New-York, dans une grande rue bondée de monde

*Raaaah, il me reste plus grand chose, faut que je trouve un boulot ou des sous rapidement... Ou mieux, un gentil mécène qui me filerait sa carte de crédit sans poser de questions... Mouais...*

Wood évite alors soigneusement deux adolescentes chargées de paquets et continue d'arpenter une grande rue. Marcher n'était pas la meilleure solution pour étancher sa faim mais il n'arrivait à réfléchir que comme çà. Bientôt une semaine qu'il était parti et son compte en banque était à sec, il lui reste quelques billets, rien de bien folichon. Les deux tiers de ses économies étaient passées dans son billet d'avion, le reste avait vite était épuisé dans un motel miteux et dans des repas sommaires.

*Hinhin, je sais, faudrait que je trouve un job dans un fast food ou un resto, comme çà, je pourrais manger, héhé... Trop faim... Un boulot où je ne toucherais personne, ou alors avec des gants ! Toiletteur pour chiens, çà, c'est une idée ! Sauf que becqueter des granules vitaminées, c'est pas mon truc... Mouais, voyons ce que je pourrais trouver...*

A ce moment-là, Wood passe devant un distributeur de journeaux, fait glisser une pièce dans la fente et prend un exemplaire du jour. Il fait encore quelques pas et rejoint un banc libre.

*Page des offres d'emplois, y'en a-t-il, au moins ?*

...

Il avait pris Eastern News, parce que c'était un homme de goût, et la une titrait de la façon suivante :

Eastern News

La page des petites annonces suivait la même maquette (parce que j'ai la flemme d'en refaire une). Sur le secteur de New York, il y avait un peu de tout...

Recherche mannequin H pour photos, défilés, éro, X, 17-23 ans, s'adresser à l'agence Vogue

Agence spécialisée recherche coursier pour pizzas chaudes, payé à la température.

Ch proj pour proj priv, s'adr à l'hôt Mart, et + si affinités

Cabinet dentaire cherche comptable

Vous voulez un métier d'avenir ? Entrez dans les forces spéciales ! Perspectives de carrière intéressante, assurance-vie souhaitable.

Prêteur sur gages cherche garde du corps

Entreprise international cherche commercial junior, 30 ans d'expérience dans le marketing international souhaitée


Le reste était trop loin pour les maigres finances de Wood.
Dans la poubelle à coté du distributeur, un autre journal titrait sur les mutants : La sentinelle

*Heu... J'ai pris le bon journal, moi ? On dirait "Infos du Monde" avec les toilettes magiques ou cette femme à trois jambes qui a épousé l'homme à deux langues O__o*

Intrigué quand même rien que par le titre du quotidien, il continue sa lecture...

*Rejet ou acceptation ? Moi, j'accepte en rejetant ! ... Des terroristes ? Je me vois mal brandir un fusil et menacer de tout faire péter ... Un grand sage ce docteur Fleury ! Salem Center... C'est à New York ? ... Une journée "Portes Ouvertes" ... A ben oui, c'est à New York !*

Plus intrigué encore, il se concentre enfin sur les petites annonces.

*Classe, mannequin... Ah non, ils se font tripoter sans arrêt... Ah ben je crois que je devrais tripoter aussi, vu la suite, passons... Livreur de pizzas, mouais, à retenir, c'est toujours mieux que rien... Cette annonce fait froid dans le dos... Comptable, les chiffres, c'est pas pour moi ! Les forces spéciales, ouais, ben ils gagneraient le pompon avec moi... Garde du corps, c'est surtout mon corps le danger, donc pour sa santé, je ne vais même pas y penser ^____^ Raaaah, tout le reste est pourri, il me reste seulement à choisir entre faire des photos pornos ou livrer des pizzas...*

Wood range le journal dans son sac à dos et observe un instant les gens et les alentours. Un autre journal était dans une poubelle. Il s'en saisit et continue sa lecture...

*O__x C'est pas des conneries, ces histoires de mutants... La vache, ils ont l'air d'avoir des dons balèzes ! En même temps, c'est hyper spectaculaire, ce qu'ils font, sauf qu'ils tuent des gens, et çà, c'est pas particulièrement gentil... Si je comprends bien, à Salem Center, rue trucmuche, y'a toute une bande de mutants qui s'entraînent et sont à l'école... C'est super flippant... Remarque, c'est encore plus flippant de lire les propos de ce Thadeus Zachary, à en croire ce qu'il dit, on est des sortes d'amibes préconfites, un genre de vermines à exterminer.*

La Sentinelle rejoint rapidement son confrère Eastern News et Wood reprend sa marche pour s'arrêter devant un vendeur de hot-dog.

