[Suisse- Sion] Séance courses

Bartleby devint blême en entendant les paroles de Charis : visiblement l'hydrokinésiste avait fait mouche. Il ouvrit la bouche mais se ravisa, faute de trouver quoique ce soit à répondre... Il avait l'air pensif, un peu perplexe et plutôt paumé en cet instant même.

Les leçons de morale de la jeune fille calmèrent l'enthousiasme de tout le monde. Jo rangea son arme à la ceinture et regarda la fille, l'air grave.

"Tu sais..." commença t'elle d'une petite voix.

"On essaye de faire en sorte que ce soit amusant, ici... Mais ça l'est pas tant que ça... Peut être parce qu'on n'a plus de famille qui veut de nous... Et on sait aussi qu'on bouffe pas comme il faudrait et que niveau sécurité ça craint... Pat et Sandy sont toujours pas rentrés et, ouais ça m'inquiète et, ouais ça craint..."

Elle baissa les yeux. Salade commençait à pleurnicher.

"Et puis, on sait bien que c'est pas un vrai Institut ici... Mais c'est mieux que rien. Et qu'est ce que tu veux qu'on fasse ? Tu nous as vu ? D'abord on a nulle part où aller... Ensuite, comme je te dis, nos propres familles ne veulent plus de nous..."

Simplette détourna le regard, se balançant d'avant en arrière. La Taupe se mordait la lèvre nerveusement. Jo continua :

"Avant je devais être comme toi, je pense... J'allais au lycée et j'avais une famille, des amis... J'étais dans la même classe que Bartl'. Lui c'était l'intello que tout le monde charriait. Moi j'étais belle et rebelle. Paradoxalement quand on a changé ça nous a rapprochés... Hein Bartl' ?"

Le garçon ne répondit rien. Toujours perdu dans ses pensées.

"Mes parents m'ont fichu à la porte en me disant que j'avais été punie de tous mes pêchés... Alors je peux y faire quoi, hein ? J'ai trainé dans la rue, j'ai fait la manche, les poubelles et j'ai pas eu que des rencontres sympas... Et c'est Bartl' quand il est rentré des USA qui s'est occupé de moi..."

Elle se passa rapidement la main dans les cheveux.

"Alors c'est peut être pas la panacée ce qu'on fait là, j'suis d'accord... Mais au moins on est là les uns pour les autres ! Et c'est largement mieux que rien ! Mais bon, toi t'as surement un endroit mieux qu'ici où crécher..."

Bartl' fixa Charis et dit enfin :

"Mais si t'as quelque chose de mieux à proposer, on t'écoute... Ou tu peut t'asseoir et manger avec nous. Ou rentrer chez toi... Mais faute de mieux, on bougera pas d'ici"

Pour la peine, Charis se sentait horriblement coupable. Elle baissa els yeux, confuse. Mais elle ne pouvait pas dire qu'elle avait tort de mettre en avant des problèmes évidents. Ils étaient coincés, en un sens. Nulle part où aller... Il y avait toujours cet institut, c'était peut-être la seule opportunité pour ces enfants d'être au moins en sécurité dans un endroit où on pourrait les comprendre.

"Je suis désolée, mais..."

Elle détourna les yeux, gênée.

"La seule opportunité que je vois pur vous, c''est cet institut. Ou alors en cherchant bien on pourrait peut-être trouver un autre groupe ou une organisation qui protège les mutants, ou encore avec un peu de chance trouver des mutants adultes qui pourraient vous aider, mais rester ici, c'est vraiment pas une bonne idée."

Son regard se posa sur le gamin aux cheveux verts. Si petit encore, il n'avait rien à faire dans une forêt, sauf pour un camping en famille, mais ça n'avait rien d'un divertissement de vacances. Et Bartleby était bien assez malin pour se rendre compte qu'ils ne pourraient pas vivre comme ça tout le temps. Ne serait-ce que quand l'hiver reviendra, comment les protégera-t-il du froid?
Charis se sentait dans une horrible impasse. Et si elle les faisait venir chez elle? L'appartement familial était grand, et son père rarement présent avec ses gardes. Ou peut-être qu'elle pourrait demander un coup de main à sa grand-mère? Soit ça passait, soit ça cassait. Mais si sa famille la rejetait, peut-être qu'un départ serait alors plus facile.

"Il va faire froid cette nuit. Vous pourriez peut-être venir chez moi, c'est toujours mieux que des tentes."

Elle haussa les épaules, embarrassée. Mais comme ça, elle aurait aussi l'occasion de franchir le pas et de parler à son père.

"Mais avant de faire quoi que ce soit, il faut au moins trouver vos deux amis. Il fait nuit, ils se sont peut-être perdus dans le noir..."

Jo sourit doucement en entendant ces paroles...

"Venir chez toi ? Pourquoi pas ? Prendre une douche et dormir sous un toit, ça pourrait effectivement nous changer..."

La proposition déclencha un regard avide chez à peu près tout le monde sauf... Bartleby qui ne disait toujours rien.

Jo observa les autres. Puis reportant son attention sur Charis continua :

"On va quand même attendre Pat et Sandy. Mange un bout avec nous, ils ne devraient plus tarder maintenant..."

Et elle s'assit en tailleur ouvrant un paquet de petits beurres et entamant la distribution générale...

"Et puis, parle nous un peu de toi... Mince, alors que tu nous as fait cette super proposition, on sait même pas comment tu t'appelles !"


Le feu commençait à s'éteindre et la nuit était déjà bien avancée quand un garçon déboula dans la clairière complétement paniqué.

"Sandy... Ils ont Sandy dans leur château... Ils vont la tuer..." bégaya t'il en grande hâte.

