Une journée à Sunbury, Pennsylvanie

[Pense à lier ta fiche avec ta signature. Merci ! ]

Alors que Claire passait à proximité de l'usine, une silhouette surgit de derrière le bâtiment.



Il s'agissait d'une femme, souriant de manière excessive et habillée étrangement pour l'endroit. Elle faisait des mouvements saccadées, assez fascinants.

Claire ne se souvenait pas l'avoir déjà vu. Par ailleurs, elle était presque certaine qu'elle ne faisait pas partie des bandes habituelles de lycéens.

La femme fit quelque pas selon sa démarche étrange en avant, comme pour mieux être vue de Claire.

Puis, elle effectua le signe du bonjour, la paume placée comme pour envoyer un baiser du bout des lèvres...

De manière plus surprenante encore, elle signa en dactylologie les lettres C - L - A - I - R - E.

[Je crois que ça marche!]

La jeune femme ne s'arrêta pas immédiatement en voyant la femme sortir de sa cachette. Elle l'avait vu du coin de l'œil, et l'observait de ses grands yeux. Ses mouvements étaient, en effet, intrigants. Cependant, Claire aimait plus ou moins son étrange sourire, ce qui la persuada à continuer de marcher. Jusqu'à ce que la femme vienne se placer dans son champ de vision, où alors Claire s'arrêta.

La jeune muette regardait l'individu, un doux sourire, comme elle les faisaient si bien, s'étirant sur ses lèvres. Mais la femme voyait surement que son sourire, quoique sincère, n'était pas rassuré pour autant. Claire savait bien que son visage n'était pas familier. La ville était grande, mais elle y avait toujours habitée. Avec son habitude d'observer autour d'elle, bien qu'elle ne connaisse pas tout le monde, les visages restaient quand même familier. Surtout ceux autour de l'école.

La petite inquiétude qui s'était pointé à l'arrière de la tête de Claire se transforma lorsque la femme lui dit bonjour. Plus angoissée, les pensées de la jeune femme se bousculaient dans sa tête. Comment est-ce qu'elle savait qu'elle était muette? Qu'elle comprenait le langage des signes? Mais son sang se figea brusquement dans ses veines, et elle sentit la chaleur quitter sa tête, lorsque la femme épela son nom. Lettre par lettre.

Inconsciemment, Claire acquiesça.

En temps normal, rencontrant quelqu'un dans la rue qui lui adresserait la parole, Claire aurait immédiatement tirer de son sac le petit carnet pour communiquer avec les personnes normales. Mais, étrangement, Claire sentit que ce n'était pas nécessaire. Comme si ce n'était pas un hasard.

Quelques secondes avaient passé où, figée, Claire regardait l'étrange femme. Reprenant un peu conscience de ses membres, et de son esprit, elle chassa l'inquiétude de ses yeux. Ses yeux redevinrent intrigués à nouveau. Lentement, elle signa;

"Qui êtes-vous?"

[Est-ce que je peux parler de cette manière, ou bien je dois écrire ce que je dis dans les actions à la place?]

[Nickel pour la fiche liée... Et oui, tu peux "parler" comme ça. On va pas décrire les signes, trop longs, trop fastidieux, et je suis pas sure que la variante de chez moi de la LSF soit la même que la québécoise... ]

La femme s'approcha un peu. Puis ouvrit la bouche lentement et répliqua d'une voix lente, détruite, ravagée, saccadée et assez inhumaine.

"Je ssssuis Ju-lie... la folle !"

Elle poursuivit plus rapidement en signant :

"Et toi, tu es Claire la muette... Je t'ai observée. Bien observée. Tu ne m'as pas vu. Personne ne me voit. Mais j'étais là. Ce jour là avec la fille et la chute à la piscine. J'aime la piscine. Je déteste la piscine. Ca me rappelle ma voix avant que je croasse. Et que je déraille et que je défaille"

Julie s'approchait, toujours avec sa démarche aussi spéciale...

"Alors que compte tu faire, la muette ? Où comptes tu aller ?" ajouta t'elle avec ses signes saccadés et rapides.

