Retour en Colombie...

Plus d’un an que Pablo avait quitté son pays d’origine, la Colombie. Il avait voyagé à travers l’Amérique du Sud, passant par le Brésil, le Pérou et enfin l’Equateur. Malgré le besoin de fuite qu’il avait ressenti après le double meurtre dont il était responsable (cf histoire), le jeune Colombien avait le désir de retourner sur ses terres natales. Comme par instinct, il sentait qu’il devait revenir en Colombie. Comment allait sa mère qui n'avait pas eu de nouvelles de son fils depuis une longue année ? Qu'étaient devenus les amis que Pablo avait quitté sans rien dire ? Son retour serait certainement mouvementé et les raisons d’une « fugue » aussi longue dure à expliquer ; mais qu’importe, il devenait indispensable de se ressourcer.

C’est à Cali, une ville tranquille à 400 km au Sud ouest de Bogota, que Pablo foula, pour la première fois depuis un an, le sol de la Colombie. Le voyage en bus avait été très long et inconfortable ; le jour s’était levé depuis quelques heures déjà alors que Basilic descendait du car et récupérait son petit sac à dos dans les soutes du véhicule.
Fatigué mais heureux d’être de retour dans le pays qui l’avait vu naître, le jeune homme aux cheveux blanc marchait comme un fantôme à travers cette ville qui lui était totalement inconnue. L’atmosphère était décontractée, un marché, près d'une petite place, animait le quartier et les rues se remplissaient petit à petit.

Dans un premier temps, il fallait que Pablo se trouve un endroit où poser ses affaires et dormir un peu, un petit hôtel, une auberge, n’importe quoi ferait l’affaire. La prochaine étape serait de mettre à plat ce qu’il comptait faire. Allait- il rentrer tout de suite sur Bogota, risquant certainement d’être pris pour cible par quelques gangs voulant venger la mort de leurs compagnons, ou bien allait-il rester à Cali un petit moment ? Il verrait ça plus tard…
La chose qui l’inquiétait le plus était cette sensation qu’il ressentait depuis de nombreuses semaines, l’impression d’être épié, suivi, traqué. Voyager seul rend parano, mais le fait était qu’a plusieurs reprises Pablo avait fait usage de son pouvoir afin de facilité son voyage, palier à son manque d’argent, et parfois de se sortir de mauvaises situations. Bien qu’il n’aimait pas vraiment cela, sa faculté s’avérait, par moment, être un secours inespéré.
Ce qu’il craignait le plus : qu’une organisation criminelle se mette à le poursuivre afin de le recruter pour qu’il leur serve d’arme.

Tout ça se passait bien évidemment dans sa tête, mais Basilic préférait rester sur ses gardes tant qu’il le pouvait. Il traversait une rue, traînant son sac sur le sol poussiéreux, en cherchant autour de lui une quelconque enseigne ou panneau indiquant un lieu où il pourrait se reposer…

Le jour de marché dans la petite ville de Cali faisait penser à ces photos d'un XXe siècle révolu : des étals faits de bric et de broc, des vieilles guimbardes pétaradantes, des produits frais, des odeurs bizarres qui se superposent, et surtout, beaucoup de bruit, de monde, et de poussière.

Ici, un homme vendant des olives baignant dans une sauce tellement piquante qu'il était surprenant que le récipient les contenant ne se soit pas encore dissous, là, un homme vendant du poisson séché, là encore, un étal d'énormes courges vendues par une dame aux seins aussi gros que ses légumes.

Beaucoup de locaux fréquentaient ce marché, car il était l'unique moyen d'obtenir des produits de qualité à la traçabilité garantie, et dont on était à peu près sûrs qu'ils n'étaient pas bourrés de choses peu orthodoxes. Les carottes de 2 mètres de long avaient fait un bide au dernier salon de l'agriculture.
Mais il y avait aussi beaucoup de touristes. Ceux-là étaient faciles à repérer : mieux habillés, mieux chaussés, propres sur eux, et avec souvent un gros portefeuille.

Près de Pablo, un couple de touristes : un âge indiscernable --Peut-être une quarantaine d'années ?-- était en train d'acheter des bananes, lorsque de jeunes gamins locaux vinrent leur faire la conversation. Une technique vieille comme le monde : trois gosses pour occuper monsieur et madame, trois autres pour faire les poches...

