Retour en Colombie...

Après moult périgrinations, Pablo était finalement arrivé à l'étage le plus luxueux : celui des suites. Il était évident que des gens comme les Geller n'allaient pas se loger dans les chambres miteuses en dessous, et c'est avec une certaine appréhension que Pablo put voir les portes de l'ascenseur s'ouvrir sur le couloir donnant sur la suite principale de l'hôtel. Aucun bruit n'en sortait. Les Geller étaient-ils sortis pendant que Pablo se battait avec ses lave-linges ?

Cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes que Pablo s’était introduit dans l’hôtel à l’insu du réceptionniste qui l’avait invité à quitter les lieux sans ménagements.
Sans réellement savoir pourquoi, le jeune homme désirait s’entretenir avec un mystérieux couple avec qui il avait échangé quelques mots, et la seule façon d’y parvenir était d’atteindre les étages supérieurs. Alors qu’il allait renoncer, le Colombien avait finalement réussi à accéder à l’ascenseur ; il allait pouvoir monter aux niveaux supérieurs.

Les Geller. C’était le nom de l’énigmatique couple que Pablo cherchait. Le jeune homme avait fait les étages un par un, mais il n’avait encore jamais mis un pied en dehors de l’ascenseur, se fiant à son instinct. Les Geller avaient une allure assez sophistiquée qui les classait, au premier coup d’œil, parmi les personnes qui venaient d’une certaine strate. Aussi, le mutant cherchait avant tout un éventuel étage qui serait du standing de la couche sociale des deux tourtereaux.
Alors que la porte de l’ascenseur s’ouvrait une fois de plus, dévoilant un nouvel étage, un pincement de lèvres précéda un petit sourire satisfait qui illumina le visage de Pablo. Devant lui, un couloir ; l’ambiance était accueillante et la déco bien plus soignée qu’aux autres étages. Ça sentait le luxe !

*Voilà c’que j'espérais !*

Lentement, Basilic sortit de l’ascenseur et avança dans le couloir en marchant à pas feutré. Aucun bruit, aucun signe de vie. Visiblement, l’étage ne comptait qu’une seule chambre, probablement la suite la plus coûteuse de l’établissement. Les salaires des travailleurs colombiens ne leur permettaient certainement pas de s’offrir une tel chambre ; seuls de riches touristes devaient pouvoir se payer ce luxe, des touristes comme les Geller.
Le mutant aux yeux dorés ne se posa pas trop de questions. De toute façon, si il ne tombait pas sur les Geller il pourrait toujours prétendre s’être trompé d’étage.
Délicatement, le jeune homme tapota contre la porte en baissant la poignée et s’adressa à un éventuel occupant des lieux dans sa langue natale.

« Pardonnez moi…Mr Geller ? »

Une chance pour Pablo, il n'y avait absolument personne dans la pièce. Les Geller étaient sortis, et avaient mal fermé la porte si bien que le verrou électronique ne s'était pas enclanché.

Par contre, c'est avec une certaine surprise qu'il put constater que la pièce n'avait rien d'une chambre classique de touriste. Certes, il y avait un lit dans un coin, mais il était proprement fait, et de nombreux plans, cartes épinglés étaient posés dessus. En y jetant un oeil, il put remarqué que des petites épingles jaunes étaient plantées sur son itinéraire de retour...
De même, l'armoire ne renfermait pas de vêtements, mais un certain nombre d'écrans d'ordinateur pleins de post-its. Aux fenêtres, du matériel d'observation : jumelles, appareils photos, reliés aux ordinateurs. Matériel de capture de son également. Un peu partout, il eut la désagréable surprise de remarquer des photos de lui quasiment à chaque fois qu'il usait de ses pouvoirs. Il avait été filé !

Seul une carte dénotait un peu : elle montrait la côte Est, avec une épingle rouge plantée au milieu d'un rond au marqueur centré sur la ville de Salem Center.

Le mutant ouvrit prudemment la porte qui, visiblement, n’avait pas été fermé.

