Quelque part sur les routes, en direction de l'Institut...

Karin était assise de manière peu confortable sur le siège passager du 4x4 de Lenny, un vieil ami de ses parents, un Américain qui travaillait à l'ambassade. Mais Karin ne retenait jamais s'il travaillait pour les Etats-Unis ou la Belgique, trop insignifiant pour la marquer. Pour l'instant, elle gesticulait sans cesse en quête d'une position qui ne ferait pas trop souffrir sa queue, sans grand succès. Lenny regardait la route, il avait coupé la radio pour Dieu sait qu'elle raison qui passait au-dessus de l'esprit de Karin.

Elle s'ennuyait, elle avait l'impression de rouler depuis des heures dans cet engin, elle voulait dormir, se relaxer... elle était aussi impatiente de découvrir cette fameuse école où on l'emmenait. Elle commença à farfouiller dans le sac qui reposait sur ses genoux, en sortant son lecteur mp3 tout neuf offert par ses parents une semaine avant le départ d'Ostende... Elle mit les écouteurs dans ses oreilles et son pouce commença doucement à effleurer les touches du petit objet, sélectionnant finalement un album de Motörhead, un des groupes préférés de la jeune mutante.

La musique passait dans ses oreilles et la détendait, elle colla son visage allongé contre la vitre et se mit à regarder le paysage défiler derrière les vitres teintées, remontant le col de son pull le plus qu'elle pouvait sur sa bouche... ou sa gueule, elle ne savait pas comment l'appeler... Elle soupira.

De ses rêveries, elle venait subitement de passer aux pensées mélancoliques. Pourquoi est-ce qu'elle était comme ça ? Elle se souvenait de son enfance, elle était tellement... normale et banale, une petite fille tout ce qu'il y avait de plus ordinaire : parfois tellement gentille que ses parents en avaient presque les larmes yeux, parfois tellement peste qu'on ne l'imaginait pas aimer qui que ce soit...

Elle se regarda dans le rétroviseur. Un jour, elle était devenue ça. Ca... ce mot était affreux mais elle n'en voyait aucun autre pour se désigner, elle était devenue un espèce de gros lézard humanoïde...

Nouvel effleurement de son pouce sur une touche, changement de musique, de groupe... le hasard l'a fit tombée sur une de ses chansons préférées de Megadeth, "A tout le monde" dans laquelle le chanteur parlait de la mort, du suicide...

*Non, non... Je ne dois pas penser à ça, c'est stupide !*

Elle changea de piste, chanson plus anodine. Elle fouilla à nouveau dans son vieux sac d'épaule noir et en sortit le casse-croûte que Lenny lui avait acheté dans une station-service, un sandwich à la dinde. Elle commença à manger et chaque geste anodin qu'elle exécutait la rendait triste. Elle avait l'impression que tout son crâne la démangeait à chaque mouvement de ses mâchoires de reptile. Elle bloqua sa respiration pendant deux secondes.

*Il faut que je me reprenne, je ne suis pas la seule après tout !*

Elle finit par se vider l'esprit, concentrée sur son sandwich, sa musique et la route qui défilait sous les roues du 4x4. Elle jeta un nouveau coup d'oeil dans le rétroviseur. Il y avait comme une lumière bleue qui suivait le véhicule de Lenny, ça avait tout l'air d'être une voiture de police...

Lenny jura en jetant un coup d'oeil dans le rétroviseur.

"Les flics... Vaut mieux que tu restes cachée, couvre-toi le corps avec çà!" dit-il à Karin en indiquant une vieille couverture à l'arrière.
Déjà qu'ils risquaient une amende, il valait mieux ne pas aggraver leurs cas à tous les deux.

La voiture s'arrêta sur la bord de la route, suivie des policiers. Le conducteur descendit et s'approcha de la porte de Lenny, qui avait déjà baissé sa vitre :

"Bonjour Msieur, papiers s'il vous plaît." demanda-t-il. Lenny s'éxécuta aussitôt. Le second policier vint se planter jusque devant la portière passager.

Le policier devant la porte passager baissa ses lunettes et cligna des yeux. Il avait cru voir quelquechose remuer sous une vieille couverture...
Il fit un petit signe discret à son collègue, qui était en train de rendre ses papiers à Lenny, signe qui lui fut aussitôt rendu.

"Sortez du véhicule monsieur." dit-il à Lenny, dont la nervosité commençait à se sentir devant ce contrôle qui s'éternisait.
Ill sortit de la voiture.
Le policier lui demanda de se retourner et de plaquer ses mains sur le capot pour effectuer une fouille. Le second policier sortit sa matraque et ouvrit doucement la porte passager. Du bout de son arme, il commença lentement à soulever la couverture...

"Argh!" s'écria le policier en faisant un petit bond en arrière à la vue de Karin.

