Moscou, centre ville

L'hydrokinésiste se leva, et prit gentillement Stanislas sous son épaule pour l'entraîner vers un endroit un peu moins passant, tout en disant, toujours dans un très mauvais russe.

"Vous devez parler moins vite... Sinon je n'arrive pas à suivre. En anglais, ce sera mieux."

Il continua alors en anglais, affichant un sourire compréhensif.

"Je vois bien que vous êtes un mutant... Je me suis mal exprimé tout à l'heure... Excusez-moi. Merci pour les compliments, ça me touche beaucoup, mais je fais surtout ça pour payer les factures... Je m'appelle Chris."

Il était étrange de voir à quel point quelqu'un qui se donnait en spectacle pouvait sembler maladroit et intimidé dans les coulisses.

« Moi je m’appelle Stanislas Venkourov, je suis le petit-fils de la personne qui possède cette résidence et qui vous a embauché. »

Stanislas fut heureux de voir que son anglais scolaire était compréhensible de quelqu’un qui parlait la langue depuis longtemps visiblement. L’attitude de Chris en coulisse était décevante un peu le mutant qui le trouvait moins charismatique qu’en plein milieu de son spectacle. Utiliser son don à des fins pécuniaires l’était encore plus. L’adolescent aurait préféré entendre que ce n’était qu’un passe-temps, cachant un but beaucoup plus important pour l’humanité. Malgré tout, le garçon restait enjoué et souhaitait en savoir encore plus.

« Est-ce que vous connaissez d’autre mutant ? Moi je n’en avais jamais vu avant vous. Vous faites également des spectacles au théâtre devant lequel je vous ai vu cette après-midi ? »

Il répondit rapidement, visiblement beaucoup plus à l'aise dans sa langue maternelle.

"Ah ! Je me disais bien que je vous avez déjà vu quelque part." Il accompagna cette phrase d'un très charmant sourire.

"Non, je ne donne pas de spectacles... de ce genre... au Bolchoï. Je ne pense pas qu'ils en soient trop fans, même si certains savent là-bas. Mais j'y étudie."

Il regarda Stanislas d'un air plus concerné pour répondre à son autre question.

"Et bien... Non, je n'en connais pas d'autres. Mais je sais qu'il y en a d'autres. Ils en parlent beaucoup dans certains journaux. Surtout depuis que l'astéroïde est tombé en fait."

Il ajouta ensuite, d'un ton un peu moins enjoué.

"Ce journal fait plus de mal que de bien. Ils montrent les mutants sous un jour un peu bizarre... A croire qu'on serait tous des assassins ou des terroristes en puissances. Je sais que ce n'est pas très glorieux de faire... Ce que je fais... Utiliser ses pouvoirs pour amuser la galerie... Mais..."

Sa phrase fut interrompue par le retour de Sven qui leur tendit un plateau de réductions sucrées. Chris se servit sans trop rien dire, vu que Sven ne pouvait s'empêcher de parler, en russe.

"T'as vu Stanislas ? Il est cool hein ! J'étais sûr que ça te ferait super plaisir qu'il vienne. Ce serait cool que tu saches faire pareil un jour !"

« Je suis désolé pour mon comportement de cet après-midi, Sven… »

Il prit également sucrerie en réfléchissant à ce que Chris venait de lui dire.

« Je connais ce journal, c’est vrai qu’il exagère un peu mais il y a vraiment des mutants qui profitent de leur capacité pour faire le mal. J’ai entendu dire qu’un groupe de mutant c’était réunit aux Etats-Unis pour commettre des actes terroristes en se couvrant par des actions pro-mutant. C’est à cause de ce genre de type que des personnes comme vous et moi sommes obligés de cacher ce que nous sommes. »

C’est ce que son grand-père lui avait toujours dit. Personne ne devait connaître sa capacité au risque qu’il soit assimilé à ce type de mutant. Jusqu’à maintenant ça avait plutôt bien marché, le pouvoir de Stanislas était assez discret par rapport à d’autre qui souffrait de malformation physique.

