tandis qu'Aleph s'occupait du vieillard. Abandonnant son bouclier humain tout en restaurant son bras, Yanis fit quelques pas en direction du cyber-gamin, et retourna son corps de la pointe de sa botte.

De toute évidence, ces chiens de garde n'étaient qu'un leurre pour dissuader ceux qui violeraient cette propriété de Pyramid. Donner l'impression que la station était habitée par des autochtones assez territoriaux. Mais vu la fragilité de ces machines, elles ne devaient pas réellement avoir pour vocation de repousser un assaut, encore moins un assaut mutant.

Cobalt se saisit de la tête du môme et jeta un bref coup d'oeil pour voir en quels matériaux étaient conçus les circuits internes et l'épiderme du visage. La tête sous le bras, il revint sur ses pas comme si de rien n'était.

"Tu en as plus besoin que moi." lança-t-il à Kanata en désignant l'uzi laissé par le vieillard.

Il remonta à bord du bus et déposa son "trophée" sous son siège, calé contre la paroi. Lorsqu'il avait vu la tête s'envoler comme un bouchon de champagne, il s'était immédiatement dit qu'elle pourrait lui servir de matière première pour une future création. Il avait néanmoins l'intention d'étudier son fonctionnement d'abord, en la démontant. Ce genre d'exercice ne pouvait que l'aider à créer des nano-machines plus sophistiquées et intelligentes. Ce faisant, il s'adressa à Abaigh, qui était restée à l'abri du bus.

"Tu peux sortir, ces trois-là sont neutralisés." l'informa-t-il, avant de redescendre du véhicule. Il lui semblait tout naturel que la jeune fille ait préféré attendre que les autres nettoient le passage, il avait donc parlé avec le même détachement que d'habitude.

Mieux valait néanmoins rester prudent ; il n'était pas dit que la station soit vide. Cette idée en tête, il tenta de matérialiser une targe sur son avant-bras droit, afin de pouvoir parer d'éventuelles attaques. A l'exception de Rock et Cobalt, les membres de l'équipe auraient plus de difficulté à préserver leurs organes vitaux. La logique aurait voulu que Rock, qui avait de plus la responsabilité du groupe, passe le premier afin d'encaisser les attaques. Le petit n'avait pas pu donner l'alerte, mais les coups de feu pouvaient avoir averti d'autres robots dans les environs... Le LeX allaient peut-être vite en besogne, mais de façon irréfléchie.

"Les autres ne sont pas blindés. S'il y a quelqu'un à l'intérieur, ils se feront tirer comme des lapins. Le bon sens veut que tu entres le premier, Rock." contredit-il simplement tout en préparant sa propre protection. Perdre des unités était déjà synonyme de mauvaise gestion, mais les perdre à ce stade de la mission serait tout bonnement stupide.

Lucas, c'était un peu un blindé, et Yanis, un canon. Manquait plus que l'un monte sur l'autre et tourne pour avoir un tank avec tourelle. Planqué derrière le bus, Kanata encouragea en donnant de faux coups de poings Grille-Pain défoncer le gamin selon le célèbre dicton "Pas de tête, pas de chocolat." et admira Mr Diamond exploser la tronche de la vieille alors qu'Esther venait de faire fondre le papy. A eux deux, ils tenaient la solution aux retraites. L'extermination de vieux. Rapide, efficace, et sans trace. Restait à falsifier le testament à leurs noms et c'était le gros lot. Ou à piquer un bras à Rock. Là aussi ça rapporterait gros. Il ne devait avoir besoin que d'un bras sur les deux de toute façon en mission...

Kanata sortit lorsque tout sembla calme. On venait de lui indiquer à deux reprises de se servir de l'uzi. Faire joujou avec un truc qui fait poum, ça l'amusait, mais avec un truc qui fait poum qui était en flaque de métal au sol, ça faisait beaucoup moins poum. Il se retint de lancer à Esther un "Elle a cassé mon uzi !" qui l'aurait un tantinet infantilisé.

Le Yun devait à présent rentrer dans la bicoque mais quand on voyait les gens à l'extérieur, il s'attendait vaguement à trouver un cuisinier obèse à l'intérieur en train de faire revenir des écrous dans de l'huile de moteur d'une main et avec un couteau de boucher dans l'autre.

Heureusement, Grille-Pain lui sauva la mise grâce à une remarque fort pertinente. Lucas était blindé, Yanis était armé de son bras, et Abaigh... Elle était multiple. Le Japonnais lui n'était ni résistant, ni dangereux, ni schizophrène. Quoique ce dernier point reste à vérifier avec son pouvoir.

