Discussion avec Gaël

Salle de briefing

Cassandre ouvrit la porte de ce qu'elle inaugurait aujourd'hui comme son QG personnel dans l'Institut.
Elle n'avait pas cru bon de décorer la pièce, comment l'aurait-elle pu de toute manière? Elle avait simplement acheté quelques coussins pour pouvoir établir un dialogue d'égal à égal dans un pièce qui n'avait pas de coins. La configuration des lieux lui plaisait pour la même raison. Habituée au yoga, elle alla s'installer en tailleur sur le premier coussin qu'elle trouva, et invita Gaël à en faire de même.

"J'ai préféré venir ici, les autres n'ont pas à savoir ce que tu souhaitais me dire. Pour l'atelier auquel je t'ai assigné, j'ai toute confiance en toi. C'est avant tout parce que j'ai cru percevoir une hésitation en toi que j'ai pensé que ton témoignage serait une contre-partie efficace de celui de Jon, qui semble avoir un peu plus d'expérience, étant plus âgé. Je pense que çà sera une expérience enrichissante pour toi, ne sous-estimes pas la valeur de ce que tu peux apporter." dit-elle d'entrée de jeu avec son habituelle douceuer.

"Souhaites-tu que nous parlions de ton pouvoir?"

Jardins

Ivy avait guidé les autres à travers les couloirs qu'elle avait finalement appris à connaître. Tout en avançant, maugréait dans une barbe imaginaire les supplices que leur tortionnaire allait leur faire subir lorsqu'elle apprendrait l'incident.

"...Aïe aïe aïe... Elle va nous faire faire du cheval sans scelle... Nous faire manger de la viande... Nous obliger à récurrer les toilettes de l'Institut...Nous obliger à jouer à "je te tiens tu me tiens par la barbichette" avec Liven, j'imagine déjà la partie interminable..." radotait-elle en se triturant les doigts de nervosité. La douce Cassandre lui apparaissait maintenant comme une bouilleuse d'enfants.

"...Nous faire porter des chaussures... Au fait, moi c'est Ivy... Nous attacher sur une fourmilière, des fourmis rouges hein!!"

Elle s'arrêta devant la porte et regarda Alyssandre, l'effroi lisible dans ses yeux verts. Elle avala bruyamment sa salive, leva son petit poing pâlichon, et frappa à la porte. De l'autre côté, la voix hypnotique de Cassandre l'invita à entrer.

"Zut, elle est là... Bon bah..." elle ouvrit la porte, et pénétra dans l'antre de l'ogre.
Cassandre y était assise en tailleur en face de Gaël. Ivy se gratta la tête, perplexe par l'aspect informel du bureau.

"Euh... Désolée de vous interrompre... On a eu un tout petit problème dehors... Vous savez où trouver du rhum pour le gâteau de Sven...?" se hasarda-t-elle, un sourire contris en se balançant d'avant en arrière.

Décidemment, les professeurs n'avaient pas une minute de libre à l'Institut.
Cassandre reconnut la voix haut perchée et volubile d'Ivy ainsi que son odeur champêtre, mais la présence d'intrus étaient incontestable pour l'odorat aiguisé de la jeune femme. Une odeur rappelant l'humus qui avait quelque chose d'interne, comme une sécrétion.

"Excuse-moi Gaël." dit-elle au jeune mutant. Elle tourna la tête vers le groupe.

Elle ne se formalisa pas de la question incongrue de la jeune fille, qui devait forcément cacher autre chose, vu la pointe de culpabilité qu'elle pouvait déceler dans ses hésitations.

"Je ne pense pas que vous trouverez du rhum dans l'enceinte de l'école. Changez de recette ou faites vous accompagner d'un majeur pour aller en acheter. Mais tu voulais me dire autre chose n'est-ce pas? Qui t'accompagne?" s'enquit-elle avec une nouvelle appréhension.

Jardin

Jen accompagnait le jeune garçon à la suite d'Ivy et de la nouvelle, ils arrivèrent derrière eux, ayant entendu l'expression de l'imagination fertile de la jeune rouquine.