« Je ne penses pas que je pourrais, un jour, faire quelque chose d’aussi beau que Chris grâce à mon talent... »

Sven haussa les épaules, raconta quelques banalités, puis s'excusa qu'il devait continuer son service, contrairement à certains qui pouvaient s'empiffrer aux frais de la princesse.

Chris quant à lui, se tourna vers Stanislas, l'air beaucoup plus sérieux.

"Il ne faut pas croire ce que dit ce journal, ou même ton grand-père... Ce groupe aux États-Unis s'appelle l'Institut Xavier, et c'est une école pour les mutants. Pas une organisation terroriste. Bon, après... Je ne suis pas sûr que l'activisme soit la meilleure solution, mais quand tu y regardes bien... Je ne cache pas vraiment ce que je suis, au contraire : je me donne en spectacle."

Il semblait s'emporter un peu contre lui-même.

Stanislas regretta que son ami retrouvé s’en aille avec le plateau dans les mains, tout cet enthousiasme lui avait ouvert l’appétit et il n’était pas contre l’idée de continuer à grignoter des petites choses si délicieusement sucrées. Après un instant Chris, expliqua sa vision de l’Institut Xavier, Stan ne l’a partageait pas d’ailleurs. Pour lui, l’école n’était qu’une couverture à des choses bien moins avouables. Il ne condamnait pas leur façon de se montrer mais leurs actions secrètes.

« Ce n’est pas pareil, ce que vous faites de votre don est magnifique et même si La Sentinelle ne détient pas la vérité absolue, il y a tout de même un fond de vérité. Vous ne pouvez pas le nier. Contrairement à eux, vous êtes un être tout à fait admirable, vous valorisez l’image des mutants que les autres ont. Tout le contraire de ces types de l’Institut Xavier. »

(HJ : Normalement, tu es censé vouloir y aller à l'institut ^^

Chris haussa les épaules.

"A ta guise. Comme je t'ai dit, c'est surtout pour pouvoir vivre que je fais ça. Après, ici, c'est un bon public, ils ne m'ont pas sorti à coups de bâtons..."

Son ton était suffisamment sérieux pour que Stanislas comprenne que ça lui était vraiment arrivé.

"Je n'aime pas vraiment l'idée d'être une bête de foire... Je préfèrerais être tranquille, ou bien faire quelque chose d'utile avec mes pouvoirs, genre..."

Il marqua un blanc puis soupira.

"Je ne sais rien faire d'utile de mes pouvoirs à part le ménage, et danser. La belle affaire... Dis-toi qu'au moins, tu as de l'avenir dans le bûcheronnage..."

Son ton était légèrement narquois, mais sans méchanceté.

(HJ : Désolé, je pensais qu’au vu du caractère du grand-père, il était normal que je sois éduqué avec certain préjugé contre les mutants, puis je me laisserai convaincre.)

Les paroles de Chris s’abattirent sur Stanislas comme un seau d’eau glacée. Le jeune garçon ne comprenait pas qu’on puisse battre un artiste uniquement parce qu’il utilise ses capacités mutantes. Selon lui, des mutants comme l’hydrokinésiste ou lui n’avait rien à cacher et ne devait pas avoir honte de ce qu’ils étaient. Si son grand-père l’avait préservé de l’extérieur à ce point, c’était pour éviter qu’il souffre de cette mauvaise réputation. Et quelle réputation… Le jeune mutant qui avait vécu dans une prison dorée ne s’était pas rendu compte de la gravité des violences anti-mutantes.

Stanislas voulait défendre son point de vue. Il alla ouvrir la bouche mais il comprit qu’il n’exprimait pas ses pensées, c’était ce que son grand-père pensait. Pour la première fois dans sa vie, il se remit en cause et comprit que sa vision du monde extérieur était, depuis qu’il vivait à Moscou, c'est-à-dire depuis que son esprit s’était complètement éveillé, filtrée par les opinions de son grand-père. Il referma ses lèvres en s’abstenant de se faire le porte-parole d’un autre.

