Au soir, dans un quartier pauvre de Saint-Pétersbourg

Yrianna était seule sur le palier devant cette porte qu’elle avait tant de fois franchie depuis son enfance. Elle avait grandi dans ce petit appartement avec des parents distants et d’ailleurs elle ne l’avait jamais aimé. Il était sombre et malsain, tout comme son monde à la maison. Pourtant en cet instant elle aurait tout donné pour le revoir une fois encore, ce lieu qui l’avait vu vivre durant toutes ces années, sans rien lui accorder d’autre en retour que la misère et la soumission.

Son cœur était empli de larmes et serré par la douleur qu’elle éprouvait à l’intérieur de sa poitrine. La jeune fille était bouleversée et désemparée par ce qui venait de lui arriver même si elle ne réalisait pas encore à quel point la situation était grave.

La page de sa vie passée s’était tournée avec violence et Yrianna ne s’était pas sentie la force de résister face à cette mère qui ne voulait plus de la chose qu’elle était devenue. Elle était passée de l’autre côté du monde. Du côté des méchants qu’elle avait pu apercevoir aux émissions télévisées ou dans les reportages calomnieux… les mutants, tel qu'on les appelait. Erreur de la nature comme elle avait toujours appris à le croire, ils ne représentaient que la face maléfique des humains, ne souhaitant qu’anéantissement et ravage autour d’eux…

Pourtant elle n’était qu’une enfant, gentille et bienveillante et en rien elle ne ressemblait à ces monstres… mise à part cette horrible transmutation dont elle avait été victime quelques minutes auparavant dans son lit de malade. Des mouches lui étaient sorties de partout, s’envolant par sa bouche et traversant sa peau pour rentrer à nouveau en elle l’instant d’après dans d’affreux vrombissements d’ailes déchirant l’air autour d’elle et de sa mère sous le choc, complètement ahurit.

*Qu’ai-je fait au Ciel… Mon Dieu pourquoi suis-je comme ça ? C’est ignoble… c’est…*

Dans sa tête défilaient toutes ces traumatisantes images à une vitesse terrifiante. Elle se revoyait sortir soudainement de la brume qui lui avait empli la tête en même temps qu’elle crachait ces immondices d’insectes. Et puis ce visage profondément dégoûté, celui de sa mère qui après quelques instants d’hésitation l’avait fermement empoignée par les cheveux pour la lever avec précipitation. Cette femme lui avait hurlé des mots qui résonnaient tout haut dans son esprit et qui s’y étaient pour toujours imprégner…

« Tu n’as pas ta place parmi nous. Je regrette tout le mal que tu nous as fait… tu n’es plus notre enfant. Tu n’es plus rien pour nous… rien… disparaît de ma vie, dégénérée ! »

Yrianna éclata finalement en sanglot et se laissa glisser le long du mur du couloir en se recroquevillant sur elle-même. Elle se sentait perdue et hantée par cette masse bouillante en son sein, ne demandant qu’à éclore et naître à la vie et qui d’ailleurs ne s’en priva pas. Ses mains et ses pieds se mirent à picoter très fort et assez douloureusement avant de se transformer, sous les yeux inondés de la nouvelle mutante, en un essaim de mouche qui grignotait petit à petit ses membres, transformant l’ensemble de ses vêtements au passage. Elle ne savait pas comment lutter contre cette absorption et se laissait submerger par le flot de pouvoir remontant dangereusement vers son buste et qui altérait totalement ses sensations. Elle tremblait comme une feuille et à la toute dernière vague, celle qui s’apprêtait à achever complètement la métamorphose, elle ouvrit grand la bouche pour crier sans qu’aucun son ne s’en échappe. Tout venait déjà fini…

*Ainsi donc c’est à ça que je ressemble moi. Un amas de mouche. C’est franchement répugnant…*

Ses émotions et ressentis n’étaient plus du tout pareils et d’ailleurs, tout ce qu’elle était maintenant n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle avait pu être jusqu’à ce jour damné. Elle n’avait plus de parents, plus de sœurs, plus d’amour propre et un profond désespoir qui flottait dans tout son corps fluctuant dans les airs comme un roulement de billes qui s’entrechoquent avec désordre et légèreté…

Se redressant lentement sous la lumière artificielle du couloir, l’être ailé se mit à mouvoir doucement ses membres morcelés, égarant au passage quelques petits insectes qui s’empressaient de rejoindre la nuée. Tout cela était hors de portée de compréhension et Yrianna était maintenant plus que fascinée, écartant inconsciemment le malheur accablant de ses pensées toutes canalisées sur son corps et sa perception nouvelle du monde.

*Ces petits animaux, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? C’est moi tout ça… moi et mes vêtements ?*

Et elle jeta un dernier coup d’œil à la porte d’entrée de l’appartement qu’elle percevait un peu floue avant de s’engager lentement dans la cage d’escalier sombre de l’immeuble, alors que son corps commençait peu à peu à recouvrir une apparence humaine. Son objectif maintenant était clair, elle devait rejoindre son seul et unique ami à l’autre bout du quartier dans la nuit qui était tombée. C’était la seule chance encore qu’il lui restait de trouver un soutien allié et elle comptait bien la saisir coûte que coûte... Ses nausées n’étaient déjà plus qu’un mauvais rêve qui avait fait place aux cauchemars les plus réels…

Plus ou moins enivrée par le chagrin, Yrianna ne se rendit pas vraiment compte de comment elle avait fini par rejoindre cette maison... Ce taudis... Ce squat dans lequel vivait son ami Alexei.
Un charmant adolescent qui commençait à se forger une carrure, et qui avait entrepris de retaper cette vieille bâtisse du XXe siècle qu'il avait investi, l'ayant trouvée inoccupée depuis fort longtemps.

Il s'agissait d'un immeuble de plusieurs étages, bien que seul le premier était habitable. Le reste était à moitié en ruines, palais des toiles d'araignées, et de créatures inquiétantes, munies de nombreuses pattes velues, de griffes, de crocs...

Dans l'escalier menant à l'appartement d'Alexei, Yrianna put entendre les cris d'une dispute semblant relativement violente... Toutefois, il semblait plutôt flagrant que quelqu'un avait fait quelque chose qui avait déplu à son ami, vu les menaces de mort qu'il proférait. Ou bien était-ce des paroles en l'air, sous le coup de la colère ?

