Chambre de Kalalli et Kanata

C'était si difficile que ça, d'en parler? Charis eu la désagréable impression d'avoir tapé là où ça faisait mal avec sa question. Pourtant, c'était bien la dernière chose qu'elle voulait. Faire du mal. Elle l'observa, alors qu'il changeait radicalement d'expression. Par réflexe, elle secoua la tête quand il demanda si elle l'avait suivit. Non. Bien sûr que non. Elle ne ferait pas ça de toute manière. Chacun était libre de faire ce qu'il voulait tant que ça ne nuisait à personne. Et elle aurait été très mal placée pour dire à Kalalli ce qu'il devait faire. Elle était son amie, pas son chaperon.

"On m'a demandé à la sortie des cours si je t'avais vu. Pas besoin d'avoir une longue réflexion pour comprendre que tu n'étais pas venu."

Simple, clair, évident. Charis n'était pas la seule à remarquer l'absence de l'inuit. Il fallait qu'il soit plus prudent que ça s'il voulait sécher. Comme donner une bonne excuse, par exemple. elle ne bougea pas d'un millimètre, et se contenta d'écouter la justification de Kalalli. Une très bonne justification, d'ailleurs. Charis baissa les yeux. La liberté, oui. C'était une excellente excuse. Même si c'était pour ne rien faire. Savoir qu'on était libre de ses choix était rassurant, quelque part. Mais sa dernière remarque lui arracha un frisson. Et si le quotidien était une illusion? Ce serait vraiment de pire en pire. Ne plus pouvoir distinguer le vrai du faux... C'était la pire étape dans une illusion. Ce devait certainement être un véritable enfer quand on était soi-même illusionniste. Elle eut quand même un petit sourire qui se voulait rassurant. Il était sorti pour aller regarder la télé.C e n'était pas un crime, juste un besoin de sentir qu'il avait le contrôle sur les choses. Il n'y avait pas de mal à ça.

Elle releva les yeux, sur la peluche que Kal tenait contre lui maintenant. C'était fou le pouvoir qu'un simple objet pouvait avoir sur quelqu'un, quand même. de la peluche, elle passa à Kalalli quand il lui posa la question. Prendre du... Recul? C'était ce qu'il voulait demander? Comment elle faisait? Elle ne faisait rien justement. C'était ça le problème. Ce qui l'avait horrifiée, ce n'était pas les zombies. C'était l'échec. La faiblesse parce qu'elle avait été trop hésitante. Parce qu'elle n'avait pas été assez offensive. C'était les conséquences sur les autres. Qu'auraient-ils pu faire pour limiter les dégâts? Ce type leur aurait adressé la parole? Il s'était pointé sur place, avec cette poudre. Pour elle, c'était l'évidence même. Il comptait la répandre. Elle aurait dû ne lui laisser aucune chance. Lui retenir le bras. Et lui faire tourner de l'oeil. Et peut-être même en profiter pour faire en sorte qu'il ne puisse jamais recommencer? Ses quelques regrets étaient tous sauf louables. Elle haussa les épaules.

"Je pense à autre chose. Les cours, c'est bien, ça occupe la tête. Le temps fait le reste."

Un mensonge. C'était un affreux mensonge. Mais c'était encore ce qu'il y avait de mieux à dire.

"De toute manière, on ne peut pas vraiment se permettre de rester bloqué sur un moment perturbant. Il faut aller de l'avant. On a pas le choix, si on veut pouvoir faire quelque chose de bien. Tu crois pas?"

Pas sûr que ce soit très clair. Mais ça résumait plus honnêtement sa pensée. Faire comme si ce n'était pas si grave, et continuer encore. parce qu'au final, qu'est-ce qu'ils pourraient faire d'autre?

Kala écouta la réponse de Charis au sujet de la façon dont elle avait appris son absence. C'était quelqu'un qui lui avait demandé où il était. Forcément, la conclusion était rapide à tirer. Pour éviter ce genre de situation, il aurait fallu prévenir les autres de son absence. Mais étant donné que ce n'était pas prévu ce matin, il était impossible de ne pas faire remarquer son absence. Ou alors leur envoyer un message ? C'était bien compliqué de vouloir rester discret...

Il baissa les yeux, puis les remonta dès qu'elle commença à lui expliquer comment elle faisait pour supporter les missions. Attentif et curieux, il l'écouta dire qu'elle pensait à autre chose. Un peu comme lui alors ? Mais ca paraissait mieux marcher pour elle. Elle devait vraiment aimer ses cours pour pouvoir se concentrer dessus pour penser à autre chose. Lui, tant qu'à penser à autre chose, il préférait que ce soit à travers d'activité plus ludiques. Danser, regarder la télé, dormir, ou jouer.

