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Ken O'Connell
Ken O'Connell
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http://benthomas.over-blog.com/#

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Lun 23 Juin 2008 - 22:40
« Ils…ils nous ont rattrapé !
- Sans blague ?
- Ils nous tirent dessus !
- C’est en général la suite logique, ouais. »

La gamine continuait de crier, mais je la faisais violemment tomber, le nez en premier, vers l’airbag artisanal de la vieille jeep que j’avais piquée deux heures auparavant. La vitre se brisa suite aux impacts de balles qu’elle venait ainsi d’éviter. Pas grave, ça ne me servait de toute façon pas beaucoup.

Je jetais un regard rapide vers l’arrière pour voir l’étendue des problèmes et je me rendais compte que ça n’allait vraiment pas aller : j’avais le petit espoir qu’ils ne soient pas beaucoup et que je puisse m’en occuper tranquillement, mais à voir la demi-douzaine de jeeps nous suivant et contenant chacune cinq militaires surarmés et survoltés, ça n’allait pas être le cas. Bah, ce n’était pas la première fois, après tout, que j’étais poursuivi et plongé dans une situation impossible. Seulement, avant je n’avais pas eu la mission de protéger une fillette de dix ans…maintenant si.

Elle était la gamine d’un ambassadeur sud-africain perdu en plein milieu du Darfour, et on m’avait engagé pour la tirer de cet enfer sur Terre ainsi que quelques jolis documents qu’avaient les rebelles pour faire chanter le gouvernement. Quels rebelles ? Je n’en savais rien. Le Darfour était une pauvre région de l’Ouest du Soudan, un petit monde dans le monde où des gens s’étaient déchirés pour cette sorte d’annexe au Sahara et où quelques péquins semblaient survivre ; comment vouliez-vous que je connaisse les enjeux politiques de ce « truc ? »
On murmurait que le gouvernement local voulait réunir tout le Soudan en une République Fédérale avec une jolie place pour le Darfour histoire de calmer le jeu, mais je n’y croyais pas vraiment : je connaissais trop l’Afrique pour savoir que quand une crise était enclenchée, elle ne se terminerait pas avant un grand bain de sang.

Néanmoins, le fait était que j’étais poursuivi par une trentaine de dingues qui voulaient coloniser tout le Darfour pour en faire un Etat islamiste conservateur, et qu’ils m’en voulaient parce que j’avais pris ce qui aurait éventuellement pu les faire exister sur la planète médiatique. Normal alors qu’ils étaient prêts à tout pour me reprendre.

« Mamaaaaan… »

La petite fille avait le nez cassée à cause de mon geste trop brusque, et j’eus un moment le regret d’avoir agi aussi durement : j’aurais peut-être pu lui dire de se baisser, la coller contre son siège ou quelque chose du genre…pas comme ça, quoi. Elle semblait vraiment avoir mal avec tout ce sang sur son visage, ça me brisait le cœur d’entendre les gosses pleurer ou de les voir blessés. Néanmoins, je jetais rapidement tous mes doutes dans la poubelle de mon cerveau : si j’avais pas fait ça, elle serait morte. Mieux valait qu’elle souffre, ça prouvait au moins qu’elle verrait le soleil demain pour demander à son père de me faire la peau.

« Prends un mouchoir et presse-le dessus : ça arrêtera au moins un peu de saigner. »

Je donnais un violent coup de pied dans la boîte à gants pour la casser et ainsi voir ce qu’il y avait : j’espérais y trouver une trousse de secours pour guider la gamine dans ses premiers soins. Je ne découvris qu’un flingue, des cigarettes et une bouteille de vodka entamée. Vive les militaires.

« Et merde ! »

Une volée de balles vint me replonger dans ma conduite, alors que la petite continuait de pleurer. J’avais trop fait attention à elle, et je voyais maintenant les premières voitures s’approcher dangereusement : je devais mettre plus de distance entre elles et moi. J’avais encore beaucoup de route à faire, mais je pouvais m’en sortir…je n’avais qu’à éviter de me faire avoir et d’atteindre la frontière, obligatoirement au petit matin. Sans ça, ces dingues me suivraient et ça finirait en guerre entre pays, ce que mes patrons ne voulaient évidemment pas.
Non pas qu’ils étaient soucieux de l’état de l’Afrique, évidemment : ils avaient été à l’origine de bien des conflits sur le continent. Seulement, ils aimaient contrôler les choses et n’étaient pas d’accord pour des morts surprises. Seulement celles prévues et organisées étaient permises. C’était vraiment beau, la CIA, quand même.