"Je n'aime pas vraiment l'idée d'être une bête de foire... Je préfèrerais être tranquille, ou bien faire quelque chose d'utile avec mes pouvoirs, genre..."

Stanislas comprenait l’envie de Chris d’avoir une vie différente et il partageait cette envie. Lui-même avait aussi la volonté de partir à l’aventure en Indiana Jones, seul et sans attache. Il souhaitait depuis longtemps retourner dans le village de son enfance, celui où son père avait disparut. Le jeune garçon savait qu’il n’avait aucune chance de le retrouver mais il voulait essayer quand même, cela faisait partit de son travail de deuil

Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il ne remarqua pas la remarque désobligeante que Chris avait faite à son sujet. Stanislas préférait réfléchir à son avenir à lui, quel genre de personne il voulait être, quel genre de voyage, quel genre d’aventure, de profession… Il voulait mener une vie genre…

« Genre quoi ?.. »

Ces deux mots s’échappèrent timidement de la bouche de Stanislas comme une question posée à Chris.

(HJ : tu as le droit bien sûr d'avoir des préjugés et de jouer comme tu l'entends, quitte à ce que je cherche à te convaincre, mais bon... C'est simplement histoire d'aller plus vite quoi )

Chris sembla un peu agacé par la question. Ou bien juste gêné ?

"Je ne sais pas... Je commande à l'eau... Vous avez de la plomberie à faire, une innondation ? Je peux vous maintenir au sec... Mais bon, je ne peux pas non plus faire que ça de ma vie, je ne suis pas seulement un pouvoir sur patte... un outil."

Il s'octroya un léger sourire.

"Un tournevis sur pattes en somme... C'est difficile à penser. Est-ce que je dois être pris comme tout un chacun, avec juste un plus, ou bien est-ce que c'est mon pouvoir qui fait tout de moi ? Je peux peut-être sauver des gens avec mon don."

Il écarta légèrement les bras, puis les remis le long de son corps, signe qu'il ne savait pas réfléchir plus loin à ces considérations philosophiques.

Lorsque Stanislas entendit l’autre mutant parler, il comprit qu’il répondait à sa propre question. Il l’écouta sans rien dire, comprenant ses doutes.

« Ce n’est pas parce qu’on sait jongler qu’on doit être clown. Vous pouvez faire ce que voulez en utilisant ou non vos capacités. Croyez vous que je vais devenir esthéticien spécialisé en manucure à cause de mon pouvoir ? Vous pouvez être avocat, dentiste ou même éboueur si vous voulez. Nos capacités font partis de nous, ce n’est pas ça qui fait ce que nous sommes ou ce que nous allons devenir. »

Stanislas avait parlé avec tellement de ferveur qu’il doutait que son message ait bien été comprit.

« Enfin, tu vois ce que je veux dire. J’ai des lames de rasoirs au bout des doigts mais jamais je ne blesserai quelqu’un avec ça. C’est pareil pour vous, à moins que vous n’ayez une âme d’artiste, vous n’avez aucune raison de continuer à faire des spectacles. »

Chris haussa les épaules.

"J'avoue que ça m'amuse, et que ça m'entretient de faire des choses un peu compliquées... Mais bon... Comme je te l'ai dit, les études au bolchoï coûtent très cher... J'ai beaucoup d'amis qui sont obligés de vendre leurs" il stoppa net... un peu gêné "Talents... D'une autre manière."

Pas trop compliqué d'imaginer en quoi consistaient ces talents.

"Mais peut-être devrais-tu apprendre à maîtriser tes pouvoirs, avant de sauver le monde..."

« Si vous avez vraiment besoin d’argent, alors vous avez raison de faire des petits spectacles mais il ne faut pas vendre son âmes au diable pour un peu d’argent. »

Cette fois, Stanislas ne pouvait pas comprendre les soucis de Chris. Le jeune mutant avait toujours vécu son adolescence sans aucun problème d’ordre pécuniaire grâce à son grand-père.

