Perdue dans l'immensité...

Alors qu’elle traversait le couloir afin de rejoindre sa chambre ou elle escomptait bien profiter de l’absence de sa colocataire pour parcourir quelques uns de ses cartons, telle une voyageuse à la recherche de son temps perdu, Juliette eu, chose rare chez elle et qui témoignait peut-être d’un désir inconscient de le faire, un mouvement quelque peu maladroit qui se solda par l’effleurement de la poignet de l’amphithéâtre par sa main. La porte de celui-ci s’entrouvrit alors légèrement, et elle ne pu s’empêcher, presque de façon machinale, d’y jeter un œil curieux. En dépit du fait que l’immense pièce était vide de toute présence humaine, la gothique romantique fut soudain prise d’une envie irraisonnée d’y pénétrer. Ce qu’elle fit sans avoir réellement la moindre hésitation, bien qu’elle ne savait pas le pourquoi de ce choix des plus incongrues.

Une fois dans la pièce, elle referma doucement la porte derrière elle et demeura prostré ainsi, survolant de toute sa hauteur les larges gradins qui s’étendait en direction du plafond en s’élargissant. Elle se trouvait à proximité de l’estrade à partir de laquelle les professeurs s’adressaient à eux lorsqu’ils les rassemblaient tous dans cette pièce afin de leur faire part de nouvelles importantes, ou bien encore lors des réunions de rentrée. Sans trop savoir pourquoi, Juliette se déplaça de son fantomatique pas et grimpa les quelques marches qui permettaient d’accéder à ladite estrade. Une fois sur le sol de celle-ci, la gothique romantique se plaça presque naturellement en son centre comme mû par un étrange instinct. Elle se tourna aussitôt afin de faire face à l’impressionnante cascade de gradins désertés, et elle se rendit alors compte du puissant effet que pouvait produire ce positionnement. Certains diraient sans doute que cela était étourdissant, d’autre encore que c’était quelque chose d’assez enivrant. En effet, une fois les gradins remplis d’élèves, on pouvait certainement s’imaginer dans la peau d’un puissant souverain faisant face à ses sujets impatient de boire la moindre de ses paroles… Mais la gothique romantique n’était pas un professeur, et les gradins étaient désespérément vide.

Alors, Juliette se laissa délicatement tomber au sol, s’asseyant en amazone tandis que le volume ténébreux de sa robe s’étala de tout son volume tout autour de sa personne. Elle laissa échapper un soupir sourd, et reporta à nouveau son regard mélancolique sur les témoins silencieux de son geste. Voir cet endroit du point de vue des professeurs était assez intéressant, bien que troublant aussi. On se sentait petit dans la foule des élèves présent dans la salle, mais les professeurs devaient ressentir une énorme appréhension à devoir faire face à cette vague déferlante figée dans l’instant présent. La gothique romantique demeura ainsi prostrée, sans vraiment savoir quoi faire.. D’ailleurs, elle ne savait toujours pas ce que elle-même faisait ici. Elle laissa son regard parcourir l’amphithéâtre dans sa globalité, puis comme emporté par son élan elle se laissa tomber avec douceur sur le dos. Les bras lasse et étalés de part et d’autre de son corps en un positionnement perpendiculaire par rapport à son buste. Ses yeux clignèrent de manière brève, et ses yeux se perdirent dans la contemplation du haut plafond comme si ce dernier avait été un ciel infini. Mais si infini il y avait, ce n’était que dans ses iris glacialement translucides.

Son esprit commença à vagabonder dans le plus complet des hasard, mais peu à peu ses pensées se structurèrent afin d’amener la gothique romantique à s’interroger. La première de ces interrogations fut celle de se demander quelle était véritablement sa place à l’institut. Selon Georgia elle en avait bien une, même si l’instant d’avant la même Georgia lui avait plus ou moins clairement dit qu’elle se demandait bien laquelle. Un bien curieux paradoxe, que la jeune fille n’avait pas vraiment pris soin de lui expliquer. D’ailleurs, elle-même connaissait-elle la réponse.. ? Juliette en doutait très fortement… Et puis, ses interrogations silencieuse la portèrent vers cette absence d’humanité dont elle semblait faire preuve selon la même Georgia. Est-ce que réellement, elle faisait preuve de si peu d’humanité envers les autres.. ?

