Une rencontre plutôt inattendue (Nuit de jeudi à vendredi)

23h46 brillait dans le noir de la cuisine.

A tatons, un jeune homme qui ne parvenait pas à trouver le sommeil cherchait la lumière de la hotte de la cuisine. Il ne voulait pas attirer l'attention en éclairant trop cette pièce. Fort heureusement pour lui, ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité et, à l'instar de la psychologue de l'Institut ( même s'il n'aurait pu prétendre rivaliser avec elle ), Tim avait assez bonne mémoire des agencements des pièces. Il trouva donc rapidement ce qu'il cherchait.

La lumière, trop faible pour illuminer plus qu'une petite partie de la cuisine, fit plonger la pièce dans une ambiance intimiste et tamisée que le jeune français apprécia sur le champ. Il redoutait toute exposition à une lumière trop vive, craignant de perdre définitivement le sommeil à cause d'elle.

Car Morphée ne voulait pas accueillir le jeune homme en son sein. Et pourtant, il avait bien des raisons de tomber de fatigue : sa journée en Sibérie avec son équipe avait été éprouvante, le voyage pénible et la nuit était déjà bien entamée. Après s'être servi un verre de lait dans le réfrigirateur, Tim s'assit à cette même place où, depuis quelques temps maintenant, il avait pris l'habitude de s'assoir.

Un sourire traversa le visage concentré du français. De tout le voyage, il n'avait cessé de penser à la jeune télépathe, se demandant si elle voudrait bien l'accompagner de nouveau à l'Université, s'imaginant que, peut-être, il pourrait encore lui prendre la main. Un soupir de contentement s'échappa des lèvres du jeune homme qui, l'esprit toujours tourné vers Anna, porta son verre de lait à ses lèvres.

Le trouvant trop froid, il grimaça. Doucement, il plongea l'index dans le liquide épais et le réchauffa distraitement. Au bout de quelques secondes, il l'enleva et but avec satisfaction quelques gorgées de ce lait enfin à bonne température et se replongea avec délice dans ses souvenirs avec la télépathe.

Mais soudain, il perçut nettement un bruit inhabituel qu'il identifia immédiatement comme des bruits de pas dans l'escalier. Une idée lui traversa immédiatement l'esprit : avait-il pensé trop fort à Anna, au point de la réveiller ?

Le jeune homme, un peu inquiet, se leva pour aller à la rencontre du propriétaire de ces pieds qui martelaient le sol. Heuresement, il avait pensé à passer un pantalon de jogging noir et un débardeur blanc : il ne se verrait pas imposer le traumatisme qu'était celui de s'offrir à la vue de sa belle vêtu d'un simple caleçon.

Le seul hic dans cette affaire, c'était qu'il s'était trompé de télépathe...

( j'attends Ernest )

Et en effet pour Ernest, plus proche du vampire que de l'être humain, vivre et se nourir la nuit était vitale. C'etait le seul moment ou les élêves de l'institut ne monopolisaient pas le réfrigérateur. Et c'est vêtu d'un magnifique peignoir de velour bordeaux, qu'apparut le superbe télépathe. Et qu'elle ne fut son désarroi lorsqu il s'apperçut que non seulement la cuisine etait déja occupée mais pire ...par Tim. Ernest passa la main dans ses cheveux un sourire aux lêvres en s'imaginant le pire, une altercation avec l'algonquin, un échec amoureux, une punition attribuée par un professeur principal qui n'aurait pas etez digerée ? Une envie inssuportable d'entrer dans l'esprit du jeune Francais lui vint précipitamment, il se hâta de la chasser d'un geste de la main.

" Bonsoir Timothée, quelle ... heureuse surprise de te voir ici, a une heure si târdive ! "

Ernest écarquilla les yeux , exhibant un de ses sourires les plus sournois, qui au vu de la faible lumiere aurait suffit a tuer Kitty sur le coup. Mais le télépathe n'etait pas dupe, le francais n etait pas du genre a se laisser surprendre. Cependant une occasion pareille ne se présenterait pas deux fois, le " bon copain " de l'institut a sa merci pour cette seule nuit ! Aussi le polonais, apres s etre servi une tasse de thé, ne pris pas la peine de demander a Tim de s"asseoir en face de lui.