Arrivant sur le palier, elle tomba nez-à-nez avec un autre homme qu'elle ne connaissait pas, qui ne lui adressa pas même un regard, avant de s'en aller. Alexei poussa un profond soupir, puis vit la présence de son ami.

"Yrianna ? Mais qu'est-ce que tu fais ici à une heure pareille ? Entre... ne reste pas là... Tu en fais une tête !"

Il l'invita à entrer chez lui. Un intérieur qu'il essayait de maintenir plus ou moins en état, bien qu'il semblait éternellement en travaux, et que le tremblement de terre des derniers mois ne lui avait pas fait de bien.

Yrianna errait désespérément seule à travers les rues désertes de Saint-Petétersbourg en cette heure tardive de la soirée. Les quelques rares lumières sur son passage ne parvenaient pas à la sortir de sa douloureuse torpeur. Elle se sentait fatiguée au plus haut point, marchant machinalement le long d’un itinéraire qu’elle connaissait sur le bout des doigts et qu’elle empruntait de manière totalement automatique, sans y prêter attention. Elle n’osait plus penser pour ne plus rien ressentir mais la souffrance était belle et bien là, habitant la moindre parcelle de son corps telle une entité indépendante qui avait profondément bâti son nid et qui allait mettre du temps avant de prendre son envol vers un autre part, loin de la mutante.

Elle ne rêvait plus que d’une seule chose, c’était de pouvoir à nouveau serrer contre elle Alexei, celui qui l’avait accompagné depuis des années dans ses moments de joie, mais aussi de tristesse et qui avait toujours su lui rendre le sourire, là ou tous les autres avaient échoué. Elle espérait qu’aujourd’hui encore sa présence allait lui permettre de guérir sa blessure mais tout cela était encore bien loin dans sa tête, comme une chose promise que l’on désirait secrètement mais qu’on essayait de se cacher de peur de la déception. En fait, elle n’était même pas sûre de le trouver chez lui, et il se pouvait bien que sa réaction ne soit pas celle sur laquelle elle comptait…

Elle arrivait enfin au pied de l’immeuble en ruine dans lequel Alexei avait élu domicile. Depuis longtemps elle avait appris à faire abstraction de l’état complètement délabré du lieu qui avait au moins le mérite d’écarter les visiteurs les plus curieux et les plus mal intentionnés. Pourtant ce jour-ci, habité par le tourment, Yrianna se sentit plus que mal à l’aise face à ces murs instables, sombres et sales qui ne lui inspiraient aucune confiance, la laissant toute hésitante, sans plus aucune détermination.

Elle se lança finalement dans le petit couloir du rez-de-chaussée de l’immeuble en déclin, après une déglutition difficile témoignant de son angoisse qui prenait encore un peu plus d’ampleur. Elle était obligée d’enjamber les grosses toiles de ces horribles monstres carnivores dans les escaliers et elle ne put cette fois retenir la pensée qui jaillit dans son esprit…

* Elles me regardent toutes, avides de ce que je suis car je pourrais leur offrir un merveilleux festin. La grande prédatrice humaine que je croyais être est devenue proie de ces infâmes araignées… c’est effroyable…*

Alors les larmes refirent leur apparition bien qu’elles furent brusquement stoppées par ce que la jeune fille put soudainement entendre à l’étage. Immobile dans le sombre de la cage d’escalier, elle percevait clairement les paroles de colère d’Alexei et prise d’inquiétude, elle pressa le pas pour s’engager sur le palier recouvert de poussières, de gravats et de morceaux entiers de murs tombés. Sans prêter plus d’attention à l’homme qui s’en allait que lui-même ne lui en avait porté, Yrianna s’élança en courant dans les bras de son ami qui se tenait sur le pas de la porte de sa luxuriante demeure en comparaison à ce qu’il restait de l’immeuble…

Elle garda le silence quelques instants en savourant cette étreinte, redoutant et reportant un peu plus encore les explications qu’elle allait devoir donner ensuite. Une inquiétude venait de disparaître car il était heureusement chez lui, mais elle laissait donc à l’autre tout le loisir de s’étendre et de la ronger, si bien qu’elle se décida très nerveusement à lui expliquer ce qu’elle se sentait en mesure de lui confier sur le moment, après avoir lâché ses bras pour venir se lover dans le canapé en cuir très fatigué de son ami sans se gêner de l’inonder de ses larmes abondantes.

« Je n’ai plus que toi… Je suis plus rien… Complètement détruite et tu sais par quoi ? Ma mère ! Ma propre mère qui n’a pas été capable de prendre soin de moi, jamais ! Alors voilà Alexei… elle m’a mise à la porte. Sans toi je suis morte et j’ai besoin que tu me gardes auprès de toi… »

Elle n’osait même pas le regardait et gardait pour elle la raison de ce rejet qui l’avait ravagé. Elle attendit la réaction, la peur au ventre, car il apparaissait évident pour elle qu’il allait vouloir en savoir plus…

Une tornade de larmes et de gémissements... Visiblement, elle était dans un état déplorable. Et dire que la soirée avait déjà été longue... Mais bon, c'était son amie, et il était aussi là pour ça.

Il sourit simplement, laissant à Yrianna un instant de silence, dans la tendresse réconfortante du divan, le temps qu'il aille en cuisine chercher quelque chose à boire de chaud : de la tisane et des biscuits.

"Tiens, bois ça. Calme toi... Tu es en sécurité ici. Qu'est-ce qui s'est passé avec ta mère ?"

Alexei était revenu de la cuisine pour apporter à Yrianna un bien maigre réconfort même si après avoir affronté le froid du dehors elle était bien soulagée de pouvoir réchauffer un peu ses mains et sa gorge nouée devenue toute sèche. Sans vraiment être capable de savourer le liquide chaud, elle plongeait son regard dans les remous de la tisane qu’elle faisait dangereusement trembler, en rassemblant ses idées.

Elle avait certes besoin de parler, d’extérioriser les chocs subites juste avant mais bien plus encore il lui fallait être prudente dans ce qu’elle allait dire même si tout avait envie de sortir d’un coup sans aucune retenue.