Charis était décidément un peu naïve quand même. Inviter toute cette bande chez elle... Mais au moins ils auraient droit à un endroit chaud pour une fois, ça ne pourrait pas faire de mal. Au pire, elle ne ferait que précipiter le sort qu'elle savait inévitable à long terme. Bartleby n'avait pas l'air très enthousiaste, mais en même temps, Charis était venu mettre un sacré boxon dans son pseudo institut. Elle estimait que ce devait être normal, et coula vers lui un regard un peu confus. Elle n'aime pas mettre les gens mal à l'aise, mais cette situation l'avait tout de même révoltée.

Un petit sourire passa sur ses lèvres. Au moins, ça ferait plaisir aux autres, c'était toujours ça de pris. Elle hocha la tête, acceptant la proposition de Jo et, après avoir jeté un autre regard incertain à Bartleby, elle alla s'assoir près du feu, en compagnie des autres, mais déclina cependant les biscuits. Elle, elle avait de la nourriture à la maison... Moins les courses qu'elle avait laissé en plan dans le magasin. Il restait des pâtes dans le placard, et de la sauce tomate en boîte, de quoi faire un truc un peu plus conséquent pour se nourrir.
La question de Jo ramena Charis hors de ses pensées. C'est vrai qu'elle ne s'était même pas présentée.

"Désolée... Je m'appelle Charis, j'habite pas très loin du centre ville. Et... Bah c'est à peu près tout."

Pour le reste, chaque chose en son temps. La soirée semblait prendre une tournure nettement plus agréable, et elle se surprit à sourire au milieu de ces mutants. Ils n'étaient vraiment pas du tout comme les médias les décrivaient. Mais les deux derniers mettaient du temps à revenir et fréquemment, Charis jetait des regard vers les arbres dans le noirs, s'attendant peut-être à voir arriver tranquillement deux ados de plus.

Les flammes commençaient sérieusement à diminuer. Elle faillit leur proposer d'y aller, et de laisser un papier avec son adresse pour qu'ils puissent les rejoindre après. Mais à peine cette idée lui était passé par la tête qu'un jeune homme déboula, manquant de faire sursauter Charis. Il avait l'air terrorisé, et elle eut à peine le temps de saisir que visiblement, la dernière personne avait de gros problèmes. Elle se tourna vers Jo, interrogative. Le château... Quel château? Il n'en manquait pas dans la région.

L'arrivée du garçon qui devait être Pat réveilla la petite assemblée... L'annonce de la disparition de leur camarade fit blêmir les mutants présents. Salade éclata même en sanglots et Simplette alla se cacher dans sa tente.

Bartleby, quant à lui, était toujours en retrait... Là encore, complétement dépassé.

Ce fut Jo qui fut la première à réagir utilement. Elle saisit Pat par les épaules et le secoua légèrement, comme pour tenter, sans grand succès, de le calmer.

"Qu'est ce qui s'est passé ? Vous étiez où ? Il s'est passé quoi ?" brailla-t-elle d'une voix rapide.

Le garçon au bandana se dégagea de la prise de la blonde et s'éloigna de quelques pas, baissant les yeux de honte...

"Ecoute Jo... J'sais que Bartl' nous avais dit de pas traîner là bas... Mais on est allé au château du Tourbillon. C'est ma faute. Sandy voulait pas trop mais je lui ai dit que j'avais repéré, en cherchant des trucs à bouffer sur la colline, des rupins façon grande bourgeoisie juste devant le château... Et on y est allé..."


Charis se souvint de ce château : longtemps monument historique à moitié détruit, il avait été reconstruit au 21ème siècle. En revanche, il ne faisait plus partie du patrimoine public : quelqu'un l'avait racheté, même si Charis ignorait l'identité de la personne physique ou morale qui en avait fait l'acquisition...

Pat reprit plus rapidement :

"En gros on est entré discrètement, tu me connais, pour aller chourer des trucs aux rupins... Mais à un moment que j'explorais le hall, j'ai constaté que Sandy n'était plus là... Et une voix, qui semblait venir de nulle part, m'a dit que j'avais 90 minutes pour retrouver mon amie sinon elle serait torturée à mort... Et que si je revenais avec qui que ce soit d'autres que des mutants, Sandy serait abattue sur le champ"

Tout le monde était trop choqué par ces dernières nouvelles pour dire quoique ce soit. Pat venait de se prendre la tête entre les mains.

"J'ai flippé, pardon Jo... Je me suis tiré pour aller vous chercher... Mais j'sais pas quoi faire. Je veux pas qu'elle meurt... En plus j'ai vu personne là bas après être entré, j'sais pas qui sont ces types..."

Même Jo ne disait plus rien... Elle se tourna avec un regard suppliant vers Bartleby : le cerveau de la bande était sollicité... Celui-ci ne se détourna pas. D'abord hésitant, il commença :

"Je préférerai ne pas... Avoir à faire quoique ce soit... Mais... Sandy est notre amie"

Il se passa rapidement la main sur le crâne.

"Et... On peut pas la laisser... Même si je conçois bien que c'est débile... Mais je vois pas d'autres solutions qu'aller là bas... Même s'il manque quelqu'un à notre équipe. En plus Sandy était plutôt douée et utile. Mais bon..."

Il regarda Charis droit dans les yeux :

"Ecoute je vais peut être te paraître abrupt : mais, je suis presque sur que tu es une mutante. Parce que personne n'est aussi curieux que ça, sans avoir une bonne raison. Si tu es bien une mutante, j'aimerai que tu nous accompagne. Je sais que c'est osé de demander ça. On se connait pas. Et ça semble pas être une partie de plaisir là bas. Mais si tu es une mutante et que tu sais faire quelque chose, tu peut peut être nous permettre de sauver Sandy... Je comprendrais que tu refuse mais..."