Plus surprenant, elle continua en disant qu'il fallait passer à autre chose pour pouvoir réussir son futur. Occulter le passé pour se concentrer sur l'avenir. C'était idéalement ça. Ce n'était pas si simple à faire. La question était justement de savoir comment penser à autre chose.

" Mais... Tu n'as aucun mal à passer à autre chose ? T'y repenses jamais ? T'as pas l'impression que ça te retient ? Comme si... comme si t'étais un peu empêtrée dedans ? Ca a l'air simple pour toi... " fit-il remarquer sans animosité.

Charis était vraiment quelqu'un de fort. Elle avait toujours l'air de réussir à surmonter les épreuves qu'elle subissait. Comme si elle parvenait à esquiver habilement les déprimes et les ressassements d'idées sombres. Alors que lui, il avait l'impression de foncer droit dessus, ou de se les prendre maladroitement en tentant de les éviter dans un ballet
inutile.

" Ou alors c'est moi qui suis trop sensible... " songea-t-il à haut voix en serrant Chason contre lui, le regard dans la vide.

Enfin il trouvait qu'il s'était quand même un peu endurci. Il prenait mieux les choses depuis quelque temps. Le garçon repensa aux premières missions qui l'avaient vraiment marqué de façon lourde et à aujourd'hui. La différence était flagrante pour lui. Mais est-ce que les autres s'en rendaient compte ? Quelle importance de toute façon. Il n'allait pas mieux pour leur faire plaisir...

Puis il releva la tête vers elle, toujours dans l'encadrement de la salle de bain.

" Oh ! Tu veux t'asseoir ? " lança-t-il soudainement en se décalant vers son oreiller pour lui laisser une place.

Ce n'était peut-être pas la meilleur réponse qu'elle aurait pu apporter. Mais pour le moment, elle ne voyait pas ce qu'il aurait été utile de dire à la place Passer à autre chose, c'était encore ce qu'ils avaient de mieux à faire, même si ce n'était pas facile. Pour elle, à force, c'était devenu naturel. Logique. Sans doute parce qu'elle essayait de se convaincre que les seules choses qu'elle pouvait réellement redouter, elle faisait de son mieux pour les combattre. Le reste... C'était pas comme si ça la touchait vraiment. Tant que les personnes auxquelles elle tenait s'en sortaient pas trop mal... ça faisait un bout de temps maintenant qu'elle avait renoncé à espérer revoir ses camarades revenir totalement indemne. Quelle que soit la mission, tout le monde s'en prenait plein la figure. Alors autant encaisser. Ou alors il fallait simplement arrêter.

Sa réponse n'avait pas été assez constructive pour Kalalli, et ça se comprenait. Peut-être qu'elle devait tourner la chose un peu différemment, pour que ce soit plus clair. Elle baissa à nouveau les yeux, pour réfléchir. Et si c'était l'inuit qui était trop sensible? Non. Il était plus résistant que pas mal d'élèves de l'institut. Certains finissaient par péter une durite. Ou par rester en retrait. D'autres jouaient les forts en apparences et passaient leurs nuits à se réveiller en sursaut. Kalalli, lui, jusqu'à présent, il n'avait jamais cherché à donner le change en apparence. Et dire qu'il comptait parmi les plus jeunes... Certains adultes ici devraient en prendre de la graine.

Elle se reporta sur lui alors qu'il l'invitait à s'asseoir. Ce ne serait pas une mauvaise chose. Elle se décolla du cadre de la porte pour aller simplement prendre place à côté de Kal qui agrippait sa peluche. Mignon.

"ça ne nous retient pas tant que ça. Je dirais même qu'on a eu l'occasion d'apprendre des choses, en mission. Sur les gens, sur nous-mêmes aussi. Je ne dirais pas que ça nous retient, mais plutôt que ça nous aide au contraire à éviter ensuite de faire des bêtises, tu ne trouves pas?"

Peut-être pas. Elle n'en savait rien.

"Tu n'es pas trop sensible. Enfin je ne crois pas. Tu te débrouilles mieux que la plupart d'entre nous, même."

Une certaine forme d'équilibre? ça y ressemblait en tout cas. Elle voudrait bien pouvoir en faire autant. Mais ça avait été impossible.

"Et puis, franchement... Ce n'était que des zombies."

Elle essaya de dédramatisée, allant même jusqu'à rire un peu. Juste des zombies... Ils s'étaient pris d'autres choses bien pires avant. Des trucs faits pour tuer des mutants.

"La prochaine fois, on ne se laissera pas avoir aussi facilement, tu verras. Parce qu'on saura ce que c'est. Donc... Même si ça a été traumatisant, ça nous a rendu service."

Et par extension, tout ce qu'ils avaient vécu d'autre aussi.