« Y’a quelqu’un ? »

Personne.
Pablo entra dans la suite avec méfiance en regardant tout autour de lui. Il fut pris d’une soudaine sensation de malaise, une impression étrange. Cette pièce n’avait rien de la chambre d’un couple profitant du luxe qu’elle offrait. Les lits n’avaient pas servis, tout étaient à sa place. Qu’est ce qui incommodait à ce point Pablo ? Lui même ne le compris pas tout de suite.

Son regard fût dans un premier temps attiré par une imposante paire de jumelles et un gros appareil photo braqués sur la rue. Sur une table à côté, des sacoches renfermant certainement d’autres appareils ou caméras, étaient posées à côtés d’un ordinateur portable.
Ailleurs, plusieurs cartes détaillées du Brésil, du Pérou, de l’Equateur et de la Colombie. Intrigué, le jeune homme s’en approcha. Ses doigts se posèrent sur le papier, retraçant le trajet qui était dessiné par des punaises plantées tout le long des cartes.
La gorge de Pablo devint sèche. Ça ne pouvait pas être un hasard…Le trajet dessiné sur ces cartes correspondait au sien ! Une partie de son voyage à travers l’Amérique du sud était répertorié sur ces cartes, jusqu’à Cali.

*Manaus…Rio Branco…Conococha…Mitu…*

A chaque nom de ville sur laquelle une punaise était plantée, Pablo avait un souvenir de passage, et plus il déchiffrait les cartes, plus il sentait son cœur s’emballer.
Le Colombien aux yeux dorés s’éloigna de la table et fit quelques pas en arrière en essayant de comprendre. Brusquement, il s’arrêta net.

« Qu’est ce que… »

Cette sensation de malaise lorsqu’il était entré…il n’avait pas compris immédiatement, mais son subconscient, lui, avait analysé et enregistré la multitude de photos accrochées aux murs…des photos de lui !
Autour du jeune mutant, des murs parsemés de photos, toutes d’une seule et même personne : lui.
Un frisson lui parcouru l’échine tandis qu’il s’avançait vers le premier mur. Certaines photos étaient floues, mais sur chacun des clichés on reconnaissait clairement ce garçon aux cheveux blancs. Mais le pire fut de découvrir que la plupart avaient été prises alors qu’il utilisait son pouvoir ; ses yeux scintillants, allumés de cette lueur que toutes ses « victimes » avaient dû voir avant de sentir leur corps ne plus leur répondre.
Aucun moyen de savoir si les Geller étaient bien les responsables de tout ça. Une chose était sûre, ceux qui l’avait pisté l'avait fait dans un but bien précis : l’espionner et observer sa faculté à contrôler les autres. Paniqué, le mutant humecta ses lèvres en jetant un dernier coup d’œil à cette pièce terrifiante.

*Ne toucher à rien !*

Les espions ne devaient pas savoir que le mutant était au courant de leur filature. Ainsi, il aurait une longueur d’avance et pourrait attendre l’occasion de les repérer puis de les semer à un moment ou un autre.
Pablo commença à reculer et heurta le coin d’une table ; une autre carte y était posée. Il s’agissait d’un plan de la côte Est des Etats Unis. Un rond avait été tracé au marqueur et une épingle rouge plantée à l’endroit où se situait une ville.

« Salem…Center ? »

Pourquoi cette ville était pointée ? Pablo n’y était pourtant jamais allé.
Totalement déboussolé, le Colombien finit par s’asseoir sur une chaise, avant de se prendre la tête à deux mains en laissant son regard se perdre sur cette carte des Etats-Unis.
Il laissa la pression redescendre un instant…sa crise de paranoïa avait laissé place à la confusion la plus totale. Que lui voulaient réellement ces étrangers ? Ne sachant plus quoi penser, Pablo resta là, assis sur sa chaise…perdu…

Combien de temps Pablo resta-t-il là à contempler le revêtement de sol ? Difficile à dire. En tout cas, il fut tiré de sa torpeur par le bruit sourd de la machinerie d'ascenseur qui amenait la cabine jusqu'à cet étage. Il allait probablement bientôt y avoir du monde ici, et vu que l'ascenseur était pratiquement la seule issue, il allait devoir trouver un endroit où se cacher.