Il se tourna donc vers Abaigh après avoir jeté un oeil circonspect à l'entrée. "Toi d'abord. Je veux dire... Les filles d'abord ! Une de tes filles même. Ou toutes. Je suis pas loin derrière, t'inquiètes. " T'inquiète, je cours vite, je m'en sortirai...

Deux des clones d'Abaigh entrèrent dans la bâtisse tandis que le dernier restait posté devant le perron, prêt à transmettre les informations données par ses frangines.

Pendant ce temps, Yanis réussit à se fabriquer grâce à son pouvoir le bouclier dont il souhait pourvoir son avant-bras droit.

Finalement, au bout de quelques minutes, le signal fut donné : la voie était libre.

Le commando mutant investit le bâtiment. A l'intérieur tout n'était que poussière et décrépitude. Des pièces vides et misérables. Voilà ce qu'était cet endroit. Personne n'y habitait. Ce n'était qu'une façade, une couverture pour tout autre chose...

L'endroit n'était qu'un prétexte. Sa seule fonction était d'abriter la porte qui donnait vers les enfers...


Esther et ses élèves s'arrêtèrent dans la pièce contenant le seul élément de mobilier de la demeure : en l'espèce un vieux miroir couvert de poussière.

"Si, Alix et les autres ont dit vrai..." commença l'israélienne en s'approchant de l'objet.

Elle marqua une légère pause. Puis souffla légèrement sur la pellicule de poussière...


Et plutôt que de renvoyer le reflet d'Aleph, le miroir réfléchissait tout autre chose... Un corridor sordide qui ne pouvait mener qu'à...

"La colonie pénitentiaire" lança Esther d'un ton grave. "Elle se trouve derrière ce miroir..."

Approchant sa main, Esther réalisa que la surface du miroir semblait bouger. Comme si elle était liquide.

"La voie semble libre" conclut-elle l'air inquiète. "Au bout de ce couloir, il doit y avoir un ascenseur et des drôles de portes. Ces dernières mènent vers les robots qu'a rencontré Alix, la Gardienne et l'avocat otage. Quant à l'ascenseur... Blake et Juan n'ont pu qu'explorer une infime partie de l'endroit"

Elle avala sa salive. Et regarda ses compagnons d'infortune.

"Les choses sérieuses vont commencer"

Une fois sortit du bus, Cobalt équipé de sa nano-targe s'était rapproché avec circonspection de la bicoque. Ce faisant, il remarqua l'état auquel avait été réduit l'uzi. Tant pis. Au pire, si le Japonais souhaitait s'armer, il restait sûrement le couteau de chasse. Il avait lui-même l'habitude des armes blanches depuis l'apparition de sa mutation. Pinceau ou couteau, le maniement d'un outil-extension de son corps lui était très naturel.
L'Algérien hocha pensivement la tête (hochement dont l'amplitude réduite était calculée pour signifier sa compréhension) lorsqu'Abaigh se multiplia. C'était la première fois qu'il la voyait user de son pouvoir, et l'effet était surprenant. En restant à l'abri du bus, la jeune fille semblait avoir reculé pour mieux sauter : il fallait un certain cran pour envoyer une partie de soi à l'abattoir, surtout si elle ressentait ce que ses clones ressentaiten. Le mutant se fit la réflexion que Fiain devait avoir une maîtrise supérieure de son instinct de survie, contrairement à Gilles par exemple, qui lui avait démontré sa parfaite maîtrise de l'instinct de conservation. Il ne s'était pas trompé, cette excursion allait être très révélatrice, tant du point de vue de la mission que de ses camarades.

Yanis de l'autre côté du miroir, resta indifférent à l'atmosphère oppressante, écoutant les commentaires d'Esther qui s'improvisait guide touristique. L'objectif même de la mission était demeuré très vague au briefing. Ils devaient se rendre sur place, c'était plus ou moins l'instruction qu'il avait archivée. Le Maghrébin entreprit de compter chaque point qui lui avait semblé important sur ses doigts.

Pouce.

"Le nombre d'étages multiplie nos chances d'être repérés. Si cette colonie compte autant d'étages, on ne peut pas avancer à l'aveuglette. S'il est vrai que votre secte déporte ici ses traîtres et incapables... nous aurions peut-être intérêt à retrouver Mike Dawson, condamné pour avoir voulu révéler la vérité. Auquel cas, à moins qu'il ait bougé, on devrait le trouver au sous-sol. Feuerstürm veillera à ce qu'il ait un vrai procès. Il y a peut-être d'autres prisonniers encore vivants et traîtres à la cause de Nemo..."

Index.

"Dans son.... testament, la gardienne de la lumière demandait à ce que la colonie soit détruite. Décidons."

Majeur.

"6, c'est le chiffre du sheitane. Une visite au proprio me paraît incontournable, mais je serais étonné qu'on puisse aller et venir comme dans un moulin."