Bien sûr, on pourrait se demander ce qu’un pauvre agent de l’Agence faisait au Darfour en train de se faire canarder pour sauver une trentaine de documents et une petite fille, alors que rien ne reliait tout ça à son gouvernement, mais c’était les joies de « l’entraide internationale », ou plutôt de ce que j’appelais gaiement le « chantage des Etats-Unis sur le reste du monde ». En clair, le pays acceptait d’aider ses alliés quand ils en avaient besoin, mais seulement en échange de quelque chose, d’où ma présence ici : l’Afrique du Sud avait accepté de réfléchir sur la fin de l’apartheid de manière réelle, et de regarder comment faire sortir Nelson Mandela de sa prison.

Encore une fois, ça ne trahissait pas une vision pacifique du monde, mais le simple fait que l’Afrique du Sud était un pays infréquentable actuellement et que les Etats-Unis avaient envie de commercer plus activement avec lui pour profiter de ses incroyables ressources. C’était donc juste pour le fric que je me retrouvais à déraper sur des flaques de boue en tenant d’une main la gamine contre ses genoux et d’une autre le volant, alors que ma jeep ressemblait plus à du gruyère qu’autre chose. Un jour normal dans la vie de Daemon O’Connell, quoi.

Même si ça ne faisait que la cinquième fois depuis le début de la course poursuite, je fonçais sur un petit tas de sable qui faillit nous faire voler au-dessus de la jeep, mais je réussis à me retenir et à garder la gosse avec moi. Je ne voyais plus grand-chose avec la luminosité qui baissait de plus en plus, mais ça m’aidait aussi : les autres étaient dans la même situation que moi, ils allaient aussi avoir des difficultés à me retrouver…sauf qu’ils connaissaient mieux le terrain que moi.
Je n’avais pas été bien entraîné pour cette mission, mais il fallait dire que mes patrons n’avaient pas eu le choix : les rebelles avaient été prêts à torturer et à mutiler la gamine pour prouver au monde qu’ils existaient et qu’ils voulaient du fric de la part de l’Afrique du Sud, et j’avais été envoyé après un rapide check up et une revue de mon arsenal.

Evidemment, j’avais tout perdu depuis : joie de l’Afrique et du troc pour survivre. Seuls me restaient mon bon vieux Desert Eagle à moitié déchargé, un couteau qui ne me quittait jamais, deux grenades et le nouveau flingue qu’on venait de voir. Face à trente types décidés à me faire voler en morceaux, ça n’allait pas peser lourd.

Un petit regard vers ma passagère me permit de voir qu’elle souffrait beaucoup plus qu’un enfant de son âge ne devrait le supporter : je serrais les dents en maudissant ces dingues de ce que je devais faire pour la tirer de là. Déjà que j’avais dû me planquer dans la merde de chameau pour éviter d’être vu dans leur camp pendant la journée et sortir la nuit, j’avais dû en plus massacrer une demi douzaine de gardes pour accomplir ma mission. Vu comment ils la regardaient et le fait qu’elle ait été nue quand je l’avais trouvé, j’avais peur qu’elle ait subie plus de choses qu’elle n’aurait dû…ça ne faisait qu’éclipser encore plus le peu de remords que j’aurais pu avoir. Des types capables de ça ne méritaient pas de vivre.

Néanmoins, ça ne voulait pas dire que j’avais plus le droit à continuer de mener ma barque qu’eux : je n’étais pas non plus un saint, et je ne le revendiquais pas ; seulement, ça avait été moi du bon côté du flingue.

Maintenant, la donne avait peut-être changée mais j’étais déterminé à tout faire pour que la gamine s’en sorte. Je m’en fichais des papiers, mais à voir le visage de la petite maculé de sang et de larmes, à me rappeler son sourire quand elle s’était rendue compte que le grand type blanc au crâne rasé et aux lunettes de soleil venait la sortir de cet enfer, je savais que je ne pouvais pas mourir avant d’avoir fini cette mission. Elle devait être sauvée, quoi que ça me coûte.