*Elle a pourtant pas l'air si méchante que ça Cassandre... non ?!*

Jen avait un regard perplexe qu'elle envoyait vers Ivy dans l'espoir d'avoir une réponse à ses inquiétudes. Ne souhaitant pas faire attendre Cassandre, Jenifer parla :

"Nous avons récupéré ces jeunes gens devant la grille mais ce n'est pas ça le problème c'est qu'entre eux et la grille il y avait des personnes pas très engagentes qui voulaient les en empécher"

*Bon ben... voilà comme ça c'est dit...*

Jen cherchait du regard celui de sa colloc pour savoir si elle avait bien fait de tout raconter (ou presque).

J'entre dans le bureau à la suite des deux jeunes femmes. Le bourreau tant craint par Ivy apparait, un petit bout de femme à l'air mystérieux, très loin de l'ogre mangeur de jeunes mutants qu'elle commençait à imaginer.

Après l'intervention d'Ivy et Jenifer, je prend à mon tour la parole.

"Je m'appelle Alyssandre Althon, je viens de Paris en France. Nous sommes arrivé il ya quelques heures avec deux autres mutants. Quand nous avons enfin trouvé l'institut, un groupe d'anti-mutant nous a barré le chemin. Nous sommes intervenus, peut être de façon un peu musclée, alors que ces deux jeunes filles nous avaient conseillé de ne pas utiliser... nos capacités. Nous nous sommes mal compris et ça a légèrement dégénéré. Elles ne sont pas responsables, nous nous sommes emportés"

Maladroitement, j'essaye de défendre Jenifer et Ivy, mais plus je parle et plus j'ai l'impression de m'enfoncer, hapée par ce mystérieux regard.

"Nous étions tellement pressés d'arriver que nous n'avons pas réfléchis..." Finis-je par dire dans un soupir, les mains entortillées.

Cassandre resta un instant silencieuse, écoutant le récit de ce qui s'était passé devant l'école. Une lourde anxiété perçait à travers les voix de chaque jeune qui s'était exprimé.
Ils doivent y être allés fort...

D'un geste de la main, elle les invita à s'installer sur les autres coussins libres.

"Tout le monde est en sécurité?" demanda Cassandre.

"Les élèves oui... Mais pour le comité d'accueil je suis pas sûre..." lui répondit la voix d'Ivy.

Cet évènement à la veille des portes ouvertes n'allait certainement pas jouer en leur faveur.

"En premier lieu, je vous souhaite la bienvenue malgré les soucis que vous avez pu rencontrer. Je m'appelle Cassandre, je suis professeur à l'Institut. Maintenant que vous êtes parmi nous, il va faloir vous habituer à certains principes qui vous seront inculqués ici : l'un des premiers, est que l'on évite au maximum l'utilisation des pouvoirs en public, et encore moins contre son prochain, à moins que votre vie ne soit en jeu. L'Institut a souffert d'une très mauvaise publicité jusqu'ici, ce qui ne facilite en rien la vie des mutants, et j'aimerais que vous appreniez à gérer vos pouvoirs avec parcimonie et sagesse. Dites-moi en quoi votre réaction a été musclée, et nous réfléchirons ensemble pour voir si c'était nécéssaire, cela nous permettra de connaître vos pouvoirs." répondit Cassandre sans hausser le ton, utilisant l'incident comme tremplin didactique.

Plus je repense à ce que nous avons fait à l'entrée et plus je trouve ma réaction ridicule et disproportionnée...

"Quand nous sommes arrivés, un jeune rocker s'est interposé entre moi et l'entrée, pendant que ses potes répétaient les paroles de leurs chansons antimutants. Je l'ai un peu provoquer pour qu'il me laisse passer et un cureton complètement fou a commencé à s'en mêler en parlant de chatiments corporels en guise d'exorcisme..."

Je m'interromps un moment, le temps de remettre de l'ordre dans mes idées, et d'essayer d'avaler ma salive, mais la boule qui me serre la gorge m'en empêche.