La notion de temps, Pablo l’avait totalement perdu. Son regard vaguait entre le sol de l’appartement et cette carte qui était posée sur la table devant lui.
Salem Center. En réfléchissant, le mutant c’était rendu compte que ce nom lui évoquait quelque chose ; il l’avait déjà entendu auparavant. Mais où et dans quelle circonstance ? Par déduction, il en était venu à la conclusion qu’il avait dû l’entendre au info, ou bien l’avoir aperçu en lisant un article.
Que représentait cette ville pour les espions ? Leur point de départ, leur destination, un lieu de rendez-vous ?
Tout à coup, un bruit provenant du fond du couloir résonna, faisant sursauter Pablo et le ramenant aussitôt à la réalité.

*L’ascenseur !*

Des gens arrivaient à l’étage. Aucune issue pour s’échapper. De plus, la suite étant la seule chambre de l’étage, les visiteurs venaient forcément dans cette appartement.
Rapidement, le Colombien se leva et remit sa chaise en place. Les bruits de pas se rapprochaient progressivement. Chaque petit endroit de la pièce était repéré par Pablo qui tentait de vite réfléchir à celui qui serait le plus efficace.
Il voulait un endroit à la fois bien caché et qui lui permette de voir le visage de ses paparazzis. En effet, quoi qu’il arrive Pablo voulait avoir ces étrangers en visu ; il savait qu’il pourrait faire appel à son pouvoir pour en immobiliser un, et l’utiliser pour se défendre si la situation dégénérait. Bien sûr, il espérait ne pas avoir à en arriver là.
Le regard de Pablo s’arrêta sur la penderie.

*Parfait…*

Le mutant aux yeux dorés se précipita sur le placard dans le coin. En laissant les portes coulissantes légèrement entrebâillées, il avait vue sur la porte d’entrée, et pourrait suivre le déplacement des inconnus dans le salon ; par ailleurs, il restait relativement bien caché et si les personnes qui venaient étaient les femmes de ménages, elles n’iraient certainement pas ouvrir le placard.
Accroupi, Pablo fit légèrement coulisser la porte de la penderie, laissant une toute petite ouverture lui permettant d’observer ce qui se passait, sans être vu.
Les bruits de pas devenaient plus lourds. Difficile de dire le nombre exact de personnes ; mais ils étaient au moins deux.
Le cœur palpitant, Pablo fixait la porte d’entrée, attendant de voir le visage de ceux qui allait apparaître…

Les voix se rapprochèrent, parlant en anglais. Manifestement, l'humeur n'était pas au beau fixe.

"Tu as oublié de vérouiller la porte en partant...

- C'est ta faute ! Tu avais qu'à être moins pressée

- En même temps, si tu ne t'amusais pas à perdre de vue nos cibles, ce serait drôlement bien.

- Et toi, si tu ne les provoquais pas avec tes manières de bourgeoise exagérées !

- Bien sûr oui, et c'est aussi mes manières de bourgeoise exagérées qui ont attiré son attention sur nous à peine il nous a vu ?

- De toutes façons, ça ne nous dit pas où il est."

Les pas se déplacèrent rapidement dans la pièce. On pouvait entendre le ronronnement de ventilateurs d'ordinateur qui se réveillaient

"Des nouvelles de Salem Center ?

- Tu n'es pas censé t'en occuper... Déjà que tu perds les cibles...

- Et toi tu ne vérouilles pas les portes, et ça fait deux fois qu'on se fait visiter, tu tiens vraiment à nous faire virer ?

- Ah, il y a du nouveau... Attaque par des appareils mécaniques... blablabla, destructions et morts... Ben y'en a qui perdent pas de temps.

- C'est Zachary ?

- ça y ressemble... ça ne m'étonnerait même pas. Un type au dossier interdit a probablement accès à ce genre de chose."

Encore quelques bruits de pas.

"Ah ben en effet, il n'a pas fait dans la dentelle... C'est les dernières photos satellites ?