Faisant un effort surhumain pour organiser sa pensée, la jeune fille s’assit en tailleur, un peu apaisée de voir qu’il était toujours et encore là pour l’écouter et la rassurer. Ca lui mettait un peu de baume au cœur.

Ces souvenirs étaient encore trop frais dans sa mémoire pour espérer un temps soit peu qu’elle prenne du recul et de la distance vis-à-vis du récit qu’elle allait faire, et replongeant presque entièrement dans le gouffre ténébreux de ces quelques minutes, elle tenta d’éclairer sans trop choquer son ami…

« J’étais malade. Enfin c’est ce que je croyais mais comme tu peux le voir, à part malade des nerfs il ne semble plus rien y avoir d’autre.
Jusqu’ici encore je peux dire que tout allait bien même si je me sentais affreusement mal… Mais ça, c'était encore rien comparé à… »

Elle évita brusquement un débordement d’émotion en crispant ses lèvres et son visage avant de continuer.

« …Comparé au moment où je me suis mise à vomir. J’ai vomi sur ma mère ! Et… J’avais rien compris de ce qui s’était passé. À l’intérieur c’était comme si je partais en morceau. Oh Alexei c’est affreux ! Il y avait des mouches partout ! Dans ma tête… dans ce que je crachais ! Et elle n’a pas supporté ! Elle… Elle m’a attrapé et tiré jusqu’à la porte en la claquant devant moi. Je crois qu’elle a compris à ce moment-là ce que je suis. Je suis un monstre Alexei ! Un monstre qui ne peut plus compter que sur toi...»

Yrianna resta là immobile à contempler le vague en attendant le jugement qui allait devoir tomber à présent…

Alexei s'assit dans un fauteuil non loin de là, croisa ses mains, et écouta patiemment Yrianna s'épancher sans rien dire.

Quand elle eut finit, il laissa passer un instant de silence. Au cas où. Puis il prit la parole, hésitant.

"Ta mère... t'a sortie de chez toi... Parce que tu lui as vomi dessus ?"

Il n'avait manifestement pas tout compris à ce que le discours décousu d'Yrianna essyait de lui expliquer.

"Calme toi... Tu devrais essayer de dormir un peu. Nous en reparlerons demain. Je te laisse ma chambre."

Il la conduisit jusqu'à sa chambre. Le lit était défait, et la pièce sentait vaguement le renfermé, mais au moins, ça avait l'air chaud et confortable.
Le sommeil d'Yrianna eut au moins le mérite d'être réparateur. Ou bien était-ce la tisane ?
Quoi qu'il en soit, elle avait les idées un peu plus claires le matin, et fut réveillée par une odeur de café chaud et de viennoiseries. Alexei était déjà réveillé. Avait-il seulement dormi ? Et s'affairait à préparer un petit déjeuner un peu amélioré par rapport à l'ordinaire.

Yrianna voyait bien que son ami était désemparé face à ce qu’elle lui racontait et elle se doutait, finalement soulagée, qu’il ne comprenait pas tout ce qu’elle disait tant cela devait lui paraître aberrant. Elle manquait de cohérence mais il ne pouvait pas en être autrement car les mots fusaient à la vitesse des images de son esprit.

La demoiselle essayait tant bien que mal d’appliquer les conseils qu’il lui donnait mais le calme qu’elle réussissait à gagner n’était que superficiel, éloignant d’elle par un habile tour de passe-passe intellectuel la tempête d’émotion qui avait déjà tout dévasté et qui ne tarderait sans doute pas à revenir pour frapper une fois encore…

« Je peux bien essayer de dormir, mais je ne garantis pas d’y arriver Alex’. »

Un instant elle avait eu envie de le questionner sur la dispute dont elle avait entrevu la fin mais elle ne se sentait plus la force de tenir un dialogue, ou même d’être attentive à des quelconques paroles d’explication. C’est vrai, elle était exténuée et il était déjà bien trop tard dans la soirée pour elle qui avait l’habitude de se coucher tôt.

Elle pénétra dans la chambre du jeune homme qui la lui avait cédée et se laissa tomber sur le lit un peu dur en fixant le plafond du regard. Il n’y avait pas de volet dans cette petite mansarde restaurée et les lampadaires du dehors étalaient leur pâle lueur orange sur les murs de la pièce, apportant un peu de vie et de présence à la jeune Yrianna qui voulait de tout cœur rencontrer la torpeur, la vraie, celle qui la transporterait enfin dans un monde meilleur, la débarrassant une bonne fois pour toutes de la souffrance qui l’emplissait depuis tout à l’heure.

Yriah se sentait flottante au milieu de ces draps chauds et seul son esprit semblait encore en activité quand ses membres restaient inertes. Elle réfléchissait à la situation, avec précaution pour ne pas resombrer dans la grisaille, et cela lui faisait relativiser son cas…

*J’ai encore quelques parts ou vivre, il me l’a dit, je suis en sécurité chez lui… Et tanpis si ma famille ne veut plus de moi, je me suis assez plainte comme ça depuis des années pour pouvoir maintenant le regretter. Je n’ai eu que ce que je méritais et c’est peut-être la punition à mon ingratitude. Cette transformation n’est que le fruit du destin qui m’a été octroyé par mes parents et après tout, c’est de leur faute si je suis devenue ce que je suis. Je ne peux que leur en vouloir, c’est pas moi qui l’ai voulu !*

Au fil de ses vagabondantes pensées, Yrianna retrouvait peu à peu bonne conscience et parvenait tout doucement à ne pas regretter. Ce qui a été fait est fait et elle comprenait maintenant que si elle voulait s’en sortir, il lui fallait voir ce qui allait lui arriver plus tard et peut-être même qu'à l'avenir les choses deviendraient meilleures et plus supportables pour elle.

Apaisée par ce réconfort qu’elle s’était petit à petit apportée, les rêves finirent par prendre le dessus et elle se réveilla au matin à une heure qu’elle n’avait jamais imaginer pouvoir atteindre un jour. Elle se hâta de se remettre sur pied en portant en elle un fond de culpabilité à avoir tant tardé au lit. Dans la pièce planait une délicieuse odeur de pâtisserie et elle se dépêcha de rejoindre son ami qui semblait déjà depuis longtemps éveillé…

« Oh ! Quelle odeur ! Je sens qu’on va se régaler, tu es trop gentil ! Tu as bien dormi ? Moi oui et ça fait beaucoup de bien !»