Un souffle court s’échappa de ses lèvres entrouvertes… Georgia était fondamentalement une gentille fille, mais dieu que c’était déprimant de parler avec elle…

Pourtant, la gothique romantique n’avait pas ce genre de soucis dans le monde en dehors de l’institut. Ses camarades de cours, passé et présent, ne la trouvaient pas spécialement sans âme, ni même les autres gens… Non, cela paraissait être uniquement au sein de cet endroit ou tous étaient des mutants semblables à elle. L’idée de repartir l’avait déjà effleurée bien des fois, mais pourtant elle savait ne pas avoir envie de partir. La gothique romantique était un peu comme Sa Belle Cassandre, elle donnait l’impression d’avoir toujours été là, et qu’il en serait toujours ainsi… Un bien curieux sentiment que celui-ci d’ailleurs, qui vous confinait presque à la notion même d’immortalité.…

De nouveau un soupir… Et les yeux de Juliette se refermèrent pour ne plus se rouvrir… Elle laissa ses pensées vagabonder en toute liberté, dans le silence assourdissant de l’amphithéâtre… Etre loin de tous le monde était tellement bon parfois… Sa position lascivement allongée sur l’estrade lui donnait un merveilleux sentiment de légèreté, et dans sa solitude la gothique romantique se sentit comme libéré de ce corps, pour ne plus n’être que pure esprit.

Perdue dans ses pensées, Juliette fut tiré de son voyage intérieur par la brusque vibration de son communicateur, chaleureusement lové entre sa poitrine. Après l'avoir sorti de son doux cocon, elle l'ouvrit et entendit alors surgir la voix de Georgia qui lui annonça que enfin le moment été venu. Juliette sourit délicatement, mais ne répondit pas. Elle se contenta de refermer son communicateur après que la jeune courageuse ait refermé le sien sans attendre réellement une réponse de sa part, puis elle remit l'appareil bien au chaud au creux de son intimité supérieure à moitié dissimulée. Elle sourit alors, souhaitent en pensée une bonne chance à Georgia.. En espérant qu'elle ne fasse pas trop de maladresse dans sa tentative. La gothique romantique referma ensuite ses yeux afin de repartir dans son petit monde bien à elle, ce qui fit qu'elle n’entendit pas le gourmand gourmet avide de pâte à tartiner, pénétrer dans l’amphithéâtre. Ce ne fut que lorsque qu’il s’écria son exclamation de manière aussi bruyante qu’un goret en train de se faire égorger, que ses yeux clos s’ouvrirent en un mouvement rapide tant la surprise lui fut grande. Elle tourna alors les yeux dans sa direction, et elle vit alors Gilles. Tout au moins, celui qui commettait la grossière erreur de se faire passer pour lui devant la gothique romantique. Elle l’écouta raconter ses stupidités sans queue ni tête en silence, jusqu'à ce que enfin elle décode quelque peu ses paroles jusqu’à comprendre l’allusion au Shoggoth et auquel ce dernier l’assimilait dans sa bêtise. Touchant là un point délicat et qu’il était peu judicieux d’utiliser pour taquiner la jeune femme, le visage de celle-ci se fit légèrement sévère et c’est d’un mouvement rapide qu’elle se redressa afin de jeter un regard froid sur l’inconscient qui avait oser s’amuser de la chose.

De nouveau assise sur le sol de l’estrade, les deux mains jointes sur ses cuisses recouverte de ténèbres soyeuses, Juliette continua à percer le pseudo Gilles des son regard devenu véritablement froid suite à cette allusion qu’elle jugea totalement irrespectueuse envers le petit Timmy. Elle le regarda avaler goulûment sa cuillère de pâte à tartiner, tel un goinfre affamé, et trouva tout ceci fort intriguant. Le Gilles qu’elle connaissait n’était pas ainsi, il était plus posé, plus respectueux… Plus doux… Puis, son regard s’écarquilla quelque peu et, outre les absurdités que le véritable Gilles n’aurait jamais dites, ce fut la voix qui lui fit comprendre plus ou moins ce qu’il se passait… Cette voix, qui n’était pas celle qui correspondait à l’apparence de la personne qui lui faisait actuellement face. Courroucée par cette stupide tromperie qui ne l’amusait vraiment pas, la gothique romantique se leva avec grâce et rapidité, puis elle lissa d’un geste sur et habile les pans de sa robe avant de se rapprocher du faux Gilles et de lui flanquer une violente gifle empli de toute sa colère présente, sur sa joue gauche.

‘’Comment oses-tu…’’

Dit-elle ensuite, en jetant un regard des plus sombre à l’usurpateur qui ne voyait désormais plus qu’un visage sans la moindre trace de douceur, habituellement présente chez la gothique romantique. Celle-ci reprit, sur un ton réprobateur et empli de reproche sévères…

‘’Comment oses-tu plaisanter ainsi de Timmy, espèce d’imbécile.. ? Comment oses-tu te moquer de ce dont tu ignores tout.. ?’’