- Ouais...

- Et si tu mettais un peu ton satellite ici, ça nous aiderait ptet à retrouver notre client."

Et la conversation reprit de plus belle...

Les bruits de pas laissèrent place aux voix de deux personnes ayant une discussion assez houleuse. Un homme et une femme parlant en anglais. Ils ne s’attardèrent pas sur le palier, aussi Pablo ne les identifia pas tout de suite, mais leurs voix lui étaient familières et leur conversation lui confirma ses soupçons.

*Les Geller !*

Le couple alluma l’ordinateur tout en continuant leur explication mouvementée. L’un d’eux évoqua cette mystérieuse ville : Salem Center, leur quartier général, à en juger par les propos qu’ils tenaient. Toujours en se fiant à leur façon de parler, le couple ne devait être qu’une maille de ce qui semblait être une organisation : ils craignaient d’être viré, et n’était apparemment pas à leurs premières « chasse de mutant ».
Au fil du dialogue, un nouvel indice fit son apparition, un inconnu répondant au nom de Zachary. Pablo commençait à assembler les pièces de ce puzzle qui impliquait de plus en plus de personnes.

"…ça nous aiderait ptet à retrouver notre client."

Le reste de la conversation, le mutant n’y fit pas attention. Il prit une profonde inspiration, serra les dents et fit coulisser la porte de la penderie avant d’en sortir pour se retrouver face aux Geller.
Obéissant à sa volonté, ses yeux se mirent à luirent de façon intense alors qu’il fixait le mari. Ce dernier serait probablement sous l’emprise du pouvoir de Basilic et ne pourrait plus bouger.

« Oubliez votre satellite…vous me cherchiez ? j’suis là ! »

Depuis le début, ce couple l’intriguait au plus au point, il avait cherché à les rencontrer et le moment était arrivé. Immobiliser l’homme du couple était une simple précaution, car ces deux étrangers avaient changé de statut, il n’étaient plus les simples touristes friqués qui voyageaient à travers l’Amérique de Sud ; ils avaient dévoilé leurs vrais visages : celui d’espions traquant les mutants.

« C’est quoi ces photos ! Qu’est ce que vous m’voulez !? »

S’adressant à la femme Geller, Pablo avait laissé de côté son calme et sa gentillesse, comme en témoignait son visage qui laissait transparaître une certaine nervosité…

Malheureusement pour Pablo, les deux Geller regardaient leur écran d'ordinateur, et comme celui-ci n'était pas accroché sur la penderie, ils étaient dos à lui !

Mme Geller, qui était debout, afficha un petit sourire.

"Oh, tiens, mais on dirait que le petit Pablo nous a trouvé... En même temps, il faut dire que tu ne fais pas dans la discretion, mon cher mari

- Et en même temps, si tu fermais les portes à clef..."

Ajouta ce dernier sans se retourner.

La sortie de Pablo avait été remarqué, mais le jeune mutant n’avait pas réellement réalisé qu’il avait à faire à deux agents qui l’avaient espionné durant plusieurs mois. Il était évident qu’ils ne se retourneraient pas afin d’éviter d’être exposé aux yeux étincelants du jeune Colombien ; ils savaient mieux que personne ce qu’ils risquaient de subir s’ils venaient à croiser le regard envoutant de Pablo.
Comprenant tout cela, Basilic ferma les paupières pendant quelques secondes, puis les ouvrit lentement…ses yeux retrouvèrent instantanément leur aspect « normal » – en considérant qu’avoir des yeux dorés et sans pupilles soit un aspect normal – alors que lui se retrouvait figé, au milieu de la pièce, bluffé par la sérénité de ses deux poursuivants.