Le marché était typique de ceux que l’on trouvait en Amérique Latine. Chaque stand était différent de celui d’à côté, et les commerçants avaient tous de « vraies gueules ». Des odeurs, et des couleurs s’entremêlaient, dans un brouhaha qui rendait le spectacle encore plus vivant, et malgré ce bordel ambiant, tout semblait parfaitement organisé.
Alors que Basilic traversait ce souk, un petit groupe de gamins pickpocket était entrain de sévir à quelques pas de lui. Avec une petite pointe de nostalgie, il les regarda faire…ces gosses étaient plutôt habiles, ils lui rappelaient l’époque où Pablo et ses amis traînaient dans les rues de Bogota à la recherche de pigeons comme ce couple de touristes. C’est le genre de vacancier trop facile à plumer ; naïf et crédule, ils se font toujours détrousser leur argent.

Les minots, qui ne devaient pas être à leur première dépouille, étaient en passe de réussir leur coup ; cependant, ils n’étaient pas très prudent et Pablo eut le sentiment que le commerçant qui tenait un petit stand d’épices juste en face, avait repéré le manège des jeunes pickpocket. Sans vraiment savoir pourquoi, Basilic qui se trouvait à hauteur des trois détrousseurs leur glissa un petit avertissement, tout en continuant à marcher

« Traînez pas trop…et soyez plus discret. »

Faire la morale n’était pas son truc, surtout qu'il était lui aussi passé par là dans sa jeunesse, et puis il savait combien il était dur pour certains mômes de s’en sortir. Il espérait juste que ceux là ne prendraient pas la mauvaise voie en grandissant…

Un coup de cuiller vola depuis le stand jusque sur les mains d'un des pickpockets. Coup parfaitement ajusté : assez fort pour qu'ils lâchent le portefeuille, et assez bruyant pour que le couple se retourne.

La dame, voyant son portemonnaie par terre, se mit à hurler au vol, son mari s'empressa de courir vers le butin, ce qui dispersa les pickpockets et mit un peu d'agitation sur la place.

Déjà, une locale avait attrapé Pablo par la manche et se mettait à lui hurler dessus d'une voix suraïgue :

"Vous avez tout vu ! Et vous n'avez rien fait, c'est de votre faute ! Vous êtes complice ! C'est bien à cause de jeunes comme vous que tout va si mal dans ce pays !"

Une forêt de regards culpabilisants se pointa vers Pablo, y compris ceux des touristes.

Pablo venait à peine d’avertir les gamins qu’une cuillère traversa la foule en sifflant et vint heurter la main d’un des jeunes voleurs. Surpris, Pablo eut juste le temps d’assister à la fuite des pickpockets en herbe, alors qu’une femme l’attrapait par la manche. La touriste semblait traumatisée ; elle avait hurlé de toute ses forces en constatant que des petits maraudeurs voulaient s’emparer de son porte-feuille et elle se trouvait visiblement en état de choc.
La locale qui avait attrapé Pablo commença à le sermonner de façon virulente, devant la foule présente

"Vous avez tout vu ! Et vous n'avez rien fait, c'est de votre faute ! Vous êtes complice ! C'est bien à cause de jeunes comme vous que tout va si mal dans ce pays !"

Des regards accusateurs se tournèrent vers Basilic. Le jeune homme se sentait mal à l’aise. Qu’aurais dû t il faire ? Les empêcher de voler cet argent ? Les dénoncer ?
Nan ! Cela ne lui ressemblait pas.
Pablo avait grandi dans les bas quartiers de Bogota, un endroit où la vie n’était pas facile, il connaissait ce genre de mômes et il savait qu’ils ne volaient pas pour le plaisir. Il répondit sèchement à la femme, sans lui adresser un regard

« J’ai juste vu des mômes discuter avec un couple…»

Il se libéra de l’emprise de la femme d’un geste du bras, puis il détourna le regard. Pablo avait l’air touché par ce qu’avait dit la locale, mais il avait surtout l’air énervé ; énervé que les jeunes de son pays soient obligés de voler pour survivre, énervé que des gamins comme son meilleur ami Manuel aillent jusqu’à tuer, appâtés par le gain d'argent facile.
Ce pays qu’il avait quitté depuis de longs mois allait mal, rongé par la délinquance et le grand banditisme, un problème qui traînait depuis déjà des décennies et qui empirait un peu plus chaque jour. Dur de savoir ce qu’il était bon de faire…laisser un couple friqué se faire alléger de quelques Dollars qui aideront une famille à tenir un peu ? Ou bien arrêter ces jeunes pickpockets et tenter de les remettre dans le droit chemin au nom de la morale ?

Blasé, Pablo repris lentement sa marche en s’éloignant de la locale…le retour au pays commençait bien !

Si Pablo avait voulu rendre son retour discret, en tout cas, c'était raté... Bien que les gens reprennent tranquillement leurs activités, Pablo pouvait voir un regard noir partout où il posait ses yeux.