Cela ne faisait que trois points, mais c'était déjà énorme compte tenu de la situation dans laquelle ils étaient.

Schizo-girl put découvrir que la maisonnette était vide. Tant mieux ! Moins chacun devait se battre et mieux ça irait. Enfin lui pour le moment, il était peinard en arrière. Pour les combats, il risquait pas de foncer dans le tas. C'était pas Exterminator XVII après tout. Même s'il avait les muscles (bien cachés), l'intellect surdéveloppé (très bien caché), la différence se faisait entre le lance-missile et ... l'uzi fondu. Histoire d'avoir un truc à foutre au travers de la tronche d'un autre truc, Kanata se saisit du couteau de boucher. Il aurait largement préféré le flingue mais bon.

Tout le monde entra et dame-clope découvrit le fameux miroir téléporteur. Il aurait bien lancé à un des clones de Schizo-girl un " Toi d'abord. " à nouveau, mais tout le monde allait rentrer en même temps. Cool. S'ils mourraient, ce serait ensemble. Comme si c'était rassurant. Il avait imaginé mourir un jour de façon héroïque, avec sa blondinette, entre autre, qui se jetterai sur son corps mourant et qui l'embrasserait fougueusement en l'invoquant de tenir bon... et il tiendrait bon ! Ouai bon, donc en fait, il mourrait jamais dans ses films. Sinon il pouvait pas rouler des patins aux meufs.

Main dans la main, ils passèrent tous le miroir liquide et se retrouvèrent dans un endroit à foutre les chocottes à un cafard asthmatique. Le lieu parfait pour tourner Zombie Revival XIII. Y'avait déjà l'odeur au moins. Le Yun se retint de lancer le classique " T'as pété ? " à Grille-Pain qui n'aurait probablement pas compris la blague étant donné son humour approchant le zéro absolu. Ca devait être une chose floue pour lui d'ailleurs. Mais... Est-ce que Yanis pétait ? Question légitime. Est-ce qu'une machine avait des flatulences ? Non ! Il faudrait tirer ça au clair. Mais plus tard.

D'ailleurs, ce dernier énonça les principaux points. " Si on peut se récupérer des alliés ici, ce serait ptête mieux que foncer directement voir le chef au 66 nan ? Au moins un peu de chair à canon... Ou alors on fout le boxon à cet étage et on profite que les bots se la ramènent ici pour monter en espérant que ça aura vidé un peu les étages." Il se sentait moyennement de foutre des coups de couteau dans des robots. C'était beaucoup moins fun quand on pouvait creuver bizarrement qu'en jeu.

"OK ça marche" lança rapidement Esther. "On va chercher Dawson et les éventuels autres prisonniers. Puis, dès qu'on en saura un peu plus, on file au 66 aller déboulonner cette structure"

Elle était nerveuse. Et ça se sentait. Ce n'était pas à des élèves qu'elle parlait là. Des élèves n'avaient rien à fiche ici. C'étaient ses coéquipiers, voilà tout. Et des coéquipiers, on leur fait confiance. On les protège et il nous protège.

"Entrons ici et perdons tout espoir" lâcha-t-elle comme pour elle-même en poussant la lourde double porte.

Cette dernière s'ouvrit finalement. Et plongés dans le noir, en proie à leurs angoisses les plus intimes, les membres du commando parcoururent un bien court tunnel. Finalement, Esther buta à nouveau contre une paroi. Cherchant au toucher une sortie, un mécanisme d'ouverture, une issue, elle posa la main contre une section mobile et...


Sur un parterre d'ossements humains, dans une pièce où régnaient les odeurs de putréfaction, dans une ambiance morbide, se tenait un homme... Michael Dawson.

"C'est un piège !" hurla-t-il à plein poumons.

La petite équipée se retourna, pour voir où ils avaient mis les pieds, pour constater que leur issue était...


... une porte à forme d'homme. Elle venait de se refermer. Et rien ne laissait penser que l'ouvrir à nouveau serait aussi facile... Et la seule autre issue était devant eux, derrière Dawson...

Un souffle menaçant se faisait entendre dans un des coins obscurs de la petite pièce...


Un œil maléfique les observait de son regard glacé. Quelle que puisse être cette créature, elle semblait comme prête à leur bondir dessus et à les dévorer.

Dawson tremblait de tous ses membres. De rage. De fureur. En colère d'avoir été un appât.

L'équipe entendit des applaudissements. Et le bruit d'un objet qu'on frappait au sol. Un homme avança en boitillant, s'appuyant sur sa canne anglaise.


