Autour du billard...

Hall

Wood pénétra au hasard dans le foyer et tomba nez à nez avec un billard.

"yahouuu !"

Et voilà notre petit Smith à s'agiter comme un fou pour chercher une queue et placer les boules sur le tapis du billard. D'un déplié agile du poignet, il bleuta* puis pshoutta* sa queue et frappa sur la blanche de toute ses forces, comme un gros idiot.

**J'suis trop une bête **

*le petit Wood illustré :
bleuter, verbe du premier groupe.
1. recouvrir l'extrémité d'une queue de billard avec cette espèce de truc carré bleu...

pshoutter, verbe du premier groupe.
1. faire "pshout" avec la bouche afin de souffler sur un objet...
2. faire "pshout" de la chaussure, faire du bruit avec quand on marche...

Au bout d'une dizaine de minutes, Wood n'avait toujours pas mis une seule boule dans un trou et commençait à se dire que le billard était une discipline somme toute complexe.

**Grrrrrrrr...**

Il frappa encore dans la blanche qui partit un peu au hasard en tapant la noire, la mettant directement dans un trou.

"Oups..."

Le jeune Smith regarda à droite, à gauche, et voyant qu'il était seul, en profita pour mettre toutes les boules dans les trous, à la main cette fois-ci puis alla s'affaler sur un sofa, non loin de lui...

**Mais quand est-ce qu'on a cours ici ? Est-ce vraiment une école ? Hummm... Et Bouilledor, il est où ?**

Wood se mit alors à réfléchir sur ce qu'il allait prendre comme cours, s'il avait le choix... A moins qu'il soit obligé de s'inscrire dans des cours à distance par Internet, après tout, cela revenait au même. Il lui fallait faire des études qui lui seraient utiles pour la suite, mais quoi ?

Infirmerie

Les guibolles toujours un peu flageolantes depuis sa rencontre avec la défunte Karen et ses entrailles, Ivy finit par remonter de l'infirmerie, où la délicate FBWoman l'avait chassée manu militari. Si on lui avait dit ce matin en se levant qu'elle verra un mort, un vrai... Mais c'était pour la bonne cause. La femme du FBI avait l'air de savoir quoi faire de la lettre, ça c'était vu tout de suite ! Quand ils auraient retrouvé le coupable, peut-être qu'ils viendraient récompenser Sven et Ivy pour leur participation à l'enquête... Et voilà que son esprit avait déjà presque oublié son traumatisme d'il y avait quelques minutes.

Perdue dans ses pensées, Ivy ne remarqua même pas qu'elle était directement revenue au foyer. L'écureuil caché de son corsage gigotait toujours autant mais la jeune fille s'était habituée.
Evitant de croiser qui que ce soit, elle rentra dans la pièce, pour se trouver nez à nez avec le garçon de la cuisine. Bizarrement l'institut se remplissait de plus en plus dernièrement, et il devenait difficile d'être seul avec un écureuil dans une pièce vide.

"Coucou !" lança-t-elle en gaellique avant de retourner à ses bouquins. Elle sortit un livre sur les animaux cette fois-ci, et le posa sur la table, avant de mettre la main dans son décoletté pour en sortir la boule de fourrure non identifiée, et de la poser près du volume. Elle se mit à arpenter les paragraphes en murmurant des paroles inintelligibles, comme si elle se parlait à elle-même, sa crinière de feu tombant en mèches folles devant ses yeux verts.

Wood sursauta lorsqu'il entendit Ivy lui dire coucou. Le pouvoir de cette fille était de faire battre les coeurs plus vite, de se sentir mal à l'aise et d'avoir la gorge sèche, du moins, Wood en était convaincu sur l'instant.

**Ca doit surement venir de ses cheveux qui doivent lâcher un peu comme un spray des parasites ou un virus, j'sais pas... En tout cas, ca marche plutôt bien !**


**V'là qu'elle met sa main dans son Oh non, je fonds... Un écureuil, comme Spip ! **

D'un naturel somme toute confus et bafouilleur, Wood alla devant Ivy et se pencha sur son écureuil.

"Chez moi, là-bas, à Londres, on a un écureuil aussi, il s'appelle Spip ! On a toute une tripotée d'animaux en fait, mais Spip, c'était mon chouchou..."