Le regard de Juliette se durcit encore un peu plus, visiblement prête à faire généreusement don d’une nouvelle gifle à l’usurpateur. Pourtant, elle s’abstint, se contentant de darder son doigt en une menace silencieuse en direction du faux Gilles, et lui dit encore :

‘’Je t’interdis de parler de lui en ces termes, est-ce que tu m’as compris.. ? ‘’

Puis, après un silence de courte durée durant lequel elle ne se départit pas d’un iota de sa position, la gothique romantique ajouta sur le même ton :

‘’Je ne sais pas qui tu es, mais avant de prendre l’apparence de quelqu’un tu devrais étudier cette personne afin de la connaître, et ne pas l’insulter en te conduisant comme un idiot irréfléchi… Reprends rapidement ta véritable apparence, tu m’insupportes à demeurer ainsi !’’

Lui envoya-t-elle en pleine face, dans un accent de colère dans il ne faisait plus le moindre doute. Bien qu’elle se doutait que cela fut un élève, Juliette ne parvenait pas à se souvenir du moindre métamorphe présent à l’institut depuis le départ de Angel… Il s’agissait sans doute d’un nouvel arrivé, qui avait sans doute cru intelligent de tromper ainsi les gens. Malheureusement pour lui il venait de commettre deux énormes erreurs avec la gothique romantique

La première avait été de tenter de la tromper de la sorte et de manière aussi maladroite, et la seconde fut de mêler Timmy à sa farce stupide. Ceci étant dit, l’usurpateur pouvait s’enorgueillir d’avoir mis la jeune femme en colère, ce qui en soit n’était pas forcément la meilleure chose à faire lors d’une première rencontre qui scellait bien souvent la vision que l’on pouvait avoir des gens. La gothique romantique ne le connaissait pas encore, mais pourtant elle ne l’appréciait déjà pas…

Kanata avait eu deux chances… La première était que Juliette était une femme et non pas un homme, auquel cas la gifle aurait été assurément remplacé par un violent coup de poing dans la figure. Quant à la seconde, ce fut le fait que les yeux de la gothique romantique ne lançait pas des éclairs meurtriers… Encore que sur ce point, cela pu être possible si ses gènes mutant avaient eu l’idée de se connecter, les uns aux autres, d’une manière totalement différente.

En effet, elle fut fortement abasourdi par le culot sans borne du japonais qui, par sa réaction insensée, lui faisait comprendre qu’il n’avait rien à se reprocher…Plus encore, c’était à peine s’il n’inversait pas la situation et que la faute de toute cette situation lui incombait à elle et à elle seule. La gothique romantique le regarda s’éloigner sans ajouter un seul mot, se contentant de laisser son regard de glace le suivre sans sourciller jusqu’à ce qu’il disparaisse définitivement de sa vue. Elle poussa ensuite un profond soupir, encore perplexe devant l’outrecuidance de ce dernier. Juliette n’en démordait pas un seul instant, cette gifle il l’avait mérité. On ne jouait pas avec certaines choses, et Timmy/le Shoggoth en faisait partie. Hormis elle-même et tous ceux qui l’avaient accompagnée dans la mission sur Génosha, personne ne devait voir le pauvre petit mutant autrement que comme le monstre informe et monstrueux, dont il reflétait l’image… Mais pour la gothique romantique, il était désormais interdit de médire sur le compte de ce dernier, elle y veillerait toute les fois que cela s’avèrerait nécessaire.

De plus, Kanata ne lui paraissait pas prendre conscience de la responsabilité qu’engendrait sa capacité à pouvoir prendre l’apparence des gens, et c’était peut-être cela le plus inquiétant selon Juliette. Cette absence évidente de moral avec un tel pouvoir, c’était la porte ouverte à tous les abus possible et imaginable. Pour le moment le jeune garçon ne semblait pas être en mesure de parfaire son illusion et elle avait su le confondre grâce à sa voix, mais cela ne saurait sans doute trop tarder et à ce moment là… Et puis, qu’en aurait-il été, avec une personne qu’elle ne connaissait pas.. ? De nouveau, un soupir s’échappa de ses lèvres rosées et scintillantes, tandis que une ultime pensée lui traversa l’esprit concernant Kanata. Une pensée brève et concise, qui pouvait en fin de compte se résumer en un seul et unique mot : Imbécile !

Juliette préféra oublier rapidement ce dernier, mais par sa faute elle n’était plus dans les meilleures dispositions pour se replonger dans ses pensées profondes, à la limite du songe éveillé. Après un bref moment de réflexion, la gothique romantique jeta finalement un ultime regard sur l’amphithéâtre vide et silencieux, puis elle laissa ses pas fantomatique la guider jusqu’à la sortie de ce lieu, désormais souillé par la stupidité du jeune japonais.

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