La fin d'une époque...

Amy veillait toujours à respecter ses promesses. Pour elle, c'était la meilleure voie à montrer à Micha. La meilleure façon d'avancer dans la vie. Respecter sa parole, se montrer digne de confiance. C'était là une chose extrêmement importante pour elle. Elle regarda l'enfant s'amuser à nourrir les canards avec un sourire bienveillant, presque maternel. Pourtant, elle se figea rapidement lorsque la vieille femme à ses côtés parla de son pouvoir. Heureusement, celle-ci ne semblait pas savoir en quoi consistait ce pouvoir. C'était déjà une bonne chose qui lui permettait de rester en sécurité, et, surtout, d'assurer celle de son frère et de sa famille. De son père, surtout. Elle se demandait, d'ailleurs, si sa réunion se déroulait bien, mais, à dire vrai, là n'était pas l'essentiel. Elle se reconcentra rapidement sur les paroles de la personne qui se trouvait à ses côtés. Elle regrettait, presque, d'avoir avoué que son père était diplomate. Ne risquait-elle pas de lui causer des soucis, ainsi? Amarenna fronça les sourcils et se tourna vers Miss Coupland.

"Rassurez-moi... Vous n'allez pas chercher à profiter de la situation de mon père, tout de même... Car si c'est le cas, je vous le dis tout de suite, ce n'est pas la peine..."

Protéger ceux qui comptaient pour elle, c'était quelque chose de très important pour cette douce jeune femme, comme en témoignait l'attitude de celle-ci. Elle jeta un rapide regard à son frère pour s'assurer qu'il ne s'était pas trop éloigné. Micha avait beau avoir 10 ans, elle savait que tout n'avait pas été simple pour lui autrefois. Quand elle était partie, lorsque peu de temps avant son départ, sa nourrice l'avait frappé parce qu'il refusait alors de parler et d'obéir, non, vraiment, ça n'avait pas été facile. Pourquoi cette femme avait agi ainsi, elle n'en avait toujours pas la moindre idée, même six ans après. Néanmoins, lorsque la dame âgée reprit son discours, Amarenna continua de l'écouter, restant malgré tout sur ses gardes. Elle secoua la tête, tristement. Pourquoi les gens s'en prenaient-ils donc aux mutants et à leurs proches? C'était pour cette raison qu'à par Micha et son père, tout le monde ignorait qu'elle était mutante. Elle se cachait, même de sa mère et de son jumeau. Personne ne devait savoir. Et pourtant, il avait suffi d'un voleur pour qu'une dame un peu plus attentive que les autres remarque ce qu'elle cachait depuis six ans. D'un certain côté, c'était un soulagement. De l'autre, c'était une source d'inquiétude.

*Allez... Le cinéma te détendra...* songea-t-elle pour se redonner du courage.

La vieille dame lui parla ensuite de la libération de sa fille et du candidat par des élève de l'Institut Charles-Xavier. Amarenna avait déjà entendu ce nom. Dans une émission télé. C'était d'ailleurs ce jour-là qu'elle avait su ce qu'elle était. Une mutante. Mais elle secoua la tête.

"Non, je ne suis pas de cette école. Mais j'en ai entendu parlé, il y a quelques mois. Pourquoi?" demanda-t-elle.

Elle devait s'attendre à tout, sans doute. La dame avait sans doute besoin de l'aide de ces fameux élèves... Sa fille avait-elle disparu à nouveau? Ou le candidat aux élections? C'était là un mystère. Mais elle ne tarderait sans doute pas à avoir la réponse...

Amarenna se mordilla la lèvre à la réponse de la personne âgée. Elle l'avait, sans doute, quelque peu choquée du fait de sa suspicion. Mais la jeune femme n'avait pas pensé à mal. Elle s'empressa d'ailleurs de s'excuser.

"Je suis désolée, Madame, si je vous ai paru un peu brusque, mais c'est que je cache ce que je suis depuis six ans. Dans mon entourage, seuls mon père et mon frère savent que je suis une... mutante" fit-elle avec une légère hésitation. "Je cherche avant tout à les protéger, autant qu'à me protéger moi. Et si mon père venait à avoir des ennuis par ma faute, je ne me le pardonnerai pas."

