A la recherche d'un calmant

~Banlieue

Iacobo venait d'entrer dans l'infirmerie , plus que pale , de marbre et tremblant . Un etudiant quelconque de l'Institut l'aurait surement pris pour un cadavre precocement sorti de la morgue . Il chuta sur le carrelage , se releva avec peine , crut voir un homme dans le coin mais finalement pas . Tout allait mal , tres mal .

Comment avait-il fait pour revenir bredouille ? Sa crise de manque empirait serieusement .

Sa main tremblante finit par plonger dans la poche arriere de son jean : le communicateur . Il selectionna le choix Cassandre puis tapota rapidement , tant qu'il le pouvait encore :

"Cassandre , j'ai besoin de vous , de medicaments , vite "

[Couloirs entre les chambres de River et Wind et Kitty et Kim ]

Et ils y étaient allés, finalement. Kitty avec son milk-shake dans une main, son violon dans l'autre, Joachim avec son bras blessé, et sa guitare et Wind... Wind sans rien de particulier, sinon une foule de questions restées sans réponse qu'elle espérait pouvoir poser bientôt, et des inquiétudes concernant sa cadette, partie trop précipitamment pour que cela fût anodin.

Le trio parvenait au couloir menant à l'infirmerie, et en vue de la pièce recherchée, l'anglaise s'immobilisa, ses mains se posant sur les épaules de Kitty pour l'empêcher d'avancer davantage. Il n'était pas beau à voir, pire encore que le soir au crépuscule, où il avait été complètement défoncé. La londonienne était loin d'être une pro concernant les états de manque et tout ce qui concernait le monde de la drogue, mais à l'évidence, il valait mieux rester à l'écart : le serbe faisait peur, plus pâle encore qu'elle-même, fébrile.

Il appelait Cassandre par le biais de son communicateur, et sans vraiment s'en rendre compte, la blonde fit de même.

- Miss Deneos, c'est Wind... Je crois en effet qu'on a besoin de quelqu'un au plus vite à l'infirmerie pour Iacobo...

Quel veine... Ils venaient à l'origine pour trouver simplement de quoi faire passer les douleurs de l'inconnu guitariste et de la stryx, du paracétamol, sans doute, pour éviter les risques d'allergies, cette molécule étant bien moins allergène que l'aspirine, mais à présent, quelque chose lui disait que ça n'allait pas être si simple finalement...

Kitty marcha devant Wind, tenant dans une main son milk-shake et de l'autre son violon. Elle avait toujours mal à la tête mais la douleur était un peu moins forte que lorsqu'elle était dans le jardin. la petite fille marcha en silence vers l'infirmerie. Cela allait faire deux fois en trois jours qu'elle s'y retrouvait. De plus elle se demandait encore ce que faisait son parrain. Et s'il montait dans les chambres? Mais de toute façon, elle restera pas à l'infirmerie cette fois. Wind lui donnerais un médicament contre la douleur et après ça irait mieux. Et elle pourrait retourner au barbecue. Du moins c'est ce qu'elle espérait. Tout en marchant, la fillette regarda le jeune homme qui les accompagnait et lui fit un sourire. Ils arrivèrent très vite devant l'infirmerie mais alors que Kitty allait entrer dans la pièce, elle sentit que Wind la retenait par les épaules. Au début, la fillette ne compris pas pourquoi mais lorsqu'elle vit Iacobo, Kitty se recula contre sa grande sœur de cœur. la pâleur et les tremblement du jeune mutant faisait peur à la petite fille. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait n'ayant jamais était confrontée à des drogués. Elle savait ce qu'était la drogue mais son éducation faisait qu'elle n'en avait jamais vu les effets.
Lorsque Wind eut finit d'envoyer un message à Cassandre, la fillette se tourna vers Wind et d'une voix inquiète, elle lui demanda:

"Wind, qu'est ce qu'il a? Il est malade? S'il est malade, il faudrait peut-être appelé le docteur Fleury? Il le soignera comme ça."

Kitty resserra son étreinte sur son violon. Elle regarda Joachim. Ce dernier semblait avoir mal à son épaule. La petite fille lui fit un petit sourire. La douleur se lisait sur son petit visage enfantin.

Douleur atroce , Iacobo agonisait contre un mur de l'infirmerie , en attendant sa sauveuse du jour , l'infirmiere aveugle dont il esperait qu'elle ramenerait de quoi le calmer .

Les crises de manques n'etaient arrivees qu'une ou deux fois a Iacobo , et jamais dans ces propensions : a chaque fois que le besoin s'en etait fait sentir , un genereux donateur n'etait jamais loin .