" Dois je comprendre que les X-Rays sont de retour... ? Ou peut on esperer qu il y as eu des... Ernest marqua volontairement un temps d'arrêt Ne dit- on pas que les bonnes nouvelles sont les mauvaises nouvelles après tout ... "

Ernest se leva d'un bond, et disposa soigneusement une serviette sur son bras avant de se diriger vers le plan de travail

" Mais j'en oubli la politesse, puis je te proposer quelque chose a manger, tu dois etre affamé ? "

Le français, tout émoustillé à l'idée qu'Anna vienne le rejoindre à cette heure avancée de la nuit, ne savait plus à quel saint se vouer : qu'allait-il bien pouvoir dire ? Comment réagir ?

La question ne se posa pas bien longtemps. Tim tressaillit en entendant les pas se rapprocher dans la pénombre. Il s'arrêta complètement pour contempler l'arrivée de sa visiteuse dans l'embrasure de la porte. Mais...

Interdit, la bouche bée et le visage peint d'une expression de déception et de surprise mélangées, Tim ne put se retenir de soupirer :

" Oh, c'est toi !"

Il s'en retourna à son verre pour dévisager Ernest. Tim était non seulement clairement déçu de voir qu'il ne s'agissait pas du bon télépathe, mais, en plus , il en voulait presque à son camarade de l'avoir rejoint dans la cuisine.

Car Ernest avait raison : Tim était le prototype même du "bon copain" ; gentil, toujours prêt à rendre service... Mais le français n'en était pas pour autant une bonne poire qui appréciait tout le monde sans réfléchir : lui aussi, avait ses têtes, et Ernest n'en faisait définitivement pas partie. La raison en était simple : Tim appréciait Nan', Ernest s'était moqué de Nan', Tim n'aimait donc pas Ernest.

" C'est bon, Ernest ! Je suis pas d'humeur !" maugréa le français en écoutant le discours que commençait à tenir le télépathe sur les X-Rays.

C'est vrai, quoi ! Il n'arrivait pas à dormir, Anna était surement cloitrée dans sa chambre, à des lieues d'imaginer les sentiments que le français nourrissait à son égard et Nan, qui aurait très bien pu faire office de confident, dormait, lui aussi, certainement à poings fermés ! Il y avait de quoi être contrarié, sans en plus avoir à subir les attaques verbales d'un élève qui se plaisait à saper le moral de ses camarades !

Toujours aussi calme mais toujours un peu grognon, le jeune homme répondit sèchement :

" Non, c'est bon, j'ai déjà mangé !"

Mais la parole avait précédé la pensée. Il était tellement sur la défensive en présence d'Ernest qu'il lui répondait avec animosité, sans tenir compte du contenu de ses propos. Et pour une fois, plutôt que de se féliciter d'avoir envoyé bouler son adversaire, Tim se mit à regretter ses paroles. Un peu gêné, il se mordilla la lèvre.

* C'est pas avec un comportement comme ça qu'on va l'aider à devenir un peu plus sociable.*

Pris d'un soudain remord, sans pour autant avoir la bêtise d'avouer qu'il avait eu tort de se montrer aussi froid, Tim ajouta, à demi-mots :

" Merci quand même..."

Ne sachant trop comment Ernest allait réagir à ce très léger changement dans l'attitude du français, Tim garda résolument les yeux rivés sur son verre avant d'enchainer :

" Ecoute. Les choses sont ce qu'elles sont. Le fait est qu'on habite dans le même endroit. Mais ne te sens pas pour autant obligé de m'adresser la parole. Ok ?"

Tim tourna son siège un peu plus vers la porte fenêtre de la cuisine pour ne plus avoir à regarder Ernest. Il laissa son regard errer quelques instants dans le jardin baigné dans l'ombre, mais au bout de quelques instants, il redonna à sa chaise son orientation naturelle. La situation était ridicule.

* Je suis stupide, mais bon...*

" Qu'est-ce que tu fais là, Ernest ?" lança-t'il sans crier gare.

Ernest ne put s'empêcher de sourire, le Français n'etait pas d'humeur et ne se gênait pas pour le montrer. Tant mieux, ils etaient deux dans le même cas. Cependant Tim tentais de faire un pas en avant, bien que deux en arriere, sur le chemin de la bonne entente. Et au final le Polonais etait-il réellement d'humeur a démarrer une joute verbale? Non il était pressé et profiter du calme nocturne etait nécéssaire a ses projets.

" Qu'est-ce que tu fais là, Ernest ?"

Ernest jeta un oeil a gauche, un a droite, et fini par se débarasser de son peignoir bordeaux, révélant sa plus belle tenue de ville, parfaitement accorder a ses cheveux soigneusement peigné.