"Je me suis emportée, le rocker a tagué mon T-shirt et là ça a dégénéré... Mon pouvoir consiste à créer toute sorte de chose à partir de mes mains, de la matière organique plus précisément. J'ai fait sortir deux lianes de mes paumes et les ai enroulée autour des poignets de mon agresseur pour l'entraver, dis-je en montrant les deux trous béants au milieu de mes mitaines. Il s'est débattu, et mes entraves ont blessé ses bras sans que je m'en rendes compte. Finalement, c'est cette jeune fille qui est venue s'interposer, dis-je en désignant Jenifer, et m'a permis d'arracher la bombe de peinture du rocker et d'escalader le muret un peu plus loin. La suite vous la connaissez..."

Les yeux baissés sur la bombe de peinture rouge posée sur mes genoux, j'attends le verdict.

Ainsi donc la jeune Alyssandre était à l'origine de cette odeur à peine perceptible même pour le nez exercé de Cassandre. Inconsciente que la mutante lui présentait ses bras, le regard de Cassandre resta égaré dans le vague de la cécité, à travers ses lunettes.
La présence de militants aussi marginaux que des prêcheurs et des rockeurs bélliqueux devant l'Institut n'était pas bon signe. Ils auraient pu tomber sur une multitude de militants plus ou moins stables mais ceux-là étaient comme une bouteille de nitroglycérine dans un manège.

"Je vois... D'après vos dires, j'ai bien peur que vous soyez directement entrés dans leur jeu... Les provocations seront sûrement notre lot à tous jusqu'à ce que notre existence soit acceptée, et pour cela nous devrons malheureusement faire nos preuves. Je vous enjoins donc à ignorer ces hostilités. En aucun cas vous ne devez envisager votre don comme une forme de pouvoir sur autrui... " répondit-elle, en tournant la tête vers Del, dont les ondes mentales étaient similaires aux siennes.

"Je pense que vous avez déjà compris l'impacte que peut avoir eu votre réaction pour nous tous..." continua Cassandre. "Une fois que j'aurai terminé ma conversation avec Gaël, j'irai peut-être essayer de dissuader ces gens de rôder autours de l'école." dit-elle en désignant d'un petit geste le mutant, qui attendait toujours son entretien.

"En attendant, demain auront lieues les Portes Ouvertes de l'Institut, qui visent justement à démentir la menace mutante. Vous êtes bien entendu les bienvenus si votre désir est de rester parmi nous, et afin quevous mettiez en pratique notre conversation, je vous envoie directement à l'atelier d'éthique que je tiendrais avec d'autres élèves. Vous pourrez ainsi mieux faire connaissance avec les autres élèves. Cet atelier traitera de "la morale" mutante, et de la gestion des pouvoirs en accord parfait avec la vie en société et le respect des autres." termina-t-elle. Elle resta muette un instant, la tête légèrement penchée sur le côté. Son esprit voyagea rapidement à travers l'Institut à la recherche des autres élèves assignés à cet atelier.

"Vous trouverez Daniel et William dans le salon, ils préparent l'atelier. Ivy tu peux les mener au salon s'il te plaît? D'ailleurs maintenant que je te tiens, tu seras référente à l'accueil, alors pas de blagues." dit-elle avec bienveillance en se retournant vers Gaël.

Elle attendit que le groupe sorte pour reprendre son entretien avec lui.

Penaude, Ivy se releva, prête à guider les nouveaux au salon. L'idée d'être responsable des élèves à l'accueil ne l'enchantait guère, mais elle ne tenait pas à ramener l'attention de Cassandre sur elle.
Elle sauta par-dessus les coussins et prit la direction du salon en soufflant de soulagement.

salon

Jenifer sortit à la suite de son amie, lui tapotant sur l'épaule avec un petit sourire d'un air "tu vois ça c'est bien passé !" et la suivit.

Salon

Salle de Briefing

Le bureau de Cassandre n’était vraiment pas comme l’aurait imaginé Gaël. Pour lui, un bureau typique de psychologue se composait d’un bureau, de pleins de peintures abstraites qui ressemblaient à rien mais surtout d’un divan, première chose à laquelle il pensait lorsqu’il entendait le mot «psychologue ». Mais non. Il n’y avait rien de tout cela. Juste quelque coussins par terre. Cela déconcerta un peu le jeune homme. Cassandre n’était vraiment le genre de psy qu’il l’habitude de voir auparavant pour sa phobie du noir. Une fois assis, Cassandre prit la parole la première et celles-ci rassurèrent tout de suite le mutant. Mais au moment où il voulut commencer son récit, Ivy , Jenifer et une autre fille arrivèrent dans le bureau. L’histoire du prêtre complètement taré et des barjo tagger l’inquiéta un peu, d’autant plus que ce n’était vraiment pas le moment de se faire de la mauvaise pub. Une fois que le petit groupe sortit du bureau, Gaël commença son explication.