Plus de stock dans sa chambre , rien de disponible dans la rue , un tremblement , deux tremblements .

Il ouvrit grand ses yeux rougis lorsqu'il vit Wind rentrer dans la piece .

Il eut un mouvement de recul par automatisme , se jetant sous la couchette pour se cacher , de facon totalement inutile .

Il la vit empecher Kitty de rentrer dans la piece , la petite fille l'observa inquiet , comme ces monstres obscurs qu'on lui avait decrit dans les histoires . Il vit aussi venir son compagnon de cellule travesti , apparement blesse au bras qui voulait prendre les choses en main .

"Bon alors voisin, je suis désolé je vais devoir t'aider, mais en même temps tu ne créverais pas d'un manque ! Allez viens te caler sur un lit tu seras mieux pour attendre et tu seras moins choquant."

Il lui tendit la main gauche . Il la rejeta violemment , se leva tant bien que mal avant de s'ecrouler devant le mur d'en face . Sa jambre gauche effectuait des petits cercles tremblants sans son consentement . Il ricana doucement :

"Etrange comme cette jolie mannequin a la manie de me rencontrer dans les moments les moins glorieux de mon existence ... C'est pas grand chose , un petit rhume qui se guerit mal .. haha .

Ecoute Joe , je n'ai rien contre toi , tu es un relativement bon buveur de vodka d'ailleurs , mais ... tu ne viens pas au meilleur moment si tu souhaitais que je danse la polka pour accompagner ta guitare , tu vois ce que je veux dire ?

Prenez vos trucs ... Toi tu n'as pas de chance , tu dors dans mon antre . Mais les deux filles , elles ne meritent pas ca Joe , elles ne vivent pas dans le meme monde , je suis souille , pas elles . Elles meritent mieux que de voir un pauvre junky crever sur les dalles froides d'une infirmerie .

TU VOIS CE QUE JE VEUX DIRE JOE ? JE VAIS CREVER , ENFIN ! "

Il avait fini en geulant a s'en dechirer la voix , virant a l'aigu minable. Son visage se contorsionnait en moues effroyables , il s'en voulut de ne pas etre seul .

Il tomba par terre , son corps se convulsa en tout sens , il tenta de dire un mot mais celui ci se traduisit en un gargouillement inaudible : l'inevitable crise d'epilepsie . Tous ses membres fouettaient le sol sous la violence de la crise .

Il eut un instant de lucidite : "Ha Wind , tu devrais chanter un morceau du Requiem , cela ferait une belle scene finale , une tragedie comme on en fait plus , dans ce monde digital ..."

Les crises reprirent de plus belle .

Iacobo s'était emporté sur Joachim rejettant sa main, il pouvait le comprendre. Voyant et constatant son état de plus près. Constatant qu'il était finnallement désespérant et navrant, mais surtout vraiment en manque. Il ne voulait pas se retrouver come ça devant un public, surtout pas un public féminin. Joachim pouvait le comprendre, il alla vers l'armoire à infirmerie, Wind n'avait toujours pas bougé. Il en sortit un tube de paracétamol, il pouvait à priori donner ça à quasiment n'importe qui sans risques d'allergie. Wind n'avait pas bougé. Il se dirigea vers elle, lui donna le tube de paracétamol et lui dit :

"Allez-y. Il a raison sur un point, Kitty et vous ne méritez pas de voir un tel spectacle. Ne vous inquiétez pas et prenez soin de Kitty. Ca ira pour moi."

Il sourit, fermant les yeux et la porte en gardant la même expression. Il se retourna ensuite vers la pièce et observa Iacobo se convulsant sur le sol.

"J'ai bien peur que tu ne tiennes pas sur un lit et que tu tombes si tu es aussi haut, tu vas souffrir. Il jeta le matelas au sol et dis à Iacobo essayes au moins te mettre là-dessus pour l'instant, je voudrais éviter que tu te blesses inutilement. Si tu dois mourir il faut être beau pour la faucheuse. Même si je ne pense pas que ce soit ton futur immédiat. Je vais voir ce que je peux trouver dans l'armoire..."

Il avait toujours très mal à l'épaule, aussi son bras droit pendait lamentablement alors qu'il se dirigeait vers l'armoire... Il ne savait pas vraiment pas quoi donner au junkie. Il sortit son communicateur et contacta Kitty il fallait quand même poser une question....

(Dans le communicateur)"Excuses-moi Kitty. Tu pourrais me dire ou demander à Wind qui je peux contacter pour avoir des informations médicales précises le plus vite possible?"

