[Mexique] La migration du Jivaro

Le secteur où Mandoué s'était aventuré grouillait de Mexicains dans sa situation : de pauvres bougres, le plus souvent des hommes, mais aussi quelques femmes, assez jeunes, qui tentaient de fuir la pauvreté, la corruption, et d'autres particularités de leur pays natal peu réjouissantes, de sorte qu'une sorte de bidonville improvisé s'était peu à peu développé non loin du poste frontalier.
Le mutant "rôdait" entre les tentes de fortune, et les réfugiés jetaient parfois sur lui des regards stupéfaits, principalement de part sa taille étonnante pour les gens du coin, mais également l'amat de vêtements qu'il portait.
La nuit commençait déjà à tomber, et le froid s'emparait des chairs carbonisées de Mandoué. Il fallait qu'il trouve ce qu'il cherche rapidement. A l'extrêmité du bidonville, son regard put se porter sur le poste de douanne, quelques 200 mètres plus loin :
Un mur de deux mètres de haut, érigé comme protection comme les vagues d'immigrants, séparait le prétendu pays de la liberté de la crasse la plus sordide. Au milieu de ce mur s'ouvrait une porte blindée coulissante, seul point d'accès hyper-sécurisé et très surveillé. A intervalles réguliers, des miradors avaient été construits pour traquer les clandestins dans leurs tentatives d'intrusion. Si générateur il y avait, il n'était pas nécessairement du côté mexicain...
Alors que Mandoué observait en silence, une voix lui parvint par-dessus son épaule.

"Psstt ! Senor ! Tou veux passé à l'America, toi ! Yé moyen pu toi !" lui dit un homme basané, la trentaine, qui arborait une barbe de trois jours. De carrure squelettique mais à la musculature saillante, ses traits était taillés par la vie, et ses cheveux noirs de jais étaient tirés en catogan sur sa nuque. Ses vêtements, sans révéler l'état de décrépitude de ceux des habitants du coin, n'étaient pas tous frais.

Bien que large d'épaules, Mandoué n'en était pas moins humain et il sursauta comme n'importe qui, quand la voix l'interpella dans son dos. Ses yeux dépassant à peine de son écharpe détaillèrent cet homme étrange... enfin, aussi étrange qu'il pouvait paraitre à côté de l'étrangeté que le mutant était en lui même. Bref. Si n'importe qui était capable de se rendre compte qu'il voulait traverser la frontière, il se voyait mal y parvenir. En même temps, tous ceux qui zonaient dans le coin ne devaient vouloir que ça, donc c'était pas bien compliqué. Et, vu les fringues moins pourries du gars que celles des autres futurs immigrés, celui là devait probablement être un passeur. Ben oui, pourquoi lui demanderait il sinon ? Mandoué se tapa le front, au travers de son bonnet.
Il réfléchissait trop.
Bien sûr qu'il voulait passer la frontière ! Sa réponse fut lancée, de sa voix rauque et presque inhumaine... Sans parler de son accent à couper au couteau. Heureusement, d'une certaine manière, le manque d'assurance qu'on y décelait l'humanisait un peu.

"Heu... Oui ? Ouais... heu... ouais, ça m'intéresse."

Le type esquissa un sourire malin, qui laissa luire une dent en or dans l'obscurité tombante.

"Mui bien senor. Y aller de front c'est dou suicide." dit-il en se rapprochant de Mandoué, sans sembler troublé de son apparence physique. Un type pareil devait en voir passer du monde...

"Allons parler dans un coin tranquillos, si ?" proposa-t-il en indiquant une cahutte un peu plus loin. Il se retourna et marcha jusqu'à la cabane. C'était un abri de fortune composé de tentures sales et de taule froissée, où quelques chaises bancales se réunissaient autour d'une table en ferraille rouillée. Deux mexicains y jouaient au poker, cigare au bec.

"Oy !" lancèrent-ils nonchalament sans quitter leur jeu des yeux.

"Alors amigos, combien tou est prêt à mettre pour l'America ?" demanda l'étranger en s'asseyant sur une chaise.