Les Geller ne semblaient ni inquiétés, ni intimidés par la présence du mutant qu’ils avaient suivi des mois durant. Ils étaient calme, comme si ils n’avaient rien à se reprocher ; plutôt déroutant pour ce duo qui possédait des dizaines de clichés d’un même individu placardés sur les murs ! Leur attitude étaient d’ailleurs loin d’être celle de dangereux espions voulant capturer quelqu’un, si bien que pendant un court instant, Pablo se demanda si il ne s’était pas trompé.
Perplexe, il s’adressa de nouveau à ce couple qui lui tournait le dos

« Qu…Vous êtes qui exactement ? »

Le ton était plus calme, reflétant presque un certain malaise ; l’intrus qui s’était dissimulé dans la penderie était désarçonné, et en même temps, il sentait qu’il n’avait rien à craindre de ses interlocuteurs. Maintenant, il voulait comprendre à quoi rimait toute cette mise en scène…

Les Geller se retournèrent finalement. Monsieur en faisant pivoter sa chaise à roulettes, madame en venant gracieusement se placer derrière monsieur.

"Qui nous sommes ? Qui sommes-nous déjà chéri ?

- Jessica et James Geller.

- Ah oui, c'est vrai."

Une fausse identité manifestement, puisque c'est empreint d'une certaine ironie que Jessica Geller avait demandé son identité à son mari. Mais était-il au moins son mari ? Au vue de leurs incessantes chamailleries, ils avaient tout l'air d'un vieux couple qui avait longtemps baroudé ensemble.

"Note bien que c'est un faux nom, mon gamin, mais pour être honnête, je ne sais même plus mon vrai nom." ajouta Mr. Geller.

"Ah, et comme tu t'en doutes, nous sommes agents pas très secrets." conclut madame, toujours un petit sourire en coin.

Les visages des Gellers apparurent enfin. Les deux s’étaient retourné vers Pablo ; puis, ils se (re)présentèrent au jeune mutant avec une petite pointe d’ironie qu’il ne compris pas et assimila à de l’humour à l’américaine dont il n’avait pas vraiment saisit les subtilités.

"Note bien que c'est un faux nom, mon gamin, mais pour être honnête, je ne sais même plus mon vrai nom."

Le Colombien réalisa alors qu’il avait été mené en bateau depuis le début : leur noms étaient faux. Leurs vêtements devaient être de simples déguisements pour habiller leurs « personnages », leurs attitudes aussi étaient certainement calculés et pour finir, ce couple n’en était pas un.
Le film de leur rencontre sur le marché quelques heures auparavant passa dans la tête de Pablo ; tout avait du être minutieusement préparé, et ce n’était pas non plus un hasard si ils s’étaient recroisé dans la rue devant l’hôtel. Pourtant, cela faisait plusieurs mois qu’ils le suivait, et jamais Pablo ne les avait remarqué. Vu leur équipement, ce n’étaient pas des débutants, et par conséquent, le fait qu’ils décident d’entrer en contact avec leur cible avait dû être réfléchie. Ils avaient certainement décidé d’arrêter leur traque. Mais pourquoi ? Le mutant plissa légèrement les sourcils, et prit la parole

« C’est pas un hasard si je suis ici…pas vrai ? et j’ai l’impression que vous vous intéressez à mes yeux… je crois qu’il existe quelques autres rares cas comme le mien. »

Pablo marqua une pause, et regarda le sol. Ce qu’il allait dire, il avait toujours refusé de l’accepté. La mère de Pablo était une fervente pratiquante, une catholique endurcit, et il avait vécu dans l’univers de la Bible. Lorsqu’il avait découvert son pouvoir, il avait tout de suite pensé à la volonté de Dieu qui aurait pris possession de ses yeux pendant quelques secondes pour châtier le meurtrier de son jeune ami. Par la suite, il comprit que si Dieu avait une quelconque implication dans ce qui lui arrivait, alors il s’agissait d’une punition.

« Les mutants…c’est comme ça qu’on les appelle. J’sais pas pourquoi Dieu a décidé de m’infliger cette malédiction, et j’ me demande combien de temps je vais devoir la subir ; encore combien de temps je devrais regarder les gens en craignant de prendre le contrôle de leur corps sans l’avoir voulu... »

Petit à petit, Pablo commençait à oublier qu’ils étaient dans cette suite, face à ces espions. Il s’assit contre le rebord de la table et continua à parler, sans quitter le sol du regard.