Décidement il était perdu, il ne savait pas du tout quoi prendre et quoi donner à celui qui allait mal un peu plus loin. Il était inquiet, son voisin n'était pas méchant, mais s'il se montrait trop attentif avec celui-ci, il n'accepterait pas son aide. Hors il souffrirait beaucoup mais ne mourrait pas d'un manque de drogue.

Kitty n'eut pas le temps d'avoir une réponse de Wind qu'une scène étrange se passa devant ses yeux. Iacobo disait des paroles que la petite fille ne comprenait pas complètement. Il lui faisait de plus en plus peur. Lorsque le jeune junkie se mit à crier qu'il allait mourir, la petite fille prit encore plus peur et lâcha le verre de milk-shake qu'elle avait à la main. Ce dernier s'éclata par terre. Sa respiration commença à se faire irrégulière. Elle voyait le jeune homme s'agiter sur le sol. La fillette ne comprenait pas ce qui lui arrivait mais cela avait l'air d'être grave. C'est alors que Joachim ouvrit la pharmacie et tendit un tube de paracétamol à Wind. Il leur demanda de le laisser, qu'elles n'avaient pas à assister à un tel spectacle. Les paroles du jeune mutant rassurait encore moins Kitty. Puis Joachim ferma la porte de l'infirmerie. Le crissement des bouts de verres intensifia la douleur que ressentait la petite fille. Une larme perla sur la joue de la petite fille. Elle se tourna vers Wind et alla se blottir dans ses bras. D'une voix angoissé elle lui demanda:

"Qu'est ce qu'il a Iacobo? Il va pas mourir dit? Il a dit n'importe quoi?"

C'est à ce moment là que le communicateur de la petite fille se mit à vibrer. Kitty espérait que ce soit son parrain qui l'appelait pour savoir où elle était. Mais non, c'était juste Joachim qui lui demandait quel professeur il pouvait contacter pour avoir des informations médicales le plus vite possible. La petite fille utilisa son communicateur pour répondre. Elle n'était pas rassurée et voulait rester dans les bras de sa grande sœur. Elle répondit à Joachim avec une voix angoissée et inquiète:

"Il faux appeler le professeur Fleury. Il est docteur."

La respiration de Kitty était encore un peu irrégulière. La petite fille resta blotti dans les bras de Wind attendant quelques paroles rassurantes sur le sort de Iacobo.

[Wind elle aurait déjà bougé, si vous lui en aviez laissé le temps... Je sais bien que je suis pas là tous les jours, mais si vous m’aviez attendue un minimum, j’aurais pu la jouer autrement... Là, c’est complètement bancal ses réactions, mais tant pis, c'est moins pire que la statue de marbre que vous faites d'elle... ]

La voix de Kitty n’était pas rassurée, ni rassurante, et pourtant Wind tâcha de rester calme. Ne pas effrayer davantage la fillette, c’était l’essentiel. D’ailleurs, ce qu’elle disait était des plus judicieux, et l’anglaise actionna de nouveau son communicateur, non plus en direction de Cassandre, mais à destination d’Olivier Fleury. Après tout, c’était celui qui s’apparentait le plus à un médecin ici… Elle n’avait pas vraiment besoin des propos de Joachim pour songer que c’était une scène à laquelle sa petite protégée n’avait pas besoin d’assister, et lui aussi évoquait un médecin d’ailleurs. Les grands esprits se rencontrent. Là, ils étaient trois manifestement. Et malgré ses propos, la voix de la londonienne semblait relativement calme. Relativement. Qui la connaissait vraiment bien aurait noté le sentiment d’urgence qu’elle ressentait. Cloud l’aurait repéré. Mais parmi les personnes présentes, parmi même les professeurs, elle n’était pas sûre que cette toute petite pointe aiguë dans sa voix se fût réellement entendue.

- Docteur Fleury, nous aurions besoin de vous d’urgence à l’infirmerie.

Pourquoi le serbe avait-il eu un tel mouvement de recul ? Elle l’ignorait, mais depuis la première fois qu’elle l’avait rencontré, elle n’avait jamais vraiment bien compris les réactions de Iacobo. Alors dans cet état... Elle n’était pas dupe. Un petit rhume, mais bien sûr... Elle leva les yeux au ciel, et tenta de se concentrer sur ce pour quoi elle était venue là, attirant Kitty avec elle vers un placard où elle avait trouvé quelques jours plus tôt de quoi soigner la coupure d’Alicia. Elle farfouilla quelques secondes dans les tiroirs, et en sortit du paracétamol. Et des anti-inflammatoires, certains à base d’ibuprofène, d’autres à base de paracétamol, caféine et codéine, pour le blessé à l’épaule démise. Qu’il choisisse.