L'Inuit observa en souriant la jolie Suissesse se rapprocher de lui. Sa première réponse le laissa pensif un instant. Finalement, tout ça n'était qu'une forme d'apprentissage. Apprendre à survivre ? C'est vrai que cette mission leur avait appris des choses... Et puis c'était leur première en tant qu'Onyx. Ils avaient appris à travailler ensemble. Prendre soin des autres en les protégeant, tout en atteignant les objectifs de la mission.

" Oui c'est vrai... Maintenant on sait qu'il ne faut pas faire confiance à Clark... " dit-il d'un ton mi sérieux.

Parce que dans le fond, cette première mission lui avait laissé un goût âpre vis à vis de son lead. Il ne paraissait pas être capable de grand chose même avec les caméras. Et les informations qu'il leur avait données n'étaient pas toujours très justes, notamment la police qui débarquait juste quand il venait de leur dire que personne ne viendrait les aider avec le terroriste... Tout ça pour les attaquer eux ! Le monde à l'envers...

Lorsqu'elle annonça qu'il n'était pas trop sensible et qu'il se débrouillait mieux que la plupart d'entre eux, il planta son regard dans le sien, surpris. Il chercha une seconde s'il y avait un ton d'humour ou un regard qui trahissait le moindre manque de sincérité.

" C'est pas parce que je dis quand ça va pas que je suis plus fort que vous... " objecta-t-il, peu enclin à accepter le compliment qu'il jugeait exagéré.

" Au contraire, je réclame de l'attention alors que chacun aimerait probablement en avoir... Puis qu'ils aimeraient penser à autre chose sans avoir à réconforter les autres alors qu'ils ont eux même pas le moral... "

C'était peut être même égoïste en fait. Ca rajoutait un poids aux autres de se sentir trop indispensable pour soutenir certains du groupe. Comme si ça les tirait vers le bas...

La réflexion suivante de Charis tira un large sourire sur le visage de l'illusionniste tant il semblait à la fois vrai et orgueilleux. Il répéta en ricanant :

" Ouai, juste des petits zombies... J'en ai même fracassé un d'un super coup de poing dans la mâchoire... " rajouta-t-il afin de mettre en avant la faiblesse de ces monstres.

Comme s'ils avaient déjà vu plus dégoûtants. Ils avaient surtout vu des personnages plus dangereux que des zombies. Quoique les illusions ne les atteignaient pas. Enfin normal puisque c'étaient des illusions... Il doutait de croiser dans la réalité des monstres pareils. Toute créature vivante, hors robot, avait à priori une conscience et donc des sens à atteindre et à mettre à mal. Ce qu'il craignait d'ailleurs, c'était ces machines inatteignables pour lui. Il se retrouvait bien inutile et vulnérable face à elles. Mais au moins il savait rapidement quand il se retrouvait face à l'une d'entre elles.

Et de façon générale, ils avaient connu bien pire, c'était vrai. Ce n'était rien en comparaison du Shoggoth. Et ils pourraient repérer rapidement s'ils se retrouvaient à nouveau dans une illusion. Maintenant ils savaient que ce risque existait et était nettement en lien avec la poudre blanche. Ils pourraient s'attendre à tout s'ils se retrouvaient en sa présence.

" Oui tu as raison... C'est vrai que finalement c'était pas si horrible que ça... J'avais surtout eu peur de plus pouvoir te revoir... " avoua-t-il en lui prenant la main.

Il lui sourit doucement puis posa sa tête contre son épaule en maintenant le contact agréable de leurs doigts d'un côté, avec Chason de l'autre. Kala se sentait un peu mieux grâce à elle. Ses dernières paroles lui avaient fait relativiser la dernière mission sans se montrer invasives ou moralisatrices. Il en avait juste pris conscience grâce à elle. Charis trouvait toujours les mots justes pour le rassurer.

C'était un peu dramatiser, d'en déduire qu'il ne fallait pas faire confiance à leur nouveau professeur. Charis n'était pas aussi radicale. Certainement parce qu'en même temps, elle n'avait jamais vraiment eu l'intention de réellement accorder sa confiance à un professeur. Non pas qu'elle le dénigrait, de fait. C'était plutôt une question de préservation personnelle. Si on ne comptait pas trop sur eux, les rares fois où ils se montreraient faillibles, on ne risquait pas d'être trop déçu. Et puis combien de temps lui a-t-il été donné d'avoir un professeur référent sur la longueur? Depuis qu'elle était ici, un peu plus d'une année, elle avait eu au total trois professeurs. Et beaucoup d'autres étaient partis. Un était même mort. Jamais elle n'avait connu autant de mouvement professoral dans l'intégrité de sa scolarité en Suisse. Mais c'était bien. C'était représentatif de la vie. Rien n'était sûr et stable au final.