"Vous allez être humiliés. Je vous félicite d'être arrivés jusque là. Oui, vous allez être humiliés. Et torturés. Meurtris. Dans votre chair et dans votre âme. Et à la fin vous nous direz merci, quand vous aurez franchi la porte des mille douleurs et que vous ne pourrez plus prétendre à cette ridicule appellation d'humains. Mais d'abord, vous allez souffrir. Beaucoup. Et ce ne sera ni rapide, ni joli à voir"

Il s'arrêta tout prêt de Dawson. L'œil de la machine fixait toujours les mutants.

"Vous n'aurez pas la chance de passer par l'incinérateur. L'Avocat du Néant ne vous déchiquettera pas avec ses griffes mécaniques. Non, vous allez parler. Et seulement après, nous vous laisserons à l'état de coquilles vides. Mais..."

Il sourit. D'un air pervers.

"Avez-vous une dernière volonté réelle ? Avant que je n'ordonne à l'Avocat du Néant de sortir de son manteau d'ombre et de vous poser les implants ?"

Kanata dévoila non sans ruse ses vues sur la situation. Le Japonais n'était certes pas spécialement volontaire, mais il semblait s'orienter de façon naturelle vers les stratégies détournées qui impliquaient l'exposition minimale de leurs troupes. Un petit futé en somme, qui s'il n'était pas partisan des premières lignes, pouvait se révéler fort pertinent en unité de soutien.
Finalement, Kofman trancha et le groupe lui emboîta le pas dans le couloir. Finalement, ils allaient donc faire confiance à cette cyber-réplique d'une des anciennes ennemies des LeX et tenter de détruire les lieux. L'Algérien n'en pensa rien de spécial ; l'Israélienne connaissait mieux les tenants et aboutissants de la piste qu'elle suivait, il n'était là qu'en renfort exceptionnel.
Yanis profita de leur ballade pour observer l'architecture insolite des lieux. Toute cette structure devait bien sortir de l'imagination tourmentée de quelqu'un. L'environnement avait d'ailleurs l'air d'affecter passablement le professeur remarqua-t-il. Pour lui, il s'agissait d'une forme d'expression qui en révélait beaucoup sur les moeurs locales. Finalement, ils passèrent une porte donnant sur un lieu présentant plus d'indices sur le culte morbide de la secte. L'artiste reprenant le dessus, il ne put s'empêcher de contempler les totems squelettiques qui émergeaient des ossements, plutôt que la silhouette, bel et bien charnue et vivante, qui se trouvait au milieu de la pièce. Les formes paraissaient pourvues d'une fausse symétrie, un peu comme le reste des éléments qu'il avait pu voir ici, comme si elles étaient issues d'une sorte d'hybridation incontrôlée, de malformation qui s'apparenterait ici à la normalité. Si l'homme ne les avait pas interpellés, Yanis se serait probablement rapproché pour étudier ça tranquillement. Malheureusement, l'heure n'était pas à l'étude artistique.

L'irruption d'un homme barbu et boîteux le tira de sa contemplation. Le Maghrébin jeta un bref regard au visage de ses coéquipiers, et conclut de leur expression qu'ils n'avaient jamais rencontré cet homme. Difficile de dire s'il était vivant ou robotique, d'ailleurs. Si le mutant avait admis assez aisément l'existence d'une sorte de dimension parallèle accessible par portail et qui serait peuplée de vivants incarcérés et de robots, il doutait par contre encore fortement de la présence de morts "bien vivants" qui se promèneraient tranquillement, faisant fi du fait... qu'ils étaient morts. Bien sûr, c'était jusqu'à preuve du contraire et explication circonstanciée du phénomène. Pour lui, l'inconnu était donc soit vivant, soit robot. Son boitement laissait à penser qu'il était humain, mais à quoi pouvaient-ils vraiment se fier ici ? Dans tous les cas, il leur était plutôt hostile et retors.

Savait-il vraiment qui ils étaient, comme il semblait le prétendre ? Yanis ne voyait pas très bien ce qu'il espérait tirer d'un interrogatoire des mutants : quelques secondes auparavant, ils ne savaient toujours pas ce qu'ils allaient faire dans la colonie... Ecoutant d'une oreille son discours théâtral, l'Algérien observa l'oeil. Cette chose était peut-être le fameux avocat du Néant. Il se demanda à quoi pouvaient bien servir les implants. Il aurait été intéressant d'en trouver un pour une étude ultérieure. Dommage qu'ils ne puissent pas faire pucer l'un d'entre eux. Il y avait bien Abaigh et ses clones, mais il n'était pas particulièrement souhaitable qu'une armada d'Abaigh se retournent contre eux.

Apparemment, cet homme commandait l'oeil. Pas d'homme, pas d'oeil, pas de danger. Cobalt avait dans l'idée que neutraliser l'homme était la meilleure chose à faire, mais ce dernier se trouvait trop près de l'inconnu qui les avait mis en garde. Il avait beau ignorer son identité, il y avait de fortes chances pour qu'il soit de leur côté.