"Où comptes tu a-ller ?" termina t'elle de sa voix inquiétante.

[Oui, merci.]

Claire fut parcourut d'un frisson alors que la femme parlait. Ce genre de voix lui avait toujours fait peur, depuis le jour où on lui avait dit qu'elle aurait peut être pu parler, malgré l'opération. Elle en avait peur, car elle imaginait qu'elle serait comme sa voix, à elle, si ses cordes vocales auraient bien voulut fonctionner. Les yeux de la muette quittèrent ceux de la folle pour se glisser vers ses membres supérieurs.

La piscine? La chute à la piscine? Le souvenir qu'elle avait tenté d'oublier, d'il y a si longtemps...Mais comment aurait elle pu oublier entièrement. Oui, Magalie. Les sourcils de Claire se froncèrent. Cette femme l'observait? Depuis combien de temps? Julie était présente ce jour là? Comment était-ce possible? Claire ne le savait pas. Mais quelque chose lui disait que Julie voulait quelque chose d'elle.

Les gestes rapides et saccadés de la femme rendirent l'interprétation de ce qu'elle disait un peu plus difficile pour Claire. Ce que disait Julie n'avait pas de sens. Ce qu'elle comptait faire? Aller travailler, voila ce qu'elle comptait faire. Où pourrait elle bien aller?

Claire sentait son coeur battre très fort contre sa poitrine, mais elle n'avait conscience que de son coeur et de sa tête. Le reste de son corps semblait figé sur place. Lorsque Claire remarqua que Julie s'approchait de plus en plus d'elle, elle reprit contrôle de ses jambes et s'éloigna vers le côté droit de la route, vers la rivière et l'usine, en signant:

"Je ne comprend rien à ce que vous dites. J'ai eu de la chance à la piscine, cette journée-là, simplement. Heureusement."

Alors que son esprit lui disait de s'enfuir à toutes jambes, Claire redevint intriguée par la femme. Elle se mit à observer Julie. Elle ne pouvait pas être si dangereuse si elle l'observait depuis longtemps sans rien lui faire. Comme si c'était une maladie, sa curiosité l'empêchait de partir, et elle demanda:

"Pourquoi m'observez-vous? Pourquoi pensez-vous que je ferais quelque chose de particulier? Que j'irais à quelque part?"

La petite voix derrière son oreille gauche lui hurlait de partir. Mais Claire enfonça plus sa tuque sur sa tête et attendit, son coeur battant toujours très fort contre sa poitrine.

La fille s'approchait encore un peu. Elle était maintenant au niveau de Claire.

"La chance ce n'est pas de la chance. Ce n'est jamais que de la chance. Ce qui nous arrive, arrive parce que ça doit arriver. Comme pour ma voix, ma précieuse voix, envolée !" signa t'elle.

Elle ajouta pour marquer ses propos un geste rapide vers le ciel.

Par moments, était ce une illusion d'optique, la silhouette de Julie semblait plus indistincte, comme plongée dans le même flou artistique que ses pensées.

"Je t'observe parce que je n'ai que ça à faire... La folle et la muette, c'est un duo comique ? Mais je t'observe parce que toi, tu as de la chance... De la chance de vivre comme tu vis. Et quand je te regarde le soir avant de te coucher, je m'imagine la chance que tu as..."

Julie s'arrêta et leva les yeux au ciel, comme possédée.

"Moi ce que j'avais c'est là haut. Ou là bas. Mais pas ici. Ici et maintenant, j'ai rien... Que toi".

Enfin reculant légèrement, elle termina de sa voix étrange et difficile :

"Je ssssuis ton an-ge gar-dien. Ou la vile créa-ture qui se tapit dans... ton so-mmeil. Je vis en-tre les batt-ements de ton coeur. Et je vais où tu vas. Mais où vas tu main-te-nant ?"