" Je suis de passage, je sors ce soir, mais l'idée de sortir a jeun me déplaisait, ne t'occupes pas de ma présence je ne serai pas long."

Habilement il se confectionna un Sandwich et pris une bouteille d'eau dans le frigo, qu il glissa dans la fente intérieur de sa veste, il jeta un dernier coup d'oeil a l'horloge au dessus de la porte : 24 h 02

" Bien, Tim, je ne crains fort qu il soit l'heure des adieux, non pas que je n'ai pas envi de te connaitre mais tu t y prend avec du retard et je n ai pas tout le loisir de gâcher mon temps. Aussi je te souhaite une excellente ... matinée. Et je te serais gré de ne parlé a personne de notre petite entrevue nocturne, auquel cas tu t'exposerais a des représailles qui te serais couteuses. Donc inutile de perdre plus de temps avec moi . "

Ernest mis peu de temps ensuite a quitter la cuisine et se diriger prestement en dehors de l'institut

Europe

Tim écarquilla les yeux en voyant le polonais se débarasser de son peignoir. D'autant plus quand il vit qu'il était habillé pour partir juste en dessous. Non pas que Tim eut apprécié contempler son camarade en tenue plus légère, mais il n'était pas vraiment l'heure de faire le mur. Il s'en étonna d'ailleurs auprès du jeune homme :

" Je ne savais pas que tu étais du genre à faire l'Institut buissonnier..."

Il avala d'un trait le reste de son verre de lait en écoutant les explications d'Ernest. Il dévisagea de nouveau son interlocuteur et hésita un instant à lui répondre. Mais étant donné les menaces qui ponctuaient cette explication, le jeune français se contenta simplement de hausser les épaules. Il n'allait pas essayer de retenir le jeune homme. Il savait que ce serait bien inutile : ça n'avait pas marché avec son ancien colocataire Daniel, il n'y avait aucune raison pour que ça marche avec quelqu'un qui l'estimait bien moins que le mutant félin.

" Bien, bon vent, alors..." lança-t'il avec une indifférence exagérée. Le français était toujours touché de voir un élève quitter l'Institut, mais il n'allait surement pas se montrer aussi faible devant quelqu'un comme Ernest.

Il regarda le jeune homme s'enfuir discrètement et, une fois celui-ci à distance suffisante, il laissa un long soupir s'échapper de sa bouche. Décidément, cette nuit promettait d'être longue et triste.

Un reflet apparut à la fenêtre alors que Tim regardait à travers sans rien voir. Une silouhette longiligne à l'aspect étrange.

Sven était entré dans la cuisine. Il était vêtu d'un pyjama bleu ciel décoré de multiples coeurs, nuages, et ours en peluche décorés d'arcs en ciel, d'un bonnet de nuit dont le front était orné d'une énorme tête ronde stylisée jaune et souriante, et de deux chaussons en forme de lapins qui tirent la langue.

Il s'avança silencieusement derrière Tim, ses pantoufles ne faisant pas de bruit sur le sol de la pièce, puis regarda d'abord son reflet, ce qui lui permis d'arranger le gros pompon de son bonnet de nuit, ainsi que ses mèches blondes qui dépassaient, puis il regarda la nuit avant de dire simplement.

"Tu sais Tim, je pense que tu verrais mieux si tu allumais la lumière dehors. J'ai longuement cherché l'interrupteur qui permettait de l'allumer... J'ai écumé toute la Norvège connue, je ne l'ai pas trouvé, mais je ne désespère pas de le trouver ici, à New York."

Son ton semblait sérieux.

Les yeux de Tim, perdus dans le vague depuis le départ d'Ernest, reprirent vie lorsqu'ils surprirent un mouvement dans le reflet de la glace devant laquelle le français se tenait. Tim plissa les yeux pour identifier la silhouette bariolée qui se tenait derrière lui.

Mais il n'eut pas le temps de la reconnaitre, car à l'ombre de la vitre se joignait une voix que chaque élève de l'Institut connaissait : celle d'un norvégien pas comme tout le monde.

Tim se tourna, un sourire triste aux lèvres et répondit tranquillement au jeune homme :

" Bah, t'inquiète pas. Je peux attendre jusqu'à demain matin."

Il marcha tranquillement vers le frigo pour reprendre la bouteille de lait. Il avait grand besoin d'un second verre pour digérer la nouvelle du départ d'Ernest. Et puis, il n'allait pas partir maintenant que quelqu'un d'autre était là pour lui tenir compagnie. Car même si Sven n'avait pas le même genre de considérations que le français, Tim n'en tenait pas moins à rester poli en toutes circonstances. Enfin, le français devait reconnaitre que, malgré son comportement étrange, Sven était un jeune homme qu'il avait appris à apprécier.

