[GenèsiX] 1.9. En plein centre-ville

Jon avait été redirigé par Martha vers le Centre-Ville. Son meilleur ami, Will a été sauvagement assassiné chez eux. L'enquêteur lui a dit qu'il devait loger à Salem Center en attendant de pouvoir retrouver l'appartement. Mais pourra-t-il vivre là-bas? Tout d'abord car c'est là que son meilleur ami s'est fait assassiner, mais aussi car cet appartement ne lui appartient pas. Le propriétaire était Will et le légataire va bientôt en prendre possession.
Depuis quelques minutes déjà, le jeune homme errait dans les rues de Salem Center, il s'approcha d'une grande batisse.
Salem Center était un beau quartier résidentiel, le plus beau qu'il avait vu à NYC, bien qu'ici, on se sentait à l'écart de la Grosse Pomme. Il y avait des arbres, de l'herbe, des jardins dans les maisons alentours. Cet endroit semblait être un hôtel particulier, tout du moins en apparence. Ce n'était pas sans rappeler la mode qui consiste, depuis plusieurs décennies déjà, à recopier des styles européens pour faire paraître plus ancien, plus chic. Il est vrai que dans la haute société, cela fait bien mieux lorsque l'on se vente d'avoir une maison ressemblant aux maisons françaises ou italiennes. Cet endroit était tranquille, la criminalité paraissait bien moins élevé que près de chez Will. Mais il n'était pas rassuré; bien que cela pouvait paraître absurde, Jon ne se sentait pas en sécurité; il avait peur que l'assassin vienne le tuer, comme pour finir le travail. L'herbe semblait moins verte et le ciel moins bleu, l'âme de Jon était emplie de chagrin et ça le rongeait. Il avait encore tout perdu. Pourtant, il ne s'est jamais beaucoup attaché à quelqu'un, à part à Helen et à Will, les deux seules personnes qui l'ont apprécié pour ce qu'il était au fond de lui, les deux seuls amis qu'il a croisé sur sa route chaotique. Et tous les deux sont morts. A croire que Jon portait malheur ou que Dieu lui avait interdit d'aimer qui que ce soit sous peine de le punir de la pire des façons. Lui qui pensait vivre correctement à NYC, le désenchantement fut rapide. Il ne serait pas étonné si on lui apprenait que son père était dans le coup. On parle de lui dans les journaux, les "fouille merdes" comme disait sa mère, doivent avoir vu ses photos dans les magazines et son père aussi. Il espère bien que tout le monde sera au courant qu'il a fait un striptease pour un magazine gay pour que son père soit fou de rage. Jon continua à s'égarer dans ses pensées qui se faisaient de plus en plus obscures et incohérentes. Traumatisé, il ne savait pas quoi penser, il voulait un coupable et le punir, mais le moment n'était pas venu...
Levant à nouveau ses yeux en direction de la bastide, il vérifia que l'endroit était bien l'adresse indiquée. Apparemment oui... Après un moment d'hésitation il sonna, séchant ses dernières larmes et réajustant sa chemise afin de paraître convenable.

Une dame d'âge mûr ouvrit la porte. Elle portait bien ses rides et ses cheveux gris, et affichait une grande douceur.
De la maison sortaient des effluves de café à l'ancienne, de pain grillé, de maison confortable.

"Bonjour... Vous devez être Jon Parker. Je suis Ruth Emmerson. Entrez. Toutes mes condoléances pour votre ami. Soyez assuré qu'il saura trouver sa place aux cotés de Notre Seigneur."

Ni une ni deux, elle lui fit la bise et le laissa entrer.

"Vous pourrez rester ici autant de temps qu'il le faudra. Je vous ai préparé une chambre à l'étage. Je suis au rez-de-chaussée, avec mes amies. Vos colocataires sont sortis pour l'instant. Je vous présenterai à eux au souper."

Une vieille dame vint ouvrir. Elle avait un regard chaleureux et et une expression accueillante. Les bonnes odeurs venant de la maison n'étaient pas sans rappeler celle que l'on sent chez les grand-mères. Enfin, chez les grand-mères des autres... Son aïeule maternelle, il ne l'a jamais connu et du côté paternel c'était bien pire, une femme avec des dizaines de liftings, maquillée comme un camion volée et vivant avec son septième ou huitième maris. Celle-là ressemblait aux contes de Noël, elle fit ses condoléances à Jon qui restait émerveillé devant cette femme si douce.

Elle lui fit la bise; le jeune homme fut surpris. Il s'attachait déjà à cette dame. Mais il ne fallait pas. Bientôt il devra partir et de toute manière, dès qu'il s'attache à quelqu'un, il arrive malheur. Jon restera poli avec cette grand-mère mais ne se liera pas d'amitié avec. Il n'en est pas question.

"Bonjour, Madame Emmerson, merci beaucoup pour votre accueil"

Jon entra dans la grande batisse, les meubles semblaient du dix-neuvième siècle; de grandes pièces et un couloir plein d'objets d'art. L'endroit était luxueux mais pas tape à l'oeil. Il entreprit de monter au premier étage pour faire une toilette rapide. Il avait le visage encore marqué par les récents événements.