C’était avant que Iacobo hurle. Avant qu’il ne convulse. Elle laissa aussitôt tomber ce qu’elle tenait en main, et attira Kitty vers elle – la fillette avait d’ailleurs laissé échapper le milk-shake gracieusement offert par les filles en haut – puis elle s’agenouilla près d’elle, et l’empêcha de regarder cette scène pour le moins désolante.

- Reste près de moi Kitty… lui souffla-t-elle à l’oreille.

Joachim confirmait les dires de Iacobo, et si elle était d’accord pour ce qui concernait la Stryx, elle se fichait éperdument de ce qu’ils pouvaient croire la concernant : elle avait peut-être été suffisamment protégée, entourée, pour ne pas avoir à affronter la misère humaine tous les jours, mais elle n’était pas en sucre non plus. Elle récupéra machinalement les médicaments que le jeune homme lui tendait, ses prunelles restèrent un instant sur la boîte, et elle hocha la tête. Il les dirigeait vers la sortie, et elle se laissa conduire, bien qu’elle se tournât vers le serbe avant que la porte ne se referme pour lui déclarer :

- Je chanterai le requiem de Mozart à un enterrement, Iacobo. Tu n’es pas encore mort… L’oraison funèbre, ça sera pour une autre fois.

Une fois la porte refermée, Kitty se jeta dans ses bras et s’inquiéta du sort du serbe. Comment lui expliquer ? La blonde réfléchit un moment avant de répondre, laps de temps qui avait servi à la fillette à répondre à Joachim pour citer le nom du professeur Fleury.

- Je ne pense pas qu’il va mourir, mais il est assez mal en point en effet. Il lui faut l’assistance du Docteur Fleury, c’est pour ça qu’on l’a appelé, n’est-ce pas ? Rassure-toi, tout va s’arranger dès qu’il sera là.

La respiration irrégulière de l’enfant ne rassurait guère la X-Rays, qui resta un moment les bras autour du corps de sa protégée, espérant qu’un peu de réconfort aiderait à la détendre un minimum. Et lorsque la fillette se détacha un peu d’elle, elle lui prit la main, pour quitter l’infirmerie, retrouver une de leurs chambres où elles seraient certainement plus au calme. Elle actionna pourtant une fois encore son communicateur à l’attention de Joachim, dont elle eut un peu de mal à trouver le nom.

- Il y a certainement des anti-inflammatoires qui pourront te servir par terre… celui à base de codéine, il endort un peu, l’autre est plus classique, à base d’ibuprofène. Comme ce sont deux molécules différentes, tu peux prendre l’un de suite, puis l’autre un peu après, laisse juste au moins 4h entre chaque prise de la même molécule. Enfin sauf si t’es allergique à quelque chose. Pour le reste, comme l’a suggéré Kitty, c’est le Docteur Fleury qu’il vaut mieux appeler, je lui ai demandé de venir de toute façon…

Une main dans celle de l’enfant qui n’avait plus droit à son milk-shake finalement, l’autre serrant la boîte de paracétamol, elle guida la fillette vers les escaliers.

[ Chambre de Wind si ça te va Kitty]

[Pas de problème Wind, je te suis.]

Kitty resta dans les bras de Wind. Sa présence rassurait la petite fille ainsi que ses paroles. Elle avait raison. Le docteur Fleury allait venir et soigner Iacobo. Ses maux de tête n'avait pas diminué. La fillette remarqua que sa grande sœur de cœur la gardait dans ses bras. Son contact tranquillisa le petite StryX. C'était différent de celui de son parrain. Il était beaucoup plus maternel. Kitty commença à se calmer et à se détendre. Sa respiration se fit plus régulière. Après quelques minutes, la petite fille se détacha de la X-Rays. Wind en profita pour la prendre par la main et partir en direction des chambres. Finalement, la fillette n'avait même pas pût gouter au milk-shake. Elle espérait que le docteur Fleury ne la gronderait pas parce qu'elle l'a fait tomber dans l'infirmerie et qu'il y a de la glace et des morceaux de verres de partout. Elle entendit Wind donner des indications à Joachim pour soigner son épaule. Serrant la main de sa grande sœur et son violon avec l'autre, elle la suivit en silence.

[ Chambre de Wind]

Institut

La conversation que Cassandre avait eu avec Anna avait soulevé des questions auxquelles la psychologue avait décidé de trouver réponse auprès du principal intéressé. C'est alors qu'elle se dirigeait vers le bureau d'Olivier qu'elle reçut les messages de Iacobo et Wind l'un à la suite de l'autre. Elle tourna immédiatement les talons et se dirigea aussi rapidement que possible - en longeant les murs - vers l'infirmerie.

