[15 mai] Marguerites et papotage

Kalalli sourit doucement lorsqu'elle lui annonça qu'elle aimait sa façon de penser. Puis Charis annonça que la manière de manger la pizza était d'un pur style valaisan. Il en rit un peu plus tranquillement malgré les sujets dont ils venaient de parler.

" Je suis peut être valaisan alors ? Une origine lointaine ! A moins que ça soit à l'inuit et que tu ne sois pas vraiment suisse !"

Continuant à manger, elle aborda un nouveau sujet qui était ce groupe extrémiste dont les journaux parlaient.

" Je sais pas trop. C'est difficile de dire dans ce genre de cas s'il faut prendre au sérieux. Certains ne passent pas à l'action mais veulent juste faire peur. S'ils sont capables de faire quelque chose, on sera content d'avoir réagi à temps... Il vaut mieux se préparer à une action de leur part et qu'il n'y ait rien, plutôt qu'ils attaquent et qu'on n'ait rien fait... "

C'était de la simple prudence, même si ça créait tout un foin pour rien peut être.

" Depuis Génosha, tout le monde est un peu paranoïaque... Déjà avant les mutants, personne aimait ça... Y'a eut le premier Génosha... Puis là le second. C'est un peu le foutoir partout... Y'a des fois je me dis qu'on serait mieux tous ailleurs, loin, et qu'ils se débrouillent juste eux. "

Il soupira et se reprit :

" Enfin si tout le monde pense comme ça, ça ira jamais... "

Kalalli avala son dernier morceau de pizza et s'essuya le bout des doigts. Puis le garçon releva la tête :

" C'est comment la Suisse ? Qu'est ce qu'il y a de spécial là bas qu'on trouve pas ici, par exemple ? "

Ou alors manger sa pizza par la croûte était un symptôme commun à tous ceux qui avaient vécu dans un endroit neigeux. ça pouvait se tenir, même si il n'y avait à priori aucune raison logique à ça. Elle garda néanmoins un air sceptique, puis pensif à cette remarque étrange. Mouais. ça collait pas des masses.
Le jugement de Kalalli était plein de bon sens, sur ce groupe de terroriste évoqués par les deux journaux. Juste et réfléchi. C'était toujours mieux d'avoir limité les dégâts que de ne pouvoir que regarder un drame se produire en se disant qu'il aurait été possible d'intervenir. Oui, c'était toujours mieux de tenter quelque chose.

Sauf que Charis n'en était plus aussi convaincue que ça. De fait, limiter les dégâts ne lui convenait plus vraiment. Il avait toujours fallu réagir, et même quand ils s'y prenaient assez tôt pour sauver des vies, il restait toujours une donnée, même infime, qui leur échappait et provoquait ensuite de nouvelles victimes. En gros, ça se limitait à menace>actionnouvelle action>nouvelle menace>nouvelle action>etc>etc...

Bref. Aucun moyen de vraiment améliorer les choses. A chaque commencement de mieux, avec des efforts démesurés, une nouvelle cassée de figure leur tombait dessus avec la finesse d'un chargement d'éléphants. A croire que même un renouveaux positif devait immanquablement être suivit d'un échec aussi énorme que pitoyable.

"J'en sais rien. Des fois je me dis que ce ne serait pas plus mal de ne rien faire, de laisser le chaos gagner, de les regarder simplement s'entretuer. C'est peut-être dégueulasse, mais se contenter de sauver les meubles, ne servir qu'à arranger ceux qui n'arrivent pas à s'entendre entre eux, je trouve ça assez... Navrant, parfois."

Elle haussa les épaules, avala une nouvelle bouchée de pizza.

"Mais bizarrement, j'arrive pas à me résoudre à baisser les bras."

Tant qu'il y avait encore de l'espoir... Elle n'y croyait plus depuis un bon moment. Mais pour tous ceux qui y croyaient à sa place, ça devait valoir la peine de se battre encore.
Elle fut surprise d'ailleurs qu'on évoque subitement son pays. La Suisse, comment c'était comparé aux Etats-Unis? Un seul mot lui venait immédiatement à l'esprit.

"Le calme. C'est un monde dans le monde. Les magasins ferment tôt, la nuit tout est silencieux... Enfin la plupart du temps. C'est... Différent. Un mélange de campagne et de ville. Il est possible de voir un paysan en tracteur entre les buildings d'un centre-ville, ou des débats politique dans un champ. Un mélange étrange de technologie et d'ancien temps."