« J’ai peur pour ma mère. J’ai peur qu’elle soit tuée par les mecs de "ce" gang pour venger la mort des autres. J’ peux même pas retourner vivre chez moi…j’suis mort si j’remet les pieds là-bas ! Tout ça…tout ça à cause de ces putains d’yeux... »

C’était la première fois que Pablo parlait ainsi de son pouvoir. Mais c’était surtout la première fois depuis son départ qu’il se confiait à quelqu’un, qu’il parlait de ses inquiétudes, et pour lui, sa faculté était à l’origine de tout ses problèmes…

Mme Geller eut un sourire compatissant envers Pablo. Une faille dans son masque d'espionne, ou bien était-ce là encore un jeu ? Mr Geller, lui, ne cilla pas à l'évocation de ces malheurs. Ce fut néanmoins lui qui répondit à Pablo.

"Ta venue dans cette ville est un pur hasard, nous n'avons fait que te suivre. Par contre, ta venue dans cet hôtel, et dans cette chambre en particulier n'est pas un hasard. Nous t'avons testé."

Cela tombait un peu comme un couperet sur la tête de Louis XVI. Mme Geller se voulut ~presque~ plus rassurante.

"Nous avons été un appât, une cible, tout comme toi. On nous a mis sur ta piste pour évaluer les capacités de ces fameux mutants. Tu n'es pas le premier que nous observons, nous en avons observé un certain nombre, mais nos données ont été volées il y a peu par une organisation peu recommandable et particulièrement dangereuse."

Elle alla regarder un instant par la fenêtre, puis se tourna et ferma les rideaux. Mesure sans doute inutile.

"En réalité, ton évaluation était programmée pour que tu nous découvres, compte-tenu de notre couverture minable et de nos moyens désuets."

Elle embrassa toute la pièce d'un large geste de la main. M. Geller continua.

"Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces... Nous ne sommes plus tout jeunes, mais les jeunes crétins qui nous observent, aussi bien toi que moi, Pablo, ont eu le tort de nous sous-estimer."

Un silence pesant plana sur la pièce, le temps que Pablo comprenne le destin funeste qui attendait les réels espions de cette affaire. Mme Geller continua alors.

"La vérité, c'est qu'on s'est joué de nous depuis le début. Le cambriolage, tout comme ta filature était programmé, et je suppose que notre élimination était le point final. Nous ne pouvons malheureusement pas t'en dire plus car nous manquons de temps. Tu es en danger Pablo."

Alors que madame parlait, monsieur Geller s'était mis à fouiller, à la recherche d'un de ces anciens lecteurs de disque portable, et d'un autre petit disque.

"Ces gens pensent que les mutants, comme toi, sont maudits et représentent une menace pour l'humanité toute entière. Et à t'entendre, tu leur donnerais raison !"

Elle était presque déçue de cette faiblesse de Pablo.

"Ne le prends pas mal Pablo, mais de ceux que nous avons vu, il ne s'agissait que de pauvres gamins perdus et déboussolés parce qu'ils se retrouvent à la tête de chose qu'ils ne comprennent et ne maîtrisent pas. Tu ne fais pas exception à cela. Le racisme à toujours existé, et il ne va pas mourir parce qu'on le décrète."

Mme Geller croisa les bras alors que Mr. Geller tendait le lecteur de disque à Pablo, ainsi qu'une liasse de billets.

"Mais l'espoir existe Pablo. Ce disque t'apprendra tout ce que tu as à savoir sur l'institut Xavier, qui se trouve sur la Côte Est des USA. Je pense qu'il s'agit de ta meilleure chance."

Imperceptiblement, alors que les Geller avaient parlé, ils avaient reconduit Pablo à la porte.

"N'essaie pas de nous retrouver Pablo. Déjà parce que tu n'y parviendrais pas, et surtout parce que cela te mettrait en danger. D'autres gens vont nous chercher, et ils ont la gâchette facile."