Elle trouva un peu dure, la manière dont Kalalli objecta quand elle lui donna son avis. Bah, après tout il ne pouvait pas s'observer depuis un point de vue extérieur. Mais il n'empêchait que lui semblait tuojours rester fidèle à lui-même, alors que d'autres changeaient, et pas toujours de manière avantageuse. Elle en était un parfait exemple, d'ailleurs. Charis marmonna à peine, d'une voix pensive.

"Ma grand-mère m'a dit que les personnes les plus fortes sont celles capables de reconnaître leurs faiblesses."

C'était une belle phrase moralisatrice. Et pas franchement simple à appliquer tout bien considérer. Mais elle aimait bien se dire des fois que même si elle n'en tenait pas franchement compte, quand elle voyait ceux qui en tenaient compte inconscimment, elle avait comme une sensation d'admiration. Et puis bon, si certaisn veulent être aider ou épaulés, ils n'ont qu'à l'assumer et le dire. Ce n'était pas une honte à l'institut. C'était même plutôt indispensable selon certains cas de figure.

Elle sourit au souvenir de ces zombies. Non pas que ça l'avait amusé.. En fait, ça lui avait plutôt fait mal. La douleur à la jambe ne lui semblait pas encore totalement effacée parfois. Même si ça n'avait été qu'une illusion. Ou peut-être justement parce que ça avait été une illusion. Elle ne savait pas trop. Dans le foutoir du Capitole, elle n'avait pas vu beaucoup de choses, ayant passé une bonne partie enfermée dans son cocon de glace. Elle avait dû en manquer de bonnes. Kalalli en mode rambo qui arrachait des mâchoires de morts-vivants, par exemple. Charis baissa les yeux sur la main que l'inuit avait posé sur la sienne. Un seul détail la frappa. Elle lui avait fait peur. C'était pas franchement malin et elle s'en voulait. Même si quelque part elle s'étonnait de cette réaction. Surprise, elle ne fit rien d'autre que de refermer sensiblement ses doigts sur ceux tâchés de désinfectant de son coéquipiers.

"Je suis désolée... De t'avoir fait peur."

C'était pas vraiment le but au final. Et puis après tout, elle aussi avait eu peur. Mais ça avait été beaucoup plus égoïste. Il y avait une différence entre avoir peur de perdre les autres, et avior peur de ne pas avoir pu éviter de perdre les autres. Enfin bon. Là, la seule chose qui importait, c'était d'éviter de filer da'utres frayeurs à l'inuit.

"Et puis... ça n'arrivera pas de sitôt. Je suis increvable, moi."

Elle essaya d'ajouter une sorte de fierté prétentieuse dans ses mots. Mouais. Elle n'y croyait pas des masses. Après tout, au Capitole, elle s'était sentie parfaitement prête à abandonner la partie pour pousser les autres à fuir. Pas franchement très héroïque au final. Elle finit par détacher ses doigts de ceux de Kalalli, pour venir plutôt passer un bras autour de ses épaules.

"Je me demande comment on va faire la prochaine fois. Tu penses qu'il existe un moyen de contrer les illusions? Ou du moins de trouver des choses vraies à quoi se raccrocher?"

Il avait dit que c'était horrible de ne pas pouvoir faire la différence entre le vrai et le faux. Mais si justement c'était possible? S'il existait un moyen de ne pas se laisser totalement avoir? Kalalli était certainement mieux placé pour avoir des idées. Et puis ça lui permettait aussi de dévier sensiblement du sujet.

Les plus forts étaient ceux capables d'avouer leurs faiblesses ? Le mieux était encore de ne pas en avoir, de faiblesses... Il était toujours mieux de les connaître et de les partager si c'était utile pour les autres. Charis disait probablement ça pour lui remonter le moral ou lui donner davantage confiance en lui. C'était surement la raison pour laquelle il n'était pas vraiment du même avis.

Le garçon apprécia de sentir les doigts de la jeune fille se refermer sur les siens. Il se sentait proche d'elle tant par l'esprit que par le corps. Il n'était pas gêné pour lui montrer qu'il l'appréciait et elle acceptait ses marques d'affection également. Elle s'excusa de lui avoir fait peur, mais ce n'était vraiment pas ce qu'il voulait lui faire dire.

" Non, t'excuse pas... Je voulais dire que j'ai eu peur de ne plus pouvoir te revoir s'il 'était arrivé quelque chose ou si j'avais été incapable de me défendre. C'est normal de s'inquiéter en mission... Surtout pour quelqu'un qu'on ai... "

Il réalisa au milieu de son mot que ses paroles avaient quelque chose d'assez égoïste dans la façon de les expliquer. Avoir peur de ne plus revoir l'autre. Pas qu'il lui arrive quelque chose. C'était comme ça qu'on pouvait facilement le comprendre. Alors qu'évidemment, il avait eu peur qu'elle soit blessée, ou pire.