En fait, les enfants étaient ma faiblesse : dès que j’en voyais en danger, je ne pouvais pas m’empêcher de les aider et de tout faire pour qu’ils soient hors de la zone de tir. Ça venait sûrement de la disparition de ma propre famille et de ma stérilité, mais les gamins étaient ce qu’il y avait de plus sacré pour moi. C’était pour ça que j’avais immédiatement accepté la mission : qu’une fillette soit perdue dans cet enfer m’était juste insupportable.
Evidemment, personne ne savait ça : toute faiblesse dans mon métier était immédiatement exploité pour me faire tomber, que ça soit par le camp adverse ou le mien. Un agent trop bon et trop efficace n’était bon ni pour ses ennemis, ni pour ses patrons qui avaient quelqu’un qui commençait à en savoir de trop sur eux et pouvait donc devenir bavard avec les mauvaises personnes. C’était mon cas, mais aucun contrat n’avait encore été lancé…pour le moment. Ca n’allait sûrement pas tarder, mais ils auraient des surprises quand ils s’en prendraient à moi.

Encore une fois, j’entendais les hurlements des moteurs derrière moi, et ils s’approchaient de plus en plus ; ça ne pouvait pas continuer comme ça. Même si je poussais la jeep à fond, avec tous les impacts de balle et ce que je lui faisais faire, elle ne tiendrait plus longtemps. Ma seule chance était de les perdre ou de les faire tomber un à un, mais seul et en protégeant une gamine, ça semblait impossible, surtout en terrain quasiment inconnu. Je pouvais peut-être tenter quelques bonnes vieilles techniques, mais ça avait l’air trop dingue pour que ça fonctionne…même pour moi. Pourtant, je pouvais pas rester comme ça.

Un coup d’œil dans le rétroviseur me permit de comprendre que deux véhicules étaient tellement prêts que les soldats pouvaient facilement m’abattre. Seulement, ils hésitaient : ils savaient qu’en faisant ça, ma jeep ferait un vol plané, que la gamine y passerait et que les documents seraient détruits. Ils avaient tant besoin de leurs petits trésors qu’ils étaient prêts à surseoir à mon exécution pour ça : c’en aurait été presque touchant si on ne parlait pas de vie humaine.
Je lâchais la gamine pour reprendre mon flingue, bien décidé à en avoir quelques uns avant la fin. Je pourrais peut-être y arriver en regardant dans le rétroviseur, et je pointais rapidement l’arme derrière moi en regardant plus le petit rectangle devant moi que la route, espérant qu’il n’y aurait pas de mauvaise surprise. Je visais un de ces salopards et j’appuyais sur la détente en espérant voir sa tête exploser, mais tout ce que j’eus en retour fut des éclats de rire et quelques balles qui fusèrent au-dessus de mon crâne ! Ces types se fichaient de moi, et je savais pourquoi.

Comme un imbécile, j’avais oublié que le rétroviseur était avant tout un miroir, et donc que l’image que j’y voyais devait être inversée pour avoir la réalité. J’avais bien visé le soldat, mais la balle était partie du mauvais côté, et ils s’en étaient rendus compte. En plus d’avoir peut-être abusé d’une gosse et de l’avoir enlevée, ces types riaient de moi. Ils faisaient vraiment tout pour que je m’énerve, et je n’avais aucune envie de me calmer.

« Vous voulez jouer, les chéris ? On va jouer, vous inquiétez pas…mais avec mes règles, maintenant. »
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Lun 23 Juin 2008 - 22:41
Je lâchais mon flingue pour prendre une des deux dernières grenades. Ils ne voyaient évidemment pas ce que je faisais et la petite continuait à pleurer alors que j’essayais de maintenir une conduite digne sur ces routes cahoteuses avec une seule main : heureusement que j’avais de l’expérience. J’arrachais violemment le bout de la grenade avant de jeter un regard dans le rétroviseur : cette fois-ci, je faisais bien attention à me concentrer et à la jeter dans le sens inverse de ce que je voyais, et un grand sourire apparut sur mon visage quand je les vis s’exciter en remarquant le petit objet ovale arriver dans leur jeep. Le bruit de la détonation fut comme une douce chanson à mes oreilles et l’image des corps déchiquetés par l’explosion comme une des plus belles photos que j’aies jamais vues. J’adorais ça.