Sortant du marché, il put voir quelques miséreux faire la manche, et un petit attroupement de jeunes de son âge se constituer. Ils faisaient des gestes vers le marché, et des gamins allaient et venaient autour d'eux, leur glissant un mot à l'oreille. Des gamins à l'allure familière...

Ce fût les yeux baissés que Pablo traversa le marché. Il n’avait aucunement honte de son intervention, mais il sentait bien que tout ceux qui avaient assisté à son altercation avec cette femme qui avait hurlé, avaient pris partie…et ils n’étaient pas de son côté ! Les quelques mètres qu’il parcourut jusqu'à sortir du marché furent probablement les plus longs de son existence ; timide et réservé de nature, Pablo se sentit particulièrement embarrassé et la sortie du marché sembla être une libération pour lui.

Comme dans beaucoup de villes, des mendiants squattaient l’entrée des marchés. Pablo n’était malheureusement pas très riche ; pourtant, il s’arrêta et farfouilla dans ses poches avant d’en sortir une boule de papier déchirée et froissée, qui s’avéra être un vieux billet de 50 pesos (ce qui ne correspond qu’à quelques centimes). Il déposa le billet dans la main du miséreux et accompagna son geste d’un petit signe de tête, s’excusant de ne pouvoir lui donner plus, après quoi il continua sa route.

Devant lui, un petit groupe d’adolescents qui devaient avoir à peu près le même âge que lui. D’autres gamins, plus jeunes, faisaient des va et vient, s’agitant autour des plus âgés.
De l’endroit où il était, Pablo eût l’impression que parmi les plus jeunes, se trouvaient quelques uns des pickpockets qu’il avait vu sur le marché. Il les avait aidé à ne pas se faire prendre, et faire la morale n’était pas son truc surtout qu’il ne connaissait rien d’eux, mais malgré cela, il ne voulait pas partir sans leur faire comprendre que leur comportement ne leur apporterait rien de bon.

Basilic s’approcha donc du petit groupe afin d’avoir la certitude qu’il avait bien à faire aux gamins du marché…

En effet, il put en reconnaître un parmi tant d'autres. À y regarder de plus près, les gamins avaient l'air nettement moins miséreux qu'il n'y paraissait : habits de marque, mais sales, chaussures griffées, mais pleines de boue, et les "grands frères" qui étaient là n'étaient pas non plus les moins bien lotis dans cette affaire...

L'intérêt de Pablo pour ce petit groupe fut rapidement capté par un des grands qui s'approcha de Pablo, mettant ostensiblement un poing américain dans sa paume et lissant négligemment les anneaux de celui-ci en regardant ailleurs.

Tout en s’approchant du petit groupe, Pablo réalisa qu’il y’avait bien certains jeunes auxquels il avait eu à faire quelques minutes auparavant.
Les membres de la petite bande, aussi bien les grands que les plus jeunes, étaient plutôt bien habillés ; enfin disons qu’ils n’étaient pas de ceux qui vivent et dorment dans la rue, cela se voyait à leur style vestimentaire.
Soudain, un des adolescents plus âgé se leva et commença à s’approcher de Pablo, tout en sortant de manière marquée un poing américain. Il était clair qu’il voulait que Basilic le voit entrain d’enfiler son arme de frappe ! D’ailleurs, il en rajoutait des tonnes, allant jusqu’à caresser les anneaux de son instrument de combat !

Pablo regarda dans les yeux celui qui s’approchait, lui transmettant son regard froid et impassible ; puis il s’adressa à lui avec spontanéité, en désignant l’arme métallique d’un geste du menton

« Pourquoi t'as pris ça ?»

Ce poing américain était clairement affiché pour faire comprendre au nouvel arrivant qu’il n’était pas le bienvenu. Du moins c’est comme ça que le jeune Colombien le ressentit.
Pablo était un adolescent qui avait grandit dans les favelas de Bogota, il n’aimait pas trop la violence, et préférait éviter de se battre, jugeant ça inutile. Cependant, il n’avait jamais eu l’habitude de disparaître au premier danger, et il avait appris à ne pas se laisser écraser.
Les intentions de ce gars, Pablo ne les connaissait pas, mais pour lui, il était potentiellement dangereux et n’avait pas l’air très amical.

En quelques secondes, l’atmosphère était devenu électrique. Basilic ne lâchait plus son adversaire du regard, le fixant de ses yeux jaunes et guettant le moindre de ses mouvements…

L'adversaire du moment fit un petit sourire à Pablo. Ce n'est que trop tard qu'il (Pablo) remarqua que la personne (l'autre) qu'il (Pablo) regardait fixement n'était pas en train de le dévisager lui (Pablo) mais quelqu'un juste derrière lui (Pablo) qui lui passa un bras autour du cou et étrangla fortement.