Elle se trouvait devant la porte de l’étroite cuisine et humait l’air avec satisfaction, un léger sourire sur ses lèvres avait vu le jour et c’était déjà une bien belle victoire pour cette jeune fille devenue orpheline.

Elle s’installa alors à table avec le fruit de son régal sous ses yeux, prête à dévorer en compagnie d’Alexei…

Son ami la laissa s'installer et manger, disant simplement qu'il avait déjà déjeûné il y a quelques heures, et qu'il ne voulait pas la réveiller.

C'est quand elle eut terminé de se remplir la panse qu'il s'assit en face d'elle, et se servit un jus d'orange.

"Yrianna... Je ne sais pas du tout quoi penser. Tout ce que tu m'as dit hier... Je suis passé voir tes parents, pour leur dire que tu allais bien. Ta mère... était dans tous ses états, elle m'a fait des menaces, disant que tu étais un monstre qui allait me tuer, et m'a conseillé de te chasser et de fuir."

Il semblait un peu perdu par ce qui lui arrivait depuis peu.

"Qu'est-ce qui t'es arrivé ?"

La jeune mutante n’en revenait pas. Elle était sidérée de comprendre que son ami était parti pour discuter avec sa mère et que par-dessus tout il ne savait même pas qui croire. Elle avait pourtant été franche avec lui et ne lui avait fait aucun mal.
Les émotions de la veille étaient revenues en masse, tout d’un coup, et elle écarquilla grand les yeux en entendant les conseils que sa génitrice avait osé donner à Alexei. Yrianna avait été trahi et elle redoutait qu’il en fasse de même après ce qu’il avait entendu de la bouche de cette femme indigne. Dieu seul savait ce qu’elle avait encore été en mesure de lui dire et qu’il ne lui avait pas rapporté dans cette conversation présente.

Mais dans le fond elle avait encore eu de la chance d’être restée en vie. Sa mère avait eu les moyens de la lui ôter et elle l’aurait sans doute fait si l’instinct maternel ne le lui avait pas interdit sur le coup.

*Elle les détestait tous et elle voulait que je fasse pareil… Mais elle m’a permis de vivre une fois encore là où mon père n’aurait pas hésité à mettre un terme à ma déviance. Elle m’a peut-être sauvé, dans le fond, des griffes de cet homme…*

Elle restait donc bouche bée quelques instants encore en sentant une boule de haine et de colère remonter le long de sa poitrine et qui annonçait, peut-être, ce qu’elle redoutait le plus en ce moment même…

« Je me suis petit à petit… transformée à l’intérieur de moi. Je suis toujours moi tu vois ! Je n’ai pas changé de personnalité, je suis la fille gentille et honnête que tu connais depuis longtemps. Je pleure parce que j’ai eu mal, je réfléchis et te parle toujours pareil… J’ai simplement quelque chose d’autre en moi qui me fait me modifier en… »

Yrianna les avait pourtant laissées entrevoir à Alexei la veille au soir, ces bêtes volantes qui pouvaient la caractériser, dans la totalité de son être. Mais voilà, elle hésitait à le lui avouer, honteuse. Si encore ça avait été de jolis petits papillons elle aurait éprouvé bien moins de difficulté à s’exprimer…

« En insecte… Plein d’insecte. Maintenant c’est dit ! Mais je te fais la promesse que tu n’as pas à avoir peur de moi ! Crois-moi et n’écoute pas ma mère, elle ne sait pas qui je suis et n’a jamais voulu le savoir, tu le sais, n’est ce pas ? Je suis une mutante, c’est donc tout ce qu’il y a à savoir...»

Après ces dernières paroles penaudes, son corps était redevenu tout tremblant et elle se leva de table pour s’approcher doucement de l’évier afin de ranger ses affaires. Pour le jour de son dix-septième anniversaire, elle aurait bien aimé pouvoir laisser ses tragiques années passées derrière elle et penser à l’avenir, mais à ce moment-là, Yrianna nourrissait bien malgré elle une affligeante déception : apparemment ce n’était pas encore l’heure…

(Note : je ne vois pas comment ça peut être ton anniversaire. L'anniversaire de ton personnage est le 15 février, or nous jouons actuellement le 15 janvier à l'institut, ce qui signifie que ce qui se passe sur ce sujet est antérieur au 15 janvier. Je doute toutefois qu'il ne s'écoule 11 mois ici...)

Alexei semblait horrifié par ce qu'il entendait. Ainsi c'était vrai... Mais Yrianna avait l'air plus déboussolée qu'autre chose. Il bafouilla et bredouilla sans être intelligible pendant un temps.

"Des insectes... Une mutante..."

La situation se compliquait vraiment trop...

"Tu te rends compte... Une mutante... Mais comment veux-tu que je t'aide ?"

Il semblait complètement perdu.

"Je ne sais pas quoi faire moi... Je vis dans un taudis, endetté jusqu'au cou, et je survis comme je peux avec les moyens du bord... Je suis désolé Yrianna... Je ne peux pas t'aider pour ça. Si ce n'était qu'une petite brouille passagère, mais là... Non... C'est trop énorme. Il faut que tu trouves des spécialistes."

(HRP : J'ai changé la date d'anniversaire, ça correspond sans doute un peu mieux ^^. Je la calerais exactement à la fin de la phase Wink

)

Ca y est…Le monde basculait une fois encore dans sa vie et au final Yrianna s’était elle-même très lourdement induite en erreur. Oui, jamais rien n’était acquis et elle venait maintenant de réaliser à quel point les choses pouvaient encore empirer. Le repos qu’elle s’était vue accorder pour la nuit n’avait été qu’un sursis, une pause dans sa longue et vertigineuse descente aux enfers, dans le seul but de lui permettre d’affronter la réalité, aussi terrible et dévastatrice fusse-t-elle…

Elle n’avait pas osé affronter le regard de celui qu’elle avait cru son ami jusqu’à la dernière minute, mais une fois encore, ses croyances venaient d’être brisées en millier d’éclats en retentissant comme un jugement final, une effroyable punition à un malheur dont elle ne pouvait être responsable.