Il lui était inutile de trop s'interroger sur ce qui avait pu motiver l'appel du jeune serbe. Elle ne savait que trop bien qu'il s'était jusqu'ici moqué ouvertement de ses conseils, à ses risques et périls... Pourtant, elle se demandait pourquoi il l'avait contactée elle et non directement Olivier, qui était nettement mieux placé pour faire face au problème du point de vue médical, et à qui il n'avait jamais eu directement à faire depuis son arrivée. C'est ce détail qui l'empêcha d'appeler immédiatement Olivier. Un examen rapide de la situation via son pouvoir lui indiquait clairement que l'état de Iacobo n'avait rien d'anormal. En réalité, son corps ne faisait que subir les effets de son retour à la normale, rien de plus naturel. Par égard pour Iacobo, elle descendit donc seule à l'infirmerie, le temps d'avoir le coeur net sur la volonté du mutant.

Les lèvres pincées, elle croisa Wind et Kitty, auxquelles elle hocha simplement la tête, signe qu'elle avait enregistré leur présence, puis entra dans l'infirmerie et referma la porte derrière elle.
Une odeur âcre de sueur froide se mêlait à celle, médicamenteuse de l'infirmerie.
Il y avait à peine quelques jours, elle avait elle-même séjourné ici sous la surveillance nocturne d'Adam et Olivier. Cette pièce était décidemment plus fréquentée qu'elle ne l'aurait souhaité.
Elle tira une clé de sa poche et la tint quelques secondes devant elle.

"Tu auras du mal à trouver ce que tu cherches sans la clé, Joachim." dit-elle simplement au jeune homme. Les yeux fermés, elle fit quelques pas pour rejoindre le jeune homme jusqu'à l'armoire à pharmacie, que les professeurs gardaient fermée. Avec des gestes lents et précis, elle déverrouilla la serrure, puis s'écarta pour laisser le français se servir.

"Prends ce dont tu as besoin pour ton bras et retourne au rez-de-chaussée, s'il te plaît. Ne t'en fais pas, son futur immédiat, c'est plutôt une discussion avec moi." dit-elle doucement avec l'ombre d'un sourire se voulant rassurant, avant de s'approcher du lit jeté au sol que Joachim avait préparé pour son compagnon de chambrée.

Elle attendit que le français termine ce qu'il avait à faire et quitte la pièce, puis s'accroupit au niveau du matelas pour être au même niveau que son interlocuteur. Sur son visage d'albâtre ne figurait que son éternelle expression neutre, absence d'expression. Elle ne tenait pas à culpabiliser inutilement le jeune homme dans un moment de faiblesse : s'il voulait s'en sortir, c'était à lui de le décider. Les "je te l'avais bien dit" ne faisaient également pas partie des manières de la jeune femme, qui avait pourtant bien des occasions d'utiliser ce pic mesquin de par son pouvoir.
Non, au lieu de cela, elle s'était présentée au chevet du serbe, répondant à son appel au secour sans contrepartie.
Son métier lui avait permis de cotoyer des jeunes de tous les horizons, aussi avait-elle déjà rencontré des cas similaires à celui de Iacobo.

"Je suis là, mais les calmants ne te seront pas d'une grande aide dans ton cas, tu sais..." dit-elle calmement.

"La sensation de manque s'estompera si tu restes sobre, c'est la seule façon de te débarrasser de cette douleur durablement. J'ai bien peur de ne rien pouvoir faire de plus..." continua-t-elle.

"... mais je suis là."

La solitude dans laquelle s'était emmuré Iacobo transparaissait dans la détresse qu'il affichait à l'instant. Par cette dernière phrase, elle offrait à nouveau son soutien au mutant malgré son rejet évident d'autrui, et malgré l'aversion du jeune homme pour tout ce qui pouvait ressembler à un symbole de l'autorité. Cela n'avait jamais été sa fonction dans l'école, et les autres professeurs avaient bien plus de charisme en la matière qu'elle, mais étant adulte, elle se doutait de l'amalgame qui pouvait être établi. Mais elle n'avait pas le coeur à laisser le jeune homme affronter seul ses démons.

Cassandre etait finalement arrivee , degageant subtilement son camarade de chambree en lui donnant tous les medicaments necessaires .