Et pourtant, si parfois la Suisse avait une image de vieux beauf arriéré, elle n'en demeurait pas moins un fleurons de l'évolution rien qu'avec ses écoles polytechniques (Charis lorgnait autrefois sur celle de Lausanne, mais la vie l'avait poussée sur une autre voie), ses hauts lieux de sciences avec le CERN, et pourtant ses chants tyroliens et ses cors des Alpes au milieu d'un troupeau de vaches.

"Et toi? Tes parents ne te manquent pas trop? C'était comment dans le nord?"

Charis semblait penser comme lui l'avait fait pendant un temps de les laisser se battre entre eux sans intervenir. C'était toujours décourageant de se battre pour une cause pour la voir finalement détruite parce que les amis dans l'adversité deviennent des ennemis dans la paix.

" Si on laissait trop faire, ça nous atteindrait d'une façon ou d'une autre, où qu'on soit... Et à part s'exiler au centre de la Terre... Quoiqu'Esther y serait peut être bien. " dit-il en riant.

La suissesse lui expliqua alors comment était la Suisse face aux Etats-Unis. Elle définissait ça comme un micro monde calme, entre tradition et modernité. Le garçon lança l'à priori habituel :

" Et du bon chocolat aussi ! Et des horlogers doués ! "

C'était le peu qu'il connaissait sur ce pays. Le monde était si grand qu'on se contentait de quelques particularités pour définir les pays. Les anglais avec leur gelée et le thé de cinq heure, les français avec leur baguette et leur béret avec de la nourriture de haute qualité, les italiens avec les pates et les pizzas, les allemands avec la bière et leur choucroute... Et les américains avec leur burgers et leurs gros 4x4. Bon, ça c'était pas très vrai en fait. Un peu comme le reste probablement.

La jeune fille lui retourna la question en demandant si ses parents ne lui manquaient pas trop. Il réfléchit un instant avant de répondre :

" Si un peu. J'ai pas beaucoup revu mon père depuis qu'il a été soigné. Et ça fait bizarre de les voir si peu depuis un peu plus d'un an maintenant alors que j'étais constamment avec eux à la maison. Enfin bon... "

Il haussa les épaules. C'était la vie.

" Je les vois de temps en temps aux vacances quand même puis on se téléphone souvent. Mais ils savent que je suis un mutant juste. Pas le reste... En tout cas ma mère trouve que je suis moins timide qu'avant... J'ai probablement grandis un peu quand même. Dans ma tête et un peu physiquement... "

Après tout, à son âge on changeait plus rapidement qu'à n'importe quel autre moment de sa vie.

Charis lui retourna la question sur le pays d'origine. Le garçon réfléchit quelques secondes en regardant en l'air.

" Heu... J'étais petit. En hiver il faisait très froid et on devait se déplacer avec des raquettes. Mes parents chassaient ou allaient à la cueillette en été. Mais y'avait de moins en moins de gibier à force. La vie était vraiment pas facile et avec le temps, tout le monde commençait à largement s'équiper d'objets moins traditionnels et plus technologiques... Comme la vie était devenu trop dure, mes parents ont préféré quitter le village et aller aux USA... Dans un premier temps c'était pas plus simple d'y vivre. On avait pas vraiment d'argent. Mais sinon je me souviens plus bien... "

Kalalli se gratta le côté de la tête avant de se souvenir d'une anecdote.

" D'ailleurs, peu avant de partir, je me souviens qu'un soir, on avait fait un feu de camp. On était quelques un autour à s'y réchauffer, et puis je jouais avec d'autres enfants... On faisait les idiots, puis j'ai glissé sur de la neige et je suis tombé à moitié dans le feu. J'avais vraiment eu très peur... Heureusement les adultes m'ont vite enlevé et roulé dans la neige. Le feu n'avait pas pris aux vêtements du tout mais j'avais vraiment eu très chaud. J'étais à peine brûlé. Mais ça m'a un peu traumatisé du feu du coup... "

Il aimait rarement approcher les pyrokinésistes. Et lors de l'écroulement de l'Institut, le garçon s'était retrouvé bien malheureux avec le feu dans le couloir où il était bloqué.

" T'as peur de quelque chose, vraiment, toi ? Moi tu sais déjà... Le feu, l'eau j'aime pas trop, les infirmiers et les grands noirs mécaniques non plus... " dit-il en souriant pour alléger l'atmosphère sur ces sujets.