*J'y vais, j'y vais pas ? Pourquoi j'irai d'abord ? Par curiosité ? Le fait qu'il regroupe des mutants, ca veut pas dire qu'il sera capable de me dire ce que je suis et comment je peux le contrôler... j'aimerais bien, moi, être comme tout le monde, pouvoir effleurer quelqu'un dans la rue sans me dire qu'il va agoniser et moi aussi...*

"Un hot-dog avec de la moutarde, s'vous plaît... Dîtes-moi, c'est loin Salem Center, d'ici ?"

Le vendeur tendit à Wood un hot dog à peu près aussi gras que sa panse pleine de bière, dégoulinant de moutarde.

"ça f'ra 2$75. Salem Center ? Vous cherchez quoi par là... Y'a rien, à part des bourges et des putains de monstres.

Faut prendre le monorail pour y aller, sauf si vous avez du goût pour la randonnée héhé"

Il lâcha un rire gras, laissant sous entendre que le voyage à pieds serait très très long

*Faudra que je pense à manger une ptite salade un de ces jours, je vais finir par m'empâter...*

Wood remercie le vendeur, lui tend la monnaie et se saisit du hot dog en faisant bien attention de ne pas toucher la main du vendeur.

"Ha ? Parce qu'il y a une différence entre les deux ?"

*Alors, çà, c'est bien joué, ça fait détaché, c'est bien !*

"Merci beaucoup, M'ssieur, passez une bonne journée !"

*Le monorail...*

Se mettant à la recherche du monorail tout en mangeant son hot-dog trop gras, Wood se demande de plus en plus si c'est une bonne idée, en définitive... A quelques pas, effectivement, une station du monorail l'attendait. Il consulte le plan pour savoir quelle rame prendre et va au guichet.
*Héhé, ce Fleury, c'est un malin, il risque pas de se faire bombarder son centre s'il se trouve en plein milieu des bourges et des notables de la ville, ça ferait tâche...*

Un grosse goutte de moutarde tombe lâchement sur son pull à capuche.

*Et merde !*

La station monorail n'était pas comme une station de métro du XXe siècle, beaucoup plus grand... entre une vieille gare et un aéroport.

Au guichet, le préposé, un jeune homme probablement intérimaire, regarda avec un air peu engageant la grosse tache de moutarde due au hot dog, puis regarda les yeux, et préféra finalement regarder son écran.

"Pour Salem Center ? Sans bagages ? C'est un billet de rang 3, court trajet. Sans vous vexer, je suppose que vous allez en 2nde classe ?"

"J'ai juste mon sac à dos ! Et ça ne me vexe pas du tout, oui, un billet le moins cher, même ! Vous faîtes des réductions pour les moins de 25 ans ?"

Wood sourit à sa dernière phrase et reprend la discussion.

"Le prochain train est à quelle heure ? Enfin le train... Le monorail, hein !"

Le jeune homme pianota sur son ordinateur, vraiment pas à l'aise.

"Le prochain avec des places comme vous demandez part dans 2h, la place est à 60$, si vous ne pouvez pas payer, laissez la place à la personne suivante. Et non, on a pas de réduction pour les - de 25 ans."

Il était un peu sec. La politique de la compagnie était manifestement de laisser la place aux riches.

*Raaaaaah, mais c'est hyper cher... Si je prends ce billet, il me restera rien, tant pis... Le tout pour le tout...*

"Ne vous inquiétez pas, j'ai de quoi payer..."

*C'est avec ce genre de type que je deviendrais bien terroriste...*

Wood sortit son porte-feuille et donna ses derniers billets au guichetier.

*A plus qu'à attendre deux heures...*

Le vendeur donna un billet à Wood puis passa à la personne suivante sans autre forme de procès, l'invitant à aller dans la salle d'attente.

La salle d'attente des 2e classe tenait plus de la cour des miracles que de la salle d'attente. Pourtant, le vocable 2e classe semblait indiquer un minimum de confort, mais dans les faits, il y avait encore la 1ere classe, la classe confort, et la classe exceptionnelle. Qui avaient naturellement, de plus en plus de services.
Dans cette gare de monorail, tout semblait dédié à la consommation, mais d'un autre coté, on était à New-York, et l'argent y était roi. Partout, des magasins, des vendeurs à la sauvette, des services supplémentaires, et partout, des quêteurs qui ne manquèrent pas de venir solliciter le jeune mutant...