Alors Yrianna releva son pâle visage en direction du jeune homme d’une façon provocatrice et pleine de reproche. En son sein remuaient déjà les prémisses de sa vengeance qu'elle voulait graver à jamais dans la mémoire tourmentée d'Alexei et pour commencer, elle projeta violemment la tasse qu'elle s'était apprêtée à bien gentiment nettoyer, explosant au contact du dallage froid et usé dans un énorme fracas. Elle ne voulait plus être la douce jeune fille qu'elle avait été jusqu’en ce jour maudit et elle voulait le faire savoir au monde entier…

« Tu m’as menti ! Tu m’as dit que j’étais en sécurité chez toi ! Mais en fait tu ne sais pas tenir parole… J’ai toujours su que je ne pouvais pas avoir confiance en toi…

C’est donc ce que toi aussi tu penses ? Tu ne veux plus de moi ! Et bien c’est d’accord. Oublie-moi à jamais si tu le peux, faible que tu es, d’ailleurs je vous déteste tous autant que vous êtes, toi, cette vaurien de mère et son époux ! Alors dit adieux à Yrianna car c’est la dernière fois que tu la vois… »

Sous les yeux d’Alexei, son corps charnu de jeune humaine essayait de se changer en un monstre aux ailes multiples qui allait sans doute traumatiser à vie cet homme qui n’avait pas su faire le bon choix au bon moment. Du moins, c’est ce qu’Yrianna espérait, jouissant de sa dégénérescence pour la toute première fois depuis qu’il s’était douloureusement révélé à elle, l'apellant de toute ses forces... mais en vainc.

Alexei accueillit les jérémiades d'Yrianna sans rien dire, ni ciller.

Puis il la vit s'énerver, tentant de se transformer, en vain. Se contractant pour appeler un pouvoir qu'elle ne maîtrisait pas, et qui refusait de répondre à son appel.

Jusqu'à ce qu'elle soit rappelée sur terre par un éclair devant ses yeux, et une chaleur sur sa joue. Alexei l'avait giflée. Et il n'y était pas allé de main morte.

"Je te remercie pour ta gratitude. Je me souviendrai à présent qu'aider une amie signifie lui obéir aveuglément sans quoi elle n'hésitera pas à mordre la main qui lui porte secours."

Il la saisit par le bras et la flanqua à la porte.

"Et bien va, Yrianna. Va prendre tes grands airs et parler à la troisième personne dans un monde qui aura peur de toi. Tu es un monstre. Non pas parce que tu es une mutante, mais parce que tu craches au visage de tes amis."

La porte se referma sur elle, et Yrianna se retrouva seule dans la rue froide et inhospitalière.

Yrianna avait échoué. Elle n’avait pas réussi à refaire surgir ce diable qui s’était caché au fin fond de son corps et elle semblait maintenant comprendre pourquoi. Une petite lumière de bonté avait toujours existé en elle et c’était peut-être celle-là qui l’avait gardé de ce mauvais acte qu’elle s’était apprêté à commettre, lui refusant l’accès à ce pouvoir pour faire du mal. Elle avait été sotte, et même si la gifle d’Alexei n’avait pas suffi à le lui faire réaliser, la brutalité de ses mots à eux seuls étaient parvenu à ce même résultat… bien trop tard malheureusement.

Seule devant cette porte elle n’avait pas su garder son calme, elle n’avait pas su réfléchir à temps et c’était toujours la même chose. Son impulsivité était son pire ennemi et elle ne pouvait que regretter, encore et encore, quand il ne lui restait plus aucun moyen de faire marche arrière après ses bêtises.

Et cette bêtise avait radicalement changé le destin auquel elle avait tenté d’accéder en rejoignant ce jeune homme. Yrianna n’était qu’une enfant immature qui s’était mise en tête que le monde était à porté de main et qu’il lui suffisait de vouloir pour recevoir, du moment qu’elle se donnait la peine d’y arriver. Mais ce dernier élément, elle l’avait oublié et négligé toujours, et maintenant elle courrait à sa propre perte.

Elle était à nouveau seule et cette fois-ci plus personne n’était là pour récupérer les pots cassés d’une amitié brisée et d’une enfance bannie à tout jamais. Les ruines autour d’elle sur le palier n’étaient que le reflet de sa propre destruction et elle savait qu’elle que les temps à venir pour elle seraient d’une extrême rudesse.

**Comment survivre à présent ? Trouver un travail ? Trouver une identité nouvelle en accord avec ce que je suis ou ce que je serais ?**

Tant de questions tournant dans son esprit au milieu de sentiments insupportables. Elle voulait fuir ce maudit cauchemar et avant de s’en aller en courant, elle cria quelques dernières paroles à l’attention de son ancien ami…

« De toute façon tu avais déjà fait ton choix ! »

En bas de cet immeuble qui lui avait accordé quelques heures de faux espoirs, la froideur de cette journée lui apparaissait terriblement cinglante sur sa joue meurtrie par les larmes et la claque qu’elle s’était prise. Mais une autre douleur se faisait sentir à la surface de sa peau, plus étendue cette fois, comme une sorte de brûlure, mais bien plus légère que celle qui lui enflammer le cœur.

Yrianna leva ses mains à hauteur de son visage sous les rayons du soleil glacé de l’hiver et vit apparaître deux ou trois cloques grandissantes à vue d’œil qui ne demandaient qu’à une chose : laisser échapper la vermine hors de ce corps rongé par le mal-être qui voulait fuir de lui-même. Les ailes apparaissaient en surface et les petites mouches s’envolaient les unes après les autres. Elle voulut les chasser d’un revers de main en les voyant mais elles ne semblaient pas disposées à partir au loin, revenant l’instant d’après à l’endroit de la peau qui les avait fait naître pour s’y nicher.

Elle était à la fois fascinée et horrifié par cette prouesse de la nature mais ce qui était le plus embêtant était bel et bien ces ampoules qui libéraient leur insecte à l’intérieur de ses épais vêtements et qui vrombissaient incorrigiblement contre sa peau. Il n’y en avait heureusement pas de trop.

