Fin d'après-midi à barbotter

Terrain de sport

La couverture de Jenifer toujours nouée comme une cape autour de son cou, Ivy avait poursuivi son chemin pour faire visiter la piscine à Georgia, et tous ceux qui voudraient se décrasser dans l'eau. Sa bonne humeur était définitivement revenue pour le moment, aussi lunatique que le climat Irlandais. Le Sven Ascentionnel marchait du tonnerre, et ils allaient enfin être pénards à l'institut, loin des histoires de journalistes, d'anti-mutants et tout ce tralala bien agaçant.
Dans le calme de l'école, car malgré les pouvoirs qui s'y cotoyaient au quotidien, Ivy la trouvait un peu classique, elle allait pouvoir méditer sur sa verdeur et exorciser son corps, c'était une de ses priorités. La première étant pour l'instant de piquer une tête dans la piscine.
Tout en marchant, Ivy racontait à Georgia comment le jardin avait été dévasté pendant les journées portes ouvertes à grand renfort de signes, puis expliqua comment et avec qui ils l'avaient retapé. Un vrai moulin à paroles.

"... et donc tu vois là c'est la piscine. Enzo il s'en occupe parfois, donc c'est assez prop'. J'pense qu'il faut en profiter avant les mauvais jours, le temps est en pleine mutation lui aussi !"

Ce disant, elle dénoua la cape/couverture, la jeta à la figure de Georgia et se mit à courir vers la piscine comme... un artichaud qui se ferait un plaisir de sauter dans la cocotte minute. A environ 75,3 cm du bord, elle posa ses deux mains à plat par terre le long d'une ligne imaginaire pour faire la roue et atterrir à pieds joints dans l'eau toute habillée.
Un gros plouf plus tard, elle flottait sans effort sur l'onde comme une brindille dans un lac. Elle avait d'ailleurs l'impression de vachement flotter même...

"Hé ! J'peux plus couler ou quoi ?"

Jardins - Terrain de sport

Georgia comme allégée du poids de sa conscience était aux trousses de la belle rouquine, ses chaussures toujours à la main.

"Ma salade, j'essaierais ta catapulte dès que possible, mais PLEASE PLEASE PLEASE ne m'explique pas le concept... Si c'est aussi drole que le Sven Ascentionnel, je veux avoir la surprise !"

Les pas se faisaient plus pressés, plus rapides... A proximité de la piscine, Georgia fit un lancer de ses godasses dans les airs, espèrant les voir retomber très au loin.

La roue d'Ivy l'impressionna. Maintenant elle avait une image persistante de la rouquine en train de jouer au cochon pendu. Très drole...

Puis Georgia envoya valdinguer de même son malheureux TShirt dans les airs et plongea avec ce qui lui restait de fringues tête la première dans les eaux...

Remontant à la surface, elle entendit la plainte de son amie.

"Tu flottes ma belle, tu flottes..."

Se pendant au cou de son amie, la New Yorkaise ajouta :

"Tu seras ma bouée de sauvetage, la rouquine... Tu vois, tes nouvelles capacités viennent de préserver une vie de plus !"

Et c'était vrai qu'il y avait souvent du bon dans le changement...

Chambre

Un cri et quelque chose de gros volait en direction de la piscine...

- AAAAAAAAAHHHHHHHHH !!!!!!!!

PLOOOOUUUUUFFFFFF !!!!!!!

Une grosse explosion d'eau et un raz de marée qui balotta Ivy la buchette et Manqua noyer Georgia. Jenifer mit quelques secondes avant de refaire surface dans une grande respiration et une légère agitation avant de se calmer et de dégager ses cheveux. Elle jeta un oeil autour d'elle pour voir Ivy flotter et Georgia non loin.

- Purée Ivy ! T'aurais pu me prévenir que la branche était en mode catapulte plongeoir ! J'ai cru que j'allais m'étaler au sol comme une crêpe ! En plus chui toute habillée !...

Passé le stade du ronchonage, Jenifer se rendit compte de l'étrange couleur de sa colloc.

- Bah... qu'est-ce qui t'arrive ?! T'as essayé un nouveau fond de teint aux épinards ?

Jen nagea tranquillement pour se rapprocher.

Jenifer se mit à rire aux explications de sa colloc, ça faisait trop longtemps qu'elles n'avaient pas eu l'occasion de s'amuser ensemble. Et puis de toute manière à y réfléchir, Jen pourrai sécher ses vêtements rapidement...