Iacobo s'adossa tant bien que mal contre un mur , des spasmes le prenaient regulierement mais son epilepsie s'etait calmee . Son polo etait trempee , ses cheveux plaques contre les tempes , le regard morne plongee dans celui de la psychologue qui n'en etait pas vraiment un .


Il l'ecouta parler , il l'observa . Voix calme , posee , pleine de sang froid . Sans compter ses yeux etranges , percant a jour tous ces adolescents gothiques amateurs de death metal en mal d'amour qu'elle avait probablement soigne . Oui , le serbe devait l'admettre , elle avait les caracteristiques requises pour sa profession .

Ce qu'elle lui dit pouvait se resumer de la maniere suivante : tu peux crever pour avoir un medicament , par contre je suis la pour te bichonner et faire fondre ton coeur de glace de gros dur du ghetto .

Son esprit etait embrume , le manque se faisait ressentir violemment , le prostitue etait a fleur de peau . D'ou le ton meprisant qui suivit :

"C'est pas vrai ... on ne peut pas me shooter aux foutus medocs comme n'importequel junkie !

Fasciste ... G.I ! Il n'y a pas du subutex , de la farine ... merde .
Ecoutez... mes excuses pour cette violence temporaire , mais je suis UN CAME ADORATEUR D'HEROINE !

Oui oui , je vois bien ce que vous pensez . Structure familiale chaotique , environnement negatif , enfant laisse a l'abandon , drogue , prostitution ... CHAOS !

Vous voyez ce 2+2=5 tatoue dans mon dos ? Miserable tentative pour calmer mon mal ! Personne n'est unique dans ce monde , c'est terrible . Plus nous progressons plus nous nous ressemblons . Je suis tombe dans le piege de la subversivite : on pense pouvoir se demarquer en sortant du rang mais on ne fait qu'en former un nouveau .

Et meme ce statut de mutant la ! Ca nous rend different ? Connerie ! Tous pareil , je veux de l'hero !

Ha ha ... milles excuses . Vous me rappellez certaines de mes clientes , a peine nes qu'elles ont l'impression que le monde leur appartient , pas de doutes avec elle , c'est tres rassurant ce genre de sentiment protecteur . Au dela du fait que vous soyez une femme sexy , je vous prefere a ces petits pretentieux d'ingenieurs crados qui reignent ici bas . Hu la , je m'avance trop , ils sont probablement vos amis "

Il se passa une main sur son front fievreux :

"Alors Belle Dame , que me conseillez vous ? "

Au vu de la vigueur du délire de Iacobo, Cassandre se rassura immédiatement sur son état de santé. C’était déjà ça. Il semblait affaibli, fièvreux, mais il lui restait la verve nécessaire aux diatribes auxquelles il l'avait habituée depuis qu'il était arrivé à l'institut. Un peu plus et elle aurait souri de le retrouver égal à lui-même, mais malgré un frémissement au coin de ses lèvres, elle se garda bien de se laisser aller : ce n'était guère le moment.
Elle le laissa se défouler avec la patience tranquille d'un pêcheur. D'une traite il lui révéla bien plus sur lui-même qu'elle n'aurait pu le pousser à confier.
Les propos parfois insultant qu'il tenait ne suscitaient pas grand chose en la jeune femme, même si ses derniers commentaires sur son sex appeal et ses collègues (faisait-il allusion à Olivier et Adam ?) aurait dû l’outrer. Elle devait bien admettre que ses paroles étaient pour le moins équivoques et la destabilisaient pour le coup, elle qui était si droite et introvertie. Dans la bouche d’un élève, c’était presque aussi gros que d’imaginer Olivier lui faire une déclaration ou Myou danser les claquettes. Pourtant, cela lui rappela vaguement une situation qu’elle avait déjà connue peu de temps auparavant dans son bureau. De même, l’évocation supposée d’Olivier et Adam n’était pas flatteuse, même pour un toxicomane en pleine crise.
Mais Iacobo finit par se calmer. Peut-être que son discours l’avait exténué. Elle nota cependant avec satisfaction qu'il finissait par lui demander explicitement conseil.
Elle resta silencieuse quelques instants pour faire le tri dans tout ce que le jeune homme avait dit, et pour écarter ses propres sentiments de l’équation.

"Eh bien, tu te doutes certainement de ce que je vais te conseiller en tout premier lieu, Iacobo. Il est normal de vouloir se sentir unique, différent des autres. Mais il y a bien d’autres façon de se démarquer du lot. Je ne t’ai jamais considéré comme une victime, je pense que tu vaux bien plus que ça. S'il y a des facteurs qui expliquent ton comportement, ils ne le justifient pas nécessairement." dit-elle en se relevant lentement. Elle se dirigea vers l'armoire à pharmacie, en tira un tube dont elle retira un cachet blanc, prit un verre sur la table roulante, alla le remplir au robinet, puis se rapprocha à nouveau du jeune mutant.