Claire observait la jeune femme, se demandant si ce qui se passait était vraiment réel. Certes, elle était étrange. Très étrange même. Claire ne comprenait pas tout ce qu'elle disait, mais y avait-il quelque chose à comprendre au fond? Elle laissa Julie s'approcher d'elle, avec un mouvement de recul. Les longs cheveux bruns de la muette qui dépassaient de sa tuque venaient la frapper au visage dû au vent froid qui venait de la rivière. Ses grands yeux bleus regardaient toujours Julie , mais la peur les animait maintenant.

Cette fille, qui se traite de folle elle-même, disait qu'elle l'observait même avant qu'elle se couche? Le soir! Chez elle! Claire sentit sa gorge se serrer, rien qu'a y penser. Était-elle vraiment en sécurité? Alors que quelques instants plus tôt elle le pensait, la muette n'en était plus si certaine.

Julie regardait le ciel, signant comme si elle ne s'en rendait même plus compte. Une émotion se mélangea à la peur de Claire. Julie était seule, disant n'avoir que elle. Elle sentit une vague de sympathie l'envahir. Une petite voix disait qu'elle devait l'aider. Mais Claire ne voulut pas l'écouter; elle avait trop peur maintenant.

"Tu me fais peur, Julie...", signa t-elle, tentant de rester le plus calme possible, en s'éloignant à reculons vers la piscine. Mais est-ce que Julie la regardait pour comprendre ce qu'elle venait de dire?

Le sang de Claire se figea dans ses veines lorsque la femme parla. Maintenant, elle n'avait plus peur. Claire était terrorisée. Sans réfléchir, la muette se mit à courir le plus vite qu'elle pouvait en direction de la piscine, direction opposée à Julie.

Claire arriva à l'entrée de la piscine, courant comme une dératée... Se retournant, elle put constater avec soulagement que Julie ne l'avait pas suivie.



Essouflée, elle aperçut son ami Bobby Martelli. Elle le connaissait depuis longtemps, c'était un habitué de la piscine et des blagues à deux dollars trente. S'ils habitaient la même ville, ils n'avaient pas fréquentés les mêmes établissements scolaires. En effet, au retour de Claire à Sunbury, Bobby suivait ses études dans un établissement spécialisé pour les élèves en difficulté...



Autre visage connu et sympathique, son amie Patricia Glenn... Elle c'était une sacrée nageuse ! Et une amie fidèle !

Bobby et Patricia, apercevant Claire lui firent un grand sourire et s'approchèrent d'elle.

"Alors qu'est ce qui t'arrive beauté ?" commença Martelli sur un ton amusé. "Tu te mets à l'athlétisme ?"

Si Patricia comprenait correctement les signes, la pratique de Bobby était plus rudimentaire... Je t'aime, bonjour, merci, ça va... Patricia faisait en principe la traduction. Si elle était absente, Claire devait alors tout écrire...

"Ah t'es en retard..." commenta Bobby tout fier de lui. "Et t'as du courir pour venir ici !"

Ce garçon n'avait pas inventé l'eau chaude mais il était plutôt gentil...

"En tout cas, moi ça va ! Et toi, quoi d'neuf ?"

Patricia avait l'air plus troublée. Elle connaîssait assez bien Claire et sentait en principe quand celle-ci faisait la clown pour détourner l'attention...

"Moi, ça va bien aussi" lâcha t'elle un peu perplexe. "Mais toi... On dirait que t'as vu un fantôme ! T'es sure que tout va bien ?"

Le garçon, quant à lui, pas très subtil, ajouta :

"Bon et on va faire quelques longueurs ? Ou on prend un soda avant ?"

[NdMDJ : En toute rigueur, seul le courtier peut compléter le blanc dans le BackGround des PNJ et les faire agir. Du coup, en toute rigueur tu ne peut écrire que Bobby a déchiré son maillot, qu'il a une mère, qu'elle lui en a acheté un nouveau... De même, tu peut écrire que "Claire tente d'entraîner Bobby" mais pas "Claire entraîne Bobby". Le post ne me dérangeant pas, je ne l'édites pas... Mais pour les prochains merci d'en tenir compte ! ]

Bobby débarqua le premier des vestiaires avec son immonde maillot rose. Il était grand temps que sa mère cesse de lui choisir ses vêtements ! Mais avec Bobby rien n'était gagné d'avance...