La réponse suivante de la dame la déçut par sa simplicité, et par son je-m'en-foutisme. Amy ne s'était pas attendue à autant de désinvolture, à autant de détachement. Si la dame avait parlé de cet Institut, il y avait bien une raison, tout de même... Avait-elle besoin d'eux? Sa fille avait-elle à nouveau disparu? Etait-ce uniquement pour son propre bien à elle, Amarenna, que cette vieille dame avait parlé de cet endroit? Pour l'aider à contrôler ses ombres? Amy en doutait. Pourtant.. Pourtant, cet endroit commençait à l'intriguer. Elle s'était toujours dit que non, elle ne s'éloignerait plus de son frère ni de son père. Pourtant, il se pouvait qu'elle n'eut pas tant le choix que cela, finalement... Elle fut tirée de ses pensées par Miss Coupland qui prenait congé d'un seul coup, sous motif de la séance de cinéma auquel Amy et Micha devaient se rendre. Pour un peu, cela serait sorti de l'esprit de la jeune femme. Mais c'était sans compter sur Micha qui, après avoir balancé un énorme morceau de pain revenait vers elle pour la tirer vers le cinéma.

"Attends une minute. J'arrive..."

La jeune femme se retourna vers la fameuse Miss Coupland, qui avait commencé à s'éloigner et sortit de son sac un papier et un stylo-plume pour écrire son numéro de téléphone.

"Si vous avez besoin de quelque chose, appelez-moi. N'hésitez pas"

Sur ces mots, la jeune femme se laissa entraîner par son frère, l'esprit occupé par les paroles de la retraitée.

"Bien entendu, je n'y manquerai pas..." avait répondu la jeune femme à la vieille dame avec un sourire chaleureux.

Elle avait eu tort de se formaliser pour si peu. Elle savait qu'elle avait beaucoup de chance d'avoir un père aussi compréhensif et bien placé. Elle suivit donc son frère jusqu'au cinéma et tendit les billets à l'ouvreuse. La séance débuta bientôt pour le plus grand plaisir de Micha. Le film était agréable, mais sans plus. Pourtant, il permit à Amarenna de se détendre, tout en continuant de réfléchir aux paroles de la vieille femme. Pourquoi lui avait-elle confié tout cela? Avait-elle besoin de l'aide de cet Institut? Pourquoi lui avait-elle parlé du candidat McCuffrey comme cela? Elle ne semblait, pourtant, pas du genre à se confier au premier venu, vu comme elle avait voulu faire du secret autour de ses révélations. 

*Bah.. Je creuserai ça en rentrant, voir ce que je trouve sur le net...* songea la jeune femme.

Oui, c'est ce qu'elle ferait. Une fois sa décision prise, elle put se concentrer sur le film qui, finalement, n'était pas si désagréable que cela. Enfin, celui-ci se termina et ils purent sortir de la salle pour aller, enfin, faire ces fameuses courses. Enfin... Si le temps le leur en était laissé. En effet, le portable de la jeune femme se mit à sonner. Avant même de décrocher, elle sut qu'il s'agissait de son père. Vivent les sonneries personnalisées... La jeune femme s'empressa de prendre l'objet dans sa main et décrocha.

"Oui Papa? Ta réunion est terminée?" demanda-t-elle.

Son coeur battait la chamade, sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Qu'avait-il été décidé au cours de cette réunion? Elle n'avait pourtant pas demandé à son père de l'appeler tout de suite après. Etait-ce donc si grave que cela? Elle attendit, anxieuse la réponse, et s'arrêta sur le trottoir, gardant la main de Micha dans la sienne.

"Une minute Micha... Papa n'a pas encore prononcé un mot..." fit la jeune femme en se retenant de pouffer de rire.

Son frère était, décidément, bien impatient. En même temps, même elle était impatiente de connaître le motif de cette réunion. Et elle ne tarda pas à avoir la réponse. Son père restait à Washington. On lui avait offert un poste. Bonne, mauvaise chose? Elle ne savait pas trop quoi en penser. En tout cas, lui semblait enthousiaste.

"C'est génial, papa... De quoi s'agit-il, comme poste?" demanda-t-elle.