" Enfin je t'ai probablement fait peur aussi. Alors pardon aussi. "

C'était plus simple de terminer comme ça. Il sourit largement lorsqu'elle annonça qu'elle était indestructible. Il aimerait tant que ça soit vrai. Charis détacha sa main de la sienne au grand regret du jeune garçon qui pensa une seconde qu'elle allait se relever pour partir. Il redressa doucement la tête alors qu'il sentit une main se déposer doucement sur son épaule. Kala sourit doucement avant de reposer sa tête sur l'épaule rassurante de la Suissesse. Ce genre de contact rare était vraiment agréable.

La nuit, il essayait d'éviter d'être trop contre elle afin de ne pas la gêner. Et aussi probablement pour ne pas se gêner lui même surtout, bien qu'il en ait honnêtement envie. Juste pouvoir se blottir un peu. Il fut sorti de sa réflexion lorsqu'elle lui demanda s'il y avait un moyen de se rendre compte qu'on était dans une illusion, un élément de la réalité auquel se raccrocher pour la contrer.

Le garçon réfléchit quelques secondes. C'était difficile à dire. Et il avait beau être illusionniste, c'était relativement inconsciemment qu'il les créait. Il n'avait pas pour habitude de se faire enfermer dedans, justement.

" Je ne sais pas... Si l'illusion est bien faite, on ne peut justement pas s'en rendre compte. C'est le but. Si des éléments paraissent vraiment trop invraisemblables, la cible se rend compte que ça ne va pas et elle détruit peu à peu l'illusion en se rendant compte qu'elle y est. C'est pour ça que des fois c'est difficile de savoir même après si on n'y serait pas encore. Le temps passe différemment dedans. "

Il pouvait difficilement dire mieux que ça. Il manquait d'expérience quant au fait de subir des illusions. Il était peut être possible de passer plusieurs années enfermé dedans. Le mieux serait peut être d'en parler à quelqu'un qui en avait été victime aussi.

" Si ça se trouve, on est dans une illusion depuis... Je sais pas. Prosper. On a l'impression qu'on a gagné, et que la vie continue et en fait on est dans les labo... Si une illusion est parfaite, j'imagine qu'elle peut tenir très longtemps. Mais je n'ai jamais été vraiment dans des illusions tu sais... Kanata y a passé quelques semaines je crois. On en a jamais vraiment reparlé... "

Ce n'était pas un sujet dont il était très fier. Il avait cédé à la colère après que le japonais se soit moqué de lui. Le thème n'avait jamais été réabordé depuis. Kanata ne souhaitait de toute façon probablement pas en parler.

" Mais si tu vois quelqu'un chose de vraiment bizarre ou qui colle pas dans une illusion, ça peut être une façon de s'en sortir en creusant cette chose. Il faut avoir des doutes pour se rendre compte qu'on est sous emprise. Avec les zombies, c'était évident mais c'était la première fois pour nous... Maintenant si l'univers change en une seconde, on le saura. S'il change plus doucement au contraire, ça sera dur à déterminer. Alors il faudra se saisir du moindre indice. Enfin j'imagine... "

La théorie, la théorie. Ca ne sauvait pas toujours en mission. Et puis comme il l'avait dit plus tôt, il ne savait pas vraiment comment ça se passait concrètement.

Toujours dans ses bras, Kalalli était calme. Le contact était reposant et apaisant. Ca lui rappelait l'étreinte de la veille quand ils s'étaient retrouvés. A part que cette fois elle était habillée. Il resongea furtivement à l'image de poitrine qu'il avait mémorisé bien malgré lui et la chassa autant que possible en essayant de se concentrer sur autre chose. Le mieux était encore de parler !

" Tu étais venue dans ma chambre pour prendre des nouvelles... Ou tu voulais me dire quelque chose en particulier ? "

Très bon sujet pour dévier ses pensées impures.

L'expliaction de Kalalli sur ses inquiétudes en mission laissa Charis quelque peu perplexe. Elle n'était pas certaine d'avoir cerner l'idée. C'était aussi le fait de mourir qui l'avait inquiété? Si oui, c'était parfaitement normal, non? Elle ne voyait pas vraiment ce qu'elle avait à vior là-dedans. Même si elle haussa sensiblement un sourcils alors que l'inuit interrompait sa phrase en plein milieu. Elle devait se faire des idées. Oui, c'était certainement ça. Elle acquiesça à peine à ses excuses. C'était vraiq u'il l'avait inquiété. Elle s'était même faite du soucis pour Kalalli en priorité, mais sa logique lui disait que c'était parce qu'elle était avec lui et aurait donc dû mieux veiller sur son coéquipiers. C'était comme ça en mission, non? Enfin la dernière avait été particulièrement laborieuse et désorganisée. Charis se de,amda même s'il avait été judicieux d'écouter ses suggestions au briefing qui avait précédé. Elle avait certainement mal considérer les binômes. Enfin difficile à dire puisque l'illusion les avait tous mis hors service avec un facilité désarmante. Ils restaient des gamins et c'était horriblement frustrant.