"Qu'est-ce que c'est que çà?" jeta-t-il à Lenny en pointant la jeune mutante de sa matraque.

Le second flic se penchant pour voir ce qui avait provoqué l'émoi de son co-équipier. Il dégain immédiatement son arme et la braqua sur Karin.

Karin reprennait peu à peu le dessus sur elle et elle réussit à tourner la tête vers le second policier, qui braquait désormais son pistolet sur elle. Elle perçut un faible mouvement désordonné du canon de l'arme, l'homme tremblait et à cet instant, devant cette image et le masque de peur qu'arborait l'agent de police, elle comprit qu'elle était vue comme un monstre, une créature effrayante.

Un sentiment froid comme l'acier parcourut son corps. Elle était un monstre pour les autres... elle aurait voulut réfléchir encore sur sa situation mais un cri vint la sortir de ses rêveries. La voix de Lenny.

"Attaque !"

Elle ne vit pas vraiment ce que son "protecteur" fit mais le bruit sourd qu'elle entendit lui fit comprendre. Il venait d'assomer le policier. A présent, elle se sentait obligée de répondre à l'ordre qui lui avait été donné, elle le devait, pour sa survie...

En une fraction de seconde, elle réagissait, se jetant droit vers l'homme qui la pointait de sa matraque. La peur qu'elle inspirait inhibait les réflexes de cet homme, il ne pu rien faire pour empêcher la mutante de lui asséner un coup d'épaule violent et de le flanquer par terre. A présent, Karin était penchée sur lui, appuyant de tout son poids. Son expression était... carnassière, son regard malsain. Elle lècha sommairament le visage appeuré qui lui faisait face du bout de sa longue et fine langue, avant de soulever le torse du policier pour envoyer cogner sa tête contre le bitume. Il était sonné.

Karin se releva, sa détermination bestiale s'évaporait, derrière elle, Lenny hurlait, elle devait remonter dans la voiture, ils devaient fuir... Elle s'exécuta sans broncher, claquant la porte si fort que la vitre trembla presque au point de se fêler. La voiture démarra en trombe, Karin pleurait, Lenny avait le visage crispé d'inquiétude...

Lenny appuyait sur le champignon pour s'éloigner au plus vite des policiers.

"Il va faloir jouer serré maintenant, quelle malchance! Quand ils se réveilleront ils auront le signalement de la voiture et mon identité. Il faut qu'on disparaisse au plus vite." expliqua Lenny rapidement en s'épongeant le front. Il sortit de l'autoroute et prit de petites routes de campagnes. Il s'arrêta ensuite sur un parking désert et sortit son téléphone portable.

"Oui, Marty? Oui c'est Lenny, écoute, je me suis mis dans le pétrin, j'ai besoin d'une voiture rapidement... Non non çà va, t'inquiète pas...Oui? Où çà? Très bien j'y serais à 23H, je savais que je pouvais compter sur toi."

"On doit rejoindre mon ami Marty à 20km, il nous donnera une autre voiture pour terminer le voyage. On n'a qu'à rester cachés jusqu'à la nuit, on passera inaperçus." expliqua Lenny.

Quelques minutes plus tard, il garait la voiture dans la forêt.
"T'es fatiguée? On devrait se reposer un peu en attendant l'heure."

Après avoir retrouvé Marty, le voyage s'en suivit pendant quelques heures. Lenny avait pu se reposer, ce qui avait pour avantage qu'ils mirent une distance raisonnable entre le lieu du "crime" et eux pendant la nuit.
Lenny demeurra silencieux. De temps à autres, il jetait des regards inquiets sur Karin, mais ne trahit rien de ses pensées.
Bientôt ils quittèrent la bretelle de l'autoroute indiquant "Salem".
Après avoir circulé dans la ville pour repérer les lieux, ils s'arrêta dans le parking sous-terrain du centre commercial.

"Autant finir la nuit ici, çà ne sert à rien de ce pointer en plein milieu de la nuit dans cet institut."

Karin fut réveillée dans la matinée par Lenny et l'odeur d'un petit déjeuner improvisé : visiblement il était allé au centre commercial pour y acheter quelques petites friandises.

"Je ne savais pas trop ce que tu aimais..." dit-il sur un ton d'excuse.

Laissant Karin remonter à l'avant, il lança le moteur, et sortit du parking. Le ciel était dégagé et c'était presque un plaisir, malgré les circonstances, de se balader en voiture. Soudain, alors que la voiture passait devant la façade du centre, une pluie diluvienne commença à s'abattre avec force sur la voiture.
Surpris, Lenny activa ses essuie-glace en puissance maximum mais rien n'y fit, la pluie était torrentielle et il était impossible de conduire dans ses conditions. La voiture termina son chemin dans une bouche d'incendie, dans un bruie de ferraille cassée.

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