Il marqua une pause. Il avait un drôle d'air tout d'un coup. Il mit un genou à terre, puis l'autre... Regardant Charis, il termina :

"Je te le demande pas, non... Je t'en supplie"

Oula, ça allait vite dans les explications. Une histoire d'enlèvement, il manquait plus que ça. Un type qui voulait faire du nettoyage? "Ramène que des mutants", ça puait le piège à plein nez. Quelle idée d'aller se fourrer dans un pétrin pareil. On a pas idée d'aller fouiner chez des riches qui se sont offert un château! En soit, faut déjà pas être très sain d'esprit pour souhaiter une propriété perché aussi haut et inaccessible dès qu'il tombait un peu trop de neige. Le château tenait plus du fort de guerre que d'une résidence secondaire. Bartleby réagissait enfin... Avec de l'hésitation? Bon, il avait le droit d'hésiter, mais pas devant toute une bande de gamin qui comptait sur lui. Elle n'aurait vraiment pas voulu être à sa place.

Elle se contentait de suivre la conversation, sans intervenir. Après tout, cette histoire ne la concernait pas, même si en vérité, elle se sentait tout aussi angoissée que devaient l'être les autres. Il fallait être sacrément cinglé pour enlevé une jeune fille, même mutante. Elle ne voyait aucune issue, si ce n'est celle de contacter la police, mais si le type mettait sa menace à exécution, ça reviendrait à tuer cette Sandy. Une autre possibilité? Convaincre la police d'envoyer la section d'intervention, ils seraient plus discrets, et puis les otages, c'était leur spécialité, mais écouteraient-ils des gamins? Des mutants en plus? Ils étaient dans une impasse. Non, très franchement, Charis n'aurait pas voulu être à la place de Bartleby.

Alors pourquoi il se mettait subitement à la fixer? Non mais elle était étudiante, pas G.I.! Charis jeta un regard autour d'elle, s'agitant sur place. Quelle idée il avait d'agir comme ça tout à coup? elle n'allait pas leur être plus utile que lui. En haut d'une colline, sans eau à proximité... Peut-être que la plomberie avait été installée à la restauration, mais de là à être utile, elle en doutait sérieusement.

"J'pense pas vraiment pouvoir vous servir à grand chose. Je suis peut-être une mutante, mais mon pouvoir ne va pas forcément vous être utile."

Probablement pas du tout. A plus forte raison en sachant qu'elle ne maîtrisait pas grand chose, voir même franchement rien du tout.

"C'est que mon avis, mais... Si vous voulez intervenir, je conseillerais juste de laisser les plus jeunes ici."

Elle jeta un regard en coin en direction de Salade qui avait éclaté en sanglots, puis dans la tente où Simplette s'était quasiment jetée. Certains n'étaient pas encore fait pour ce genre de mission suicide. Elle non plus d'ailleurs, mais au moins elle arrivait à maîtriser un minimum sa panique.

"Ensuite, il faudrait savoir qui a quoi comme capacité, et s'en servir pour rejoindre le château. La nuit, le chemin doit être dangereux, et se pointer par la grande porte n'est pas vraiment très malin."

Mouais, c'était perdu d'avance. Pat n'avait rien vu, il ne savait pas s'il y avait plusieurs personnes, s'il y avait des caméras de surveillances, s'il y avait des armes même! Et Charis n'avait jamais participé à un raid, sauf peut-être la mythique baston annuelle de boule de neige de son groupe d'entraînement de snowboard. Elle se retourna vers Bartleby, avec une forte envie de beugler un "tout ça c'est ta faute, s'pèce de dingue", mais il était déjà bien assez mal pour ça.

"Si quelqu'un a une meilleure idée, je suis preneuse. Mais sans un minimum de préparation, on arrivera à rien. En plus, le temps nous est compté. En comptant avec le chemin pour revenir, il est clair qu'il reste nettement moins de 90 minutes. Peut-être une heure, avec un peu de chance."

Bartleby se releva, un rien honteux. Une fois que Charis eut fini de parler, il donna rapidement les éléments voulus :

"Bon, alors t'as déjà vu ce que faisait Jo... Elle a aussi son revolver. Pat alias Foudre Pâle a une agilité surhumaine. Plus il fait un peu des arts martiaux. La Taupe a un truc aux yeux assez moche... Pour ça qu'il porte des lunettes. Mais il peut émettre un faisceau... Comment dire ? De chaleur... Bref, idéal pour faire fondre des trucs..."

Le mutant difforme alla chercher Simplette dans la tente.

"Simplette, ici présente, a une sacrée voix... Du genre qui te vrille les tympans. Et elle a une ouïe très développée... En fait elle entend plein de trucs que toi ou moi ne pourrions distinguer"

Se rapprochant du petit garçon en larmes, il continua :

"Salade capte les émotions. Il peut aussi dans une moindre mesure les transmettre. Quant à moi, je peux matérialiser des choses par l'action de la pensée : en gros je dessine un truc, il apparaît"

Bartleby se passa une nouvelle fois la main sur le crâne et termina :

"Pour information, Sandy est une guérisseuse. Elle gère au quotidien nos bobos et autres... En plus d'être assez futée, elle pouvait nous servir de joker en cas de pépin... C'est embêtant tout ça"

Il fixa Charis une nouvelle fois :

"Mais tu as raison, il ne faut pas traîner. Et on fera gaffe à Salade... On ne va pas le laisser en arrière parce qu'un, ça peut être dangereux et de deux, il nous sera précieux sur place"

La petite bande après s'être rapidement apprêtée se mit immédiatement en route. Pat lança :

"C'est pas très loin... On devrait avoir grosso modo une heure pour la retrouver... A supposer que la voix ne mente pas. Et vous inquiétez pas pour le chemin, je le connais bien, j'allais traîner par là bas quand j'étais gamin"

Une dizaine de minutes plus tard, la troupe était à couvert derrière une haie à proximité immédiate du château. Personne n'était en vue et il n'y avait aucun signe de présence humaine. De ce qu'ils pouvaient voir, il y avait en plus de l'entrée principale, une petite porte sur l'un des côtés visibles de la bâtisse. Pat leur expliqua qu'ils étaient entrés par cette porte là.

Jo chuchota à l'attention de tout le monde :

"Bon, quelqu'un a un plan d'intervention ?"