L'exil était une bonne option. Quoiqu'il n'était pas forcément nécessaire de partir au centre de la terre. Un petit chalet au pied des Alpes était aussi une bonne optuion. Personne n'aurait envie d'aller semer le chaos dans un endroit où il ne se passait pas grand chose de passionnant. A moins que les grands méchants de ce monde ne développe subitement un attrait pour les beaux paysages, les sports d'hivers et les randonnées estivales? Elle ne se pruiva pas de hocher la tête aux autres clichés évoqués par Kalalli. De très bons clichés. En tout cas pour le chocolat. L'horlogerie aussi, mais comme c'était plutôt du luxe... Elle aurait pu y ajouter les banques, l'edelweiss, le gruyère et encore tout un tas de choses qu'elle considérait comme banales et pas forcément représentatives de la société dans laquelle elle avait grandi.

De toute manière, ce n'était pas forcément le lieu qui était le plus important. Ce qui primait, c'était les gens. Forcément Kalalli devait penser régulièrement à ses parents. L'éloignement n'était pas simple tout le temps. Charis regrettait souvent son père, et les gueulantes de sa grand-mère qui la faisait tellement rire autrefois. La technologie moderne permettait de garder un lien. Comme Kalalli avec le téléphone. C'était bien que ses parents sachent pour sa nature. Même si la plupart des pères et des mères n'étaient pas forcément tolérant vis-à-vis de leur propre progéniture, Kalalli comptait parmi les chanceux. En revanche, ne pas savoir le reste... ça voulait dire qu'il ne parlait aps des missions, de l'implication de l'Institut dans différentes activitées pas très sécurisantes? En même temps, Charis aussi avait soigneusement gardé le silence sur certains aspect de cette étrange scolarité. Inutile de filer des angoisses au parents. Elle hocha une nouvelle fois la tête. C'était vrai, Kalalli avait grandit. En tout cas pour ce qu'elle en avait vu. Ils avaient tous un peu grandi au final. Charis espérait juste que c'était en bien. Difficile d'avoir le recul nécessaire pour se juger soi-même.

Elle attaqua une nouvelle part, écoutant attentivement l'inuit parler de son pays. Ce devait être beau, dans le nord. Ses montagnes, mais en plus grand, en plus vaste, plus froid aussi. N'empêche, la modernité avait fait du mal à la culture inuit. Du moins c'était l'impression qu'elle en retirait. Kalalli avait dû quitter le grand nord plutôt vite, surtout si la vie y devenait trop difficile. Et paradoxalement, étant donné l'annecdote de Kalalli, peut-être que c'était pas plus mal d'avoir quitté un lieu aussi dangereux pour des enfants. Tomber dans un feu de camp... Charis fit une grimace. ça avait dû faire atrocement mal. Encore heureux que le froid ambiant obligeait à potrer des vêtements épais, ça avait pu protéger une peu, et la neige avait aussi sauvé la mise. Pas étonnant que son coéquipier ait de la peine avec cet élément. Charis, elle, elle se méfiait du feu par principe. Normal quand on maîtrisait l'élément exactement opposé. Mais même si elle avait été brûlée une fois, elle n'en avait pas retiré de peur à proprement parlé.

D'ailleurs, elle avait des peurs, elle? Bien sûr, comme tout le monde, non? Ce qui ne l'empêcha pas de sourire lorsqu'il ajouta les informiers et PROSPER sur la liste des trucs à redouter. Basiquement, elle n'avait pas vraiment de peur. Il existait bein des choses dont elle avait horreur, mais pas au point de se retrouver figée. Atrefois, il y avait eu l'inondation, qui l'avait tétanisée. Sa plus grosse erreur. Mais ça n'avait pas été l'eau qui l'avait retenue. La certitude de mourir peut-être? Aujourd'hui, la seule chose qu'elle resoutait, c'était elle-même. Non pas en raison d'une quelconque puissance. Elle n'était pas puissante (bien que le passage en Alaska lui ait mis le doute à un moment). C'était plutôt la peur de son incompétence. La prochaine fois qu'elle serait à nouveau tétanisée, qui allait devoir en mourir? Elle haussa les épaules. Bah, elle pouvait bien en parler un peu, après tout.

"J'ai juste peur de l'impuissance."

et elle l'avait été bien assez souvent. Avec Liam, avec Keyah, avec Kalalli aussi. Au moins, sa peur. elle l'affrontait régulièrement. ça lui permettait de faire avec sans que ce ne soit handicapant pour le moment.

"Mais tant qu'on est utile à quelque chose, ça va. Heureusement qu'il y a l'Institut."

Elle prit quelques gorgées de jus de pomme, avala un bout de croûte de pizza.

"Sinon... J'ai parfois affreusement peur des robots améliorés avec armement intégré type Parangon! C'est des vacheries ces trucs-là!"

Une grosse vacherie. C'était même pas dit qu'elle ait digéré le fait que les profs aient voulu en caser un dans les sous-sols de l'Institut.