"Nous représentons cet homme conformément au Code des Ténèbres. Eloignez-vous de notre client. Tout refus d'obtempérer sera considéré comme une infraction, les moyens nécessaires seront mis en oeuvre pour vous punir." lança froidement Yanis de sa voix mécanique, qui pour une fois, ne lui semblait pas totalement décalée en vertu de leur environnement. Ce faisant, il fit signe de la main au prisonnier de les rejoindre. Les bribes du récit d'Alixtide lui revenaient en mémoire. Les prisonniers ne pouvaient se défendre seuls, à ce qu'il avait compris. Il n'était qu'à moitié convaincu que l'homme les accepterait comme défenseurs du détenu, mais ayant de toute façon prévu de le réduire au silence au moindre geste offensif à leur encontre, le résultat importait peu. Il comptait surtout sur le reste de l'équipe pour comprendre le message implicite de préparation au combat qu'il tentait de leur communiquer.

Déboulonner la structure. Ca c'était cool comme idée. La phrase lâchée par le prof un peu moins. C'était ptête leur guide de Pyramid Park en fait. " Toi qui entres ici abandonne tout espoir ", leur phrase d'accroche. Façon de dire, ici, c'est pas pour les gamins.

Le couloir qui suivit était peu attrayant. Voire angoissant. Personne avait songé que de l'autre côté d'un miroir qui menait vers une colonie pénitentiaire, il ferait sombre. Si les lieux morbides étaient avec des lapins roses partout, des bisounours qui s'enlaçaient et des lumières façon ambiance tamisée, ça se saurait. Le Yun faisait un peu moins le malin. Le noir, il aimait pas. C'était toujours comme ça qu'on entendait un couinement plaintif d'un membre qui se faisait déchiqueter par un Alien deux secondes après. Et quitte à se faire bouffer, autant que ça soit Lucas. Au moins il porterait sur l'estomac de la bestiole jusqu'à la buter. Et si Mr Diamond suffoquait et mourrait, on pourrait ouvrir l'alien pour récupérer les diamants. C'était du simple recyclage après tout.

Esther ouvrit une dernière porte. Chacun rentra et put découvrir qu'ils marchaient sur des empilements d'ossements humains. Kanata était entre le rêve et la terreur. Il se croirait presque dans Exterminator III Gore Plus Special Christmas Edition. Une version collector qu'il était fier de posséder... avant. Mais le fait qu'il se retrouve à la place de Brutor, héros du jeu, le rassurait moins. Ici, pas de Try Again. Pyramid Park, c'était un peu du Mute Ants en fait. Le Japonnais se sentait limite berné.

Dawson leur criait que c'était un piège. Ravalant ce qui aurait pu être un début de gerbe tant l'odeur était affreuse, même pire qu'Alixtide, le Yun observa le type se pointer en boitillant. Un infirme ! Il allait buter de l'infirme ! La classe ! Il pouvait même s'en occuper tout seul !

Le gars leur tint un discours digne de film. Dans la catégorie foutage de trouille, rayon je me prends au sérieux. Et ça marchait. Lui qui se moquait des pseudo-héros qui se pissaient dessus dès que ça devenait glauque, il ressentait une certaine empathie. Mais dans l'immédiat, s'il devait se vider, c'était plutôt par la bouche.

Lucas commença alors à parler de jugement de Dawson en jouant la comédie. Rien à foutre de Dawson, autant le laissait crever et se tirer ! La porte était refermée derrière eux. Sauvons Dawson ! C'était la meilleure chose qu'il était possible de faire ! Et la seule. Avec une nette préférence pour se sauver soi-même. Sauvons Kanata ! Voilà une priorité que chacun se devait de respecter. Si Lucas devait mourir, le Yun espérait donc obtenir un don. Un doigt en diamant, ou un bras. Un truc de léger quoi.

Puis Yanis enchaîna le jeu. A l'entendre, on l'aurait cru être une des machines fondues d'avant le miroir. Le Japonnais aurait bien rajouté un "Grave, lâchez le !" de confirmation, mais ça aurait fait limite tâche. Et puis ce souffle bizarre qu'il entendait l'intriguait. L'avocat du Néant devait mater Abaigh pour être aussi excité. Si même les machines avaient de la libido, où le monde se rendait-il. D'ailleurs... Yanis avait-il de la libido ? Une autre question pertinente à lui poser, après les flatulences !

Kanata se sentait donc prêt à faire acte de courage, et à s'élancer à tout moment vers la sortie derrière Dawson. Il aurait bien ramassé un os pointu pour s'en servir comme arme, mais il préférait encore son hachoir à viande ! Il avait rejeté l'idée de lancer le couteau vers l'homme en le faisant tournoyer comme dans les films parce qu'il était sûr de viser à côté. Lancer une balle, il savait. Une lame, il avait jamais eu l'idée quoiqu'intéressante.