Néanmoins, même si ça me donnait une petite victoire à savourer, il restait toujours cinq voitures et je n’avais plus qu’un flingue avec trois balles, un autre au contenu inconnu et une grenade : ça n’allait pas être jouable. Je n’avais vraiment aucune idée de comment me sortir de là.

« Maman…je veux ma maman… »

Ça me fendait le cœur d’entendre de telles paroles, et je savais par expérience qu’elle devait souffrir le martyre. Ce fut à ce moment-là que je me rendis compte de la présence de la bouteille d’alcool : même si ça risquait d’être un handicap si on devait courir par la suite, ça n’empêchait que ça pouvait être un très bon anesthésiant pour la douleur. Peut-être que si elle en buvait un peu, ça l’empêcherait d’avoir trop mal et que ça lui ferait du bien. Je jetais un dernier regard sur la route, avançais ma main vers la boîte à gants et…et je fus coupé dans mon geste par un coup de feu qui atteignit directement ma jeep. La roue arrière gauche, pour être précis.

En tenant seulement le volant d’une main, en regardant la boîte à gants au lieu de la route et en me concentrant surtout sur la gamine, il était évident que ça ne pouvait pas bien se passer. En temps normal, j’aurais sûrement pu remettre la jeep sur la route et continuer un peu, mais avec tout ça…c’était impossible. Je perdais deux secondes à me rendre compte de ce qu’il se passait et à remettre les deux mains sur le volant, mais c’était déjà deux secondes de trop : la jeep roulait sur le côté gauche et je ne pouvais rien faire pour empêcher ça.

Vainement, je tentais de protéger la gamine en la serrant contre moi, mais déjà le mouvement du véhicule la faisait sauter dans les airs, elle petite créature fragile au nez cassé. Mes doigts n’attrapèrent que le vide alors qu’elle criait et que le temps passait si lentement que chaque seconde semblait durer une éternité. Je sentis la gravité se rappeler à mon bon souvenir quand mon corps se précipitait avec la voiture vers le sol, et la jeep s’écrasa de mon côté. J’entendis l’horrible cri de la fillette quand elle retomba en plein sur l’arrière du véhicule, pour mieux être emmenée dans son roulement mortel, sûrement enchaînée à la roue arrière ou une saloperie du genre. Je revis la lumière du jour, mais seulement pour me tourner difficilement et voir que j’allais de nouveau être écrasé contre le sol.
La jeep continua ce terrible jeu où je ne pouvais bouger, piégé à ma place et par le choc, et où la petite subissait le même sort que moi à l’arrière pendant encore deux roulées, avant de s’arrêter, à l’envers et le moteur fumant.

Les véhicules des poursuivants s’arrêtèrent autour de nous, les crissements de pneus m’annonçant leur arrivée. Difficilement, je tournais ma tête vers l’arrière et je sentais une légère gêne dans le bas du dos. Je me forçais malgré tout, espérant revoir le sourire de la petite qui n’aurait peut-être pas été si touchée que ça…peut-être même qu’on pourrait courir si ça allait pour nous deux. On avait sûrement une chance de s’en sortir si c’était le cas !
Mais ce n’était pas le cas, évidemment.

Quand mon regard se posa sur elle, je ne vis pas une petite fille rieuse, une gamine qui ne demandait qu’à être heureuse et qui avait déjà trop vécue pour son âge…je ne vis même pas ma défaite ou ma faiblesse, même si c’était ce que je retirerai sûrement de tout ça si je m’en sortais. Je vis la Mort, l’horreur sans nom qui prend aux tripes et fait douter de la raison d’être de l’Humanité, capable de telles horreurs pour si peu de choses. Je ne le supportais pas.

Les soldats étaient autour de nous et avaient levés leurs armes, même si ils pensaient que c’était inutile : ils avaient pris la décision de sacrifier la petite pour récupérer les documents et se venger, et ne pouvaient penser que je m’en sortirais. C’était ce qu’ils voulaient, d’ailleurs, que j’y passe pour qu’ils aient leur vengeance. Ils se trompaient.