Patricia quant à elle s'était changée et avait, tout comme Claire, déposé ses affaires dans son casier puis l'avait verrouillée et avait brouillée le code de la serrure.

Autour de Claire, ses deux amis purent lire l'incident "Julie".

Bobby parut très gêné d'un seul coup... Pas très à l'aise du tout même...

Patricia fronça les sourcils, puis regarda son amie d'un air triste, sans remarquer le trouble du garçon :

"T'as rencontrée Julie la folle, quoi... Pauvre fille, elle est pas méchante, mais j'ai l'impression que ça s'améliore pas pour elle..."

Se tournant vers Bobby :

"Tu te souviens de Julie Mathews ? T'étais avec elle à ton école de..."

Elle marqua une pause, ne voulant pas froisser Bobby.

"Enfin tu vois ce que je veux dire... Mais bon ça faisait longtemps que j'en avais plus entendue parler... Tu sais, Claire, je connaissais son frère avant qu'il parte à New York, un gentil garçon..."

Elle avala sa salive :

"Mais avec tous les trucs horribles qui lui sont arrivés, elle a fini par perdre la boule... C'est drôle en tout cas, ça fait deux fois cette semaine que j'entends parler de la famille Mathews..."

Bobby étrangement grognon commenta, les bras croisés :

"Enfin, t'es même pas sure que c'était elle d'abord..."

[Je le sais maintenant. Merci.]

Claire allait s'attacher les cheveux, l'élastique entre les dents, quand Bobby arriva des vestiaires. Elle laissa tomber ses longs cheveux sur ses épaules, et l'élastique par la même occasion et posa ses deux mains sur sa bouche. La couleur était... vraiment... très... rose. Malgré tout, Claire trouvait que ça lui allait quand même assez bien. La jeune muette le siffla, le son résonnant dans la salle vide, couvrant le léger bruit des vagues de la piscine mais pas les clapotis et les exclamations des baigneurs.

Elle termina sa tresse rapidement, et se leva pour aller chercher sa planche avant de s'installer à nouveau à sa chaise pour écrire. Alors que ses amis lisaient, elle observa leurs réactions. Le malaise de Bobby intrigua Claire, qui fut ensuite distraite par la réponse de Patricia.

Donc, Julie n'était pas qu'un simple fruit de son imagination. Cette fille était une drôle de personne. Un drôle de personnage, presque. À un point tel que Claire s'était mise à douter alors qu'elle écrivait sur le bout de papier qu'elle existait vraiment. Étonnamment, elle n'avait jamais entendu parler des Mathews.

Ne pensant pas à Bobby qui avait de la difficulté avec les signes, encore plus quand elle y allait rapidement, Claire s'adressa à Patricia:

"Qu'est-ce qu'elle a? Je connaissais son frère? Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'elle soit comme ça? Quels trucs horribles, P? "

Claire soupira puis ajouta, les yeux sur ses cuisses pâles, dans ses pensées.

"J'avais presque l'impression qu'elle dépendait de moi pour quelque chose...Qu'elle attendait quelque chose de moi. Je me sens presque coupable d'être partie comme ça... J'avais peur."

Peut être que Julie était venu lui demander de l'aide, après tout. Et que, égoïste, elle l'avait juste laissé tomber. Claire s'en voulait; si elle n'était pas dangereuse en plus, elle n'aurait pas du la laisser tomber. La muette sursauta légèrement quand Bobby parlait, grognon. Elle griffonna rapidement:

Papier a écrit: Qu'est-ce que tu as, B?

Patricia réfléchit quelques instants.

"Son frère ? Tu voyais le mec au visage un peu flippant qui livrait les plateaux repas pour les vieux ? Ben c'était lui !"

