[Mission Roberta] Texas never whispers

‘’Qui a dit qu’il serait seul.. ?’’

La voix sibylline et mélodieusement accentué de son léger, mais néanmoins remarquable petit accent italien, de la gothique romantique retentit dans le bureau de Roberta, à peine fut-elle entré dans la pièce ou se trouvait déjà plusieurs de ses camarades attirés par la proposition de mission affiché dans le hall. Même si elle avait raté le début du briefing, l’annonce en question et l’article qu’elle avait pu lire dans le foyer, lui indiquait déjà très clairement la nature de cette nouvelle aventure : Une infiltration et, dans le cas présent, ce serait presque assimilable à de la déformation professionnelle, puisqu’il s’agissait de camper des étudiants… Tout au moins, pour la plupart. Après, tout dépendrait des besoins requis pour cette mission, ce serait là un point à discuter par la suite.

‘’Si Matéo désire se faire passer pour un étudiant en art, je l’y aiderais puisque je possède déjà moi-même un diplôme en ce domaine. Ainsi, il ne se retrouvera pas isolé au milieu de potentiels agresseurs et je pourrai éventuellement le conseiller. De plus, tout comme lui mon léger accent trahi inévitablement mon origine et de fait m’interdit définitivement d’endosser le rôle d’une étudiante texane de souche, c’est pourquoi j’agrée l’idée de Matéo et l’appui dans sa pensée de nous faire passer pour des étudiants venu de l’étranger… De plus, cela ne choquera personne de nous voir intégrer l’université en cours d’année puisque les échanges étudiants sont plus ou moins incessants.’’

Prenant appui contre le mur, comme à chaque fois qu’elle venait pour offrir ses services à la représentante de l’état dans le cadre d’une mission, Juliette soupira doucement et reprit aussitôt la parole après une rapide réflexion :

‘’Mais même si je suis tout à fait d’accord avec Alexander, je pense que la nature physique indéniablement mutante de Matéo, est un atout pour nous. En devenant une cible, il nous offre une possibilité de pouvoir piéger plus efficacement les plus virulents agresseurs de l’université… Il sera en quelque sorte notre mouche, l’université notre toile et nous… Les entomologistes qui capturerons les féroces arachnides se précipitant afin de dévorer leur proie.’’

L’image arracha un sourire de contentement à la jeune femme… Oui, c’était une bien belle image en vérité. Certes, certes, son camarade LeX endossait le rôle de victime et d’appât, mais une mission n’était pas une promenade de santé et il fallait utiliser toutes les opportunités que nous offrait la diversité mutante qui pouvait composer une équipe, fut-elle aussi éphémère que la rosée du matin. Il était vrai que ce genre d’idée n’était jamais très populaire et que en général on n’osait pas s’avancer sur le sujet car cela donnait parfois une image assez déplorable de soi-même. Mais pour la gothique romantique cela importait peu, car elle savait parfaitement qui et ce qu’elle était réellement.

D’un mouvement de tête, elle se tourna doucement en direction de Matéo et lui sourit généreusement :

‘’C’est à toi de décider Matéo, mais sache que je serais là pour te soutenir et te venir en aide si jamais tu acceptes l’idée de jouer les chèvres, comme on dit populairement.’’

Bouc… Chèvre… Bien que son but n’était pas de faire un jeu de mot aussi lamentable que les constructions philosophiques d’une certaine petite blonde new yorkaise, Juliette ne pouvait s’empêcher de le trouver toutefois assez amusant, même si elle n’en laissa rien paraître afin de ne pas choquer qui que ce soit. Elle fini par se taire, demeurant silencieuse et des plus attentive aux éventuelles informations que son retard aurait pu lui faire manquer.

Comment.. ? Pour quelle raison, s’était elle proposé pour cette mission.. ? Ma foi… Il s’agissait bien évidemment de mettre un terme à la violence et à l’intolérance vis-à-vis des victimes mutantes et aussi d’assurer la sécurité de ce fameux mutant handicapé qui s’était offert afin d’aider la science… Mais aussi, par pur esprit de curiosité, de voir de ses propres yeux des texans dans leur environnement naturel. Il semblait que même pour les habitants des autres états, les Texans étaient assez… Spécial… Pour la gothique romantique, c’était comme aller dans un zoo sociologique à ciel ouvert, comme se rendre dans un parc naturel…

Après tout, l’importance d’une mission empêchait-elle de se cultiver et de s’enrichir de connaissances nouvelles.. ?