« Je ne prétend pas pouvoir sauver le monde. Que voulez vous que j’apprenne ? Comment me faire une parfaite manucure ? Et puis, qui pourrait m’apprendre à maîtriser mon pouvoir ? On en revient à l’institut Xavier, n’est-ce pas ? »

Stanislas repensa au jour où son pouvoir s’était révélé, l’incroyable pousse de ses ongles en quelques instants. Ce phénomène ne s’était jamais reproduit mais c’est peut-être ce genre de truc que Chris lui conseillait de maîtriser.

« Je voudrais travailler dans l’armée ou la police, faire quelque chose d’utile pour mon pays, pour les autres. Mais c’est vrai qu’il y a sûrement quelques petits trucs que je pourrai apprendre sur mon pouvoir et qui me faciliteraient un peu la vie… »

Un petit sourire éclaira Chris.

"On en revient à eux... ils ont l'air de t'intriguer on dirait. Pourtant, il y a mille et une façons d'apprendre à se servir de ses pouvoirs."

Il effectua un geste, et une petite balle d'eau vint flotter au dessus de sa main.

"Au départ, je ne pensais pas être capable de faire beaucoup plus que ça..." il fit tourner la balle, et la déplaça de façon simple. "Puis, à force de faire, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup plus que la première sensation..." La balle se déforma. D'abord de façon simple, puis de plus en plus complexe, jusqu'à former une sorte d'oiseau à la longue queue emplumée qui vint se poser sur l'épaule de Stanislas, qui resta pourtant parfaitement sèche.

"On ne sait pas vraiment de quoi on est capable tant qu'on a pas essayé. Peut-être y a-t-il plus à creuser derrière tes pouvoirs que simplement des grands ongles ? Il te faut t'entraîner et travailler durement pour le découvrir."

L'oiseau aquatique prit son envol, puis perdit sa forme, et alla couler dans un évier.

Stanislas regarda l’évier dans lequel venait tout juste de disparaître l’oiseau aqueux. Il se demandait quel était l’étendue de son pouvoir à lui.

« Une fois, mes ongles ont poussé à vue d’œil. C’était bref mais ils ont prit plusieurs millimètres. Cependant, ça ne s’est jamais reproduit mais je n’ai jamais vraiment songé à le refaire. Mis à part ça, je ne voie pas ce qu’il y a à développer dans mon pouvoir. Je n’ai que des ongles durs, rien d’autre. »

L’adolescent écouta ce que son homologue mutant lui racontait. Il se demandait si la Sentinelle n’était pas un tissu de mensonge. L’institut Xavier pouvait peut-être l’aider mais c’était tellement loin… Comment une personne comme lui pouvait se rendre aux Etats-Unis, alors qu’il sortait à peine de chez lui.

« L’institut Xavier… Selon toi c’est la meilleure solution pour moi, n’est-ce pas ? Peut-être que tu a évolué à ce point tout seul mais je suis bien différent de toi et j’aurai besoin d’aide. »

Chris rit légèrement.

"Encore eux ? Je ne dis pas que c'est la meilleure solution. Mais c'est la seule que je connaisse. Il n'y a probablement pas trente six écoles pour mutants, et ce sont les seuls qui se sont un tant soit peu manifestés. Si tu as besoin d'aide, fais appel à des professionnels... Donc pourquoi pas eux ?"

Son grand-père arriva quelques instants après, entraînant un respectueux mutisme de Chris, pendant le temps que celui-ci rétribue l'artiste, en échangeant quelques banalités, et s'étonnant qu'ils aient fait connaissance. Chris déclara alors qu'il était temps pour lui de partir, et s'en fut poliment par la porte de service.

L'hôte de la soirée dit alors à son petit-fils : "C'est fou ce qu'ils peuvent faire avec leurs pouvoirs, certaines personnes... ça va qu'il n'est pas terroriste."