**Si Charleston entendait çà, il serait vexé, je suis sur...**

"Enfin, lui et Charleston, c'est mon saint-bernard ! Enfin celui de la famille, bref... Si tu cherches un truc qui pourrait t'aider, ben j'suis l'homme de ta situation !", finit-il par rajouter, fier comme un vaker, le torse limite bombé, le front en sueur...

En attendant la réponse d'Ivy, Wood fit quelques grimaces à l'écureuil et lui tendit la main en espérant que, comme Spip, ce dernier allait comprendre qu'il fallait qu'il grimpe sur sa main... Mais au bout de deux secondes, il s'écarta un peu et rétracta son bras, comprenant vite qu'il avait le don de faire soufrir. C'était injuste, pensa-t-il brièvement, lui qui, comme sa soeur River, adorait les animaux et ne pouvait s'empêcher de leur faire des papouilles.

Alors que Wood approchait sa main de la boule de poil, cette dernière se mit à la humer, avant de bondir vivement sur son bras en répondant à l'invitation du mutant bien plus promptement qu'il ne l'avait espéré en retirant sa main. Malheureusement, c'était déjà trop tard. L'écureuil atterrit avec légèreté sur le dos de sa main, sur laquelle il resta en équilibre deux secondes avant de retomber en arrière, pour être immédiatement rattrapé par une Ivy perplexe. L'écureuil fut pris de quelques spasmes en poussait de petits glapissements de douleur, puis il finit par se calmer.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les yeux de Wood papillonèrent et une douloureuse crampe au bras se fit sentir. Préférant soufrir en silence plutôt que de hurler comme une fillette, il garda pour lui son mal, tout en se raccrochant à l'idée d'être aussi fier que ce lion qui partait mourir sans rien dire, dans le dernier reportage qu'il avait vu... Plusieurs flôts de visions troubles, très blanches et très froides, on se serait crû dans la vie de Nadia Comaneçi, mais dans le grand nord, puis l'image d'une femme pas très âgée mais terriblement triste. Puis plus rien... Juste l'odeur du parfum d'Ivy qui lui chatouille le nez et cette soudaine envie de faire une grosse sieste au soleil. Quoi qu'un bon quartier de boeuf ou un poulet serait pas désagréable...



Et puis pourquoi elle le regardait comme çà, d'ailleurs, il venait juste proposer son aide, bon d'accord, il avait un peu du faire mal à l'écureuil, voir beaucoup même... Mais de là à paraître effrayée... A moins que ce soit le fait qu'il soit anglais et elle irlandaise... Oh non, elle ne serait pas du genre à penser que tous les anglais sont des sortes de sachets de thé aristocrates qui se promènent guindés dans des fiacres luxueux. Parce que Londres avait changé... Et Wood aussi d'ailleurs. Depuis quelques instants, le gentil blondinet avait troqué son corps contre celui d'un superbe lion adolescent qui fixait de ses yeux vairons la pauvre Ivy.

"Raaaohhhh !", voulut il préciser sur ses origines mais elle semblait encore plus effrayée.



"Raaaoooh ?", rajouta-t-il de dépit, pensant enfin qu'il devait avoir du milk shake sur la figure. Wood n'avait jamais réalisé à quel point sa langue était agile et longue, d'ailleurs il se lêchait les babines avec une certaine aisance.



"Grrrrrrrrrrrrrrraohhh", finit-il par comprendre, l'assassin que Pouledor cherchait était juste derrière lui et c'est pour çà qu'Ivy tirait cette tronche pâlotte. IL allait la protéger coûte que coûte. En tant que mutante, elle faisait partie de son clan, et puis c'est une femme, et Wood se devait de la protéger, coûte que coûte.

Rugissant de toutes ses forces, Wood le lion sauta en se retournant sur lui même et attaqua le sofa à grands renforts de griffes et de crocs. C'était marrant, sa queue faisait le métronome... Sa queue ?

Ses doutes s'avérèrent exact... Il était bien devenu un félin. Arrêtant de s'attaquer au sofa sauvagement massacré, Ivy en avait profité pour le museler et lui demander s'il savait redevenir humain...

**Mouais... Je pourrais toujours m'amuser tout à l'heure...**

Il fit un gros effort de concentration et repensa à lui, Wood Smith, jeune adolescent stupide et attachant.

"Ah ben apparement je peux !", dit-il fièrement une fois sa forme d'origine reprise, complètement nu, face à Ivy.