Etait-ce en rapport avec ce que lui avait dit cette Miss Coupland? Non... Sûrement pas. Du moins, cela l'aurait bien étonnée. Elle devenait parano, totalement...Elle ne voyait pas quel pourrait être le rapport entre ça et le reste. Enfin. Elle attendait la réponse de son père avec impatience. La jeune femme enchaina rapidement:

"Tu es dispo, maintenant? Micha et moi, on vient de sortir du cinéma. On s'apprêtait à aller faire quelques courses. Si tu veux, on passe te prendre en voiture, et on va manger tous les trois?"

Et les courses dans tout ça? Bah... Elles seraient repoussées à une date ultérieure, ça n'était pas si grave, après tout. Amy avait tout ce qu'il lui fallait ou presque et là, elle cherchait plus un prétexte pour rentrer faire quelques recherches qu'autre chose. Mais un repas avec les deux hommes de sa vie, son père et son petit frère pouvait sans aucun soucis faire partie de ses plans, si Julien était disponible. En attendant sa réponse, elle se tourna vers Micha.

"Ils ont offert un poste à Papa, ici à Washington. Il n'est plus du tout question d'un déménagement."

Oui, Amy était déçue, mais elle le dissimulait au mieux. Micha ne s'en rendrait sans doute pas compte. Amarenna avait espéré qu'ils repartiraient à l'étranger. Ce n'était pas le cas, tant pis, il fallait s'y faire. Après tout, son père n'y pouvait rien...

"Très bien..." répondit la jeune femme soucieuse.

Elle ne savait pourtant pas quelle était la raison de cette méfiance, mais elle espérait que son père leur en dirait plus au déjeuner. Une réunion extraordinaire, un femme qui devine ce qu'elle est et lui parle de sa fille et du candidat McCuffrey qui s'étaient fait enlever, des postes réouverts, où était-elle tombée? Amarenna n'en avait pas la moindre idée. Son père enchaina sur le déjeuner, acceptant son invitation.

"Nous serons là dans dix minutes." fit-elle à son père avant de raccrocher.

Micha était plus enthousiaste qu'elle, cela ne faisait aucun doute. Amarenna feignit d'être aussi joyeuse que lui en appuyant sur le bip qui ouvrait la voiture.

"Il n'a rien voulu dire au téléphone. Mais oui, c'est bien qu'on ne déménage pas."

Micha était heureux de pouvoirs garder ses amis. Amy ne pouvait pas en dire autant. La jeune femme fit le tour de la voiture pour s'installer derrière le volant et baissa le pare-soleil pour se regarder dans la petite glace. Son père devinerait sans nul doute qu'elle était tracassée. Elle lui expliquerait, sans aucun doute. Mais qu'en dirait-il? Avait-elle fait le bon choix, un peu plus tôt en donnant son numéro de portable à la vieille dame? Et pourquoi celle-ci lui avait parlé de cette école, lui demandant si elle les remercierait pour elle de ce qu'ils avaient fait pour sa fille? Secouant la tête pour chasser ses pensées, la demoiselle attacha sa ceinture et se tourna vers son frère.

"Allez, hop... Tu mets ta ceinture. Je ne démarre pas tant que tu n'es pas attaché."

Quant à où ils allaient manger...

"On verra avec Papa, mais il y a une brasserie sympa pas très loin de son lieu de travail."

Le trajet s'était déroulé sans incident. Du moins, pas plus que n'en comportait une circulation dans les rues de Washigton en plein hiver. Mais tout allait bien, et c'était bien là l'essentiel. Quinze minutes après l'appel à son père, Amarenna était installé avec lui et Micha dans la petite brasserie dont elle avait parlé à son frère. Si la jeune femme aimait beaucoup la nourriture asiatique, il valait mieux manger quelque chose de plus classique aujourd'hui. Il lui semblait que le poisson cru ne passerait pas. D'ailleurs, lorsque Julien demanda à Micha comment s'était passé le film, alors qu'Amy attendait patiemment la salade qu'elle avait commandée, Micha ne tarda pas à parler de ses exploits.

*Raté pour la discrétion...* songea la jeune franco-américaine.

Et, effectivement, cela ne manqua pas, son père lui demanda ce qu'il s'était passé. Il ne restait donc plus à Blackhole qu'à raconter l'histoire. Après avoir jeté un regard à son frère qui voulait dire: tu aurais mieux fait de te taire, Papa n'a pas besoin qu'on l'ennuie avec ça, elle se lança.