"C'est absurde. Réellement absurde" trancha le boiteux aux paroles de Lucas. "Vous êtes juge de rien du tout ! Vous allez souffrir, oui souffrir !"

Visiblement l'homme aimait les grandes incantations. Il semblait apprécier de même le suspens... Prendre du temps pour sentir la terreur sur les visages qu'il allait supplicier.

La référence au Code Procédural des Ténèbres fit tiquer l'homme à la canne. Sur le fond comme sur la forme. Il regarda un peu perdu le groupe - ou plutôt derrière eux. Vers la porte.

Et de cet endroit, une nouvelle voix - mécanique celle-ci - s'éleva :

"Le Tribunal des Ténèbres n'est compétent que pour juger les vivants et / ou les traitres à Babylone. Le Tribunal des Ténèbres met donc hors de cause le garçon compte tenu de sa voix robotique qui ne peut être que celle d'une machine"

L'homme à la canne semblait furieux. Il hurla :

"Foutue machine ! Je requiers l'assistance de l'Avocat du Néant ! Tout de suite !"

L'œil bougea. La créature était sur le point de sortir de sa cachette.

La voix du juge qui ne devait être rien d'autre que la porte et la machinerie l'encadrant poursuivit :

"Par ailleurs, les autres individus s'étant définis collectivement comme les défenseurs de Maître Michael Dawson, il convient dès lors de procéder au jugement de ce dernier, avant d'envisager des poursuites à l'encontre des conseils vivants"

L'homme à la canne continuait à fulminer mais rien n'y faisait... Le Tribunal finit son jugement :

"Par conséquent, il n'y a pas lieu de recourir à l'incinération forcée pour l'heure"

La voix se tut. Mais les mutants n'étaient pas au bout de leurs surprises...


L'Avocat du Néant se présentait à leur vue. C'était une sorte de pieuvre mécanique. Ses pseudopodes lui servaient à la fois à avancer. Et à frapper. Et ses nombreux yeux... n'avaient plus rien d'humains. La lueur rougeoyante qu'ils émettaient n'avait rien de bien rassurant. Par gestes saccadés et rapides, la chose s'avançait plus particulièrement vers Abaigh.

L'homme à la canne avait l'air particulièrement heureux de cela. Très heureux.

Le subterfuge marcha pour une voix étrange. L'homme n'était pas dupe du tout mais la voix l'était. Ca leur faisait une belle jambe. Surtout que l'immonde pieuvre qui sortit semblait aux ordres du boiteux. En plus, Yanis serait épargné parce que c'était un grille-pain ! Et lui alors ? Lui il était ce qu'il voulait ! Il pouvait copier la voix de Yanis ! Sauf qu'il savait pas faire. Alors il pouvait prendre l'apparence d'un robot ! Et quoi de plus sûr que de prendre l'apparence d'un de ceux qui seraient acquittés. A savoir : bha son Grille-Pain favoris !

La pieuvre se jeta sur Abaigh à sa surprise, mais heureusement elle avait sorti un clone qui accusa le coup en un instant. Il eut un pincement au coeur malgré tout même en sachant que c'était pas la vraie. Lucas l'avait bien dit : s'ils se faisaient attaquer, ils attaquaient. Il avait entendu le mot incinérateur forcé. Ils allaient crever et ajouter leurs ossements à ceux-ci. Le Yun observa le corps de la fille se faire ficher en tremblant. Cette fois il était vraiment terrorisé. Tuer ou être tué. C'était le gars le responsable.

Kanata gueula "Touche pas ma pote toi !" en se jetant sur le boiteux avec son couteau de boucher pour lui donner un coup dans l'épaule. Le procureur des ténèbres une fois au sol serait suffisamment apeuré pour l'obliger à stopper son monstre.

Le boiteux eut tout juste le temps de brandir sa canne avant de se prendre le couteau de Kanata dans l'épaule. Sous le poids du jeune japonais, il bascula au sol, Kanata se trouvant à califourchon sur le procureur général des ténèbres. Dawson en profita pour bloquer les mains de ce dernier.

Pendant ce temps, le malheureux clone d'Abaigh continuait de hurler à la mort.

Le procureur des ténèbres manifestait des émotions très vives et violait volontairement la procédure... Yanis décida qu'il devait probablement être humain. Un robot classique se serait conformé à sa programmation.