Aux présentations, Jen répondit :

- On s'est déjà croisé avec Georgia, pas de sushi ! Mais bonsoir tout de même. Alors ça plouf ?!

Elles n'étaient pas colloc pour rien, depuis avant la rentrée ce la faisait bien assez longtemps pour que Jenifer sente le malaise. Il fallait croire que cette modification n'était pas volontaire. Pour tenter de briser le silence, Jen tenta :

- Ivy la plus belle plante de de l'Institut... faudrait juste que tu te mettes une fleur dans les cheveux... qu'est-ce que tu penses d'une fleur d'hybiscus ?! C'est super joli je trouve !

Apercevant soudain sur le bord de la piscine quelque chose de familier, Jen s'exclama :

- Eh mais... c'est pas ma couverture ça ?! Qu'est-ce qu'elle fait là ?!

La jeune mutante braqua ses yeux verts vers Ivy, elle attendait avec une patience infinie que la jeune irlandaise lui fournisse une explication, car c'était bien ivyesque comme phénomène...

Georgia refit surface. Jenifer venait de faire une bombe dans la piscine. Suite à un passage sur une catapulte ou un truc du genre située dans leur chambre à elles ? La New Yorkaise n'avait pas trop bien tout saisi le rapport entre ces mots et les faits.

Mais la réalité était humide.

Et fraiche. Très fraiche.

En plus, pour une raison un peu occulte pour qui venait de passer les dernières secondes à recracher de la flotte par les naseaux et autres orifices corporels, Ivy se remettait à tirer la tronche...

Avec quelques petits mouvements de mains et de pieds (des jeux de vilains en somme), Georgia se raccrocha au cou de la rouquine et lui déposa un baiser bien appuyé sur la joue. C'est tout ce qu'elle avait trouvé pour éviter une nouvelle crise post-existentialiste aigüe.

"Ben oui, avec Jenifer, on s'était vu à mon premier jour... Ca va bien, Miss ?"

Puis reconcentrant son attention sur Ivy :

"Il faudrait aussi un front de libération des vêtements. Pense à ces pauvres chaussettes, à ces pauvres slips de mecs toujours crados et toujours négligents à la sortie des toilettes..."

Georgia fit la grimace. Ces mecs ils étaient tous nuls. Et sales.

"Du coup, faudrait se libérer nous aussi d'un commun accord avec nos vêtements. Parce que les choses ont aussi de la conscience. La ceinture de sécurité a une certaine conscience morale parce que les conducteurs, ils sont tous nuls aussi, ne veulent pas lever le pied. Ben les vêtements c'est pareil. Avec eux, pas besoin de se laver ou d'entretenir son corps. Ce genre de choses... Et puis on en fait des trucs horribles. Comme des uniformes de sales flics fachos. Symboliquement ça craint. L'inconscient de ces pauvres vêtements doit être au plus bas. Tout ça parce qu'il y a des trucs qu'on n'assume pas ! Car sans eux, ça deviendrait nettement plus compliqué. Du coup je suis pour lancer l'anti-programme qui va libérer nos médiateurs textiles et faire de nous des gens responsables !"

A ses mots, elle brandit son soutien-gorge dans les airs, se dressant telle Jeanne d'Arc. Puis n'ayant plus pied et ayant fait beaucoup d'effort, elle but la tasse.

S'étant éclaircie les idée, elle remonta à la surface et ajouta, un peu essoufflée...

"Enfin, ce n'est qu'une toute petite théorie de rien du tout... Je suis pas encore sure d'avoir tout pigée ce qu'il fallait comme il le fallait"

Jen nagea vers le bord, à la poursuite d'Ivy aurait-on pu dire, néanmoins bien plus à l'aise, la jeune mutante sorti de l'eau et s'assit au bord de l'eau. Usant de son pouvoir, Jenifer se mit à rayonner des infra-rouges, une douce chaleur émanait de la X-Rays alors que ses vêtements commençaient à sécher, elle regarda Ivy et l'aida à se hisser sur le bord en disant :

- Tu sais ma belle, même si tu te transformais en courgette je serais quand même ton amie. Moi je crois pas que ce soit si terrible, c'est peut-être juste ton don qui évolue, t'auras surement moyen de redevenir comme avant, je suis prêt à parier ce que tu veux là dessus ! Et puis après ce passage tu comprendras encore mieux les plantes...

Prenant Ivy dans ses bras, Jenifer en mode câlin ajouta :

- T'es ma seule et unique méga copine et si tu te transformes en chou-fleur alors je serai ton aubergine pour qu'on soit encore ensemble !