"Micha a aperçu un homme en travers d'une vitrine qui essayait de voler un téléviseur. J'ai voulu l'arrêter, lui ai couru après, mais il m'a échappé." fit-elle succintement.

Pourtant, puisqu'elle en était là, elle ne tarda pas à enchainer, sur quelque chose qui la turlupinait depuis cette histoire:

"Dis-moi Papa, tu as entendu parler de cette histoire d'enlèvement avec le candidat McCuffrey? Tu sais quoi, de lui?"

Au moins, elle en aurait le coeur net. Elle saurait si la vieille dame s'était joué d'elle ou pas. Elle attendit la réponse de son père, tout en continuant de ressasser les paroles de Miss Coupland dans sa tête, puis, lorsqu'il eut terminé, elle se pencha sur la table. Elle était curieuse et désirait réellement en savoir plus sur le nouveau boulot de son père.

"Tu vas faire quoi, au juste maintenant? Tu me dis que tu as un nouveau poste, que c'est un poste qui a déjà existé par le passé. Tu veux pas m'expliquer un peu? Promis, je dirai rien à personne..." demanda-t-elle simplement.

Amarenna écouta son père sans l'interrompre picorant dans sa salade. A dire vrai, elle n'avait plus si faim que cela, la jeune mutante. Son père était resté énigmatique sur son boulot, et ne l'aidait pas davantage à en comprendre plus que le candidat McCuffrey. Pourtant, quelque chose dans le discours de son père avait éveillé la curiosité de la jeune femme. Il s'était retiré sans protester après avoir été accusé d'être mutant? Sur ce dernier point, cela confirmait les paroles de la vieille dame. McCuffrey était donc bel et bien un mutant. La jeune femme regarda un instant autour d'eux, avant de répondre enfin à son père:

"Il a été enlevé, Papa. Il ne s'est pas sagement retiré. Il a été libéré il y a quelques jours."

Elle marqua un temps de silence, puis reprit la parole:

"Papa, tu trouves normal qu'un candidat soit exclus des élections parce qu'il est mutant? C'est un américain comme un autre, pourtant..."

Amarenna était curieuse de connaître l'opinion de son père. Il avait accepté ce qu'elle était, et elle tenait à savoir à quoi s'en tenir. Il lui avait toujours fait confiance. En quoi ce serait différent la concernant et concernant les autres personnes? Parce qu'elle était sa fille? Parce qu'il l'avait élevée? La jeune femme secoua la tête.

"En quoi va consister ton travail?" demanda-t-elle ensuite, revenant à un sujet plus passe-partout.

Micha restait étonnemment silencieux au cours de ce repas, comme si cela ne l'intéressait pas, ou comme s'il s'en fichait éperdûement. C'était peut-être le cas, d'une certaine façon, mais d'habitude, il cherchait toujours à ramener la conversation à lui. Amy lui adressa un sourire.

"Ca va? C'est bon?"

[en espérant que forumactif bugue pas à nouveau...]

Amy laissa son père répondre à Micha et continua de manger sa salade. Ce n'est que lorsque Julien s'adressa à nouveau à elle qu'elle s'arrêta, fourchette en l'air, surprise par les paroles de son père. Elle avait du mal à croire que la vieille femme ait menti. Mais le fait que les médias n'en aient pas parlé, si Miss Coupland avait dit vrai, cela voulait dire que l'affaire avait été étouffée, et c'était plus grave qu'il n'y paraissait. Amarenna reprit la parole en baissant le ton et reposa sa fourchette dans son assiette.

"C'est la mère d'une amie de McCuffrey qui me l'a dit. Elle travaillait avec lui, je crois, et savait qu'il était mutant. Ils ont tous les deux été enlevés, et apparemment, ce sont des jeunes d'un Institut pour mutants qui les ont libérés. L'institut Charles Xavier. Tu sais, ils en ont parlé aux infos il y a quelques mois..."

Voilà, c'était dit. Quant au reste, Julien ne voulait visiblement pas en parler, ce qui dérangeait sa fille. Mais elle ne répondit rien, se contentant de tourner la tête vers Micha lorsque celui-ci déclara se régaler. C'était au moins une bonne chose. Finalement, la jeune femme reprit d'une voix étonnemment blanche:

"Elle m'a demandé de les remercier pour sa fille si j'y allais."