Elle écouta attentivement les explications de Kalalli sur le fonctionnement d'une illusion. Le temps passait différemment. Elle en avait eu conscience d'ailleurs. Comment tout un décor, tout un monde pouvait se moduler en à peine quelques secondes? Même si elle avait eu un court laps de temps d'inconscience, et même si elle n'avait pu estimer la durée de ce petit trou noir, il était clair que certains détails lui avaient clairement indiqué qu'il ne s'était écouler que peu de temps. Déjà l'usage de sa forme de golem. Le fait qu'elle soit en vie (elle doutait qu'un zombie attende décemment qu'une personne soit consciente pour la bouffer), puis ensuite ses coéquipiers, vêtus pareils, sans trace d'un temps qui se serait écouler. ça lui avait parut évident pourtant. Mais la douleur physique lui avait mis le doute. Et même si c'était faux, ça n'empêchait pas les autres de souffrir de blessures fictives. Egoïstement, elle avait préféré limiter ce genre de dégâts pour les les autres puissent se concentrer sur des choses différentes, comme les sortir de cette fichue illusion, par exemple.

Elle dévia le court de ses pensées quand l'inuit évoqua Kanata. Quelques semaines? En quelques instants, lui avait vécu quelques semaines? C'était effectivement le genre d'illusions assez horribles. Charis se demanda s'il était possible de choisir délibérément d'en subir quelques unes, histoire de s'entraîner à affronter ses peurs. Pensive, elle fixa Kalalli quelques secondes. ça frisait le masochisme, mais si sur du long terme ça pouvait apporter quelque chose? Comme le simple fait de ne plus céder à la panique, de pouvior réfléchir posément dans des situations extrêmes?

Il fallait donc faire attention au moindre détail illogique pour se rendre compte qu'on était dans une illusion. A ce stade, autant virer paranoïaque tout de suite. Elle manqua de peu d'avoir un frisson inquiétant. Comme l'avait dit Kal, si depuis Prosper ils était déjà dans un monde onirique? Après tout, là-bas, ils avaient été tellement confronté à des apparences trompeuses qu'il n'était pas si idiot que ça de considérer qu'ils pouvaient encore être sous influence. Voilà pourquoi Charis avait toujours un peu de peine avec ceux qui utilisaient des compétences psychiques. Lecture de pensées, manipulations, illusions... Que des choses contre lesquelles elle était forcément désarmée. Elle préféra ne pas en savoir plus pour le moment. A la place, elle resta simplement immobile. C'était plus rassurant, une simple étreinte. Même si ça l'était plus pour lui que pour elle. De toute manière, Kalalli changea de sujet de lui-même.

"Je voulais juste m'assurer que ça allait. Moralement. Pour autant que je m'en souvienne, ce n'est pas vraiment dans tes habitudes de prendre la poudre d'escampette pour te changer les idées."

En tout cas en séchant des cours. Si ça avait été pour aller suivre une leçon de danse, c'était encore compréhensible. Mais là, ça n'avait pas été le cas. Enfin il avait l'air mieux maintenant.

"Elle s'est blessée comment, la nouvelle?"

Non parce que pour en venir à se mettre autant de désinfectant sur les mains, ça avait dû être sérieux, quand même.

La présence de Charis était simplement due à la prise de nouvelles. Il était heureux qu'elle soit venue. C'était probablement qu'il ne la gênait pas tant que ça à être toujours aussi présent. Il craignait d'être collant et qu'elle n'ose le lui dire. Alors il essayait de ne pas s'incruster dès qu'elle était quelque part avec d'autres gens.

Pour autant, il était ravi dès qu'elle s'approchait de lui et lui souriait, lui parlait et riait avec lui. Et encore davantage lorsqu'elle l'enlaçait comme c'était le cas ici. Il entreferma ses yeux en l'écoutant parler, posant son bras entre leurs cuisses collées. Elle avait raison, il n'était pas habitué à sécher les cours. Kalalli faisait preuve de sérieux dans son assiduité aux cours, bien que ça ne l'empêcha nullement de s'en désintéresser une fois sur place. Ses devoirs étaient rarement faits depuis quelque temps et il se reposait sur ses acquis et ce qu'il retenait des cours sans jamais réviser. Ses notes étaient très très moyennes maintenant et sa capacité à retenir le contenu des enseignements commençait à être limitée sans révisions.