Puis ajoutant pour Charis :

"Au fait, tu es mutante, OK, mais c'est quoi ton pouvoir ?"

Bon, Jo pourrait toujours servir pour faire peur aux agresseurs, ou du moins pour planquer sa voix et celle de toute l'équipe. Mais il fallait avouer que le flingue ne la rassurait pas vraiment, pour ne pas dire pas du tout. Une jeune fille savait-elle vraiment ce servir d'un truc pareil? C'était dangereux quand on n'avait pas d'entraînement. Pat... ça servira d'avoir quelqu'un capable de se battre et d'avoir de bons réflexes. Rien à dire là-dessus. Le jeune aux lunettes, il fallait bien avouer que c'était pas mal utile, ne serait-ce que pour faire fondre des liens ou ouvrir des grilles verrouillées. Dans un château, ça allait servir. Simplette possédait aussi un pouvoir passablement intéressant. Pourrait-elle situer des personnes dans un environnement avec son ouïe? Et Salade, il restait un gamin aux yeux de Charis. Il pourrait être utile, mais peut-être que l'environnement et la peur le rendront incapable de gérer ses pouvoirs. ça, c'était encore sans compter le fait qu'il était un enfant, et qu'il ferait aux yeux des ravisseurs une proie de premier choix très probablement. Et Bartleby, il était clair qu'il serait indispensable au groupe, et pas uniquement à cause de son pouvoir. Charis se sentait étrangement démunie.

De toute manière il fallait qu'ils y ailles, cette fille était tout aussi indispensable à l'équipe que tous les autres. Elle tiqua très légèrement quand Bartleby décida d'emmener quand même celui qui restera aux yeux de Charis un gamin fragile. Et s'ils le laissaient en arrière avec un des grands de l'équipe? L'ennui, c'était que tous pouvaient servir. Quelle situation gênante. Charis resta silencieuse, de toute manière, le seul argument qu'elle avait était qu'on embarquait pas un môme dans une expédition de sauvetage chez des kidnappeurs en puissance. Mais c'était bien maigre comme principe quand on ne parlait plus d'humains mais de mutants. En revanche elle était certaine d'une chose: ils étaient tous en train de faire ce que le ou les gens du château attendaient d'eux. Courons tous joyeusement dans la gueule du loup! Et si elle essayait de contacter son père? Mouais, son téléphone portable en pleine forêt ne risquait pas de capter grand chose.

Au moins le chemin serait facile à faire, puisque Pat le connaissait bien. C'était toujours ça de rassurant. Charis n'avait rien sur elle qui puisse potentiellement être utile dans ce genre d'intervention. Dix minutes... Moins dix de plus pour le chemn inverse que Pat à fait, moins cinq pour la discussion et le temps de préparation, il devait donc leur rester, en comptant large, une heure. C'était peu pour chercher dans un château d'une taille pareille, à plus forte raison en ignorant comment il était à l'intérieur. Au moins, Pat pourraient les guider un peu. Et non, Charis n'avait pas la moindre idée sur comment intervenir dans ce genre d'endroit. En revanche, la question de Jo l'incita à se retourner vers elle.

"Je vais pas vraiment vous être très utile. Je contrôle l'eau, je suis hydrokinésiste."

Le genre de pouvoir dont elle ne cernait pas encore les possibilités et l'utilité.

"Est-ce qu'une fois à l'intérieur, Simplette pourrait se servir de son ouïe pour situer des personnes? ça pourrait nous aider pour éviter de tomber sur les coupables."

Jo réfléchit un instant affichant une mine déçue... Puis se reprenant dans un grand sourire elle répliqua :

"Formidable ! Et pis, je te protégerai !"

Elle affectait un air détendu même si un trouble profond s'était installé en elle... Elle ne claquait pas des genoux mais c'était tout comme.

Bartleby toujours aussi grave commenta sobrement la proposition de Charis.

"OK, on va faire ça... Tu as entendu, Simplette ? Allez, on y va... Pat, on te suit !"

La troupe passa donc l'entrée que Pat avait utilisée avec Sandy.



Le couloir était éclairé mais ne semblait pas être utilisé plus que ça : l'état était relativement déplorable. L'ambiance lourde et il faisait froid. Tout le monde frissonna.

"Foudre pâle" expliqua simplement :

"Tout au fond l'escalier mène à la pièce où Sandy a disparu. Il y a également deux issues, l'une sur la droite, l'autre sur la gauche..."

Simplette était en pleine concentration. Finalement, elle annonça :

"J'entends rien pour l'instant".

Se positionnant en bas des marches de l'escalier, elle ajouta :

"Les pièces à droite et à gauche, j'entends rien. Idem pour le sommet de l'escalier. La voie semble dégagée"

Bartleby réfléchit un instant. Puis il donna les instructions :

"Bon même si ça paraît idiot, on va se diviser. Je m'occupe d'explorer la pièce du haut avec Foudre Pâle et la Taupe. Les autres, vous vous occupez de ce niveau"

L'hydrokinésiste se retrouvait donc avec Jo, Salade et Simplette

Bartleby marqua une pause, cherchant l'approbation des autres en vain, puis ajouta à l'attention de Charis :

"Ca te convient ? Ou tu vois une autre répartition possible ?"

Mouais, c'est bien ce qu'elle redoutait: elle ne leur servirait à rien ici. Mais en même temps, elle se voyait mal faire demi-tour et les laisser se débrouiller. Elle tenta un sourire rassurant à l'intention de Jo, mais ce n'était pas très réussi. Charis était aussi stressée que les autres. Elle suivit le mouvement, et entra dans le couloir. C'était juste glauque. Quelle idée ils avaient eu d'entrer là-dedans plus tôt, hein? Le décor filait la chaire de poule à Charis. Et l'ambiance était d'autant plus lourde que Simplette n'entendait rien. impossible que quelqu'un avec les moyens de s'offrit un château n'ait pas placé un dispositif de sécurité. ça sentait le piège à plein nez. charis releva les yeux, cherchant quelque chose d'anormal, comme des caméras de surveillance, par exemple. Elle doutait qu'un homme invite des mutants en enlevant l'un d'entre eux sans se prémunir un minimum. Elle n'aimait vraiment pas ça.