"Tu veux nous montrer qui tu es réllement ? Dans ce cas, ne te laisse plus ronger de l’intérieur. Pire que de te tuer à petit feu, ça dégrade ta personnalité, l'image que tu renvoies aux autres. Si tu mourrais à l’instant, quel souvenir crois-tu que tu laisserais derrière toi parmi nous ? Certainement pas celui d'un être exceptionnel... Tu as bien plus à offrir que cette façade factice." poursuivit la jeune femme comme si elle racontait une histoire. C’était plus ou moins le cas compte tenu de ce qu’elle pouvait lire du futur. Elle avait conscience de se trouver à un pivot temporel de la vie de Iacobo, un point charnière à partir duquel son futur se séparait en deux branches distinctes. C'était toujours assez déconcertant de se rendre compte de l'influence que pouvaient avoir de simples mots sur le futur d'un autre être humain, surtout lorsqu’on le fréquentait quotidiennement. Ce moment elle l’avait vécu assez souvent, mais avec une implication personnelle moindre la plupart du temps. Un profond respect pour le schéma cosmique en ressortait toujours et laissait pensive.

Du bout des doigts de sa main libre, elle traça le contours du verre qu'elle tenait pour en identifier les bords, puis laissa tomber le cachet, effervescent, qui se mit à crépiter dans l'eau.

"Demain matin, nous partirons pour l’Oregon. Je ne t’accepterai dans le groupe que si tu te présentes sobre et en pleine possession de tes moyens. J'aurais besoin de toi, de ce que tu peux apporter au groupe." dit-elle plus doucement en posant le verre, dans lequel le cachet avait fondu, près du matelas.

"C'est un somnifère. Ca devrait t'aider à te reposer, je crois que tu en as besoin, à toi de voir si tu le souhaites." ajouta-t-elle. Elle se tut, attendant une éventuelle réponse de la part du serbe.

Après un certain temp passé chercher parmi les boîtes dans la pharmacie. Joachim finit par trouver son bonheur. Une petite boîte d'antalgiques, enfin un qui n'était pas fait pour les douleurs légères et les mots de têtes. Il en sorti un cachet et l'avala. Le faisant suivre du contenu d'un verre d'eau. Il attendit un peu, la douleur s'estompait un peu, le médicament faisait effet. Il saisit son épaule. Ca faisait quand même mal. Il se tata d'abord un peu pour repérer le problème. L'épaule était bien dépoitée. Ce n'était donc pas grand chose un peu de manipulation de l'articulation et ça irait. Mais ça faisait mal, et ça ferit encore plus mal. Il prit une serviette, la torssada et serra ses dents dessus. Il prit son épaule à pleine main et la souleva la bougea un peu dans tous les sens, ça faisait affreusement mal. Heureusement que Cassandre s'occupait de Iacobo et que celui-là ne s'occupait pas du tout de Joachim, sinon celui-ci n'aurait pas pu être tranquille. Finalement il réussi à remboîter l'articulation dans une succesion de petit 'crac' finit par un 'crac' beaucoup plus sonore. Joachim bougea un peu son bras anciennement blessé. C'est bon, il bougeait et Joachim avait beaucoup moins mal. Il rangea les médicament, mis la serviette avec ce qu'il faudrait laver. But un coup et se dirigea un peu vers sa guitare.

Il s'arrêta un instant pour regarder Iacobo. Il espérait vraiment qu'il alait arrêter de consomer ce genre de substances. Il n'aimait pas voir son camrade de chambre comme ça. Il ne le connaissait pas bien. Mais il était interessant, il espérait qe ça irait mieux le lendemain.

"Je vous laisse. A ce soir Iacobo, ou plus tôt si tu veux."

Il attendit un peu, remis sa guitare sur son épaule et sortit de l'infirmerie. Il fallait qu'il s'excuse auprès des deux filles, et après il irait faire les courses avec Kim. En attendant il se redirigea vers les chambres.

( Chambre de Wind)

Les pupilles a demi closes du serbe observaient la psychologue .

Reponse claire , intelligente , Iacobo la classa dans son tableau imaginaire dans les membres de l"institut superieurs intellectuellement . Toutefois certains points de son argumentation etaient largement previsibles et irritants pour un junkie .