Blackhole secoua la tête et reprit sa fourchette en main. son père lui avait quelque peu coupé son appétit d'oiseau en lui répondant, mais elle préféra se forcer histoire de n'en rien laisser paraître. Finalement, elle changea totalement de sujet.

"Tu as quoi de prévu cet après midi?"

Amarenna observait son père tandis qu'elle discutait avec lui. Il semblait avoir du mal à la croire concernant McCuffrey. en même temps, ça n'était pas difficile, elle aussi avait eu du mal au début. Même encore maintenant, elle était un peu sceptique, mais au fond, elle ne voyait pas quel intérêt aurait eu la vieille dame à mentir sur ce point. Alors elle y croyait, à cette histoire. Elle fut davantage surprise lorsque son père répondit concernant l'Institut en lui demandant directement si elle voulait y aller. La jeune femme se renfrogna légèrement à cette question. Voulait-il la voir partir? Elle jeta un bref regard à son frère avant de reporter son attention sur son père qui continuait sur l'Institut.

"Veux-tu que j'y aille, Papa?"

Elle marqua un temps de silence, plongeant dans ses réflexions. Si elle voulait y aller? Elle n'en avait pas la moindre idée. La jeune femme tourna la tête vers la vitre et regarda ce qu'il se passait dehors, observant un instant la rue avant de poser à nouveau son regard sur son père et Micha.

"Tu sais ce que j'en pense. Je n'ai pas envie de vous quitter, Micha et toi. Ces quatre années loin de vous ont été un enfer pour moi. Tu le sais. Mais si tu pense que c'est mieux, alors j'irai."

A nouveau, elle se tut, observant attentivement son père de ses prunelles brunes. Que se passait-il derrière les yeux de Julien? Elle n'en avait pas la moindre idée. Finalement, elle reprit la parole, sur le point qui la chiffonait sans aucun doute le plus.

"Mais toi Papa? Ca ne risque pas de te causer des problèmes, d'avoir une fille mutante, une fille qui soit dans cet Institut?"

Elle avait murmuré ses dernière paroles. A peine un filet de voix pour être sûre que personne ne les écoute. Mais elle avait besoin de connaître cette réponse. Elle savait qu'ils étaient là entrain de décider de son avenir. Du chemin qu'elle allait se tracer dans la vie.

Amarenna écoutait les paroles de son père, tout en essayant de finir sa salade. Mais rien à faire, ça ne voulait pas passer. Tout comme son père ne voulait pas qu'elle y aille, tout en insistant sur le fait que c'était une bonne initiative pour les gens comme elle. Venant de n'importe qui d'autre que de Julien Carpentier, elle aurait mal pris la chose. Là, si cela lui laissait un goût amer qui achevait de lui couper l'appétit, la jeune femme avait compris l'essentiel du message. Elle se plongea quelques instants dans ses réflexions, écoutant à peine les contestations de son frère, bien que celles-ci la fassent sourire un instant. Elle non plus, ne voulait pas partir. Mais n'était-ce pas mieux? Si elle avait eu un plus grand contrôle sur son pouvoir, elle aurait peut-être pu empêcher le voleur de se sauver? Peut-être n'aurait-il pas deviné que c'était elle? Là, si elle restait à Washington, il pourrait la retrouver, sans aucun doute. Et ne risquerait-elle pas alors de mettre ses proches en danger? La jeune femme releva la tête vers son père, sans se rendre compte qu'elle l'avait baissée dans son assiette pour picorer.

"Je n'ai pas envie de vous laisser, mais c'est peut-être mieux, effectivement..."

En même temps qu'elle disait cela, elle sentit quelques larmes lui monter aux yeux. Son père ne faisait pas comme il y avait six ans, pourtant, cela revenait un peu au même. La jeune femme, pourtant, ne pleura pas. Elle prit la main de son frère et lui sourit, pour le rassurer.

"Ne t'inquiète pas. Je t'appellerai et t'enverrai un mail tous les jours... Et je reviendrai souvent... Ce n'est pas comme quand vous étiez en Chine et moi ici..."

D'un seul coup, elle se sentait mieux à l'idée que, finalement, son père soit embauché définitivement ici. Elle se tourna vers celui-ci et prit sa main de sa main libre.