Comme Juliette s’en était si judicieusement douté, son idée de placer Matéo dans la position de victime potentielle afin de débusquer les ardents partisans de la violence gratuite, mais néanmoins non dénué d’un certain plaisir jouissif des plus malsain pour ceux s’y adonnant, ne souleva pas l’enthousiasme parmi les quelques mutants présent dans le bureau de Roberta. En soi ce n’était pas une surprise pour la gothique romantique, mais il semblait que, à la différence de ses camarades, elle avait pleinement conscience que rien n’était gratuit en ce monde… Et surtout, que la justice, ou toute chose approchant, ne se réalisait pas toujours à grands renforts de bisounours et autres poneys féériques doté de capacités magiques, permettant d’agir sans courir le moindre risque. Dans un monde parfait la jeune femme appuierait cette idée avec force, mais ce monde, leur monde, était bien loin de l’être et, en conséquence de quoi ils devaient agir en fonction des moyens et des opportunités à leur disposition.

Elle-même reconnaissait avec amertume que c’était assez triste comme vision, mais jusqu’à ce jour personne n’avait encore édicté de loi universelle disant que faire les choses justes laissait les mains aussi blanche que le plumage d’une colombe. Les décisions étaient parfois difficile à prendre et c’était bien là une des principales raisons qui expliquaient que les héros véritables n’étaient pas légions sur cette Terre. Toutefois, il lui était rassurant de constater que Mademoiselle Shenzie abondait elle aussi dans son sens, sans oublier de souligner à son tour que la gothique romantique laissait tout de même le choix définitif au principal intéressé… Contrairement à la rumeur, elle n’était pas un monstre.

Une fois le bal des avis personnels clos, ce fut au tour des fausses identités d’apparaître. Pour sa part, Lola Buitoni était une vieille connaissance de Juliette qui avait déjà eu l’occasion d’en endosser le manteau lors de l’infiltration des bureaux de Lange & Manners. Ce n’était donc pas tout à fait un territoire inconnu, contrairement aux autres mutants. Tout au moins, le supposait-elle d’emblée. Ce prénom, bien qu’un tout petit peu trop naïf à son goût, ne lui déplaisait pas vraiment. Il faisait penser à quelque chose d’innocent, d’enfantin… D’insouciant même. Quoi qu’il en soit, c’était toujours préférable au fait de porter le prénom de sa grand-mère par exemple, bien qu'elle trouvait Violetta plutôt joli... Pour les autres tout au moins.

Visiblement, l’équipe allait se voir scinder en une multitude de petits groupes éparses, chacun ayant plus ou moins le même objectif en dépit des approches qui différaient grandement. Mais la pensée qui prédomina, brièvement il est vrai, fut le fait que Charis allait jouer la cheerleader. A sa grande discrétion, la gothique romantique devait bien avouer que d’imaginer la jeune fille en jupe courte et virevoltante à chacun de ses sauts, qu’ils furent grands ou petits, Lui faisait naître de bien agréables pensées. Même si ses préférences allaient à un tout autre genre, elle n’était qu’une femme après tout. Lorsque enfin Roberta en eu fini et qu’elle les interrogea afin de savoir s’il subsistait des interrogations concernant la mission, Juliette demanda :

‘’Est-ce que nous aurons un contact au sein de l’université, en cas de difficultés éventuelles.. ? Le doyen peut-être, ou bien encore un quelconque autre responsable.. ? Ou bien alors, sommes nous véritablement seuls.. ? Et concernant Emily Downe, savons-nous s’il s’agit d’une mutante ou pas.. ? Une dernière chose… Quelle est la position de son collectif.. ? Est-il quelque peu en position de force, ou bien alors totalement minoritaire et sans aucune influence au sein du campus.. ?’’

Des questions peut-être sans intérêt, mais une abondance d’informations était préférable à une dérangeante pénurie de savoir.