L'instant d'inattention d'après, Pablo remarquait qu'il venait de se prendre un violent choc en plein ventre : le poing américain, tenu d'une main experte au bout d'un bras puissant.

"Tire toi minable, sinon le prochain, c'est dans ton nez"

dit la voix de la personne qui l'étranglait, lui tenant ainsi la tête vers le ciel.

Alors qu’un bras venait de lui enrouler le cou, Pablo réalisa, trop tard, qu’un deuxième individu se tenait juste derrière lui. Immobilisé par ce bras qui l’étranglait, le jeune Colombien ne put qu’assister, impuissant, à l’action qui suivit : le jeune au poing américain lui envoya un puissant direct dans le ventre.
Basilic se plia sous le choc, étouffant un petit gémissement entre ses dents serrées. Aussitôt, il sentit une force le redresser et lui tenir la tête vers le ciel.

"Tire toi minable, sinon le prochain, c'est dans ton nez"

Les yeux à moitié plissés de douleur, Pablo tentait de reprendre son souffle coupé lors de l’impact du terrible coup de poing…une affaire bien mal engagée.

"Lâches-moi !!!"

Par réflexe, l’adolescent aux cheveux blancs se débattit tentant de se défaire de l’emprise du gaillard derrière lui. Comprenant qu’il était bien bloqué, il fût prit d’une espèce de montée d’adrénaline, sensation très humaine lorsqu’un individu se retrouve totalement immobilisé.
Ses yeux se baissèrent jusqu’à capter le regard narquois du lascar qui se tenait devant lui, arme au poing.
C’était lui qui l’avait cogné ! Il l’avait fait lâchement et sans aucune raisons ! Basilic se mordait la lèvre de rage, tout en fusillant littéralement son adversaire du regard. L’espace d’un instant, il voulut faire appel à son pouvoir…voir ce lâche se frapper la tête avec sa propre arme jusqu’à s’ouvrir le crâne, ou bien l’observer tabasser son pote…

*Nan !*

Pablo ferma les yeux, tentant de se calmer, il n'aimait pas avoir ce genre de pensées, mais l’emprise du voyou qui se tenait derrière lui le rendait comme fou. Il se débattit une nouvelle fois…
Brusquement, les paupières du jeune homme s’ouvrirent, laissant éclater une étincelante lueur qui animait ses deux yeux grands ouverts…
Toujours maintenu, Pablo ne voyait plus qu’une seule chose, une seule personne : le jeune au poing américain qui se tenait face à lui.
Un sourire malsain au visage, comme possédé par son propre pouvoir, Basilic obligea son adversaire à se mettre à genoux devant lui. Si ce dernier s’exécutait correctement, alors le mutant lui enverrai son plus puissant coup de latte en pleine tête. La suite, il n’y pensait pas ; à ce moment là, Pablo n’était plus vraiment lui même…



[HRP : Mon perso utilise son pouvoir, j’espère que ça ne pose pas de problème ^^. Pour le résultat, je ne sais pas si je peux décider moi même, aussi je laisse ça au Mdj…]

(HRP : non, ça ne pose pas de prob qu'il utilise son pouvoir. Et comme tu le dis si bien, c'est à moi de décider si ça marche ou non. Toutefois, ça ne me dérange pas trop que tu mettes des si ça marche alors... ça fait gagner un peu de temps)

L'adversaire de Pablo fléchit les genoux, puis il se bloqua, luttant contre la volonté de Pablo.

"Putain ! Qu'est-ce qui m'arrive !"

L'autre derrière Pablo projeta violemment le mutant tête la première vers le sol en criant :

"C'est un putain de mutant !"

Sans demander leurs restes, les deux loubards détalèrent sous le regard des quelques passants, parmi lesquels se trouvaient le couple de touriste de tout à l'heure, qui avait probablement pu voir toute la scène, mais qui présentement s'éloignaient du lieu de l'escarmouche.

Le jeune homme au poing américain commença à fléchir les genoux. Face à lui, deux étranges halos lumineux qui émanait de chacun des yeux de Basilic. Malgré toute sa volonté, il se rapprochait inexorablement du sol, poussé par une force inconnue qui contrôlait son propre corps.
En quelques secondes, Pablo avait totalement changé. Son visage semblait s’être durci, il ne transparaissait aucune émotion, aucun sentiment de pitié ou de compassion ; à l’inverse il affichait un sourire satisfait, presque sadique, en regardant cet agresseur devenir son pantin et se mettre à genoux, les bras ballants le long du torse…

"Putain ! Qu'est-ce qui m'arrive !"