"Ca ira, oui... Je vous aime, Micha, toi, et même maman et Mark..."

Amarenna accueillit son frère dans ses bras avec chaleur et tendresse. D'un seul coup, ses belles certitudes, sa décision toute fraiche manquaient de tomber dans un gouffre. Celui de la culpabilité à l'idée d'abandonner son petit frère auquel elle tenait tant. Elle le serra fort dans ses bras et le fit grimper sur ses genoux, même s'il avait 10 ans, avant d'enfouir son nez dans les cheveux propres de l'enfant. Elle ne savait plus, tout à coup, quelle était la décision à prendre. Bien sûr, elle savait qu'elle ne pouvait pas rester comme ça, sans rien faire, à attendre que le temps passe, mais c'était dur, aussi, d'abandonner ainsi ceux auxquels elle tenait le plus. Les paroles de son père ne l'aidèrent d'ailleurs pas.

"Papa. Si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Tu le sais aussi bien que moi... Et puis..."

Elle marqua un temps de silence, particulièrement gênée. Elle s'apprêtait à reprendre lorsque son père enchaina et que le serveur arriva.

"Allez-y. J'ai terminé."

Elle attendit qu'il soit parti avant de reprendre la parole, plongeant ses prunelles noisettes dans celles de son père:

"Le voleur. Il m'a vue, Papa. Il sait ce que j'ai fait pour essayer de l'arrêter. Je ne peux pas risquer de vous mettre en danger. Ce n'est pas possible."

Elle déposa un baiser sur le front de son petit frère avant de reprendre, doucement, sentant les larmes dans sa gorge:

"Il faut que je le fasse Papa. Je n'ai pas le choix. Et Miss Coupland m'a demandé de leur transmettre un message. Mais je te promets que si je ne me sens pas bien là bas, je rentre à la maison. Je te le jure..."

Après que son père eut payé l'addition, Amy le suivit vers la sortie, silencieuse. Personne ne disait plus rien. L'atmosphère n'était pas à proprement parler lourde, mais elle n'était pas détendue non plus. Pourtant, la jeune femme ne chercha pas à rompre le silence. La décision qu'elle venait de prendre était difficile. Elle qui, jusque là, bien que raisonnable et mature n'avait jamais pris de décision pour son avenir, ne parvenant pas à faire de choix pour ses études, voilà que, maintenant, elle venait de décider de partir le plus rapidement possible dans un endroit pour les mutants afin d'assurer la protection de ses proches. C'était le bon choix, et elle le savait. Mais c'était un choix qui lui brisait le coeur, d'une certaine façon. La jeune femme s'installa derrière le volant de sa voiture et s'attacha avant de démarrer le moteur tandis que son père reprenait la parole.

Dire au revoir à sa mère et à son frère? Comment? Ils ne comprendraient pas, sans doute. Sa mère la traiterait de monstre à n'en pas douter, comme l'avaient fait les parents de celle-ci six ans plus tôt lorsqu'elle était arrivée de Chine. Mais en même temps, leur écrire était par trop impersonnel. Non. Vraiment, la meilleure solution serait d'aller les voir, même si elle laisserait sans aucun doute un petit mot derrière elle. C'était là le mieux à faire.

Micha prit alors la parole pour demander à aller avec sa soeur. A nouveau, celle-ci sentit son coeur se serrer quelque peu alors qu'elle arrêtait la voiture devant la maison. Son père la regardait. Elle sentait peser son regard sur elle. Pourtant, elle ne pouvait pas répondre. Elle savait que sa réponse risquerait de blesser Micha. Elle resta là quelques instants, les deux mains sur le volant, les yeux das le vague avant d'enfin reprendre la parole.

"Micha, j'ai besoin que tu sois fort. Je ne pense pas que tu pourras venir avec moi, là bas. Et puis... Papa a besoin de toi ici. Il a besoin d'un petit garçon auquel il pourra se raccrocher s'il a du chagrin. Il aura besoin de ton soutien. Et j'appellerai souvent... Et je passerai dès que je le pourrai pour pouvoir vous embrasser tous..."

Sur ces mots, la jeune femme descendit prestement de la voiture. Elle savait que, si elle voulait avoir le courage de tout faire, il faudrait qu'elle le fasse vite. Amy se dirigea donc vers sa chambre, espérant ne croiser personne en chemin.