Une fois en bas de l'escalier, Charis jeta un regard nerveux autour d'elle. Toujours rien, ce n'était pas normal. Et la suggestion de Bartleby n'arrangeait rien à l'affaire. Se diviser? Effectivement, c'était pas très malin. Mais en même temps, il fallait bien que d'autres restent en bas ne serait-ce que pour s'assurer que rien ne pourrait couper une éventuelle retraite.

"Très franchement, je vois pas. Mais si Sandy a disparu dans la pièce du haut, c'est qu'il doit y avoir un piège. Si ça se trouve, il y a des accès différents des couloirs, peut-être des passages secrets..."

Peut-être qu'elle se faisait des idées, mais il existait toujours ce genre de possibilités, surtout dans un château. Du moins, selon la logique de Charis (quelque peu influencée par la télévision, sans doute). D'ailleurs, à bien y réfléchir, elle aurait même plutôt suggérer qu'ils prennent Simplette avec eux, histoire d'avancer prudemment.

"Vous voulez pas la prendre avec vous? Elle pourrait assurer votre avancée..."

Tout en parlant, elle fit un geste en direction de la jeune fille blonde, puis se retourna vers Salade.

"Est-ce que tu arrive à sentir les émotions des gens que tu ne vois pas? Je veux dire... S'il y a une autre personne dans une pièce à côté, tu pourrais le ressentir?"

Ce qui leur laisserait à eux aussi quelqu'un capable de faire office de radar.

Salade répondit timidement :

"Je... Je vais essayer, s'ils sont pas trop loin, j'imagine que ça doit être possible..."

Le petit garçon faisait de son mieux pour ne pas craquer. Bartleby, quant à lui, opina de la tête :

"OK, on embarque Simplette avec nous... Ca nous fait effectivement un radar chacun".

Il ajouta à l'attention de Charis :

"Fais attention à Salade, c'est un petit... Et ne jouez pas aux héroïnes avec Jo ! Nous, on fera gaffe aux pièges et aux portes dérobées..."

Accompagné du reste de son équipe, il grimpa les marches de l'escalier. Jo, quant à elle, emmena Charis et Salade dans la pièce de gauche...



La petite salle à manger semblait avoir servi récemment, comme en témoignait l'assiette posée au milieu de la table, contenant quelques traces de nourriture. Une autre pièce semblait se tenir derrière la porte. Il y avait également deux placards et une vieille pendule.

Au bout de quelques secondes, Salade attrapa la main de Charis.

"Madame, il y a des gens derrière la porte... Ils sont très excités..." chuchota-t-il.

Charis ne fit que hocher la tête, même si l'idée de se séparer ne lui plaisait toujours pas. Mais au moins comme ça, ils auraient une chance de trouver Sandy plus facilement. Charis entra à la suite de Jo, pour trouver une pièce qui semblait détoner étrangement avec le couloir. Il y avait même une assiette. Une seule? Quelqu'un avait mangé ici il n'y a pas longtemps. Peut-être qu'ils avaient au moins donné à manger à Sandy? Elle préféra penser à ça, plutôt que de l'imaginant croupissant dans un cachot froid et humide. Elle en était environ à ce stade de ses pensées quand elle senti la main de Salade contre la sienne. Elle baissa les yeux sur lui, avant de les relever sur la porte, suite aux indications du petit.

"Jo..."

Elle murmura à peine, plaçant un indexe sur ses lèvres. Puis le plus silencieusement possible, elle se rapprocha de la table. Le but? Prendre une chaise et bloquer la poignée pour que les "gens très excités" (probablement à l'idée de casser du mutant), ne puisse pas entrer dans la pièce. Arrivera-t-elle à ses fins? Elle l'espérait, pour pouvoir ensuite aller fouiner dans la pièce de droite sans craindre qu'une bande de fanatique ne leur saute dessus par derrière. Avant d'espérer avancer, Charis voulait surtout sécuriser chacune des pièces. A qoi bon éviter un piège si c'était pour tomber dans un autre? Quand à savoir si ça allait fonctionner... Elle murmura à l'intention de Salade.

"Tu arrives à savoir combien ils sont?"

A pas de loups, Charis cala la chaise contre la poignée : si le système était de fortune et la technique éculée, cela permettrait de limiter, au moins temporairement, les déplacements des occupants du château. L'opération s'était déroulée, quant à elle, dans le silence le plus absolu.

Salade répondit à voix basse :

"Je crois qu'ils sont deux... Rien que deux..."

Les trois mutants décidèrent donc de revenir sur leurs pas et d'explorer la pièce à droite de l'escalier.



De manière complétement incongrue, la porte donnait sur une petite salle, pouvant servir au petit déjeuner... Aucune autre issue n'était visible. Tout aussi surprenant : une seconde pendule était présente en plus de celle qu'ils avaient pu observer dans la pièce qu'ils venaient de quitter. Le maître des lieux semblait aimer savoir l'heure en toute pièce dans ce château...

Première mission, réussie. Mais bon, ce n'était que temporaire. A peine arrivé dans l'autre pièce, Charis se sentait rassurée. Pas d'autres voies apparente pour entre dans cette... Salle à manger supplémentaire. Chose étrange, il y avait une télévision dans un coin, pas vraiment placée de sorte à profiter d'un quelconque programme. La seconde chose qui attira vaguement l'intérêt de Charis, c'était l'horloge supplémentaire.