Lentement, j’enlevais les bouts de métal au-dessus de mon crâne et qui s’étaient entremêlés dans mes habits et je remettais bien en place mes lunettes de soleil, miraculeusement intactes. Ils reculèrent instinctivement en voyant que je n’avais aucune égratignure, aucune blessure : mes habits étaient dévastés, mais je n’avais rien du tout. Ce n’était pas étonnant : j’étais un mutant, un Homo Superior comme on disait parfois. Mon pouvoir consistait en une peau à l’épreuve des balles, des armes blanches, des explosions et de tout ce qui pouvait faire du mal aux autres. Malgré cela, il y avait quelques inconvénients : je ne ressentais rien quand je touchais quelqu’un, je n’avais plus de toucher depuis mon adolescence. En clair, on ne pouvait absolument pas m’atteindre, malheureusement par toutes les formes qui soient.

Mais ce n’était pas l’objet de mon intérêt à ce moment-là…ce n’était pas l’objet de ma colère. Ces types avaient enlevé une gosse, ils avaient sûrement abusé d’elle et ils venaient de la tuer pour récupérer quelques documents qui feraient couler encore plus de sang. Ils avaient tiré sur ma jeep et ils venaient de m’énerver. Il allait y avoir de l’écho.

Calmement, j’enlevais la poussière sur moi et prenais mon couteau, fusillant du regard chacun d’entre eux. Jadis, les gens de mon village en Irlande avaient cru que j’étais le fils du diable à cause des mœurs de ma mère et de mes yeux étranges, et ils m’avaient appelés Daemon dans cette optique après avoir poussés au suicide la première personne à m’avoir aimé. Aujourd’hui, ces soldats allaient comprendre combien je pouvais faire honneur à cette petite « attention », et combien j’allais aimer ça.
Il était temps qu’ils paient leurs dettes. Il était temps que Justice soit faite.
Ken O'Connell
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Mar 23 Déc 2008 - 17:35
Definitely Not Dead Yet.

"Ca...ça va ?
- Des néonazis nous poursuivent avec plus d'armes que nous n'avons de munitions, la jeep va bientôt tomber en panne et t'es blessé. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Je...j'en pense que c'est mal parti...non ?
- Non."

Daemon O'Connell fit apparaître ses dents blanches sous sa bouche recouverte de maquillage furtif. Dans cette aube qui prenait la place d'une nuit troublée et sanglante, il semblait comme un vestige des ténèbres qui s'en allaient, poussé dehors par le jour levant, ses rayons vengeurs et vainqueurs...et leurs poursuivants, aussi. Surtout eux, en fait.

"Mais...mais...
- J'ai déjà été dans ce genre de situation. Je m'en suis sorti.
- Ah...c'est rassurant...
- Pas pour toi.
- Pour...pourquoi ?
- Je m'en suis toujours sorti. Ca n'est pas toujours le cas de ceux dont je devais m'occuper."

Dean Foster déglutit difficilement. Quelques heures plus tôt, il était encore l'otage d'une milice d'extrême-droite en Israël, dans le Sud du pays. Il était un citoyen du pays le plus détesté de ses voisins et il avait été enlevé par d'autres citoyens d'Israël, mais antisémites. L'ironie de la situation ne lui échappait pas.

"Mon dieu...mon dieu...
- Allez, t'en fais pas. Ca va..."

Daemon s'était tourné vers Dean pour tenter de le réconforter, mais il n'avait alors plus fait attention à la route. Comme toujours, il n'était pas blessé et la mission s'était plus ou moins bien passée, mais il fallait encore que quelque chose ne fonctionne pas bien. Là, ce fut de sa faute : en n'étant pas assez concentré, il ne vit pas la pierre devant lui et la jeep faillit rouler sur elle-même.
Heureusement, dès le choc, l'agent parvint à donner des coups de volant suffisants pour garder la ligne et par miracle, la jeep arrêta de tanguer. Néanmoins, Dean s'était rendu compte de tout ça et était encore plus terrifié qu'avant. L'extraction n'allait pas être facile, mais il le savait avant.

Ses chefs l'avaient chargé de récupérer ce type, enlevé par des néonazis qui désiraient exister aux yeux de leur nation pour des raisons totalement stupides. Il savait déjà que quelques gamins étaient assez crétins pour se dire fanatiques d'Hitler en Israël, mais il n'avait pas imaginé qu'ils bénéficient d'une structure aussi évoluée. Ils étaient en train de créer leur propre petite milice, et O'Connell n'aimait pas ça.