Magnifique ? Georgia haussa le sourcil. Celle là on la lui avait jamais faite. Barge. Excentrique. Un peu bizarre. Sauvage. Impulsive. Oui. Mais pas celle là. La New Yorkaise avait tout de suite un peu moins honte de s'être mise les nichons à l'air.

"Euh... Merci" se contenta t'elle de répliquer au moment où son visage prenait une teinte gênée.

L'effet d'un simple mot sur une personne, c'était déjà tout un poème. Magnifique.

Quelqu'un avait un jour dit que "le mot chien n'aboyait pas". Et l'un des deux hémisphères cérébraux de Georgia y croyait dur comme fer. D'une autre manière, elle était magnifique parce que quelqu'un y croyait. D'où la puissance performatrice du discours. La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde.

Se sentant poussée par les paroles de la rouquine, Georgia sortit de la piscine et fit une grande accolade pour un calin collectif à Ivy et à Jenifer. Peut être ça allait devenir le premier kiss-in de l'Institut ? A voir, à voir...

"C'est gentil en tout cas mais tu reste la plus belle"

Embrassant Ivy sur le front, elle termina sur une interrogation plus grave :

"Pourquoi pour toi c'est trop tard ? Tu es sure que tu m'as tout dit, ma puce ?"

Ivy sortit de l'eau et s'installa sur le bord à côté de Jenifer. La chaleur humaine que ses deux amies lui témoignaient était réconfortante, et puis le radiateur intégré de sa coloc était on ne pouvait plus agréable. Contrairement à ce qu'elle avait pensé, Jenifer et Georgia ne s'étaient pas du tout éloignées d'elle en apprenant la nouvelle finalement. En réalité, cela avait provoqué l'effet inverse : elle s'était reserrées aussi bien mentalement que physiquement autour d'Ivy comme une espèce de cocon affectif, une trinité de bien-être. Le désarroi de la rouquine semblait avoir eu un effet galvanisant sur ses deux amies.
Maintenant qu'elle avait la certitude qu'elles les suivraient dans sa "maladie", peut-être même plus qu'elle ne le croyait d'ailleurs si Ivy leur refilait le virus de la salade tueuse, Ivy se sentait un peu mieux. Elle avait l'impression de retrouver un toit sur sa tête, sur un corps grelottant de froid durant trop longtemps.

"Vous êtes sympas les filles... Je les comprenais bien avant les plantes, j'aurais préféré éviter qu'elles déteignent sur moi..." répondit-elle en regardant ses jambes flotter dans l'eau.

"Vi... J'ai rien de pire à vous cacher pour le moment... En fait... c'est juste que..."

Elle soupira et se tut pour réfléchir, vraiment réfléchir à ce qu'elle voulait dire. Ivy n'était pas de ceux qui exprimaient verbalement ce qu'ils ressentaient. C'était un véritable travail qu'il fallait faire pour exprimer clairement ses sentiments du moment. Elle était une très mauvaise traductrice d'elle-même.
Au fond d'elle-même, elle savait bien que ce qu'elle regrettait dans tout ça, elle se l'était elle-même refusé en refusant en bloc de grandir. Mais l'admettre eut été se placer en responsable et non en victime, et à ce moment, Ivy avait besoin d'être choyée comme du temps de sa grand-mère. A la place d'une mère, elle avait eu une grand-mère. Quand celle-ci s'en était allée, elle avait eu Anna pour la protéger. Quand Anna s'était éloignée, Ivy s'était retrouvée seule. Elle aimait par-dessus tout sa petite indépendance, mais elle n'était jamais aussi délicieuse que lorsque la proximité des autres lui donnait une forme. Au-delà, c'était de la solitude. Et la solitude, n'était pas son truc : elle avait bien essayé de repousser Georgia plus tôt dans sa chambre, pourtant, son besoin d'affection avait été le plus fort.

"C'est juste... que j'avais jamais fait gaffe que c'était si important pour moi jusqu'à aujourd'hui, et maintenant j'peux plus en profiter. J'ai un peu l'impression d'avoir perdu un bras ou un truc comme ça. Un peu comme si j'étais d'vnue chauve, tiens." tenta-t-elle d'expliquer, non sans palper son cuir chevelu pour s'assurer que tout allait bien de ce côté là.