L’individu à genoux commençait à paniquer alors que Pablo se préparait à lui envoyer un coup de talon dans la mâchoire. Heureusement pour lui, le gaillard qui maintenait le jeune mutant réagit en le balançant au sol

"C'est un putain de mutant !"

Basilic s’étala violemment par terre tandis que les deux loubards déguerpissaient à toute allure.
Le visage contre le sol poussiéreux, Pablo reprenait peu à peu ses esprits. Il toussota légèrement puis il ouvrit les yeux et se redressa, en se frottant la tête. Il s’était râpé le front en tombant contre le sol et saignait un peu, mais rien de grave. Lentement, le jeune Colombien se leva, réalisant ce qui venait de se passer.
Son regard zizagua nerveusement de gauche à droite, constatant qu’il y’avait quelques badauds qui avaient sans doute vu toute la scène.

« Merde… »

A son tour, Pablo quitta rapidement les lieux de l’agression, en marchant d’un pas soutenu, les mains dans les poches et la tête baissée. Intérieurement, une seule chose l’obsédait : il avait de nouveaux dû employer son pouvoir et, comme cela était déjà arrivé auparavant, il s’était retrouvé comme possédé par celui-ci. Il s’en voulait d’avoir fait appel à son don pour s’en sortir, mais qu’aurait-il pu faire d’autre ?
Le visage crispé, Pablo avançait en regardant le sol, perdu dans ses pensées…

A trop passer son temps à regarder par terre, on finit par rentrer dans quelque chose : un lampadaire, une poubelle, ou n'importe quoi.

En l'occurence, ce fut une dame d'âge mûr qui fit office de crash test à Pablo. La pauvre se retrouva les 4 fers en l'air, et son mari se mit à vociférer sur Pablo :

"Non mais vous pouvez pas faire attention ?! Oh !"

La voix semblait familière : c'était encore le couple de touristes. Déjà, une autre personne s'affairait à relever la dame : manifestement, un bagagiste de l'hôtel devant lequel avait eu lieu l'impact.

Abandonné dans ses pensées, Pablo avançait sans trop savoir où il allait. Sa marche s’arrêta brusquement ; il heurta quelqu’un et avant même qu’il n’ai eût le temps de présenter de quelconques excuses, il entendit la voix d’un homme qui l’incendiait.

"Non mais vous pouvez pas faire attention ?! Oh !"

A en juger par son accent, il ne devait pas être hispanique. Confus, le jeune Colombien s’excusa aussitôt

« Désolé, j’avais… »

Pablo s’interrompit avant de finir sa phrase. En relevant la tête, il avait immédiatement reconnu cet homme qui lui faisait face et l’espace d’un instant, ses yeux restèrent figés sur le visage du vieil homme : il s’agissait du touriste qui avait été la cible des pickpockets sur le marché ! A terre, sa femme essayait de se relever, aidée par un bagagiste qui était posté dans le coin. Décidément, ces deux là avaient le don pour se mettre dans des situations embarrassantes !

Le jeune mutant ne savait pas si le couple se souviendrait de lui ; il ne savait pas non plus si ils avaient assisté à l’empoignade qui avait opposé Pablo aux deux loubards.
Se sentant pris au dépourvu et ne sachant pas comment réagir, Pablo baissa la tête en espérant que le vieil homme ne l’ai pas remis. Il se pencha vers cette pauvre femme qui semblait éprouver toutes les difficultés du monde à se remettre sur pieds et lui tendit une main bienveillante…

La dame prit la main qu'elle serra avec une poigne inattendue pour quelqu'un de sa corpulence, mais il semblait manifestement qu'elle n'était pas aussi vieille que Pablo se plaisait à le croire.

Elle épousseta sa jupe d'une main négligente en pestant des menaces incompréhensibles, puis elle adressa à Pablo un léger

"Merci... Plus serviable que tout à l'heure on dirait..."

Pas méprisant, mais légèrement acerbe tout de même.

La touriste attrapa la main de Pablo avec une énergie surprenante. Elle se releva, après quoi elle balaya d’un revers de la main la poussière qui avait envahi sa jupe tout en marmonnant quelques injures indéchiffrables.
Elle regarda Pablo avant de lui adresser un petit commentaire sarcastique

"Merci... Plus serviable que tout à l'heure on dirait..."