Fondamentalement, il n'avait pas une haine personnelle des racistes et des extrêmistes : ses parents n'étaient pas morts dans des camps, par exemple ; simplement, comme tout être un tant soit peu évolué, il ne supportait juste pas qu'on porte aux nues des tarés comme ça et qu'on se repose sur des idées aussi limitées. Il ne comprenait pas comment des enfants de déportés pouvaient partir dans ce genre de chemins, mais il sentait bien que le pays devrait bientôt trouver une solution à ce problème. Ca n'était néanmoins pas pour ça que c'était son problème.

En fait, on l'avait envoyé ici parce que Foster était un cousin d'un haut-gradé américain qui ne supportait pas que le gamin de vingt-deux ans puisse être blessé ou maltraité. On avait décidé de l'envoyer à cause de son habileté à se sortir toujours de chaque problème, mais il avait du mal à gérer ce genre de missions depuis le Darfour...depuis que la petite y était passée.
Daemon avait continué ses activités pendant plus de dix ans, oui. Mais il était toujours mal à l'aise quand il devait évacuer quelqu'un en jeep dans une telle situation. Ca lui rappelait trop de souvenirs. De mauvais souvenirs.

"Oh non !"

Perdu dans ses pensées, O'Connell ne vit pas Dean se retourner pour voir où en étaient ses ravisseurs, qui l'avaient enlevé alors qu'il faisait une sortie avec des habits le soir. Ses potes et lui étaient tombés sur une "opération" de ces tarés et il avait été le seul survivant, comme monnaie d'échange. Tout ça était très sanglant, vicieux et dérangeant : leurs ennemis avaient bien retenu la leçon de leurs idoles. Mais ils n'étaient pas les seuls à pouvoir jouer à ces petits jeux.

Malheureusement, l'agent se rendit alors compte qu'ils avaient de meilleurs jouets que lui.
Il ne savait pas comment ils avaient pu se dégôtter leur bazooka et surtout comment il avait fait pour ne pas écouter son instinct. Il arrêta de regarder ces types après le premier coup d'oeil : il n'avait pas besoin de plus pour savoir ce qu'il allait se passer. Et ce qu'il devait faire...ce qu'il devait absolument faire.

Sans réfléchir, il accrocha la chemise ensanglantée de Dean et sauta de la jeep tandis que le projectile se dirigeait rapidement vers le véhicule, priant pour qu'il ne revive pas ça. Les deux hommes étaient encore en l'air quand l'explosion retentit dans l'air, et ils furent projetés vers le sol par un souffle d'une violence rare. Il entendit le gamin crier de douleur, mais c'était une bonne nouvelle : ça voulait dire qu'il était vivant.

Lui-même aurait dû avoir des côtes cassées ou des bouts de métal dans le corps, mais cette bonne vieille peau ne l'entendait pas comme ça. Toujours muni de ses lunettes de soleil pour qu'on ne remarque pas ses yeux orangés, il se releva et craqua ses phalanges. Les néonazis arrivaient par deux camionnettes et il était clair qu'ils allaient les massacrer.
Ils se fichaient bien d'avoir un otage israëlien s'ils pouvaient se targuer de l'avoir abattu en compagnie d'un agent américain. D'une part, ça mettrait le pays en mauvaise posture vis-à-vis de ses habitants car il avait eu besoin d'une aide internationale - s'il l'avait demandée - et surtout ça leur permettrait de faire régner un climat de peur dont ils profiteraient. Pour eux, c'était Noël mais Daemon n'allait pas tendre l'autre joue, lui.

"Ne bouge pas.
- Pas...ah ! ma jambe...pas la peine d'le dire..."

O'Connell avait encore des étoiles dans les yeux à cause de l'explosion, et le rendez-vous ne viendrait pas de suite les chercher. Il était établi que si l'hélicoptère ne les voyait pas à la bonne heure au bon endroit, il repartirait. Il fallait appuyer sur une balise dans sa poche pour leur demander de venir, et il venait de le faire. Seulement, ils ne seraient pas là avant plusieurs minutes, et vu l'air de la douzaine de types qui descendaient des camionnettes, ils ne disposeraient pas de ce temps-là.