Durant tout le long de l’explication du pseudo-couple, Pablo était resté muet. Bouche bée. Il était resté scotché par leur propos.
Alors eux aussi avaient été suivis !? Il y’avait donc un second degré, une face cachée à cette mystérieuse traque ; les chasseurs chassés avaient décidé de prendre contact avec leur cible pour la mettre au courant du danger et tenter de la sauver. Le ton des deux étaient très graves ; à les écouter on aurait dit qu’ils allaient mourir dans les jours à venir…serait-ce le cas ?
Certaines remarques avaient été dures. Comment pouvaient-ils comprendre ce que ressentait Pablo ? Il était trop facile de le considérer comme perdu et déboussolé…car oui, il l’était, surtout depuis sa rencontre avec les agents Geller. Le jeune mutant ne voulait pas donner raison à qui que ce soit, et surtout pas à ceux qui prônaient la haine, mais sa vie tournait dans le mauvais sens depuis que son pouvoir avait fait son apparition. Difficile dès lors d’être philosophe et de relativiser. Là encore, Pablo était resté silencieux. Il ne voulait pas se justifier face à ces adultes qui connaissaient certainement mieux le sujet que lui, bien qu’ils ne le vivaient pas de la même façon.

Peu à peu, les Geller raccompagnaient Pablo à la porte de leur chambre. Mr Geller tenait un lecteur de disques comme on en trouvait encore dans les quartiers déshérités de la ville natale du Colombien, bien que celui-ci paraisse moins abîmé et un peu plus évolué que ceux qui s’échangeaient chez lui. Une liasse de billet accompagnait le lecteur CD, et dans un geste de bienveillance, Mr Geller tendit les deux au jeune garçon.

"Ce disque t'apprendra tout ce que tu as à savoir sur l'institut Xavier, qui se trouve sur la Côte Est des USA. Je pense qu'il s'agit de ta meilleure chance."

Pablo accepta le lecteur et la liasse, sans vraiment comprendre. Il regarda les deux agents dans les yeux avec un air absent. Le mutant était maintenant à la porte de la suite.

"N'essaie pas de nous retrouver Pablo. Déjà parce que tu n'y parviendrais pas, et surtout parce que cela te mettrait en danger. D'autres gens vont nous chercher, et ils ont la gâchette facile."

Pourquoi ? Pourquoi voudrait-on éliminer ces deux agents ? Pourquoi aidaient-ils Pablo de cette façon ? Pourquoi ne venaient-ils pas avec lui ?!! A trois ce serait plus simple ! Et c’était quoi cette histoire d’Institut !? Il devait aller à Salem-Center ? Quel rapport avec le lecteur CD !!?
Les questions se bousculèrent dans la tête de l'adolescent, mais une chose était claire : les Geller voulaient paraître forts. Ils voulaient laisser croire à Pablo qu’ils s’en sortiraient pour qu'il parte. Leur aspect de baroudeur ne donnait effectivement pas envie de s’apitoyer sur leurs sorts ; on sentait bien qu’ils ne seraient pas des proies faciles à abattre. L’homme du couple avait un regard déterminé, pourtant, le jeune Colombien avait du mal à partir de cette façon, sachant qu’ils étaient en danger.
D’ailleurs, il l’était lui aussi.
Il ne savait rien de ces hommes qui le poursuivaient lui et les Geller ; mais il avait grandit au milieu des fusillades et des règlements de compte, et avait une approche particulière du danger. Chez lui, c’étaient les « sicarios », des gamins de 16 et même de 10 ans pour les plus jeunes, qui allaient abattre n’importe qui pour quelques Pesos. La violence. C’était ça son quotidien à Bogota.
Aujourd’hui il se retrouvait en danger de mort, mais grâce aux Geller, il en était conscient et allait pouvoir agir en conséquence. Quant à eux, ça serait leur manquer de respect de penser qu’ils ne pourraient pas s’en sortir par eux même…

« Je…je sais pas quoi dire. J’oublierais jamais ce que vous avez fait…merci pour tout. »

Embarrassé, Pablo ne savait pas comment il devait réagir. Une simple poignée de main avec Mr Geller, suivit une petite accolade avec sa coéquipière, et le jeune Colombien s’éloigna de la chambre, en se dirigeant vers l’ascenseur.
En marchant, il tourna la tête et s’adressa une dernière fois aux deux agents.