Rabaissant alors ses bras le long de son corps comme pour nier la vision et les désagréables sensations qu’elle avait et qui tendaient à s’estomper, la petite Yriah se mit à marcher lentement le long des trottoirs en mauvais état du sale quartier de la ville. Elle réfléchissait à une solution et un nouveau sens à donner à sa vie, tant qu’elle en avait encore la force, accompagnée de ses minuscules amies qu’elle allait devoir apprivoiser, à son plus grand regret…

Même si Yrianna avait beaucoup dormi, pour la plupart des habitants du quartier qui avaient des activités plutôt "nocturnes", il était encore très tôt, et les rues étaient relativement vide, ce qui, paradoxalement, tendait plutôt à les rendre moins rassurantes que s'il y avait eu une foule anonyme.

C'est donc seule qu'Yrianna croisa un pâté de maison, puis un autre, avant d'entendre une voix derrière elle.

"Eh bien, eh bien... On se promène toute seule ? Vous êtes perdue ? C'est pas très sûr comme quartier ici..."

Un coup d'oeil pardessus son épaule : un homme d'une trentaine d'années se trouvait là, il lui rappelait vaguement quelque chose, mais elle ne parvenait pas à se rappeler quoi.

Sam 1 Mar 2008 - 16:18

En cette tragique matinée, Yrianna errait dans les boyaux déserts de la ville, la peur au ventre aussi tenace que le vent qui tiraillait ses vêtements sans relâche. Elle avançait d’un pas lent sans but apparent, à part peut-être de dépasser des carrefours qui allaient s’enchaîner inlassablement jusqu’à ce qu’elle décide enfin de s’arrêter pour méditer sur son triste sort. Son corps continuait toujours de la picoter et elle était à la fois soulagée et angoissé de ne croiser personne sur son chemin.

Il n’y avait pas un seul individu avec qui échanger un regard qui attirerait peut-être la compassion, et les volets étaient partout clos dans les immeubles délabrés et les vieilles maisons en ruine. La solitude se manifestait partout autour de la jeune fille et même si elle le souhaitait de toutes ses forces, écarter cette pensée de son esprit lui était impossible… elle faisait maintenant partie d’elle et il lui fallait accepter cette fatalité de la vie.

** Si Dieu a voulu qu’il en soit ainsi pour ma vie, alors je l’accepterais et il me guidera sur la bonne voie…**

Sur son dos pesait le poids de la culpabilité même si elle hésitait encore entre ses religieuses pensées moralisatrices, et l’idée que sa tare lui était parvenue depuis sa naissance sans qu’elle n’ait donc eu aucun rôle à jouer. La religion avait été à la base de la construction de ce qu’elle était maintenant et au final elle se demandait même s’il ne valait pas mieux pour elle d’aller quémander la miséricorde de son Dieu bienveillant dans une des églises de Saint-Pétersbourg. De toute façon, elle n’avait plus que ça à faire : prier pour sa rédemption.

C’est au détour d’une ruelle qui la menait peu à peu vers la vieille église du quartier qu’Yrianna entendit la voix d’un homme qui avançait sur ses pas. Elle ne répondit pas tout de suite parce qu’immergée dans ses pensées, elle ne réalisa pas immédiatement que c’était à elle qu’il venait de s’adresser.

Ce n’est qu’au bout de trois ou quatre secondes que la demoiselle mutante se retourna vers l’individu en continuant toujours à avancer, mais plus lentement à présent.
Son premier réflexe fut de cacher ses mains derrières son dos parce qu’elle tenait à tout prix à dissimuler sa honte, mais aussi parce qu’elle craignait un quelconque jugement qui aurait pu la mettre en situation délicate.

« Excusez-moi… Je ne vous avais pas entendu tout de suite… »

Au travers de ses cheveux qui lui recouvraient une bonne partie du visage, Yrianna observa cet homme qui lui avait adressé la parole. En le voyant s’approcher pas à pas, il lui sembla reconnaître quelques traits physiques familiers qu’elle n’arrivait pas à replacer dans leur contexte. Elle réfléchit quelques secondes de plus, un peu déboussolée par le questionnement de ce curieux personnage qu’il lui semblait avoir déjà aperçu par le passé…

« Je ne suis pas en promenade, c’est sûr que c’est pas le meilleur endroit pour faire du tourisme… »

D’un coup d’œil plutôt insistant, la jeune femme se risqua à une question puisque les souvenirs lui faisaient défaut. C’était une chose qu’elle n’aimait pas faire et elle avait l’impression de se sentir un peu intrusive, mais sa curiosité empiétait toujours sur sa réserve naturelle…

« Pardon mais, j’ai l’impression de vous avoir déjà vu quelques parts… Pourtant je ne suis pas tout à fait du quartier… C’est possible ? »

Elle trouva sa question tout bonnement idiote car elle avait pu le croiser n’importe où dans un magasin, dans la rue, mais son intuition lui disait qu’il s’agissait d’une toute autre situation qui avait peut-être échappé à sa conscience préoccupée par son malheur et qui n’arrivait plus à resurgir dans son esprit…

Dim 2 Mar 2008 - 18:43

Un mince sourire barra le visage de son interlocuteur, qui n'était pas totalement hideux, bien que relativement commun au premier abord.
Demander à quelqu'un s'il n'avait pas déjà été vu quelque part... un grand classique des clichés de la drague éculés, mais après tout... pourquoi pas !

"Oui... Nous nous sommes croisés hier soir chez un ami commun... Alexei, vous aviez l'air terrifiée. Vous voudriez m'en parler autour d'un verre ?"

Quitte à être dans les clichés...

Lun 3 Mar 2008 - 18:58

La jeune russe ouvrit grand les yeux, surprise de cette rencontre fortuite. Ainsi donc c’était l’homme qu’elle avait croisé la veille dans le couloir délabré de son ancien ami qui lui avait finalement tourné le dos. Elle se souvenait de cette dispute qu’elle avait vu finir en arrivant et elle aurait aimé en savoir plus, bien que plongée au cœur de son problème, Yrianna avait totalement négligé ce fâcheux évènement.