"Mais c'est glauque de penser à ce genre de trucs. Alors dis-moi plutôt... Pourquoi t'aime pas les pizzas exotiques?"

Et c'était dit avec un sérieux déroutant.

Lorsque Charis révéla sa peur, le garçon resta neutre. C'était typiquement le genre de peur qu'on ne pouvait jamais vaincre d'après lui. Et c'était quelque chose qu'il était difficile d'éviter. Quand on craignait une personne ou quelque chose de physique, il suffisait de faire ce qu'il fallait pour ne pas le croiser, mais ce genre de sentiment, ça collait à la peau.

" Seuls on est impuissants. Mais tous ensemble, on peut faire bouger des choses. On a sauvé beaucoup de gens sur Génosha ou en détruisant le réseau de vente de mutant... Heureusement qu'il y a l'Institut oui ! "

Des amis, une famille, des frères d'arme, des camarades de classe. C'était un genre de relation complexe.

" J'aime pas les robots non plus. Je peux rien leur faire pour me défendre... Je redeviens un peu le moi d'avant la découverte de mes pouvoirs... J'aime pas ça. Je me sens faible... "

Enfin elle avait raison. Il valait mieux changer de sujet. Et ce nouveau sujet fut... surprenant. Kalalli resta interloqué un instant en la regardant, sans savoir si elle était sérieuse.

" Heu... " commença-t-l en guise d'introduction.

" Bha... " était le centre de sa réflexion.

" Parce que je connais pas donc peut être que j'aimerai pas. Comme on mange pas souvent dehors, je préfère être sûr d'aimer ce que je prends... "

C'était vraiment une drôle de question. Le garçon décida de lui en retourner une aussi inattendue.

" Comment t'es sortie avec Abaigh ? C'était elle ou toi ?"

Sauter du coq à l'âne, comme elle l'avait fait. Et puis il se posait la question depuis quelques temps. Il savait que c'était depuis Génosha, mais l'Inuit n'avait jamais eu davantage de précisions.

Ah ça oui. Lutter contre une machine était un peu compliqué pour un illusionniste. Déjà que même avec un pouvoir physique, Charis n'arrivait pas toujours à grand chose... C'était même plutôt frustrant, d'ailleurs. Heureusement, elle avait encore l'avantage de pouvoir filer à l'anglaise. Encore que face à PROSPER et son lance-flamme, elle n'y avait pas trop compté. Vraiment, leurs ennemis ne manquaient pas de cruauté quand il s'agissait de casser du mutant. La discussion aurait été stérile sur le sujet. D'autant plus que si encore ils pouvaient envisager un type de robot contre lequel s défendre, ce serait bien, mais vu que ces machines étaient régulièrement améliorées pour faire un maximum de dégâts, c'était peine perdue.

Et puis bon, dans l'immédiat, parler nourriture semblait plus adapté quand même. Surtout étant donné le contexte actuel. Charis termina sa troisième part, et reprit quelques gorgées de jus de pomme en écoutant la réponse de Kalalli. ça se tenait, comme point de vue. Encore qu'il y avait une autre façon de considérer les choses.

"Justement, si c'est rare de sortir, autant en profiter pour tester quelque chose de nouveau, non?"

Ce n'était pas comme s'ils allaient mourir de faim parce qu'un repas n'était pas à leur goût, après tout. Mais bon. L'inuit n'avait pas nécessairement ce genre de pensée. Surtout que vu ce qu'il avait raconté, la vie avait été difficile pour lui. Alors effectivement, quitte à manger, autant prendre quelque chose qu'on était certain de pouvoir terminer. Pas de gâchis, en somme.
Elle s'attendait à un retour de manivelle, dans le genre culinaire. Pas vraiment que Kalalli saute du coq à l'âne. Pendant une fraction de seconde, elle ne fut même pas certaine d'avoir compris ce dont il parlait. Mais quand elle percuta enfin, ses yeux s'agrandirent sous le coup de la surprise. Ah, elle n'en avait jamais parlé? C'était vrai qu'en règle général, elle ne parlait pas beaucoup de son couple. Ce qui ne l'empêchait pas de parler souvent de son Abeille, soit dit en passant.

"C'était elle."

Un petit sourire nostalgique apparu sur ses lèvres. Étrangement, elle se rappelait de chaque détail, chaque intonation, et aussi de la honte qu'elle s'était payée en se liquéfiant sous le coup de l'émotion, quand l'irlandaise lui avait offert son premier baiser. Un vrai moment de pure bonheur en plein monde chaotique.

"Elle m'a fait une magnifique déclaration d'amour dans la jungle."

Vaguement interrompue par la chute impromptue d'une culotte taille XXL, d'ailleurs. Un phénomène surprenant dont elle n'avait jamais cerné l'origine.