Visiblement, elle avait reconnu le jeune mutant qui trahis son embarras par une petite moue qu’il tenta de dissimuler derrière sa main. Il est vrai qu’il n’avait pas été très honnête en laissant les jeunes pickpockets agirent librement. Le fait est qu’il n’avait pas voulu leurs attirer d’ennui sur une place publique, et qu’il avait espéré pouvoir les ratrouver et leur expliquer que leur geste n’était pas acceptable, mais il n’avait pas pu le faire.
Il prit à son tour la parole, de manière franche, mais sans regarder son interlocutrice dans les yeux

« Vous faites allusion à ce qui c’est passé sur le marché…nan ? J’vais pas chercher d’excuses... »

Pablo revit la scène et aussitôt il vu défiler le film de sa jeunesse, quelques unes des conneries qu’il avait fait, des petites arnaques aux cambriolages, et son regard plongea un peu plus dans le vague, la mélancolie

« Pour certains mômes la vie n’est pas facile dans les grandes villes de ce pays…J’en sais quelque chose…»

Le jeune Colombien s’arrêta de parler. Ça ne lui ressemblait pas de se livrer un tant soit peu à des inconnus. De toute façon, il ne voulait pas la convaincre, il était conscient qu’il n’avait pas bien agit, et il ne chercherait pas de fausses excuses. Il savait pourquoi il s’était comporté de cette façon, même si ce n’était pas moralement convenable.
Il croisa le regard de la femme, ne pouvant s’empêcher de penser qu’elle ne comprendrait pas de quoi il venait de lui parler. Mais Basilic était comme ça ; réservé, il ne se dévoilait que très rarement et certainement pas à des touristes étrangers…

La dame s'offusqua de la façon de parler de Pablo.

"Eh bien la vie leur serait sans doute plus facile s'ils trouvaient un travail honnête et productif plutôt que de faire les poches des touristes"

lâcha-t-elle, pleine d'acide.

Vue de plus près, elle n'avait vraiment pas l'air vieille, et sa corpulence d'apparence importante était en fait le fruit d'une carrure très sportive, et non pas d'un excès de chips. De même son mari, un dandy grisonnant aux tempes, avait l'oeil beaucoup plus vif que la plupart des touristes, regardant de droite et de gauche. Il s'adressa alors à Pablo.

"Merci de votre courtoisie. Nous allons regagner votre hôtel, et vous feriez bien de regagner votre domicile à votre tour. Vous attirez beaucoup l'attention sur vous jeune homme, et il semblerait que ça ait déplu à certaines personnes..."

Les yeux de l'homme brillaient d'un sens aïgu de l'observation et d'un esprit plus aïguisé que celui de la plupart des touristes.

En regardant de plus près, cette touriste qui semblait être une bourgeoise que la surabondance de mets gras ou de sucrerie aurait fait gonfler, s’avérait être bien plus baraquée qu’elle n’était grosse ; probablement une sportive. Elle répondit à Pablo d’un ton sec et abrupt qui témoignait de son irritation

"Eh bien la vie leur serait sans doute plus facile s'ils trouvaient un travail honnête et productif plutôt que de faire les poches des touristes"

La réflexion de la touriste n’était pas dénué de sens, mais comme le pensait Pablo, elle ne pouvait pas comprendre, elle ne savait pas de quoi elle parlait. Cette femme, que le jeune mutant avait longtemps pris pour une touriste sans ressource et sans identité, avait autant de répondant que son caractère était mauvais ; pour seule réponse Pablo esquissa un petit sourire.
L’homme, qui était resté très discret jusqu’ici, prit alors la parole en fixant Pablo

"Merci de votre courtoisie. Nous allons regagner notre hôtel, et vous feriez bien de regagner votre domicile à votre tour. Vous attirez beaucoup l'attention sur vous jeune homme, et il semblerait que ça ait déplu à certaines personnes..."

Le Colombien fronça les sourcils lorsqu’il entendit la dernière phrase. Ce touriste, que Pablo imaginait bien dans le rôle du mari dominé par sa femme, se révélait être quelqu’un d’un peu plus vif d’esprit et observateur qu’il n’y paraissait. Avait-il remarqué que le jeune homme qui lui faisait face était un mutant ? Rien n’était moins sûr. Néanmoins, il semblait que ce quarantenaire savait quelque chose qu’il ne disait pas.
Ce couple de touristes était des plus intriguant et Pablo les regarda successivement, de manière suspicieuse. Il ne savait pas du tout comment il devait réagir face à la petite remarque de cet homme qui ne le quittait plus des yeux.
Une chose était sûre, il devait vite prendre le dessus pour leurs faire avouer ce qu’ils savaient à son sujet, si toutefois ils savaient quoi que ce soit.