Normalement, Daemon aurait eu du mal à s'occuper de ces types : il le pouvait parfaitement, mais il devait aussi protéger Dean et lui éviter une balle perdue. Ces tarés voulaient du sang, voulaient "buter du juif" alors qu'ils étaient eux-mêmes israëliens. Leur logique était absente, leur intelligence inexistente et leur air avec leurs crânes rasés et autres croix gammées tatouées sur leurs tempes ou leurs pectoraux...seigneur, pensa-t-il. Ca lui rappelait une vieille BD lue dernièrement, avec un taré en costume de Dracula tapant plein de types et emmenant une gamine rousse avec lui, déguisée en oiseau rouge et or. C'était psychédélique et ultra-violent ; ça résumait un peu ce qui allait se passer ici, finalement.

"Je suppose qu'aucune négociation n'est possible ?
- Connard de ricain, je pisserais sur ta femme et violerais ta mère.
- Wow...une telle phrase ? Avec autant de mots ? Dite par toi ? Sans aucune note ? Tu m'impressionnes !
- Ferme ta grande gueule !"

Les douze salopards levèrent leurs armes : c'était de la belle artillerie. Daemon reconnaissait quelques jouets qui ne pouvaient que venir de l'armée américaine et il pesta intérieurement contre l'hypocrisie de son Gouvernement vis-à-vis de la vente d'armes. Néanmoins, il ne devait pas penser et il le savait : il devait laisser son corps parler pour qu'ils aient une chance de s'en tirer. Seulement, c'était bien moins facile que d'habitude.

Toute cette poursuite, l'explosion, ça lui rappelait le Darfour et comment la gamine était morte, comment il avait failli à la protéger. Ca le hantait toujours et il ne supportait pas de revenir dans le pays à cause de ça. Même si ça mécontentait ses chefs, il refusait chaque mission là-bas et dormait encore plus mal depuis lors.
La disparition de la petite, c'était la pire chose de son existence. L'innocence avait été fauchée ce jour-là parce qu'il n'avait pas su faire ce qu'il fallait à temps. Même si Dean n'avait rien à voir avec l'enfant, même s'il avait des côtés sombres (il était un petit dealer, par exemple : il l'avait appris en lisant son dossier), il devait le sauver. Autant pour lui-même que pour Daemon.

"J'vais ravager toute ta famille ! Castrer ton fils !
- J'ai pas de fils. Un cousin vient d'avoir un p'tit gosse, Kenny, mais moi j'y suis pas encore passé. Vous êtes vraiment orduriers, hein ?
- Crève !"

Un des types qui avait parlé s'apprêtait à tirer mais Daemon s'était déjà élancé vers eux. Décontenancé, ses potes n'osaient pas tirer mais lui vidait son chargeur sur l'agent qui fonçait vers lui. Sans aucun effet : les balles ricochaient sur la combinaison d'O'Connell, qui souriait avec ses lunettes de soleil. Il aimait ça.

Arrivé devant lui, il leva son bras droit vers le crâne ennemi, les doigts repliés à la première phalange dans un geste appris lors du stage au Mossad. Son poigt rencontra le nez de son adversaire, l'os remontant vers le cerveau : mort immédiate. Par une technique apprise par ses propres "frères", en plus ; un vrai cercle vicieux, finalement.

Ses copains se reprirent vite et allumèrent Daemon, mais il s'en fichait toujours autant. Il avait perdu son flingue dans l'explosion, mais il n'en avait pas besoin. Ses saletés méritaient une correction, il allait la leur donner.

Maintenant, ils n'étaient plus que onze, tirant sur lui autant que possible. Sa peau était impénétrable et empêchait tout contact : O'Connell ne savait plus ce que c'était que le contact humain depuis son adolescence, mais ça lui était bien utile dans sa profession. Et, malheureusement pour ses ennemis, sa peau n'arrêtait pas les balles : elles rebondissaient sur lui ; dans un tel rassemblement de personnes, ça pouvait faire des dégâts. Déjà deux à terre grâce à ça.