A sa surprise, la porte, qui était apparemment juge, décréta qu'il était bien à sa place et qu'il ne subirait aucune poursuite. L'Algérien jeta un regard interrogatif au juge par-dessus son épaule. Pour la première fois, il était accepté "sans autre forme de procès", sans jugement moral, sans moquerie. Ce qui était troublant, c'est qu'il était reconnu et respecté ici comme si cela allait de soi, alors qu'à l'Institut, lieu de réunion de ses congénères, il était traité comme un sous-homme par la plupart de ses camarades masculins. Cela soulevait de nombreuses questions chez le mutant. Peut-être était-il plus à sa place ici, parmi les machines, qu'auprès de ses soi-disant pairs.
Tout à ses questionnements, il regarda sans émotion aucune le corps d'Abaigh se faire torturer par la machine. Kanata attaqua le procureur, mais il semblait loin de l'avoir maîtrisé totalement. Le mutant voyait les choses se dérouler au ralenti. Qui devait-il aider, au final ? Comme un spectateur de tennis, il tournait tour à tour sa tête en direction de l'un et l'autre des belligérants.
Indécis, il allait s'en remettre aux machines, lorsqu'il songea à sa meilleure - et surtout unique - conseillère. Viconia l'avait aussi accepté tel qu'il était dès leur première rencontre. Ils avaient encore du mal à se comprendre, mais elle lui avait toujours donné de bons conseils. Et il aurait été surpris que la mutante laisse des élèves se faire incinérer, bien que la jeune fille puisse se montrer imprévisible. Pour le moment, le juge semblait être l'unique représentant de neutralité dans les parages. Il tenta de se mettre à la place des machines locales pour anticiper leur fonctionnement, leurs relations. D'après les paroles du procureur, il était le supérieur de certaines machines. Pourtant, le juge était une machine indépendante, du moins en apparence.

"Avocat du Néant, ton supérieur présente une anomalie qui viole le Code des Ténèbres. Son dysfonctionnement le démet de ses fonctions. Reporte-toi au protocole secondaire et aux mesures souveraines du juge." finit-il par dire à l'oeil. La priorité était de tirer le frêle Kanata de ce corps à corps incertain. Le clone d'Abaigh était là pour leur faire gagner du temps, autant le mettre à profit.

Cobalt rejoignit Kanata et tenta d'assommer le procureur en lui assénant un coup de bouclier sur la tête d'un revers de la main. Après tout, il l'avait prévenu.

La secousse sismique fit décoller les pattes arrière de l'Avocat du Néant, toujours pourtant affairé au supplice du clone d'Abaigh.

La copie conforme hurlait. Et le feedback était terrible pour l'abeille. C'était comme si on mettait son âme en pièce. Qu'on violait ses pensées les plus intimes. Qu'on la réduisait à un stade d'objet. Tout n'était plus que souffrance et dégradation. Ses nerfs à vif la brûlaient / la glaçaient. La valse des milles douleurs. Une couronne d'épines. Elle était dans la vierge de Nuremberg. Elle était la vierge de Nuremberg... Elle...

... n'eut plus mal.

L'injonction du juge eut pour effet de stopper la créature qui se recula lentement, libérant par là même occasion le malheureux clone qui ne serait plus bon à grand chose.

L'homme boiteux redressa la tête pour ajouter un dernier mot mais le coup de targe qu'il se prit en pleine tête eut pour effet de le réduire au silence.

Le juge reprit la parole :

"Michael Dawson vous êtes poursuivi des préventions suivantes : 1 / Être vivant 2 / Avoir trahi Babylone en décidant sciemment de révéler des informations confidentielles au grand public. L'interrogatoire étant inutile en raison de l'iniquité de la procédure, la parole est à l'Avocat du Néant"

Mais la pieuvre, salement amochée par la secousse sismique ne prononça aucune parole. Pire même, elle semblait apeurée, regardant de sa multitude de globes oculaires l'homme au sol : son supérieur hiérarchique ne pouvait plus lui donner d'ordres. Il n'avait plus d'ordres à exécuter. Le réquisitoire d'une machine ne pouvait sortir du néant. Il avait besoin d'ordres. Besoin d'ordres. Ordres. Ordres. Ordres...

Les globes s'éteignirent tous d'un seul coup et la machine s'affaissa sur ses pattes, inerte.

La porte s'ouvrit, offrant une sortie évidente au commando. Le juge précisa :

"En l'absence de tout représentant du Parquet des Ténèbres, Michael Dawson ne peut être jugé régulièrement. Sa mise en liberté est donc effective"

Et le silence revint dans la salle...

Dawson se redressa, un large sourire édenté sur ses lèvres écorchées :

"La Gardienne de la Lumière ! Vous êtes des amis de la nouvelle Gardienne de la Lumière ! Cela ne peut être que ça !"

Il jubilait. Visiblement sa détention lui avait grillé deux trois neurones au passage. Puis tristement, il ajouta en tendant un disque dur à qui voudrait bien le prendre.