Entre les mères de famille éplorées, les réfugiées du dernier conflit brandissant leur misère, les invalides en tous genre, les pochtrons, il était difficile de garder la tête froide.

Au bout de 2 heures incroyablement longues, une porte s'ouvrit, un comptoir s'installa, et une hôtesse d'accueil aux allures de dame-pipi annonça : "pour le monorail n°45-260-D, 2e classe, en voiture..."

Le rituel semblait bien rôdé par des voyageurs habitués : ils donnaient leur billet à la dame qui le passait dans sa machine, puis ils passaient la main dans une boîte qu'un agent de sécurité tenait. Systématiquement, elle s'allumait verte, et les personnes continuaient.

Une fois seulement, elle s'alluma rouge, et la personne fut menotée directement et emmenée.

Wood passa deux heures affreuses à éviter mendiants et autres rebus de la société prêts à tout pour vous soutirer quelques sous en vous forçant à vous apitoyer sur leur triste sort.

Quand enfin une hôtesse apparut, Wood vit en elle le salut, l'espoir de sortir enfin de cette salle d'attente. Quand une personne fut menottée, le jeune Smith se dit qu'il devait surement avoir un casier judiciaire ou devait être recherché par la police.

Wood se leva pour faire la queue, puis il tendit son billet à l'hôtesse avant de faire la queue, pour lui aussi mettre sa main dans la boîte...

*Hummm, je me demande si je suis pas en train de faire une grosse connerie, moi...*

Eh oui, le piège était évident, mais inévitable, sinon ça serait trop simple... Wood mit sa main dans la boîte, et reçut une petite piqûre au doigt alors que clignotait une lumière orange.

Quelques secondes plus tard, c'était le rouge vif avec l'alarme, et tout le monde se recula en marmonnant, en murmurant, en roumèguant, et en échangeant de basses et viles paroles.

Même les agents ne savaient pas trop quoi faire. Celui tenant la boîte tremblottait, et son coéquipier pointait une arme sur Wood.

"Vous... vous êtes un mutant ! Ne bougez plus... Ne faites pas de bêtises, sinon je tire ! Vous ne pouvez pas monter ! C'est interdit aux mutants !"

*Je le savais... Pourquoi j'écoute jamais ma p'tite voix... Raaah !*

Wood ne savait plus quoi faire et envisagea aussi bien que mal les éventualités aussi vite qu'il pouvait.

*1 : M'enfuir --> Balle dans le dos --> Morgue, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas 1000€...
2 : Rester là --> Tenter de faire une blague --> Bavure policière --> Morgue...
3 : Rester là --> Dire que je suis une bombe humaine --> Tenter de gagner du temps --> Espérer que ce Fleury matte la télé --> Attendre qu'il enfile sa cape pour venir me sauver... Mouais O__o
4 : Rester là --> Coopérer --> Eviter tout affolement --> Finir dans des bocaux numérotés
5 : Enlever mon pull et attendre qu'on vienne me toucher --> policier 0 - Wood 1 -->énervement du collègue, bavure policière -->morgue...*

Wood réalisa vite fait qu'il était cuit, bien cuit, que le talent qui effrayait tant ces gens et tant Wood ne lui servirait à rien ici.

*Quitte à crever...*

"Euh, M'ssieur, si je peux pas monter et que je peux pas bouger, je fais quoi ? Je reste là indéfiniment ? Pas que ça me dérange de rester avec vous, mais bon..."

*Trop nul... J'arrive même pas à trouver une bonne vanne... Moman, je t'aime...*

Les deux agents, qui n'avaient manifestement eu qu'une demi journée de formation au "danger mutant", mirent quelques secondes à réagir.

"Eh bien... euh... mettez vous sur le coté là. Non, allez vous assoir sur un siège, vous empêchez les autres d'accéder au monorail."