C’était peut-être l’occasion ou jamais d’en savoir plus et un peu de compagnie, ça ne se refusait pas… Si tant était que cet homme était déjà un peu plus âgé que la jeune femme et que sur le coup elle se demanda même si cela était réellement prudent.

** Je lui ai à peine adressé la parole, je ne sais rien de lui à part qu’il est un de ses amis… Mais pour un ami je trouve que leur conversation s’est très mal finie, et un peu comme la mienne. Je me demande bien quelle mouche l’a piqué… sans doute pas les miennes parce que moi je suis bien trop gentille !**

Yrianna rendit un très léger et incertain sourire à l’homme en acceptant son invitation. Elle tentait vainement de chasser son mal-être derrière un masque de relative quiétude emprunte de résignation…

« Bah c’est comme pour tout dans la vie, il y a des hauts et des bas, enfin, ça serait pas de refus qu’un peu de compagnie. D’ailleurs j’avais cru comprendre que vous aviez également rencontré quelques difficultés hier avec Alexei… »

Au fond d’elle, ce petit bout de femme redoutait un nouveau rejet si jamais cet homme venait à découvrir sa vraie nature et elle se demandait un peu tardivement comment elle allait s’y prendre pour masquer sa tare…

Mar 4 Mar 2008 - 15:09

Un simple sourire et quelques banalités plus tard, Yrianna et l'homme, Serguei, étaient installés dans le premier bar venu, devant des boissons.

"Ah... Alexei..." soupira l'autre personne. "Je le connais depuis des années, il a toujours été parfait, toujours très serviable. Mais depuis quelques temps, il a changé, il est devenu bizarre, renfermé. J'ai bien essayé de lui parler, mais il n'a rien voulu me dire."

Il s'approcha légèrement.

"Je crois... qu'il a des problèmes d'argents. Ou de filles..."

Mer 5 Mar 2008 - 22:15

En quelques minutes, le temps de faire connaissance, aussi superficielle soit-elle, les deux jeunes gens arrivèrent devant un bar qu’Yrianna ne connaissait pas. En réalité elle n’avait jamais pénétré dans un seul d’entre eux, par manque de moyen sans doute. D’ailleurs elle n’avait pas un sou sur elle, et même si sa mère lui avait accordé de continuer sa vie avec un vieux manteau et des souliers usés, elle n’avait plus rien du tout en sa possession. Les seules choses auquelles elle tenait était resté là-bas, avec son ancienne vie, et la jeune demoiselle s’inquiéta un instant en pénétrant dans le lieu qui sentait l’alcool et le tabac, un peu trop pour elle. Sans argent, elle allait être incapable de payer ses consommations…

**Discuter autour d’un verre, ça veut dire quoi pour lui ? Qu’il me l’offre ? Ou bien qu’il souhaite juste un peu discuter… Mais dans quelle galère je me suis encore mise moi !**

Ils s’installèrent à une petite table et après avoir passé commande, les deux entreprirent une conversation à propos d’Alexeï. À vrai dire, Yrianna comprenait qu’elle était tombée au plus mauvais moment et si le souci de son ancien ami était bien l’argent, il était évident que jamais il n’aurait été en mesure de subvenir au besoin d’une seconde personne. Certes elle était pleine de volonté et elle allait devoir trouver un travail, mais en attendant elle aurait été une charge terrible. Elle comprenait mieux maintenant…

La jeune femme écoutait avec attention les paroles de cet homme qui lui apprenait des choses qu’elle n’avait encore jamais soupçonnées. Mais plus encore que ces étranges découvertes, sa concentration s’attardait surtout sur chaque partie de son corps qu’elle scrutait mentalement. Entre deux gorgées rapides du cocktail, Yrianna dissimulait régulièrement ses mains sous la table lorsqu’elle sentait ses démangeaisons annoncer la venue au monde d’une nouvelle petite mouche égarée qui allait s’empresser de regagner ce corps maternel, et son attention était donc parfois détournée de ce que ce Serguei lui racontait…

« C’était à cause de ça la dispute d’hier ? J’aurais cru que quelque chose de plus grave s’était passé. Mais je vois pas trop ce que vous entendez par un problème avec des filles, et quant à l’argent, même s’il n’a jamais roulé sur l’or, il m’a semblé encore hier qu’il ne manquait de rien… »

Elle s’était également rapprochée vers le centre de la table et de son regard interrogateur, Yriah témoigné à son interlocuteur qu’elle tenait à en savoir plus. Elle semblait à la fois dubitative et déçue : la jeune fille l’avait toujours considéré comme son ami et elle ne comprenait pas qu’Alexei s’était refusé à lui confier la raison de ses tourments derniers alors qu’il l’avait toujours fait dans le passé…

« Et qu’est ce qui vous a mis la puce à l’oreille comme ça ? »

Elle hésita sur la formulation de ses dernières paroles parce qu’elle ne voulait pas paraître trop pressante.

Ven 7 Mar 2008 - 20:36

Serguei se prit alors à rire, éludant très soigneusement un sujet un peu embêtant.

"Ce qui m'a mis la puce à l'oreille ? Mais enfin ! Il n'y a que deux choses dans la vie qui peuvent perturber un homme ! L'argent, et les filles !"

Il accompagna cette remarque hautement philosophique d'une oeillade appuyée.

"Et de ce que j'en sais, aussi bien d'un côté que de l'autre, ce n'est pas la grosse joie pour ce cher Alexei."

Dim 9 Mar 2008 - 18:37

Yrianna resta perplexe quelques instants. Il lui semblait que cet homme n’était pas de toute franchise avec elle, ou bien qu’il essayait de lui faire deviner quelque chose. Dans tous les cas, elle n’arrivait pas à cerner le sens de ses paroles bien trop vagues à son goût.

« Je vous demande pardon mais… J’ai du mal à vous suivre. Dites moi donc ce que vous en savez alors, et pas ce que vous devinez, parce que moi je ne sais rien… Pourtant j’étais son amie... Enfin bon, il m’a bien gardé de ses soucis apparemment. Allez-y, je vous écoute ! »

Sa voix était encourageante et la petite Russe s’arma d’un sourire qui paraissait sur doux visage encore enfantin, même si elle commençait à se dire qu’elle n’arriverait rien à savoir de plus que ce que ce Serguei voulait bien lui accorder. Yrianna ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas voulut lui expliquer la première fois au lieu de se contredire comme il l’avait fait : soit il savait quelque chose, soit il l’a deviné, mais c’était soit l’un soit l’autre.