« qu’est ce que vous voulez dire par là ? »

Le regard plongé dans celui de son interlocuteur, Pablo attendait de voir sa réaction. Si la réponse de l’homme laissait supposer qu’il avait vu Pablo utiliser son pouvoir, alors cet homme devenait quelqu’un de potentiellement dangereux. Dangereux parce que n’importe quel humain normal voyant un phénomène comme celui-ci devrait avoir peur ; or cet homme ne paraissait nullement effrayé. Suivant la réponse, Pablo pourrait supposer qu’il avait en face de lui quelqu'un qui avait déjà eu à faire à des mutants, ou qui en était un lui même, seules hypothèses justifiant une attitude aussi calme devant un individu possédant le gêne X. Dans ce cas, il devrait vite saisir si cet étranger lui voulait du bien ou au contraire, si il avait des arrières pensées négatives.
Le jeune Colombien fixait son mystérieux interlocuteur, attendant sa réponse qui serait déterminante pour la suite…

Le touriste soutint le regard de Pablo une seconde, avant de l'attraper vivement par les épaules, le retourner, et le pousser légèrement pour qu'il s'éloigne, tout en lâchant un simple.

"Disparaissez, ça vaudra mieux."

Les deux touristes se jetèrent un regard entendu, puis tournèrent les talons afin d'entrer dans leur hôtel.

Un établissement 5 étoiles, qui, pourtant, ne semblait pas plus riche qu'ailleurs. Mais dans un pays aussi en ruine que la Colombie, un 5 étoiles offrait une chambre avec sanitaires individuelles et, normalement, pas de cafards. Ceci contrastait légèrement avec les autres établissements hôteliers de ce quartier proche des points d'interconnexion monorail, remplacement des aéroports depuis que le kerozène s'était épuisé et que seuls les vols intercontinentaux perduraient.

"Disparaissez, ça vaudra mieux."

La réponse de l’homme fût des plus anodine. Elle n’apportait aucune espèce de réponse aux questions que se posait Pablo ; à sa réplique, il avait ajouté un geste qui se voulait protecteur (à moins qu’il ne fût dédaigneux). Quoi qu’il en soit, il semblait que cet homme ne voulait pas trop montrer à Pablo ce qu’il savait. Le jeune Colombien resta un moment dans la position dans laquelle l’avait laissé le quarantenaire, le regard perdu dans le vague, réfléchissant à ce qu’il devait faire.

Une fois de plus, la confusion s’installait dans l’esprit de Pablo ; à plusieurs reprises durant son voyage, il avait dû faire appel à ses pouvoirs et chaque fois il l’avait fait discrètement, parfois sans même que la personne ne s’en rende compte. Les rares fois où il avait eu un doute, où qu’il avait pensé avoir été aperçu, il avait quitté la ville aussi tôt. Voyager seul rend plus mature, mais la solitude rend parano.
Nan ! Il ne lui voulait pas de mal ! Cet étranger n’avait aucune mauvaise intention envers lui, sinon il aurait plutôt nié avoir vu quoi que ce soit dans l’espoir de pouvoir piéger le mutant par la suite. Basilic se remémora alors les paroles qu’il avait entendu quelques secondes auparavant

* "Vous attirez beaucoup l'attention sur vous jeune homme, et il semblerait que ça ait déplu à certaines personnes..." *

Il avait clairement vu l’altercation ! Ca ne faisait aucun doute !
Qu’est ce que Pablo devait faire ? Il n’avait nulle part où aller il n’avait qu’une vague idée sur la provenance de son mystérieux don ; d’après ce qu’il avait entrevu de son pouvoir, il s’apparentait à une sorte d’envoûteur, un chaman. Mais pour les gens, il était un « mutant ». Peut-être que ce touriste connaissait bien le phénomène « mutant » ; peut-être pourrait-il aider Pablo à mieux comprendre ce qu’il était réellement ; peut-être était-ce pour lui la seule et unique chance d’en apprendre un peu plus sur l’origine de cette damnation qui lui avait infligé ces yeux maudits…

*Ce gars…*

Pablo virevolta et se précipita vers la porte de l’hôtel ; une fois devant la réception, il interpella le mytérieux inconnu

« Attendez !! »

Ca valait le coup d'essayer. Si l'homme n'avait ne serait-ce que quelques petites informations, cela pourrait peut-être aider Pablo à avancer...

L'homme et sa femme étaient déjà dans l'ascenseur dont les portes se refermèrent sur un petit salut amical de la main de la femme de ce mystérieux couple de touristes.

Le réceptionniste, par contre, était nettement moins amical : irrité par l'irruption en trombe de Pablo et par le fait qu'il interpelle quelqu'un d'un bout à l'autre du hall.

"Non mais dites donc vous ! On entre pas comme ça dans un hôtel. Vous cherchez une chambre ?"