Peut-être que le propriétaire des lieux n'aimait tout simplement pas porter de montre sur lui. Et puis, une pendule dans chaque pièce, c'était peut-être peu commun mais pas si surprenant que ça, Charis elle-même devait avoir au moins un truc indiquant l'heure dans chaque pièce. Son réveil dans sa chambre, l'heure sur le four de la cuisine, l'heure sur la télévision dans le salon, la vieille horloge de mémé dans le hall... C'était pas vraiment surprenant, même si elle aurait choisi un support plus discret qu'une grosse pendule sur laquelle d'ailleurs elle posa la main, lorgnant sur le cadran ne serait-ce que pour savoir l'heure qu'il était et estimer le temps qu'il devait leur rester.

"Bon... Ici, pas d'issue... Il va falloir retourner dans l'autre pièce et affronter les personnes que Peter a senti."

C'était une pièce normale ici, mais peut-être que Charis pouvait aussi trouver de quoi s'armer. Elle commença à fouiner dans les tiroirs, en essayant de faire un minimum de bruit. Elle n'espérait pas vraiment trouver d'arme à feu, mais au moins un gros couteau de cuisine à cacher sur elle, c'était toujours ça de pris.

Charis s'aperçut rapidement que l'heure indiquée était complétement fausse.

Salade était planté au milieu de la pièce, toujours concentré et fit un signe de la main pour indiquer que le champ était une fois de plus libre. Si d'autres habitants se trouvaient dans le château, pour le moment le petit groupe avait été relativement chanceux.

Fouillant en compagnie de Jo dans les tiroirs, les deux jeunes femmes trouvèrent diverses choses : des couteaux bien entendu (Charis put récupérer le gros couteau de cuisine, Jo se contentant d'un vieil opinel), mais aussi des fourchettes, des cuillères, une boite d'allumettes, des bougies, des piles, des serviettes, de la ficelle, une boussole, une lampe torche, un tournevis, des clous et un marteau...

La fouille se fit sans bruit et Charis put récupérer ce qui lui semblait utile.

Les 3 mutants furent surpris par un léger grincement. Se retournant, ils s'aperçurent que la vieille horloge s'ouvrait lentement...

Une fois que celle-ci se fut immobilisée et constatant que personne n'en sortait, Charis découvrit se qui se cachait derrière : un passage secret !

Avait il été ouvert quand elle avait posé sa main à l'instant d'avant ? Difficile à dire, mais une nouvelle sortie s'offrait à eux... Problème : le passage était plongé dans le noir le plus absolu...

Quel fouillis dans ces tiroirs! Il y avait tellement de chose... Elle prit le couteau de cuisine qu'elle voulait et le glissa dans sa ceinture, en s'assurant que la lame ne pourrait las la blesser si elle venait à tomber par mégarde. Quant au reste... Charis embarqua la boîte d'allumette dans la poche arrière de son jeans, ainsi que de la boussole sur laquelle d'ailleurs elle jeta un coup d'oeil, histoire de savoir de quel côté du château ils se trouvaient.

L'ouverture de l'horloge la fit se retourner brusquement, comme les deux autres d'ailleurs. Elle avait à peine touché l'objet quelques secondes plus tôt, pas assez pour déclencher un mécanisme, du moins c'est ce qu'elle pensait.

"C'est moi ou on nous invite à poursuivre notre chemin?"

Elle se reporta sur les deux autres et, haussant les épaules, elle attrapa la ficelle qu'elle glissa dans la poche gauche de sa veste, puis les piles dans la droite, avant de prendre la torche qu'elle vérifia. Au besoin, elle n'aurait qu'à changer les piles, pour autant qu'il s'agisse du même format.
Charis s'approcha lentement de l'horloge pour jeter un coup d'oeil, et voir de quelle manière ce truc s'ouvrait, ne serait-ce que pour savoir comment en sortir par la suite, puis, haussant les épaules, elle alluma la torche et s'avança dans le conduit, prenant son couteau de cuisine dans sa main droite, éclairant ses pas avec la torche dans sa main gauche.

"Ca se pourrait bien" lâcha dans un sursaut de gouaille adolescente Jo. Cette dernière aida Charis à comprendre le mécanisme : vraisemblablement, le passage s'ouvrait à l'aide d'une légère pression, rien de plus... Refermant l'horloge puis l'ouvrant à nouveau, Jo permit à la petite troupe de comprendre que, oui, c'était bien Charis qui avait ouvert la voie.

Les piles trouvèrent leur place dans la lampe torche. Et c'est à cette lumière que les mutants avancèrent dans le conduit étroit.



Après quelques dizaines de mètres, le couloir se fit petit à petit moins sombre. Une petite lumière en éclairait une partie.

Salade toucha la main de Charis.

"Madame. Il y a des gens. Je crois que c'est les mêmes que tout à l'heure" chuchota le petit.

Une "porte" du style de celle qu'ils venaient de passer pour rentrer dans le passage était visible.

Non loin de là, Jo montra une légère fente dans le mur. Posant ses yeux sur celle-ci, elle marqua une pause, puis fit signe à Charis de s'approcher.

"Regarde".

Elle laissa la place à la jeune hydrokinésiste.



"... prêt pour la dernière phase de votre initiation, impétrant Andersson ? Vous avez déjà fait preuve à deux reprises de votre caractère implacable et dénué de toute humanité : assassiner l'un de vos parents les plus chers a été le premier pas. Nous amener cette fille pour des fins dont vous ignorez encore la teneur exacte a été le deuxième... Mais serez vous assez fort ?"

La voix de l'homme était glaciale.



"Je le pense... Même si je ne suis pas habitué à vos rituels de chasse anglais, je suis allé trop loin pour reculer maintenant..."

Son interlocuteur semblait plus fébrile. Limite inquiet.

"Très bien... Après votre fuite grotesque de Finlande, il faudra tout de même... agir plus judicieusement. L'autre mutante semblait plus intéressante que celle que vous nous avez ramenée..."

Andersson répliqua de manière paniquée :

"Je n'ai pas pu agir autrement ! Je n'avais pas le temps ! Et mon imbécile de collègue ne m'aurait pas laissé m'occuper de celle-ci ! Mais l'autre est intéressante aussi... Son ventre..."