" D'habitude j'ai peur de me faire disputer si je fais quelque chose de mal... Mais bizarrement je relativise un peu cette peur avec les autres. Mon absence injustifiée sera juste un sale moment à passer de quelques secondes et puis voilà... Je vais pas en mourir... "

L'Institut leur permettait au moins de modifier leurs classements de peurs et de priorités. Il soupira, en espérant que ses profs n'hurleraient pas. Il détestait qu'on hausse la voix. Même quand des personnes se disputaient autour de lui, l'Inuit se sentait mal, qu'il soit concerné ou non par le sujet de la discussion.

" Y'a un moment on se demande un peu à quoi servent les cours avec ce qu'on fait... "

Pourquoi continuer avec autant de ferveur à apprendre des choses pour un avenir aussi incertain que le leur. Mais depuis que ses pouvoirs augmentaient, il était tout de même moins en ligne de mire.

" La nouvelle ? Heu... De ce que j'ai compris elle a un peu emmerdé Josh en fait... Et elle l'a blessé aussi... C'est stupide comme truc. Esther est arrivée heureusement. Mevena, la fille, elle avait un énorme sourire, comme si c'était tout à fait normal de faire connaissance en se battant. Elle est indienne je crois. Même après que Josh ait arrêté son intention de l'attaquer, elle continuait à le charrier alors qu'il était à deux doigts de l'égorger avant que je les sépare... Elle se rend vraiment pas compte, alors qu'elle s'est faite ouvrir la cuisse. Elle doit avoir un pois dans la tête... "

Passer à deux doigts de la mort et la défier à nouveau. Ce comportement laissait le garçon vraiment dans l'incompréhension. Surtout qu'elle ignorait de quoi était capable le lupin et que la démonstration aurait suffit à n'importe qui pour lui faire comprendre qu'il fallait vraiment éviter de l'ennuyer trop.

" Enfin bon... " conclue-t-il en fermant totalement les yeux.

Une fausse conclusion pour affirmer que c'était la vie et rien d'autre. Si la nouvelle continuait à se moquer autant de la mort, elle irait dans ses bras. Et vu la façon dont elle avait pris sa remarque sur le danger au jardin, elle n'avait pas l'air de vouloir être raisonnée. Comme si elle en savait plus qu'eux à ce sujet.

Soudainement, le garçon se redressa, excité comme une puce et regarda son amie dans les yeux avec un grand sourire :

" Au fait, t'as vu au Capitol tous les gens que j'ai atteint avec mon illusion quand y'avait la télé ? Avec le jugement de Génosha, je me suis vraiment bien amélioré ! C'était la première fois que je touchais autant de monde déjà à ce moment là... Je crois que j'ai fais encore mieux au Capitol ! "

C'était toujours agréable de se sentir plus fort avec le temps. Avoir la conviction qu'on évoluait et qu'on était de mieux en mieux capable de se défendre face aux menaces. Il se blottit à nouveau contre elle avec un large sourire et rentra les épaules de joie en confirmant, des fois que ça ne soit pas clair :

" Je suis trop content ! "

Il était clair qu'avec tout ce qu'ils pouvaient parfois se prendre dans la figure en mission (comme lorsque ce n'était pas en mission, d'ailleurs), des remontrances pouvaient paraître parfois vraiment insignifiantes. Charis n'aurait pas su dire si c'était une bonne chose. En fait, elle trouvait même ça un peu inquiétant. Relativiser quand on était un adulte avec des années d'expérience de vie derrière soi, c'était normal. Mais quand on était encore qu'un enfant, c'était plus sinistre quand même. Enfin ils pouvaient s'estimer heureux. Eux, ils étaient encore en vie pour devenir légèrement blasés, ou moins dramatiques. D'autres jeunes de leur âge et parfois moins ne pourront jamais en dire autant.

Elle pinça les lèvres quand il se demanda à quoi servait les cours. Elle aussi se l'était demandé. Après réflexion, la seule certitude qu'elle en avait tiré c'était que ça pourrait toujours leur servir. Pour retourner à une vie normale. Bon, elle n'y croyait pas et, de toute façon, revenir dans un quotidien banal ne lui semblait juste pas envisageable après ce qu'ils avaient vécu, mais... En fait, même si certains ne pourront pas appliquer concrètement ces savoirs, ils auront au moins élargit leur culture. Et surtout, en laissant des cours, ça donnait encore l'espoir à ceux qui le voulaient qu'un jour ils pourraient vivre en paix dans le meilleur des monde. Un rêve de bisounours pourtant indispensable si on ne voulait pas devenir dingue avec des prises de tête existentielles. Elle préféra ne rien dire.