Plus tard dans la soirée, l'heure du dîner vint.
Dans ce genre de pension de famille, le dîner était servi à une grande table en bois d'un style désuet, et dans de grands plats en porcelaine rare aux motifs floraux colorés avec une dominante de rose.

Malgré la bonne chère, ce n'était pas vraiment la joie à table... la plupart des gens affichaient des mines graves, tortillaient leurs serviettes. Toutefois, la présence de Jon mettait un petit peu d'animation. Un coup d'oeil autour de la table et l'hypothèse que tous les proches de victimes étaient là, et on pouvait totaliser 20 victimes à ce serial killer.

Ruth présenta Jon au bout de la table.

"Bonjour... Voici Jon Parker, qui a récemment perdu son ami Will Truman. J'espère que vous lui ferez bon accueil. Asseyez-vous là Jon."

Puis tout le monde se présenta : épouses, fils unique, ami, mari, frère... Que des gens dont l'histoire avait été brisée par une seule et même personne, et dont le reflet de l'identification légale hantait encore leur regard.

Jon vint s'asseoir à table. Il ne prit que peu de choses à manger. Comment avoir faim dans un moment pareil? Tout le monde était concerné par ce serial killer et Jon ne savait pas comment réagir; il ne voulait pas que cela ressemble à une réunion des alcoliques anonymes ou un endroit pour se sentir bien dans sa peau. Au fond de lui, il sait qu'ici il ne se sentira pas mieux, sa douleur est déjà insupportable, alors en plus, celles de vingt personnes. Lui était ici car il ne savait pas où loger, mais ces personnes? Pensaient-elle vraiment guérir ici? Peut-on guérir?

De plus, Jon se sentait comme un intrus, ces personnes avaient l'air en plus piteuse état que lui. Il n'avait rien dit depuis le début du repas, à peine les avait-il salué. Puis après presque cinq minutes de silence total de sa part, il se décida enfin à parler

"Je suis vraiment désolé pour ce qui est arrivé à vos proches. Je suis également triste que la police n'ait rien fait pour arrêter ce fou furieux. Ce qu'il a fait est abominable et je pense qu'il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'arrêter. Nous avons tous perdu une personne très chère à notre coeur..."

Il hésita un court instant et repris

"Quelqu'un aurait-vu quelque chose de suspect près du lieu du crime? Quelque chose de commun à plusieurs meurtres. D'après la police, ce sont des meurtres au hasard, comportement assez étrange par ailleurs..."

Les visages à table commencèrent à s'affoler, certaines personnes se mirent à pleurer, et Ruth tapa sur son assiette avec son couteau pour faire taire Jon, puis elle le réprimanda d'une voix douce bien qu'extrêmement sévère.

"Monsieur Parker ! Vous ne m'avez pas laissé le temps de rappeler les règles de bienséance de l'endroit, mais vous venez déjà d'en briser un bon nombre !"

Elle reprit plus calmement, alors que des gens sortis de nulle part s'affairaient à rassurer les autres convives.

"Il faut faire confiance à la police. Il ne faut pas mener ses petites enquêtes, et encore moins inciter les autres à en faire autant. Et surtout, surtout, il ne faut pas ressasser comme ça les évènements terribles qui se sont produits, avec autant de désinvolture. Les gens sont ici pour faire leur deuil et pour apprendre à vivre avec... ce qui s'est passé. Ne sous-estimez pas leur chagrin. Ne les harcelez plus avec vos questions !"

Puis ils s'assirent à table, et le repas se déroula dans le silence le plus absolu.

L'après-midi s'annonçait ensoleillé mais pas brûlant. Déjà, certains résidents partaient se promener par petits groupes. La maison se vida rapidement.

La détresse de ces personnes ne le touchait aucunement. Il était clair que l'enquête n'était pas parfaitement mené. Il n'a pas été intérrogé, ni conduit au commissariat, rien du tout. On l'avait envoyé dans une maison avec des personnes incapables de faire leur deuil et qui en pleurant chacun sur leur sort ne sont pas prêts d'y arriver.

Lorsque Ruth le corrigea sur ses dires, il fit un signe de la tête pour acquiescer; il ne pouvait pas rester ici, l'ambiance était trop lourde. Heureusement, il n'avait pas défait ses affaires, il partirait certainement le lendemain matin ou pendant la nuit. Il a assez d'argent pour se loger convenablement.

Les gens commençaient à sortir en groupe, le visage marqué comme il n'en avait jamais vu. Lui décidait de prendre l'air et de visiter les environs, enfin, visiter est un bien grand mot. Il compte se balader. Marchant depuis déjà presque un quart d'heure, il se demandait où aller: Centre commercial? Cinéma? Parc? Il n'en savait trop rien.

*Bon, allez, allons voir ce qu'ils ont au centre commercial*

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