D'un signe de main, l'homme à la voix d'outre tombe coupa la parole à Andersson :

"Peu importe. Cela n'est pas vos affaires... Du moins, pas encore. Le Maître de chasse vient de lâcher les chiens. Les mutants seront rabattus puis déchiquetés... Vous procéderez à la mise à mort rituelle..."

Et Andersson accepta le couteau de chasse que lui présentait l'homme. Les deux quittèrent la pièce quelques instants plus tard.

Les mutants du passage se retrouvèrent seuls. Le couloir continuait. Ou il restait la porte de sortie qui semblait donner sur la pièce qu'ils venaient d'observer.

C'était vraiment sinistre comme endroit. Charis avançait prudemment, regardant avec soin où elle mettait les pieds. Mais heureusement pour tous, le chemin était ensuite éclairé. Elle éteignit la torche, pour économiser les piles, quand le petit attira son attention. deux personnes de nouveau? Charis jeta un coup 'oeil à la bousole. Difficile de dire s'ils étaient revenus sur leurs pas et passaient à présent à côté des pièces qu'ils n'avaient pas visité. Ils étaient probablement juste derrière une horloge, du moins c'est ce qu'elle supposa, puis ce fut Jo qui l'appela. Elle se rapprocha en silence et jeta à son tour un coup d'oeil.

Rien de bien anormal, si ce n'était les deux personnes repérées par Salade. L'un des deux lui paraissait assez âgé, l'autre un peu... Ce devait être l'éclairage qui lui donnait l'impression qu'il n'était pas très sain d'esprit. En tous les cas, ils avaient une conversation parfaitement ordonnée. Et exceptionnellement ignoble. Mais c'était des malades? Charis eut un désagréable frisson d'horreur en les écoutant. une chasse? C'était ça pour eux? Et le gibier, c'était les mutants. Charis se recula légèrement pour laisser le champ libre à Jo si elle voulait regarder.

Elle prit une grande inspiration et tâcha de remettre au clair ce qu'elle avait entendu. Il s'agissait pour eux d'une sorte de rite d'initiation. Le plus jeune devait le réussir, et le plus vieux était probablement l'examinateur, ou tout du moins quelqu'un d'assez inquiétant pour que le future initié se sente nerveux à ses remarques. Jusque-là, c'était déjà tordu. Ensuite, ils parlaient d'une autre mutante, et d'un truc louche. Charis se retourna vers Jo et chuchota.

"Tu sais de qui ils parlaient? Si on exclue Sandy, c'est soit toi, soit Simplette."

Charis ne se comptait pas, parce qu'elle n'avait visiblement aucun rapport avec ces paroles. Elle jeta un dernier regard derrière eux, dans le couloir.

"Bref, il faut vite retrouver les autres et s'en aller. Je sais pas s'il parlait au sens propre, mais l'idée de devoir me prendre une meute de chien de chasse dans la figure m'inspire assez peu. On pourrait se servir des passages secrets pour repérer un maximum de pièces et s'assurer une fuite discrète une fois qu'on aura retrouvé les autres, t'en penses quoi?"

Elle ralluma la torche pour regarder plus loin. Il devait bien y avoir plus tard des escaliers ou n'importe quoi d'autre pour monter dans les étages. A moins que les passages secrets soient indépendants les uns des autres selon les niveaux.

Jo haussa les épaules.

"J'en sais rien, j'les connais pas ces types... Quoiqu'il en soit, t'as raison, on a déjà trop trainés ici !"

Le petit groupe se faufila à travers les méandres du passage pour avoir une meilleure visibilité des lieux. Au bout de quelques minutes, ils se rendirent compte qu'effectivement un seul passage permettait de rallier un grand nombre de pièces. Le passage à chaque fois semblait être, invariablement, la pendule ! Les trois petits mutants passèrent devant une salle à manger, un hall vide, une cuisine à l'ancienne et une drôle de salle dont Charis ignorait l'usage exact...

Jusqu'à présent, il n'y avait nulle trace du reste du groupe ou de la meute de chiens... Ce qui était à la fois rassurant et troublant.

Salade toujours à l'affut semblait commencer à fatiguer quand le petit éclata en larmes, à proximité d'un passage... Jo tenta de le calmer mais rien n'y faisait : si l'empathe essayait tant bien que mal d'atténuer ses pleurs, son mal être semblait profond...

Regardant à travers la fente dans la paroi, Charis aperçut la source de son trouble :



Au centre de la pièce nue se tenait ce qui semblait être l'ouverture d'un cachot. Une porte donnait visiblement sur un couloir. Et des chuchotements et des pleurs indistincts émanaient de l'oubliette...

Avant que les filles ne puissent faire quoique ce soit, Salade, se reprenant quelque peu, leur dit :

"Attention, y a un type non loin de là... Sandy est en bas avec quelqu'un d'autre. Mais derrière la porte de sortie de la pièce, y a un gars, dans le couloir..."

Ce passage menait vraiment n'importe où... Passant devant différentes pièces, Cahris jeta systématiquement un coup d'oeil. Mais où étaient passé les autres? Ils cherchaient toujours à l'étage? Très probablement. Du moins, c'est ce qu'elle préférait croire avant de commencer à penser à des choses plus sinistre encore. Avec Simplette, ils pouvaient avancer prudemment, il n'y avait pas de raison pour qu'ils se fassent piéger. Mieux valait qu'elle pense comme ça. Ils avançaient gentiment, jusqu'à-ce que le petit se mette à pleurer. Charis se retourna vers lui aussitôt. La peur pouvait-elle le rendre aussi émotif? C'était probable. Jusqu'à-ce qu'il explique ce qui se passait, elle jeta un coup d'oeil dans la pièce.

Un cachot. C'était vraiment pervers. Alors Sandy était là-dedans? Il fallait le croire. Charis se retourne vers Salade qui termina en disant qu'il y avait quelqu'un d'autre derrière la porte. Au moins c'était hors de la pièce. Et dans le cachot, il y avait deux personnes? Charis plaça un doigts sur ses lèvres.