L'indication rappela un vague souvenir à Claire. Un grand dadais, assez discret, d'une courtoisie à toute épreuve, qui ne manquait pas de saluer la jeune muette quand il la croisait d'un simple hochement du menton... Un peu inquiétant de raideur, mais ça, elle l'avait toujours mis sur le compte d'une timidité mal digéré... Elle ne l'avait pas vu depuis sacrément longtemps en revanche !

"Enfin, c'est étrange leur histoire de famille... Y'avait une autre soeur, Donna, je crois... mais elle j'sais pas trop ce qu'elle est devenue. Enfin, bref, il est parti à New York pour faire, j'sais pas trop quoi... Et il y a quelques jours, on m'a raconté qu'il lui était arrivé quelque chose... Comme j'étais pressée, j'ai pas pu creuser le sujet..."

Les baigneurs vaquaient paisiblement à leur occupation. Loin du sérieux et de la gravité de la conversation entre les trois jeunes.

"Ben, tu sais... Elle a pas eu une vie facile. Déjà, ils ont été élevés par leurs grands parents qui étaient assez âgés. Rapidement, ils se sont retrouvés à se débrouiller par eux même. Gordon, le frangin, s'occupait plutôt bien des deux filles... Mais Julie a toujours été... excentrique ? Ouais, c'est le terme..."

Bobby laissait traîner son regard dans le vague. Peut être les nageuses en bikini ?

"Elle avait une jolie voix, à ce qui paraîtrait... Une fois, j'avais parlé à des vieux qui m'avaient racontés qu'elle chantait toujours des chansons qu'elle inventait elle même... Des trucs rigolos, futés, pas les meilleures chansons du monde, mais juste le truc qui fait que tu es heureuse de vivre !"

Patricia s'emportait un peu. Comme pour que la chute de son histoire soit plus rude.

"Et un jour, elle a bu ce qui devait être de l'eau de javel ou un truc dans le genre... Enfin, tu vois le résultat ? Elle a fait pas mal d'hosto, elle a du mal à parler... et depuis, elle se fait très discrète... Elle a perdu la boule et franchement qui pourrait lui en vouloir ?"

Regardant Claire, Patricia termina :

"Elle voulait un truc de toi ? Tu sais quoi ? C'est bizarre, d'habitude elle est plus sauvage..."

Bobby quant à lui haussa les épaules en lisant le papier de Claire :

"Rien, rien, j'vais aller nager. Vous devriez faire de même plutôt que ressasser des histoires qui existent pas... A plus tard les filles"

Et il fit un plongeon dans la foulée, laissant Patricia et Claire en plan.

"Bizarre, franchement bizarre... Je vois pas comment elle peut te connaître autrement que de vue ?" commenta Patricia.

"Mais bon, comme je te dis, elle est quand même bien timbrée... T'arrête pas trop à ce qu'elle t'a dit. Même si c'est flippant. Parce que les fous sont toujours inquiétants"

La jeune fille avait le regard dans le vague.

"C'est quand même étrange qu'elle prétende t'observer alors que toi tu ne la vois pas... C'est même carrément flippant. Très peu de gens l'ont vu récemment, mais souvent elle semble assez au courant de tout ce qui se passe... Comme si elle ne se montrait que quand elle le voulait vraiment..."

Patricia se gratta la tête, réfléchissant à ce qu'elle pourrait ajouter :

"Sinon, je viens de penser à un truc : peut être qu'elle s'identifie à toi ? Tu sais... Elle a la voix détruite, tu es muette... Sa vie est un échec, toi tu t'en sors plutôt pas mal. CQFD. Elle fait une fixation sur toi"

C'est à ce moment que Claire se souvint que Patricia était la digne fille du Dr. Glenn, le seul psychiatre de la ville. D'ailleurs, son amie finirait surement un jour par devenir elle même psychiatre et reprendre le cabinet de son père avec la clientèle constituée d'un certain nombre d'habitants de Sunbury...

"Mais, ouais, elle te laissera pas tranquille, je pense..." marmonna t'elle, un peu préoccupée.