« J’espère qu’on s’reverra…»

Un petit signe de la main, puis il disparu derrière les portes de l’ascenseur ; direction la buanderie, pour ressortir comme il était entré. Une fois dans l’ascenseur, de façon presque machinale, il glissa la liasse de billets dans son caleçon, comme il le faisait toujours quand il se déplaçait avec une grosse somme d’argent.
Cette journée avait été très spéciale, et Pablo ressentait quelque chose de bizarre, comme si il les avait quitté trop vite. A peine rencontré, il devait déjà se séparer d'eux. Décidemment, sa vie n'arrêtait pas de rebondir dans des directions qu'il ne maîtrisait pas...
Il tâta sa poche et en sortit le lecteur CD, avant d'enfoncer un des écouteurs dans le creux de son oreille. Curieux, il voulait se faire une idée de ce que contenait ce disque et appuya sur PLAY…

Alors que les portes de l'ascenseur se refermaient, Pablo put sentir un certain pincement au coeur : son espoir de les revoir était très incertain. A vrai dire, il ne les reverrait sans doute plus jamais.

Lorsqu'il appuya sur PLAY, un petit menu apparut. Il s'agissait manifestement d'une compilation de médias qui traitaient de l'institut Xavier et des questions mutantes : extraits de journaux, interview télé... Il aurait les informations, mais serait libre de choisir.

Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, Pablo en sortit prudemment. Puis, tout en traversant le couloir du premier étage, il jeta un coup d’œil à quelques articles d’un journal régional « Eastern News », ne lisant qu'en diagonale pour rester sur ses gardes.
En quelques secondes, il avait saisit le sens de ces articles et l’existence d’un « refuge » pour mutant y était révélé !

*L’Institut Xavier ?*

C’était de ça dont parlaient les deux agents. Tout se recoupait, le nom de Salem Center revenait sur plusieurs papiers, ainsi que celui de Zachary ; il s’agissait à coup sûr du même que celui qu’avaient évoqué les Geller. Un autre nom revenait souvent : Olivier Fleury, visiblement le directeur de cet établissement.
A côté de ça, les journalistes de « La Sentinelle », relataient dans les faits divers un nombre surprenant d’affaires qui étaient, selon eux, liées de près ou de loin à des mutants.
Il existait une communauté de mutants qui s’organisait dans l’Etat de New York. Pablo avait déjà surpris deux ou trois gros titres évoquant cela mais il n’avait jamais poussé la lecture, et c’était donc à ça qu’avaient fait allusion les Geller.
L’adolescent referma le lecteur ; il aurait le temps de tout lire de façon plus détaillé durant son voyage, car il venait de le décider, il se rendrait à cet institut pour ce faire son idée !

*"Tu es en danger Pablo."*

Tels avaient été les mots des Geller.
Il lui fallait donc quitter Cali au plus vite. Sa prochaine destination, New York. Contrairement à sa première idée, il n’irait pas voir sa mère. Si des agents en voulaient réellement à sa vie, Bogota serait pour eux l’endroit rêvé pour l’éliminer ou le kidnapper dans l’indifférence générale, sans compter qu’il aurait aussi à se méfier des habitants de son propre quartier. C’était bien trop risqué, de plus sa mère risquerait de ne pas comprendre ; le plus simple serait de lui écrire une lettre pour lui expliquer que tout allait bien et qu’elle n’avait pas à s’en faire.

Le jeune mutant s’empressa de sortir de l’hôtel ; une fois dehors, il prendrait le bus pour l’aéroport de Cali. De là, il pourrait continuer son voyage, et se rendre à New York, puis à Salem Center grâce à l’argent que lui avait généreusement remis les Geller…

Je pense t'avoir suffisamment bassiné jusque là, donc je te laisse arriver à l'institut. Le sujet de Wood Smith sera, je pense, le plus approprié pour cela.

Tu peux également ajouter 3pts à ton barème de pouvoirs.