"Attends, je vérifie quand mêm..."

Wood piqua un fard quand Ivy le regarda et s'approcha de lui. Il déglutit avec force mais son corps avança aussi vers Ivy, dangereusement. Elle était jolie, il était nu, ils étaient seuls...

**Mais qu'est-ce que je fais moi ?**

Wood fit trois pas en arrière et regarda l'irlandaise dans les yeux.

"Mes parents sont boulangers, pour sur qu'on mange bien ! Mais c'est le sport qui me fait garder ma taille de guêp... "

Wood mit ses mains sur sa bouche, priant tous les saints qu'il ne se mette pas à bourdonner dans le foyer, battant joyeusement des ailes autour de la splendide chevelure d'Ivy. Mais non, il était toujours là...

"Dis moi... Cet écureuil... C'est un mutant aussi ?"

Se doutant fortement qu'Ivy allait le prendre pour un gros nase, il l'invita à la suivre sur un autre sofa, en profita pour récupérer ses affaires et se mit à lui raconter la façon dont il avait fait des trous puis mâchouiller des os quand son Saint bernard l'avait touché, la perte de sa vue après son contact avec Cassandre et ce sale goût de sang après contact avec "Miaou"...

"... Donc tu vois..." , dit-il en finissant d'ajuster son pull, "...Si cet écureuil était normal, je me serais mis à manger des noisettes, mais là, je me suis transformé en lion... Et ce que je ne t'ai pas dit, c'est que M'selle Cassandre... Elle sait l'avenir, je le sais parce que je le savais aussi et je crois que quand je touche un mutant, j'absorbe ses pouvoirs pour quelques temps mais ca leur fait mal... Et leurs souvenirs aussi mais c'est confus à chaque fois..."

Wood se rendit compte que c'était la première fois qu'il parlait à quelqu'un de sa mutation, avec le plus de précision possible, enfin avec la précision d'un Wood complètement désorganisé. Il se sentit soulagé.

"Donc, cet écureuil n'est pas très catholique, si tu vois ce que je veux dire, c'est un espion russe qui peut se transformer en animal et comme çà, il peut enquêter tranquille, inaperçu... Ou alors, c'est l'inspecteur Rouilledor... Ou pire, c'est le tueur qui croit qu'il va pouvoir s'en tirer pépère et profiter de ta poitrine en plus... Pour sur, il est bien malin, cet espion, il mélange travail et plaisir. Ils sont forts ces russes !", conclut-il, très sur de lui...

"Beeerk !"

Wood regarda l'écureuil avec moins d'envie que la première fois.

"On a deux solutions... Soit on va voir "Boue d'or" et on lui remet l'assassin, mais à mon avis, quand il verra l'écureuil, il va se foutre de nous, et on risquerait même de rentrer dans les annales de Quantico... Soit, il reste une solution qui me fend le coeur, mais bon... La cage ! Au moins, tu, on, enfin tu, humm nous pourrions le tenir à l'oeil et ne pas le tuer pour autant... Tu crois qu'avec une roue comme dans les cages d'hamsters, il ne s'ennuiera pas ?"



**Faut que je sois sur de moi...**

Wood se concentra et avant d'entamer sa nouvelle métamorphose, il ne put s'empêcher de rire un peu...

Ivy eut un petit soupir irrité. Apparemment Wood avait l'air plus intéressé par ses pouvoirs provisoires que par l'énigme de l'écureuil mutant...

"C'est malin... Faudra pas te plaindre si tout le monde te voit tout nu ! Tu as de la chance d'être tombé sur moi, crois-moi sur parole, par ici le naturisme est pas très bien vu." dit la rousse au primate en se levant du sofa.

"Et puis pour la cage, faudra me passer sur le corps ! Il est pas question d'enfermer cet écureuil sans être sûrs de nous. Tu aimerais qu'on te mette dans un zoo toi ?" demanda-t-elle, question toute rhétorique maintenant que Wood était transformé en quadrumane.

"Et puis au fait, comment tu sais qu'il est russe cet écureuil ? Ca fait une sacrée distance à parcourir... A moins bien sûr qu'il ait un X-jet, et alors là, tout est plus facile. Avec Olivier on a fait Dublin-Salem Center en quelques heures à peine ! Hé ben, on arrête pas le progrès, maintenant les écureuils sont vraiment volants..." continua-t-elle sur sa lancée, sans même savoir si Wood la comprenait toujours à l'état animal.