"Bon, tu as encore d'autres questions ou je peux aller nager maintenant ?" termina Patricia avec un grand sourire, comme pour détendre l'atmosphère qui commençait à devenir lourde et pesante...

Claire regardait toujours Bobby, d’un air distrait sans vraiment le regarder, alors que Patricia commentait ses théories. Elle avait de l’ambition, Patricia, et Claire était certaine qu’elle arriverait à devenir un aussi grand psychiatre que son père. Ou championne de natation. Ou les deux, pourquoi pas ! Claire la croyait quand elle disait que Julie n’était pas dangereuse, seulement inquiétante. D’abord, si elle le disait, c’est que c’était vrai ! À la dernière phrase de Patricia, Claire tourna ses yeux vers elle avec un grand sourire. Si c’était pour la rassurée, c’était réussit.

"Je te rappelle que c’est toi qui voulait savoir ce qui s’était passé", signa Claire avec un air amusé. "Allez ! Va te pratiquer pour nous gagner des médailles d’or !"

Pour lui montrer que tout allait bien, la muette fit un clin d’œil à son amie et se remit au travail. Elle enleva la serviette de bain de sur ses épaules car, le frisson maintenant passé, elle avait chaud à cause de la chaleur humide de l’endroit. Le sourire de Julie flottait dans son esprit, ainsi que les mots de Patricia, puis ceux de Bobby.

Julie chercha son ami des yeux. Oubliant l’étrange rencontre du matin et la discussion entre elle et Patricia, Claire se mit à se demander pourquoi Bobby avait réagit comme il l’avait fait. P avait dit qu’il avait été à l’école avec Julie, non ? C’était peut être pour ça. Avec un sourire amusé, Claire décida, qu’après le travail, elle allait lui offrir le Fanta et lui faire son plus beau sourire pour essayer de lui tirer les vers du nez. Il ne pourrait pas résister à un Fanta ! Et s’il ne mordait pas à l’hameçon, elle lui ferait une moue irrésistible.

Les épaules de Claire se secouèrent d’un rire alors qu’elle pensait à son plan diabolique. Plus détendue maintenant, Claire s’installa plus confortablement dans sa chaise et étira le bras pour sortir de son sac son sifflet rouge, qui allait si bien avec son maillot de sauveteur. Heureusement pour Claire, elle n’était pas du genre à trop s’en faire. Elle se remit donc à observer les baigneurs, comme son contrat de travail l’exigeait.

Patricia alla faire ses longueurs habituelles pendant que Claire veillait depuis son poste d'observation à la sécurité des baigneurs...

Le temps fila assez vite et aucun incident particulier ne vint agrémenter ce moment.

Finalement, la pendule marqua la fin de la journée de travail de la petite muette... Patricia vint la rejoindre, à l'heure dite, telle une sirène sortant de l'eau.

"Allez viens, on a un soda à offrir à Bobby, même si je sais pas où il est passé ce diable !"


Arrivée dans les vestiaires, Claire eut la désagréable surprise qu'un certain nombre de ses affaires avait disparu de son casier... Celui-ci était pourtant encore verrouillé au moment où elle l'avait ouvert : mais il manquait sa tuque et sa paire de chaussures... Bizarre, bizarre...

Si cet état de fait était inquiétant, au moins, en solution de rechange, Claire savait qu'elle pourrait prendre des sandales de piscine que cette dernière laissait à disposition pour les visiteurs.

Mais seules deux personnes connaissaient le code habituel de son cadenas : Patricia et Bobby.

Sortant de la douche et déjà changée, Patricia s'approcha de son amie :

"Alors, tu traines Claire ? On va chercher Bobby au bar de la piscine ?"

"T'es vraiment tête en l'air ma pauvre" commenta Patricia dans un grand sourire. "Faudrait que je t'emmène voir un jour mon père pour qu'il t'apprenne à mieux ranger tes affaires !"