La main ouverte et droite, l'agent frappa violemment le ventre d'un des chauves, qui ne put s'empêcher de se courber de douleur. Un simple coup avec le tranchant de la main sur la nuque suffit à régler son cas, alors que son voisin, qui essayait de tuer Daemon en visant ses yeux, sentait sa main être écrasée par la poigne de fer de son adversaire. Criant de douleur, il ferma les yeux par réflexe et ne vit pas le poing déjà assassin d'O'Connell le frapper en pleine gorge, écrasant tout ce qui était possible d'y trouver.
Plus que sept, et il n'avait commencé que depuis vingt secondes. Il avait fait mieux mais ça n'était pas mal.

Bien sûr, les autres se mirent alors à hésiter ou à redoubler d'efforts pour venger leurs camarades. Ils criaient, l'insultaient mais O'Connell n'en tenait pas compte. Comme au Darfour, il était perdu dans une rage destructrice qui ne visait qu'à lui donner ce qu'il attendait : du sang. Il ne supportait toujours pas d'avoir perdu la gamine, et il avait besoin de taper sur quelque chose. Quelque chose d'humain.

Il se jeta sur le sol et roula jusqu'à atteindre deux autres néonazis, qui avaient vidé leurs chargeurs pendant sa roulade. Le premier sortait son couteau alors que le second reculait, mais tous deux furent frappés sous la ceinture avec une force terrible. De suite, du sang se mit à couler de leur bouche et ils hurlèrent de douleur, mais Daemon n'allait pas s'arrêter là.
Pour le premier, il le frappa au visage jusqu'à ce qu'un craquement ne retentisse, tandis qu'il faisait tomber le second. Celui encore debout se tordait de douleur et ne voyait plus rien, son nez brisé ayant éclaboussé sa face de sang, et il put à peine sentir la poigne de l'agent qui le tournait pour en faire un bouclier. Abattu par ses collègues qui voulaient le protéger, sa m$ort avait été rapide, ce qui n'allait pas être le cas de son copain.

Cinq hommes restaient et s'acharner à tirer sur Daemon, mais celui-ci s'assit sur le torse de l'homme à terre et commença à le frapper au visage. Coup après coup, le néonazi sentait sa face être réduite à néant : malgré les tirs de ses camarades, malgré leurs tentatives pour l'arrêter, l'agent continuait, encore et encore. La chair s'enlevait, le sang se posait sur ses phalanges mais il s'en fichait.
C'était mal ? Oui et il le savait. Mais ces types ne méritaient rien d'autre et lui avait besoin de taper et même de détruire quelque chose.

Finalement, après de longues secondes d'inhumanité, Daemon s'arrêta, laissant là une sorte de chose vaguement humanoïde mais bien loin d'une quelconque humanité. Ses camarades hurlaient de rage et promettaient l'enfer et ses horreurs à leur agresseur, mais lui ne pouvait s'empêcher de sourire face à ça.

D'un geste, il tua celui qui était à sa gauche en lui faisant le coup du lapin alors qu'un de ses copains essayait une attaque frontale au couteau. Stupide. Daemon arrêta l'arme avec sa main, la récupéra et la planta en six secondes à peine dans son coeur. Ils n'étaient plus que trois alors, tous derrière lui. C'était trop facile.

En prenant une grande inspiration, O'Connell fit un grand bond en arrière. Il entra en contact avec l'un des néonazis, qui s'écroula juste sous lui. Les deux autres hésitèrent à tirer, et il prit dans sa poigne la main de son adversaire au sol qui tenait sa mitraillette. Il le força à appuyer sur la gachette et à ravager les crânes de ses deux camarades.
Ils tombèrent quelques secondes après, et l'agent se releva, calmement. Il jeta un regard froid et insensible vers le terroriste sous ses lunettes de soleil et donna un grand coup de bien dans son crâne, lui brisant la nuque immédiatement.

Et c'était fini.

En cinq minutes au maximum, il avait réduit le petit groupe à néant. Dean s'était évanoui de suite après l'explosion et l'hélicoptère vint les récupérer quelques instants plus tard. Personne ne posa de questions à Daemon sur les corps retrouvés près de la jeep en flammes ou sur le sang sur sa combinaison et ses mains - personne ne voulait entendre les réponses. Daemon avait fait ce qu'il pensait être bon parce qu'il en avait eu besoin ; ça n'était peut-être pas bien, ça n'était peut-être pas moral mais ça le ferait peut-être mieux dormir. Et ça, ça n'avait pas de prix.
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