A la place, elle écouta les explications de Kal sur ce qui s'était passé. C'était donc Josh? Oui, enfin bon. Pas exactement. Charis fronça les sourcils au fur et à mesure que l'inuit lui donnait des détails. Cette fille... Inconsciente? Ou alors c'était juste une question de culture. Charis pensa furtivement que c'était bien pour elle, de ne pas redouter la mort. ça lui permettra d'encaisser quand elle affrontera le phénomène en mission... Ou de ne pas avoir peur quand au moment inévitable où sa propre vie sera menacée. Quoiqu'avec ce genre d'attitude, c'était peu probable qu'elle survive de son propre chef. Mais une chose était sûre, provoquer Josh n'était pas en soi une bonne idée. Sans doute n'avait-elle jamais entendu parler d'Alixtide. Elle se demanda pendant un instant comment allait le lupin. Pour lui ça avait dû être éprouvant. Il devait déjà affronter pas mal de choses, si en plus il se faisait enquiquiner par une arriviste qui n'avait pas la plus petite considération pour les sentiments des autres... Elle n'était pas très tentée par l'idée d'aller faire connaissance avec Mevena. Elle ajouta mécaniquement...

"Ou alors elle n'a aucune conscience de la douleur. A moins qu'elle soit juste tellement mal au fond d'elle qu'elle n'a plus aucune considération pour sa propre vie. C'est possible aussi."

Que Mevena ait juste vécu quelque chose d'atrocement traumatisant? Auquel cas une autre supposition venait s'ajouter: qu'elle n'ait pas sa place l'Institut. La dernière chose dont l'établissement avait besoin, c'était bien d'élèves suicidaires. Ou alors, et c'était la version la moins flatteuse pour elle, elle n'avait juste pas envie d'apprendre à connaître les autres et avait jugé Josh avec des à priori digne des pires peaux de vaches du monde. C'était aussi possible après tout. Les mutants sont des humains comme les autres, avec des opinions étriquées et stupides comme n'importe qui. Charis aurait bien pu se dire qu'au final ça ne la concernait pas, mais Josh restait un coéquipier et un ami, et elle n'avait pas particulièrement envie qu'une nouvelle recrue de l'Institut aille semer le désordre. Autant laisser le sujet de côté pour le moment.

Charis desserra son étreinte sur Kalalli quand il se redressa pour évoquer le Capitole. C'était vrai qu'il avait considérablement évolué au niveau de son pouvoir. ça leur avait bien sauvé la mise. En espérant qu'il n'existait plus aucun enregistrement de ce qui s'était passé. Elle, elle avait complètement merdé. Si l'usage de son pouvoir apparaissait dans la presse... Charis préféra ne pas y penser. Kal leur a avait été d'une aide considérable.

"Oui, c'était bien! Grâce à toi on a évité de gros problèmes. C'est dingue comme ton pouvoir se développe!"

Même si ça faisait parti des pouvoirs que Charis n'aimait pas pour se savoir complètement démunie, il fallait bien reconnaître que c'était typiquement le genre de talent indispensable dans une bonne équipe.

"A ce rythme, on aura nettement moins à craindre pour les dommages collatéraux, quand tu es là."

Non pas qu'elle envisageait d'y aller comme une brute épaisse, puisque de toute manière elle n'en avait pas les capacités. Mais s'il n'y avait pas à redouter à chaque fois de faire vomir des trucs contre l'Institut, ils seraient tous beaucoup plus libres en mission. Sans compter que les passants pourraient être protégés. Contre leur gré, mais bon... Tant que ça marchait...

Charis tentait de trouver des raisons pour que Mevena soit aussi peu inquiète de sa santé physique, mais le garçon n'était vraiment pas convaincu. Si elle était suicidaire, elle n'avait qu'à aller ailleurs. On ne rejoignait pas l'Institut pour mourir en mettant en danger les autres. Elle avait essayé d'embarquer Josh dans son histoire alors qu'il n'y était pour rien initialement. Si elle voulait se faire du mal, autant qu'elle se jette d'un pont plutôt que de faire du mal à d'autres gens... C'était cruel, mais personne ici n'était responsable de son mal être, si mal être il y avait, et ne méritait de payer.

Charis sembla enthousiaste aussi à l'évolution du pouvoir de l'illusionniste. Il était content qu'elle soit fière de lui et qu'elle lui dise qu'il était utile.

" J'espère oui. Tout le monde aura moins de risques de se faire toucher quand on verra des gardes ou des salles remplies d'hostiles... C'est chouette... "

S'il pouvait protéger les membres de son équipe, alors il se sentirait important au lieu d'être un boulet à traîner. Il avait parcouru du chemin depuis Paris et la Défense...

saut temporel