Au final savoir, ce qui arrivait à Alexeï ne valait plus vraiment la peine car leur amitié semblait belle et bien finie. Mais au fond d’elle, ce lien n’était pas encore totalement rompu et la demoiselle s’inquiétait toujours et encore pour lui. Malgré tout, on n’oubli pas si vite un ami auquel on tenait tant…

Dim 9 Mar 2008 - 23:37

Un rire franc s'échappa de la bouche de son interlocuteur. Il parvint rapidement à reprendre son sérieux pour dire

"Eh ben dites donc... Vous auriez pu vous faire engager par les services secrets !Passez à table, sinon je vous fais frire ! Mais je ne sais rien de plus à ces affaires là. Alexei ne m'a rien dit, alors je ne fais que marcher ma cervelle, pour essayer de comprendre ce qui peut bien lui passer par la tête."

Il ajouta, d'un ton amusé.

"Je donnerais cher pour pouvoir lire les pensées. Paraît que des gens en sont capables..."

Mer 12 Mar 2008 - 22:14

La petite demoiselle rit à son tour en s’excusant de son irréductible curiosité. Il y avait fort à parier que si elle s’était réellement douté des soucis que pouvait avoir Alexeï, ce grave conflit entre eux deux n’aurait peut-être même jamais existé. Yrianna reprit alors soudainement son sérieux quand une pensée emplie d’appréhension lui traversa l’esprit…

« Et moi, ma cervelle me dit que si nous n’avons pas été mis dans la confidence, c’est que l’affaire est peut-être plus grave qu’on ne peut le penser… »

Quand elle entendit la drôle de remarque pourtant enjouée de Sergueï, la jeune femme fit une moue cocasse car elle avait saisi une délicate allusion aux gens de son appartenance, la laissant un instant pantoise et mal à l’aise. C’était une nouvelle idée qui avait jailli dans les méandres de son esprit abasourdi par les derniers évènements. Si elle faisait parti de ces êtres-là, avec leurs effroyables bizarreries, il ne faisait aucun doute qu’il y en avait beaucoup d’autres dans cette ville, et peut-être même bien plus qu’elle ne pouvait l’imaginer.

**S’il s’avère qu’Alexeï persiste dans son mutisme - en admettant qu’il daigne me pardonner pour ma réaction honteuse du matin bien sûr - j’irais trouver une façon de le faire parler et de l’aider, j’irais trouver les personnes qu’il faut.
Si moi il a voulu me laisser dans la merde, tant pis pour lui, mais moi je suis pas une lâche…**

Sans lui faire part de sa décision pour aider Alexeï coute que coute, et qui dans le fond ne regardait pas cet homme, Yrianna entreprit de mettre un terme à ce petit tête à tête. Elle n’avait plus l’esprit aux bavardages et aux racontars sans grand intérêt si Sergeï ne pouvait plus rien lui apprendre sur son ami. Elle se leva alors de table en exprimant clairement son malaise et ses doutes qui la taraudaient à présent, oubliant même sa gêne précédente en entrant dans le bar lorsqu’elle s’était aperçue qu’elle n’était pas en mesure de payer…

« J’étais vraiment contente de vous avoir croisé mais maintenant je retourne voir Alexeï pour avoir le cœur net sur ce qu’il se passe… je suis pas tranquille. Viendrez-vous avec ? »

Yrianna se préparait déjà à s’en aller, se revêtant de son mantaux hivernal en hâte…

Jeu 13 Mar 2008 - 13:13

Le fameux Serguei se leva alors, disant simplement.

"Non, je vous laisse le soin d'y aller. Je ne tiens pas vraiment à revoir Alexei tout de suite."

Visiblement, le sujet le mettait un peu mal à l'aise. De retour chez Alexei, Yriannah constata qu'absolument rien n'avait changé, si ce n'est l'accueil que lui réserva son hôte d'un soir. Nettement plus froid, et moins convivial.

"Qu'est-ce que tu veux encore ?"

Ven 14 Mar 2008 - 21:32

Yrianna était retournée sur ses pas en torturant son esprit qui se contorsionnait pour trouver une façon de regagner l’affection de cet ami égaré, une manière de l’inciter à parler de lui aussi. Pourtant, elle avait peur d’un nouvel échec qui semblait à lui seul justifier tout son désarroi, insufflant au cœur de son être le doute et l’idée que son entreprise resterait peut-être veine...

Elle escalada alors les escaliers quatre à quatre, mais dans un tout autre état d’esprit que celui qui l’avait habité la veille au soir. Le désespoir avait fait place à une page blanche où s’écrivait à présent une nouvelle histoire et Yrianna acquérait un peu plus de volonté et de détermination à chaque minute qui passait. Elle avait quitté cette note de chagrin au fil de son errance dans les rues jusqu’à sa rencontre avec Sergueï, et maintenant la jeune russe était résolue à ne plus laisser revenir car cette tristesse faisait partie de l’histoire ancienne et définitivement révolue…

Prenant son courage à deux mains, Yrianna frappa à la porte timidement, les joues rougies par la gêne qu’elle ressentait dans tout son corps à l’idée de retrouver la présence d’Alexeï. Il lui fallait à tout prix être convaincante face à un accueil glacial auquel ce petit bout de femme s’était largement attendu.

« Je suis revenue pour te dire que je regrette ce qu’il s’est passé… Pour moi, mais pour toi aussi. J’ai été égoïste et j’ai pensé qu’à mes problèmes mais j’ai pas réfléchi plus loin. J’ai pas pensé que toi aussi tu avais ta vie et tes soucis… »

Remuant de tout son être en arborant un sourire nerveux, la demoiselle brûlait d’envie de questionner Alexeï. Elle retint pourtant cette forte pulsion qui pouvait lui être dommageable, n'ayant pas vraiment d'autre choix que de croire en la force de ce lien d’amitié qui les avait réunis durant des années et qu’elle espérait malgré la dispute de ce matin préservé…

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