"Voilà la somme de toutes ses connaissances sur Babylone. Je ne pense pas que vous puissiez le lire ici. Mais pour la mémoire de toutes les personnes qui ont été suppliciées ici, c'est important que vous le preniez"

Il marqua une nouvelle pause. Avant de terminer :

"Et que vous accomplissiez sa volonté ! Il faut détruire cet endroit ! Il faut défier le Maître du Haut Château !"

Pendant tout le temps où Dawson avait parlé, Esther s'était éclipsée. Elle revint, l'air un peu déçue :

"Dawson a raison. La Gardienne est morte. Et c'était bien une copie robotique de Cameron Dwyer-Bateson. Nous n'avons plus rien à faire à ce niveau"

Yanis ne savait pas s'il devait être satisfait ou mécontent que l'Avocat du néant se démonte. Son cousin germain de Babylone venait de prouver qu'une machine n'était pas douée de volonté propre, mais bien subordonnée à des commandes. Yanis savait qu'il était lui-même toujours doté de son libre arbitre humain. Sa soudaine appartenance à l'univers robotique s'arrêtait là pour le moment, et le jeune homme restait une nouvelle fois le postérieur entre deux chaises diamétralement opposées. Physiquement, il n'avait rien d'une chimère, mais les seuls à même de le comprendre à l'Institut étaient peut-être les hybrides. Il se demanda alors si l'un d'entre eux s'était jamais senti à sa place dans l'un de leur plan d'appartenance, humain ou animal. C'était une question à creuser.

L'Algérien resta immobile quelques instants, observant la scène sans broncher. Le procureur faisait de beaux rêves. Comme le soulignait Kofman, mieux valait qu'ils ne soient pas là lorsqu'il se réveillerait. Le disque dur détenu par Dawson tira le nano-mutant de sa méditation. Ses pensées s'étaient tournées naturellement vers lui plutôt que vers la pantelante Abaigh ; ils avaient tous leur croix à porter.
S'approchant de l'ex-prisonnier, Cobalt se saisit avec une prudence teintée de déférence du précieux objet, qu'il rangea dans la poche avant de son pantalon, puis il leva un oeil critique sur l'homme qu'ils venaient de sauver. La captivité devait l'avoir sérieusement éprouvé. Il était dans un état frénétique, comme certains déments qu'il avait pu croiser à l'hôpital d'Alger. La plupart étaient cependant inoffensifs.

Yanis pesa quelques instants l'affirmation de Dawson. Si ce qu'Alixtide avait raconté était vrai, on pouvait effectivement dire qu'ils étaient envoyés par la, ou plutôt le gardien de la lumière, image paradoxale lorsqu'on connaissait le Breton.

"Hum... On va dire ça comme ça." répondit-il.

"Restez avec nous." ajouta-t-il en hochant la tête lorsque l'homme mentionna le maître du haut château. Ramener une prise à Feuerstürm ne pourrait que leur profiter, et il ne tenait pas à ce que Dawson disparaisse dans la nature. Le PISS était dans une situation plus que délicate, et connaissant son directeur, il leur revaudrait ça s'ils lui permettaient de redorer le blason de son unité policière. Il autoriserait peut-être les JustiX à reprendre leurs investigations sur Murray en Europe.

"Allons au 66ème avant que toute la colonie soit en alerte." dit-il à la suite d'Esther, avant de rebrousser chemin en direction de l'ascenseur.

La petite équipée reprit le chemin inverse, passa à nouveau la porte en forme d'homme et se retrouva devant l'ascenseur.

Juste devant eux quatre petites créatures, immobiles comme figées, une sorte d'arme à la main.

"Visiblement, ils ont du griller un circuit" commenta simplement Esther.

Une fois que cette dernière en compagnie de ses quatre élèves et de Dawson fut à l'intérieur de l'ascenseur, elle appuya sur la touche 66. Après avoir expérimenté le fond du gouffre, ils allaient se rendre dans les sommets.

Le voyage fut silencieux. Et pesant. Les voyants s'allumaient au fur et à mesure : 1, 2, 3, 4, ... 49, 50, 51, 52...

Au moment du passage du 52 au 53 les occupants de la cabine furent gravement éblouis. Un flash blanc leur voila intégralement le champ de vision. Finalement, quand ils recouvrirent la vue, il arrivaient au 66.

Les portes s'ouvrirent. L'antre du Maître du Haut Château était toute proche et...

Ce qu'ils virent n'était rien d'autre qu'un étage de bureaux. Ils étaient dans une espèce de salle d'attente. Une porte juste sur leur droite et une autre, tout au fond.

De plus un bruit déplaisant se faisait entendre... Comme une multitude de petites pattes qui frapperaient rapidement le sol... Mais où étaient-ils ?