En effet, ce n'était pas la première fois que quelque chose disparaissait parmi les affaires de Claire ces derniers temps. Des bibelots dans sa chambre. Des affaires pour la piscine. Si elle restait persuadée qu'elle ne les avait pas égarée, elle ne pouvait néanmoins pas s'expliquer comment elles avaient pu disparaître...

Rejoignant Bobby au bar de la piscine, les deux filles trouvèrent le garçon un peu plus enjoué que tout à l'heure. Il souriait de manière niaise en buvant un soda tout seul. Visiblement un truc le faisait marrer, comme souvent...

S'apercevant de la présence de Claire et Patricia, Bobby eut un frémissement et son soda se mit à trembler : un truc le perturbait.

"Salut les filles" finit il par dire, affichant un sourire large mais un peu faux.

"Désolé de pas vous avoir attendu... mais j'avais trop soif !"

Observant les chaussures atypiques de Claire, il commenta néanmoins :

"Jolies godasses"

Bobby haussa les épaules en lisant le premier papier de Claire.

"Bah, les filles faut faire comme moi et voyager léger ! Un seul slip pour la semaine, une paire de chaussettes par mois et voilà un homme comblé !"

Mais malgré le fait qu'il tentait de faire de l'humour, il ne semblait pas plus enjoué que ça...

Patricia afficha une petite moue dégoutée de fille de la bonne bourgeoisie de Sunbury. Se concentrant sur son soda, elle se reprit et lança, doctement :

"Enfin, je crois que là, c'est un acte manqué de notre amie Claire... Cette rencontre avec la folle, ça l'a secouée on dirait !"

Le ton était neutre mais Claire savait que son amie plaisantait... à moitié.

Le second papier quant à lui laissa Bobby interdit, la bouche ouverte dans une expression de stupidité totale.

"Ben euh... non, ça va quoi" commença t'il en bégayant.

Son verre tremblait à nouveau. Comprenant qu'il ne pourrait feindre l'indifférence plus longtemps, il ajouta en baissant les yeux :

"OK... C'est cette tarée que t'as vue. Ca me plait pas. Pas du tout en fait. Promets moi de l'éviter. De ne plus la voir. Et de ne pas lui parler. Et si elle te parle, ne l'écoute pas, elle fait rien que raconter des mensonges et j'en sais quelque chose !"

Bobby était énervé. Claire ne l'avait jamais vu comme ça. Et Patricia, non plus visiblement...

C'est à ce moment que la jeune muette remarqua quelque chose de surprenant : au pied de la chaise de Bobby se trouvaient les chaussures de Claire ainsi que sa tuque... Et aussi étonnant que ça puisse paraître, Claire était presque sure qu'elles ne se trouvaient pas là il y a quelques minutes...

De plus un tout petit objet qu'elle ne put identifier était posé sur sa tuque à côté d'un post-it...

Bobby ne se tenait plus en lisant le dernier papier de Claire.

"Qu'est ce qu'elle m'a fait ? Hein, qu'est ce qu'elle m'a fait !"

Constatant que son ton était un peu trop élevé et qu'il attirait les regards sur eux, il reprit plus calmement...

"C'est une folle c'est tout... A l'école, elle se moquait tout le temps de moi. Et, elle me haïssait... Oui elle m'a trompé et puis menti et encore trompé... Elle s'est bien foutue de moi, cette timbrée..."

L'air triste, perdu au fond de son verre, Bobby ajouta :

"J'te jure, si je la recroise, elle passera un sale quart d'heure... Je lui montrerai de quel bois je me chauffe..."

Patricia quant à elle ne bougeait plus. Ne disait plus rien. La situation semblait la gêner profondément.

A la question sur les objets, Bobby haussa à nouveau les épaules pour montrer qu'il ne savait fichtrement pas d'où ça pouvait bien sortir...

Le petit objet était un bibelot qui avait disparu de la chambre de Claire voilà quelques temps déjà.

Quant au post-it... Il y avait écrit d'une main maladroite et hasardeuse :

"Rendez vous à l'endroit de ce matin. Tu veux récupérer tes affaires. Je veux voir ton ami au slip rose 10 minutes. Ton ange..."