« Je ne sais pas dire quel est exactement mon pouvoir. Ca c’est un gros problème pour commencer. J’aimerais bien pouvoir dire clairement de quoi je suis capable! Ensuite, je l’ai utilisé que trois fois et vu comment je suis fatigué, je sais pas quoi faire. Soit la fatigue bloque complètement mon pouvoir et dans ce cas, tout le monde est content. Soit c’est le contraire et je risquerais de l’utiliser sans le vouloir à chaque que je me met en colère. Et je sais par expérience que cela est dangereux pour mon entourage.  »

Une fois les jeunes sortit, Gaël put enfin extérioriser ce qui le tracassait. Cassandre l'écouta patiemment, tout en étant de plus en plus convaincue que l'atelier d'Olivier s'avérait être tout désigné pour l'adolescent.

"Quant à la nature de ton pouvoir, j'avoue être incapable de t'aider, et tu sais bien pour quelle raison... Mais j'ai bon espoir qu'avec Olivier, ce problème se résoudra de lui-même : l'atelier de maîtrise des pouvoirs sera parfait pour exprimer ce problème, et trouver des réponses, car la connaissance de son pouvoir fait partie de l'apprentissage."

Elle s'interrompit un instant, réfléchissant un moment au second problème de Gaël.

"La fatigue a une incidence sur l'utilisation des pouvoirs, qu'elle soit physique ou mentale. En général c'est là qu'intervient la perte de contrôle..." commença-t-elle, sachant très bien comme les visions l'assaillaient dans tous les sens sans qu'elle put les orienter dans quelque direction que ce soit lorsqu'elle était éreintée.

"Il faut que tu trouves une façon de recadrer ton esprit pour maintenir le contrôle. En général moi je médite, ou je m'astreins au calcul mental. Cà a l'air tout bête comme çà, mais j'ai l'habitude de compter mes pas pour me repérer dans l'espace, c'est devenu un réflexe inconscient. Compter m'aide à garder un contrôle conscient sur ce qui m'entoure. Tu n'es pas obligé de t'y prendre ainsi, chacun a son petit déclic personnel, mais çà te donne une piste de réflexion." expliqua-t-elle avec un soupçon de rose aux joues à dévoiler ainsi la stupidité de ses calculs.

"Tu devrais aller te préparer à présent. Fais l'expérience, et profite de l'atelier pour explorer ton pouvoir avec Olivier. On fera le point après." conclut-elle en se levant, signifiant ainsi que l'entretien était terminé. Ils avaient encore beaucoup de travail avant d'être opérationnels pour demain.

« D’accord, je vais essayer le calcul mental parce que si jamais je este immobile tout en fermant les yeux, je risque de m’endormir sur place… merci pour votre aide Mlle Cassandre! »

L’ado se leva mais au moment où il s’apprêtait à sortir du bureau de la psychologue, il repensa à la conversation qu’elle avait eu avec les élèves qui avaient fait irruption quelques minutes plus tôt.

« Si vous envisageais d’aller parler avec les tarés qui se sont installés devant l’institut, vous feriez mieux de prendre un ou deux élèves avec vous. Juste au cas où…. »

Si jamais la situation venait à dégénérer, la psy ne pourrait rien faire pour se défendre, ses visions ne la protégeant pas. Et puis d’après la description qu’avait faite les filles des hommes qui se trouvaient devant l’école, ils avaient le profil des parfaits crétins prêt à profiter des handicaps des autres.

Cassandre eut un petit sourire.

"Ne t'en fais pas pour moi." lui assura-t-elle alors qu'il s'éloignait. Elle lui fit un petit signe de main, et s'apprêta à aller travailler.