Avec son calme habituel, Tim alla chercher un autre verre dans un placard. Il le posa près du sien sur la table et reprit sa place sur sa chaise :

" Tu en veux ?" demanda-t'il en soulevant la bouteille de lait.

Il se servit généreusement et reposa la bouteille sur la table sans pour autant la lacher. Il sourit de nouveau au jeune homme avant de continuer :

" T'arrives pas à dormir, ce soir ? C'est pourtant pas la pleine lune."

La phrase était banale, mais Tim faisait confiance à Sven pour pimenter un peu la discussion avec ses habituelles bizarreries.

Sven se recula de deux pas pour laisser à Tim tout le soin de mener ses préparations laitières à sa guise. Discrètement, toutefois, il alla jeter lui aussi un coup d'oeil par la fenêtre. Après tout, si la nuit avait capté l'attention du français, c'est peut-être qu'il y avait quelque chose d'intéressant à voir. Il ne vit toutefois qu'une phalène, posée sur la vitre.

"Oui, c'est gentil, je veux bien. J'étais descendu parce que j'avais soif, mais je peux manger aussi."

Il alla chercher un verre, tira une chaise, et s'assit.

"En fait, il a été scientifiquement démontré que les phases de la Lune n'avaient aucune influence sur les humains."

Il remplit son verre

"Toutefois, je suis persuadé de la probabilité d'une influence sur les gens bizarres. Or, cet endroit est empli de gens bizarres et effrayants. Par exemple, de nombreux écrits attestent que les gens affiliés à l'espèce lupus lycanthropus ont la propriété de se métamorphoser en loup lors de la pleine Lune."

Il pointa un doigt en l'air pour mieux appuyer sa démonstration.

"Or, j'ai pu constater que la fille à qui j'avais prêté mes gants tout à l'heure semble avoir une affinité particulière pour les canidés, et on m'a fait état de quelqu'un qui pouvait se changer en panthère ce qui est, tu le concèderas, une coïncidence troublante."

Il fit tourner son verre, regardant dedans, comme s'il réfléchissait intensément.

"Une conséquence pour les lupus lycanthropus, c'est que leur régime alimentaire changeait : ils passaient de carnivores à petinenfantophages. Je pense qu'il serait intéressant d'étudier le régime alimentaire des habitants de l'institut en fonction des phases de la Lune."

Il tourna la bouteille de lait pour mettre en évidence l'étiquette avec une vache stylisée dessus.

"Toi par exemple, tu bois du lait à minuit passé. C'est peut-être le signe d'une transformation latente en bébé rose qui te menace..."

Une bouffée de chaleur envahit le coeur de Tim. Après le passage éclair d'un Ernest glacial, la compagnie de Sven lui faisait le plus grand bien. Il n'y avait pas de meilleure solution à l'Institut pour se "déconnecter" un moment du monde environnant. Avec un sourire bienveillant, Tim écouta chaque démonstration de son cadet.

* Le pire, c'est qu'il est loin d'être bête...*

Tim servit gracieusement le jeune homme en lait et hocha la tête avec sérieux en voyant son interlocuteur lever l'index pour appuyer ses dires. Le français était loin de prendre cette discussion au sérieux. Mais dans un élan de gentillesse qui lui était particulière, il y prit part sans hésiter une seule seconde :

" Tu noteras quand même que je bois du lait quelque soient les phases de la Lune. Le soir, avant de me coucher, je te le concède, mais quand même... Et puis, ça fait déjà quelques années que je suis ce régime !"

Une lueur d'amusement passa furtivement dans le regard du français avant qu'il ne continue, taquin :

" Et puis, pourquoi en bébé rose ? En chat, peut être. Ou bien en taureau... Parce qu'après tout, pourquoi l'absorption de lait de vache ne me transformerait-elle pas en bovin ? "

Il gloussa en tentant de s'imaginer avec des cornes et des naseaux énormes.

" Enfin, j'espère pas. Un chat serait quand même plus gracieux... Et puis, j'ai déjà eu un aperçu de ce que ça pouvait donner. Tu te souviens de Daniel ? Mon ancien colocataire ?"

Une ride de perplexité barra le front de Sven.

"Non."

Visiblement, il ne se rappelait pas qui était Daniel. Il goûta son verre, puis argumenta.