L'orang-woodtan regarda Ivy avec des grands yeux tout en se grattant le dos avec son énorme bras. C'était trop marrant. Ces sensations de prélassement total, de liberté et cette soudaine envie de rester en groupe quoi qu'il arrive, et surtout, surtout, cette grosse envie irrésistible de monter partout où il pouvait. Un peu comme quand il était humain, Wood se sentait "à la maison" en tant qu'orang-outan. Par contre, il ne pipait mot de ce que pouvait bien raconter Ivy, c'était pas malin de s'être transformé alors qu'il venait de lui poser une question. Deux ou trois mots comme "tout nu", "zoo" et "russe" parvinrent quand même à être décelés. Wood était tiraillé entre l'envie de rester en orang-outan et le besoin de lui communiquer les raisons pourlesquelles il pensait qu'il s'agissait d'un espion écureuil russe... **Pfff... Bon tant pis... Je m'amuserai tout à l'heure...**

Wood se concentra encore sur sa forme humaine, puis se rhabilla rapidement.

"J'ai pas tout saisi mais je crois avoir compris l'essentiel. Tu aimes bien me voir nu, tu veux me foutre au zoo si je continue et tu doutes qu'il soit russe", dit-il au hasard, en espérant secrètement que ce soit çà.

"En fait, je sais pas s'il est russe, tout ce que je me rappelle c'est qu'il fait très froid dans ses souvenirs, il pourrait très bien venir du canada du nord ou des pôles. Et puis ya le visage de cette femme troublante. Bref, c'est que des images et des sensations d'abus et de trucs pas cools, comme dans la peau d'un espion. En tout cas, ce qui est sur, c'est que cet écureuil n'en est pas un. C'est un animorphe espion !", termina-t-il de rajouter, vraiment convaincu, et pour la petite histoire, il n'avait pas tout à fait tort...

A ce moment précis, Wood se demanda si "M'selle Deneos" pouvait délayer tout çà ou si un télépathe, il devait bien en avoir un qui traîne dans l'institut, pouvait entrer en contact avec l'écureuil qui venait du froid. Elle au moins, elle le prendrait au sérieux. D'un autre côté, il voulait rester avec Ivy, pour faire connaissance et en profiter pour lier amitié avec elle. D'ailleurs, il l'appréciait déjà.

Ivy leva les yeux au ciel. Décidemment les transformations ne réussissaient pas au mutant. Si elle retrouvait Kitty un jour, elle lui demanderait de tout lui expliquer, mais pour l'instant la jeune fille timorée était introuvable.

"Dis donc, c'est pas encore ça ton pouvoir..." commenta Ivy en soufflant une mèche de son visage. "Mais tu verras, dès qu'on aura retrouvé Olivier, il t'apprendra à t'en servir." dit-elle avec naturel, comme si la disparition du directeur était habituelle. Après tout, beaucoup de choses disparaissaient dans l'institut.

"Pour ton Meuledor, Tim m'a dit qu'il discute avec les élèves, donc à moins qu'il ait aussi le don d'ubiquité... Un animorphe... Il suffit de lui demander de se retransformer et on saura qui c'est !" s'exclama la jeune fille, les yeux pétillants. "Ou alors on peut trouver quelqu'un qui parle avec les animaux... mais je sais pas si on a ça ici... Parmi les nouveaux peut-être..." ajouta-t-elle en se dirigeant brusquement d'un petit pas rapide vers la porte du foyer. Alors qu'elle s'apprêtait à disparaître, elle se rappela qu'elle n'était pas seule, chose bien rare pour la petite rousse.

"Viens !" lança-t-elle seulement par-dessus son épaule. A lui seul, ce mot était une forme d'acceptation tacite de la jeune fille.

Salon

"D'accord, je t'accompagne si tu insistes !"

**Mais autant en profiter... Hinhin...**

Wood avait compris comment activer son nouveau pouvoir et comptait bien en profiter à fond, c'était trop marrant pour ne pas s'en servir et il savait qu'il finirait par s'estomper d'ici quelques heures. Alors il devait juste ressentir des émotions qui lui permettraient d'atteindre son objectif, ce qu'il fit...



"Miaouuu", dit-il en se dandinant vers Ivy, la queue balançante.

Salon