Au milieu de le hall du « luxueux » hôtel, Pablo faisait tâche. Vêtue comme il l’était, il n’avait pas vraiment le profil du client moyen de cet établissement. Il eu tout juste le temps d’apercevoir le visage de la femme touriste qui disparaissait lentement derrière les portes de l’ascenseur en lui faisant un petit signe de la main, avant que le réceptionniste ne l’interpelle

"Non mais dites donc vous ! On entre pas comme ça dans un hôtel. Vous cherchez une chambre ?"

Le mutant se tourna vers l’employé qui était visiblement courroucé par cette apparition si brutale dans ce lieu qu’il devait considérer comme sacré et qui se voulait d’un grand standing. Ne pensant qu’à rattraper le couple, le Colombien aux cheveux blancs lui répondit avec un naturel déconcertant

« Je cherche effectivement une chambre, mais...j’ai avant tout besoin de discuter avec mon oncle qui vient de monter à l’instant… »

Basilic montra du doigt l’ascenseur avant de s’approcher du bureau du réceptionniste de reprendre toujours si sereinement

« Je viens tout juste de les revoir et on ne s’est pas encore mis d’accord sur la date de départ de Cali, et notre prochaine destination…En fait il faudrait juste que je monte à leur chambre et que je mette au clair tout ça avant de réserver la mienne…vous comprenez ? »

Pablo était plutôt crédible, du moins c’est l’impression que lui donnait le visage du réceptionniste. Toujours très spontanément, sans quitter son interlocuteur des yeux, il ajouta la dernière touche de sa mise en scène en faisant une petite grimace ennuyée

« Par contre je n’ai aucune idée du numéro de leur chambre… »

Si son petit cinéma marchait il pourrait monter à l’étage et s’entretenir avec ces deux étrangers. D’ailleurs, est-ce qu’ils seraient vraiment en mesure de lui apporter des renseignements ou des conseils valables ? Ce n’était plus le moment de se poser la question…

Le réceptionniste regardait Pablo avec un grand sourire et une attention soutenue, semblant captivé par son discours, et totalement en accord avec ce qu'il disait.

Toutefois, avec autant de facilité qu'à un membre de jury en apparence intéressé de coller un 6 à un innocent candidat présentant la LP24, le réceptionniste n'était pas dupe, et répondit, tout sourire.

"Monsieur, vous devriez savoir que la première des correction dans un établissement hôtelier est de ne pas prendre le personnel d'accueil pour des imbéciles... Vu votre tronche, vous avez l'air d'avoir passé un peu trop de temps dans les caniveaux, et de vous à moi, ça m'étonnerait qu'avec votre accent, vous ayez de la famille qui s'appelle Geller."

Ceci étant dit, il se retourna pour aller s'occuper de deux personnes qui venaient d'activer la petite sonnette, et qui passèrent à coté de Pablo en le snobant.
Voyant cela, le réceptionniste râla

"Vous êtes encore là ?! Allez ! ouste ! Sinon j'appelle la sécurité."

-____- U

Le plan avait semble-t-il échoué…et de quel manière !
Le réceptionniste qui jusqu’ici avait été très attentionné et qui avait failli verser une petite larme quand Pablo lui avait raconté son pipeau, lui sommait maintenant de quitter les lieux...et immédiatement ! Le jeune mutant n’avait pas un sous en poche, ou si peu ; il aurait déjà beaucoup de mal à se payer une nuit dans un hôtel sordide, alors dans ce genre d’établissement…
Rencontrer le couple de touristes était sa priorité, et il aurait facilement pu entrer en faisant appel à ses pouvoirs, mais Basilic en avait décider autrement ! Ses pouvoirs s’avéraient dangereux pour lui, il avait la sensation qu’il perdait parfois sa lucidité et le contrôle de ses actes lorsqu’il faisait appel à sa faculté ; de plus, cela lui avait déjà attirer assez de problèmes comme ça. Mieux valait donc ne pas trop abuser de ce don en public.

La visage fermé, Pablo sortit silencieusement de l’hôtel. Après tout, il n'avait pas non plus tout perdu, il connaissait maintenant le nom de ces étrangers: "Geller".
Le Colombien natif de Bogota resta devant la façade, la tête levé vers les étages, espérant voir un quelconque signe…mais rien.
Regardant autour de lui, il entreprit alors de faire discrètement le tour du bâtiment, en espérant trouver une porte ou un endroit discret pour pénétrer dans cet hôtel. A la manière des héros de film d’espionnage, Pablo furetait en douce dans les petites ruelles environnantes, jetant des coups d’œil à chaque recoin. De toute façon, il n’avait rien à faire pour le moment, et il lui restait la journée pour trouver un éventuel endroit où dormir cette nuit…