"Mais ça va aller... Parce que vous êtes là." ajouta-t-elle timidement, avant de battre des pieds dans l'eau pour éclabousser ses deux amies, histoire que sa gêne quant à cette petite confidence passe inaperçue derrière cet acte bien d'Ivy, Ivy la vraie, celle que ses amis semblaient aimer au point de risquer la maladie de la salade tueuse. Elle se plaignait de vouloir rester la même à l'extérieur, mais à l'intérieur alors ? Sous l'écorce, elle n'avait pas changé d'un poil, et elle allait le prouver. L'inverse serait releguer Ivy la rousse au profit d'Ivy la chiante. La différence pouvait paraître infime, mais elle était aussi importante que la différence entre les fourmis noires et les fourmis... bah, rouges.
Elle venait de décider de prendre le contre-pied de cette satanée mutation à la noix, juste pour le principe de casser la baraque de ceux qui l'embêteraient. Et peut-être qu'alors, elle finirait par se sentir chez elle dans ce nouveau corps. Son indice d'humeur était aussi fougueux qu'un électrocardiogramme en cette journée. Ivy la rousse était de retour et réclamait la suprématie sur son corps.

"Hé ! Si ça se trouve je pourrais faire du ski nautique sur les pieds ou marcher sur l'eau ? Je rajoute ça à ma liste, mais ça attendra la fin de ce fichu débriefing !" dit-elle, comme pour renverser la fatalité qui lui était tombée dessus.

"J'm'arrache, mais faites rien de super cool sans moi, hein ?!" lança-t-elle avant de souffler deux bisous humides dans l'air en direction de ses deux amies. Sur ces mots, elle se mit à trottiner vers le hall.

Salle de briefing

Jenifer écouta sa colloc, elle semblait aller mieux et cela ravit la jeune mutante. Elle avait bien sentit le malaise apporté par cette soudain transformation, mais une bonne calinothérapie avait eu raison de Ivy la tristounette et le grand retour de Ivy la joyeuse lui faisait chaud au coeur. La journée avait été bien assez éprouvante comme cela et au moins la terminer pas trop mal... c'était déjà ça.

Regardant Ivy s'éloigner, Jen dit à l'attention de Georgia :

- Tu vois... c'est peut-être l'une des toutes premières personnes que j'aie rencontrée en arrivant dans l'institut... et tout de suite j'ai été charmée par l'ambiance qu'elle avait mise dans la chambre. Tu quittes les buildings pour déboucher dans une chambre tapissée de mousse et de fleurs... c'était un peu le jardin d'Eden. Je suis bisn contente qu'elle ait l'air mieux maintenant.

Se levant, Jenifer regarda Georgia avec le sourire sur les lèvres.

- C'est pas que j'ai pas envie de rester mais j'ai eu une... dure journée, enfin on peut dire ça comme ça... Par contre il vaudrait peut-être mieux que tu rattrape ton soutif avant qu'il ne redevienne sauvage, sinon tu vas déchainer tous les mâles de l'institut en rentrant comme ça ! dit-elle l'air amusée.

Elle allait rentrer tranquillement à l'intérieur et finir cette journée au milieu de sa chambre florale, se laissant chatouiller les pieds par la mousse qui couvrait le sol.

Georgia se retrouva seule au bord de la piscine toujours les seins à l'air mais plus personne pour l'observer... Ce qui posait la question hautement métaphysique : ses seins sont ils vraiment nus, si personne n'est là pour les observer ? Le concept de nudité existe t'il indépendamment de tout regard extérieur ? On pourrait lui objecter que son regard à elle est un début de subjectivisation de sa poitrine... Mais Georgia n'étant pas spécialement adepte de la normalisation de sa corporalité, n'y ferait guère attention...

Toutefois, elle s'approcha de son soutien-gorge et le soulevant comme une chose morte décida de transférer son (léger) fardeau moral, appelé pudeur, et le remit donc...

Puis cherchant le reste de ses vêtements, elle entreprit de se rhabiller intégralement. Plus par crainte du froid et par peur de perdre quelques unes de ses maigres possessions terrestres, que par soucis de bienséance...

Ivy était un rayon de soleil. Une source d'inspiration. Pour elle. Visiblement pour sa cothurne aussi. Peut être pour tout le monde ? Au fond... Et si Ivy était le pilier sur lequel reposait tout l'Institut ?

Se sentant tout d'un coup très lasse, très fatiguée du poids de ses différentes réflexions et de ses nombreux exploits sportifs et labiaux de la journée, la New Yorkaise décida de regagner sa tanière...

Chambre de Georgia pour une séance de repos...