Ce faisant, celui avec l'arme faisait des gestes pour indiquer un siège, tâchant de se donner une contenance, bien que, manifestement, il avait envie de demander *et ne nous tuez pas s'il vous plait*

*Les enfoirés... Quand j'y pense, j'ai perdu mes derniers 60 dollars et maintenant, non seulement j'ai plus un radis mais en plus je suis considéré comme un monstre... Grrrrrr*

Alors que le jeune Smith se dirigeait tranquillement vers le siège qui lui avait montré l'agent armé, la moutarde, bien plus forte que celle de son précédent hot-dog, lui monte au nez et une idée complètement stupide lui vient en tête. Avant de tenter quoi que ce soit, il regarde si l'agent armé a une bague de mariage...

"Donne moi ton flingue et ton portefeuille. Il reste deux secondes avant que je fasse crever ta femme à distance dans d'ignobles souffrances !" dit-il énervé, les yeux exhorbités...

*C'est vraiment stupide... Wood, mon petit, t'es trop un cornichon...*

L'agent avec la boîte frémit, et les gens se mirent à hurler au monstre, au viol, au meurtre, de partout.

Celui avec l'arme trembla un instant, puis il fut pris d'un accès de courage.

"T'as qu'à le faire ! Cette gr******* veut divorcer, me ruiner en pension alimentaire, et me piquer mes gosses ! Alors, t'as qu'à la tuer, sale monstre !"

*Raaaaah, mauvaise idée... je le savais, décidemment, je ne fais rien comme il faut...*

"Il faut que tu me touches alors et tu auras ce que tu veux !"

Wood tendit doucement sa main vers l'agent...

*Ca devient ridicule, Wood, t'es trop bête... "Il mourrut jeune et complètement stupide"...*

L'agent désactiva la sécurité de son arme, produisant un léger sifflement en signe de dernier avertissement.

"Tu la fermes, sale monstre, tu fermes ta [pour des raisons de décence, ce paragraphe a été remplacé par des expressions plus correctes]boîte à camembert, sinon, les bisounours vont devoir te donner plein de jolis coeurs et de bonbons[merci de votre compréhension]"

Sur ces entrefaites, un agent de police arriva, finalement.

"C'est lui le mutant ?"

Après quelques échanges de bons procédés de la part du policier et de l'agent, le policier s'adressa à Wood.

"Foutez le camp. Sortez de la gare dans le calme, et ne crééez pas d'émeute. Vous avez rien fait, alors je ne vous arrêterai pas."

*O___o Ah ben non...*

Wood regarda les agents avec un sourire dissimulé, comment pouvait-on avoir peur de lui alors qu'il n'avait que 16 ans et que ces derniers étaient armés... Il remercia les agents et demanda :

"Je peux me faire rembourser mon billet au moins ?"

L'agent regarda Wood de telle manière que le jeune savait ce qu'il lui restait à faire... Il sortit donc à nouveau dans la rue...

*Y'en a marre... Un téléphone...*

Wood s'arrêta, plongea une pièce dans l'appareil et composa les renseignements.

"B'jour, je voudrais le numéro du 51 Greymalkin Lane, Salem Center, Etat de New York, s'vous plaît !"

Le vigile lui lança un regard lui intimant l'ordre de ne pas chercher d'ennuis supplémentaires, et qu'il était déjà bien gentil de le laisser partir aussi facilement.

Ayant miraculeusement trouvé un téléphone qui n'était pas à carte au XXIIe siècle, la voix au bout du fil lui dit mécaniquement.

"Bonjour, et bienvenue sur le service de renseignements automatisés de AT&T. Ce service vous sera facturé 50cts de la minute, avec un supplément de 1$ par question. Veuillez s'il vous plait introduire 1$ supplémentaire, et reposer votre question."

Wood replongea une pièce dans l'appareil...

"Pourrais-je avoir le numéro du 51 Greymalkin Lane, Salem Center, Etat de New York, s'vous plaît ?"

*Saleté de machine... Vampire d'argent, va...*

La voix répondit :

"Vous souhaitez :
1 - Connaître l'identité de la personne habitant au 51 / Greymalkin / Lane, Salem Center
2 - Connaître l'adresse complète
3 - connaître le numéro de téléphone.

Appuyez sur les touches correspondantes."

Avec un suspens frisant un arrêt cardiaque imminent, une goutte de sueur perlant sur son visage, Wood appuya sur la touche 3...

Et la voix de continuer, invariablement :

"Veuillez insérer une pièce supplémentaire, pour passer à la question suivante."

Les services de renseignements étaient des vampires...

*Ils vont me mettre sur la paille si ca continue...*

Wood fit glisser une nouvelle pièce...