" Quelqu'un d'exceptionnel ... que d'ambitions ! C'est l'heure des grandes phrases : l'humanite ne m'a rien donne , je ne lui ai rien donne non plus , je mourrai seul mais d'abord je dois attiser cette nouvelle curiosite mutante . Conception difficilement comprehensible pour une adepte de la vie n'est ce pas ?

Je serai sobre pour la mission . Si on peut parler de mission... votre directeur m'a l'air assez receptifs aux techniques fascistes . De toute facon la brutalisation des esprits , ca n'est pas a ma pauvre personne qu'il la fera decouvrir , mais surement a mes nouveaux petits copains ... et peut etre vous ?

Quant a mes vices , je ne suis pas sur que vous soyez en mesure de comprendre , vous devriez essayer avec moi un de ces jours haha..."

Un discours termine sur une blague vaseuse et salace , tout a fait representatif du prostitue .

Il accepta le somnifere , le prit dans sa main . Se leva tant bien que mal , un tremblement le faisant vaciller sur le carrelage . Il s'appuya contre la porte , se retourna et plonga a nouveau son regard dans ses yeux aveugles . Que de vide !

"Allez , je vais deroger a la regle du jeune rebelle impoli . Merci mademoiselle , n'hesitez pas a monter un soir , mon collocataire comprendra parfaitement la situation . Les moments de tendresse et de sensualite , je suis encore capable de les realiser sobre hehe..."

~Chambre de Iacobo

Le chuintement du verre sur le carrelage informa la non-voyante que Iacobo s'emparait du verre, bruitant étrangement pour la jeune femme, la transformation de la ligne temporelle du mutant. Comme une mécanique bien huilée, un nouveau futur se mettait en place à l'insu de tous, enfin presque tous.
Oh bien sûr ça ne modifiait en rien l'état d'esprit du jeune homme, ce qu'il ne manqua pas de lui rappeler. Elle nota aussi mentalement que Iacobo désignait Adam sous le titre de directeur. Visiblement, il n'avait pas encore eu à faire à Olivier...
En l'état actuel des choses, elle avait décidé de temporiser sa décision, quant à si oui ou non, elle informait le directeur de l'état de Iacobo. Il était certes notoire à l'école que le jeune homme s'adonnait à toute sort de passe-temps illicites mettant sa santé en péril, mais en tant psychologue, si Olivier était son employeur, elle estimait que le secret professionnel devait être préservé... du moins tant que les choses progressaient dans le bon sens. Le mutant réfractaire avait été suffisamment paranoïaque et hostile à ses interventions à elle au départ, il était inutile d'en rajouter une couche en prévenant Olivier, qui tel qu'elle le connaissait, s'emploierait sûrement à surveiller de près sa santé. De plus, le directeur avait déjà tellement de soucis à gérer au quotidien...
Elle ne répondit pas lorsque le serbe fit allusion au choc qu'était censé provoquer ce qu'ils découvrirait à l'église de l'humanité. Elle avait vu par l'esprit plus d'horreurs que la plupart des gens et même si c'était à chaque fois difficile à supporter, elle s'était fait une raison. Avec un pouvoir comme le sien, c'était ça ou devenir fou, le dilemme du chêne et du roseau en quelques sortes.

Alors qu'il s'employait à quitter la pièce d'un pas incertain, la psychologue elle, s'employait à remettre la pièce dans son état originel en commençant par le matelas jeté à même le sol, qu'elle souleva d'un côté pour l'appuyer sur le sommier, avant de faire lentement le tour pour le pousser à sa place méthodiquement. Elle n'en demeura pas moins attentive à Iacobo. Malgré son éternelle lubricité, il eut une parole sincère qui la toucha profondément. Elle lui renvoya "son regard", ou plutôt le laissa sonder le sien sans mot dire, puis retourna la tête à sa besogne. Une fois dos à lui, elle se laissa aller à sourire doucement. Recevoir des remerciements d'une personne aussi peu reconnaissante d'ordinaire lui mettait du beaume au coeur. C'était le genre de petite phrase qui ne coûtait rien à dire, mais qui avait énormément de valeur aux yeux de la jeune femme.
C'était la deuxième fois qu'il lui faisait une proposition indécente, et même si Cassandre l'en savait tout à fait capable, elle le prit au second degré. Il était toutefois étrange d'entendre le mot "tendresse" dans la bouche du libertin.

"La consultation est gratuite." lui répondit-elle simplement, son sourire caché traînant encore dans sa voix.
Une fois qu'il fut sorti, elle remonta ses manches pour nettoyer les restes de Milkshake de Kitty de son mieux, rangea la pharmacie, la verrouilla puis quitta la pièce en direction de la salle de briefing.

Salle de briefing