"Il va falloir y aller en silence... Salade, il vaudrait mieux que tu reste ici, à l'abri du pendule."

Elle glissa d'ailleurs la lampe torche dans la main du petit, avant de pousser avec précaution la porte d'accès à la salle. Il fallait d'abord qu'elle vérifie si al deuxième personne avec Sandy était un des types tordus du château ou s'il s'agissait d'un autre prisonnier. Le plus silencieusement possible, elle voulait accéder à la porte du cachot, en rampant, pour jeter un coup d'oeil et aussi voir quel genre de verrou bloquait l'accès. Peut-être qu'il faudrait s'en prendre au type derrière la porte pour récupérer des clés...

Pendant que Charis rampait en direction de l'oubliette, Jo sortit son revolver et arma doucement le chien. Vraisemblablement, pour couvrir les arrières de l'hydrokinésiste. Salade, quant à lui, était resté à l'abri dans le passage.

Après quelques longues secondes pendant lesquelles Charis s'initia à l'art délicat de la reptation, la jeune femme put jeter un coup d'oeil dans le cachot souterrain.

Cherchant d'abord le verrou, elle n'en vit aucun. Soit, l'oubliette s'ouvrait pas un mécanisme secret. Soit, il ne s'agissait pas d'une sortie mais seulement d'un moyen pour le gardien de contrôler ce qui se passait en bas.

A ce titre, deux jeunes femmes complétement paumées, au-delà du désespoir, se tenaient l'une contre l'autre, comme pour se rassurer à tout prix...



La première leva des yeux suppliants vers Charis. Et lança timidement :

"Aide nous..."



La seconde quant à elle ne disait rien... Mais son regard en disait également long !

Bon, alors Sandy était l'un des deux. Et la seconde? Certainement l'autre mutante dont les deux pervers avaient parlé. Charis leur fit signe de rester silencieuse, lorgnant sur la grille qui, vraisemblablement, n'avait pas d'ouverture. Elles devaient passer par une autre voie alors? Elle se tourna légèrement, pour s'assurer que le petit était bien à l'abri, et la porte toujours fermée, puis elle murmura à peine à l'intention des deux jeunes filles.

"On est venu vous chercher. Comment ils vous ont mises là? Il y a un autre accès?"

Un passage menant au sous-sol peut-être? Impossible à dire si cette maudite grille était le seul accès à ce cachot. Les deux jeunes filles devaient bien savoir comment on les avait mises ici ou tout du moins dire si elles avaient une autre porte à proximité. Si c'était le cas, ça voulait aussi dire un autre gardien. Mieux valait rester prudent et silencieux.
Charis continuait à tendre l'oreille, même si elle doutait entendre quoi que ce soit, au moins pour savoir quand le garde allait s'approcher de la porte, ou s'il comptait entrer dans la salle.

La première fille continua, toujours très agitée.

"On ? Y a qui ?"

Jo s'approcha légèrement pour se faire voir, l'arme à la main. Puis reprit son poste.

"Oh mon Dieu, oh mon Dieu... La voix a dit qu'elle allait tous vous tuer" pleurnicha Sandy.

L'autre fille était toujours silencieuse.

"On est passée par une sorte de salle... de cérémonie. Du moins c'est comme ça que le barbu l'a présentée. Mais c'est un piège !"

Salade était toujours à l'affut mais ne disait rien. Vraisemblablement, la situation n'avait pas évoluée... Du moins pour le moment !

Charis resta quelques instants silencieuse. Il n'y avait rien de nouveau dans le fait que les fous comptaient tous les tuer. Jusque-là, rien de bien nouveau. Même si entendre quelqu'un d'autre le confirmer la mettait d'autant plus mal à l'aise.

"On va trouver une solution."

Mouais, la seule solution qu'elle envisageait, c'était la Taupe qui pouvait faire céder cette maudite grille et leur permettre d'évacuer tout le monde. Mais il était à l'étage, avec les autres. Ils auraient dû s'assurer de pouvoir communiquer d'une manière ou d'une autre avant de se séparer. Charis se maudit de ne pas y avoir pensé.

"La salle de cérémonie?"

C'était la première fois qu'elle en entendait parler. Enfin plus ou moins. Le rituel d'initiation du plus jeune des deux hommes devaient avoir lieu dans une salle faite pour ça. Mais ça n'allait pas vraiment les aider. La seule chose qu'elle savait, c'était qu'à moins d'avoir un moyen d'ouvrir la grille, ils allaient devoir passer par en bas. Charis tira sur la grille, à tout hasard. Peut-être qu'elle n'était pas fixée comme elle le croyait. C'est beau, l'espoir!

"Jo? Je crois qu'on va avoir besoin de la Taupe. L'idéal serait d'éviter au maximum de trop se balader dans le château. Tu n'aurais pas un moyen de les contacter, à tout hasard?"

"Oui, on a été emmenée dans une drôle de salle, ils appelaient ça, la salle de cérémonie" répondit doucement, en levant les yeux vers Charis, Sandy.

"Puis ils nous ont fait descendre un petit escalier avant de nous enfermer dans cette oubliette"

La tentative de Charis confirma ses pensées : elle n'avait pas la force suffisante pour desceller la grille. Et visiblement, même à trois, ils n'étaient pas taillés pour le faire.

Jo, quant à elle, secoua la tête :

"A la rigueur, si je tire un coup de feu, Simplette pourrait l'entendre. Mais je crains que le garde qu'a repéré Salade ne soit le premier sur les lieux"

Elle expliqua :

"Simplette a du mal à se focaliser sur un bruit en particulier. A moins qu'il ne soit vraiment distinct des autres en intensité ou en nature"

La blonde s'approcha de la porte, l'arme à la main...

Elle termina :

"J'suis sure que je peux le descendre avant qu'il puisse réagir... T'en penses quoi ?"