"Et Mademoiselle Kofman est arrivée en plein premier baiser."

Avec une tête pas possible en découvrant la scène. Comme quoi, certaines déclarations pouvaient être plutôt... Riches en rebondissements.
La serveuse passa pour déposer l'addition et Charis fouina dans ses poches pour en sortir son porte-monnaie et régler les consommations. Comme ça au moins, ils seraient tranquille s'ils devaient filer en quatrième vitesse.

Profiter de sortir rarement pour gouter de nouvelles choses ? Pourquoi pas pour les gens normaux. Mais pour ceux comme eux, c'était malheureusement difficile. Il lui semblait qu'ils pouvaient souvent ne pas avoir de lendemain et ils n'auraient pas autant de sorties qu'ils le souhaiteraient pour être certains de trouver ce qu'ils aimaient.

Charis commença à lui expliquer que c'était Abaigh qui lui avait fait une déclaration dans la jungle lorsqu'Esther était arrivée. Kalalli ne put s'empêcher de rire en imaginant la scène.

" Ca a du lui faire très bizarre ! Tu t'y attendais à ce qu'elle te le dise sur Génosha ? Elle savait que tu étais... homo ? Je le savais pas avant que vous soyez ensemble moi..."

C'était un peu gênant à demander en fait, et il s'en rendit compte pendant qu'il le disait.

" Enfin en même temps je sais pas grand chose moi... " lança-t-il en réfléchissant pour lui sur le ton de la remarque.

" Kitty aussi c'était sur Génosha en fait... " venait-il de réaliser. " Enfin bon... " ce n'était plus vraiment d'actualité en y repensant.

Il était certain que ça avait dû faire bizarre à Mademoiselle Kofman, de tomber sur deux élèves enlacées en plein baiser. Le genre de truc pas très fréquent dans un institut, même en plein milieu d'une jungle. Charis secoua la tête quand il lui demanda si elle s'était attendue à ce genre de déclaration. Pas du tout, de manière générale. Mais elle comprenait que ça ait pu avoir lieu sur Génosha. Chacun d'entre eux n'était pas certain de revenir en vie, alors... C'était normal, quelque part, de choisir de dire ce qu'on ressentait, pour ne pas prendre le risque de s'en aller avec des regrets. Et puis, ça lui avait donné une motivation de plus pour s'en sortir. En revanche, les autres questions étaient bizarres aussi. Si elles savaient l'une et l'autre pour l'homosexualité? Charis ne le savait même pas pour elle-même. Encore aujourd'hui, d'ailleurs.

"En fait, je ne pense pas être homosexuelle. Je crois surtout que ce n'est qu'une question d'affinités. Je suis bien avec Abaigh. Elle aurait pu être un homme que ça 'y aurait absolument rien changé à mes yeux."

Elle haussa les épaules, comme si pour elle ça voulait tout dire. Charis ne se prenait plus la tête pour ce genre de chose. En plus, son père et sa grand-mère n'avaient pas été gênés le moins du monde. A croire que pour eux aussi, le sexe n'avait pas d'importance, que seuls les sentiments comptaient. Ah ben ça devait peut-être venir de son éducation alors. Charis devrait plutôt se définir comme bisexuelle, puisqu'il fallait une définition au regard des autres.

"Je crois que l'ambiance de Génosha a beaucoup aidé. Le fait de ne pas savoir si on allait s'en sortir... Enfin bref, c'est logique que tout ceux qui avaient quelque chose à déclaré l'aient fait."

Elle termina la dernière gorgée de son jus de pomme, constata que Kalalli ne mangeait plus. La faim était passée. Elle fit un large sourire, et finalement, demanda sans ambages.

"On y va?"

Puis elle se leva, prête à s'en aller...


Saut temporel

Kalalli comprenait complètement ce que lui disait Charis. Une question d'affinité avant d'être une question de sexe du partenaire. C'était un peu ce que le garçon pensait. Tant qu'on aimait être avec la personne et qu'elle nous rendait réellement heureux, son sexe n'avait pas réellement d'importance.

" Oui, je pense pareil..." avoua-t-il doucement, craignant que cela puisse être pris comme un aveu.

En effet, l'ambiance de Génosha aidait. Tout s'annonçait apocalyptique et c'était pour beaucoup peut être la dernière occasion de se parler. Finalement, la suissesse proposa d'y aller après avoir terminé son jus de fruit. Il lui répondit avec le même sourire :

" Oui ! " avant de se lever.

C'était agréable de petits têtes à têtes de temps en temps avec ceux qu'on aimait.

saut temporel