"Je pense qu'en effet, il serait plus possible que tu te transformes en bovidé. Entendu que c'est du lait de chèvre. Si tu veux te transformer en chat, je te conseille le lait de chatte, si tant est que tu arrives à le récolter sans te faire arracher la main. J'ai connu une chatte, en Norvège, elle était atroce : un jour, je lui ai présenté mon balai, et il n'en est rapidement plus resté que le manche. Je la soupçonne d'être également perturbée par les phases de la Lune, mais je n'ai jamais pu le prouver."

Il s'était approché pour que personne n'entende cette révélation sensationnelle. Puis il s'éloigna à nouveau.

"En fait, oui, je pensais à un bovin. Mais je ne savais pas le dire. J'ai entendu dire qu'en France, dire de quelqu'un que c'est un veau, c'est une insulte."

Il fit un sourire. Sven était gentil finalement.

"...et je n'ai pas envie de me faire encorner si jamais tu venais à te transformer."

Tim accueillit sans surprise la réponse du norvégien. Daniel n'avait fait qu'un passage éclair dont la preuve la plus marquante consistait surement dans les griffures qu'il avait laissé dans la chambre qu'il avait partagé avec Tim. Le jeune homme sourit, d'ailleurs, en se souvenant de son actuel colocataire, Nan, qui s'était inquiété de l'origine de telles marques.

" Moi j'ai eu un chat aussi. Et il m'adorait. Peut-être parce que j'étais une bouillotte ambulante. En tous cas, pas question de laisser un chat faire la loi chez moi ! Non, mais !! Dépouiller un balai !"

Tim haussa les yeux au ciel et continua :

" Bien sur, après si c'est un chat de la taille de Dan..."

Tim s'interrompit. Sven était en pleine explication sur le terme de "veau" en français. Sans qu'il s'en rende compte, l'un des sourcils du français se leva avant qu'il ne déclare :

" Moui, c'est pas très affectueux de se faire traiter de veau, mais je ne pense pas qu'on en ferait une affaire d'Etat. De toutes façons, je me doute que ce n'est un compliment dans aucun pays..."

Il porta son doigt à sa bouche et conclut pensivement :

" Sauf peut-être en Inde. C'est bien ça ?"

La culture religieuse et traditionnelle hindoue était loin d'être le fort de Tim et, s'il n'était pas sur que ce soit celui de Sven, il s'attendait néanmoins à une bonne surprise. Le jeune homme en connaissait assez sur tout et sur rien pour ne pas ignorer le fait hindou.

Pensivement, Tim se leva pour aller chercher des cookies. Il n'avait pu s'enlever cette idée de la tête depuis que son cadet avait évoqué l'idée de "manger". Il ouvrit un placard, puis l'autre et grommela en ne trouvant qu'un paquet de ses biscuits favoris en version "pur chocolat".

" Qui a fait les courses ? Grmblmbl...sacrilège..."

Le regard noir, la mine renfrognée, le jeune homme alla se rassoir aux côtés de Sven et fit tomber lourdement le paquet sur la table. Peut-être que le norvégien comprendrait son désappointement :

" Ils ont même pas pris des cookies aux pépites de chocolat et aux éclats de noisettes !"

Ayant fini son verre, Sven s'amusait à le faire tourner autour de son doigt d'un air absent.

"En fait, il s'est avéré que ce balai décapité a été utilisé utilement pour étayer une étagère qui menaçait de se renverser. Peut-être le chat avait-il prévu cela... Mais pour les veaux, je ne sais pas en Inde. J'ai entendu dire qu'ils vénéraient les vaches. C'est une idée qui me semble un peu farfelue. Ceci pour une raison simple : les vaches ont des taches en forme de mappemonde."

Il arrêta là son raisonnement, sa démonstration lui semblant parfaitement limpide, et de toutes façons, Tim allait chercher des cookies.

"Je ne sais pas qui a fait les courses. Il me semble qu'à chaque fois que quelqu'un va faire les courses, il y a une émeute, ou quelque chose. Comme si un esprit malfaisant s'ingéniait à nous empêcher d'aller acheter des bonbons schtroumpf, ou bien du fromage."

Il se saisit de la boîte de cookies rageusement jetée par le mutant français.

"Cookies extra-chocolat, avec de vrais morceaux de chocolats."

Il retourna le paquet et lut.

"Ce produit peut contenir du chocolat."

"Ne convient pas aux personnes en période de régime."

Il reposa les cookies, posa son coude sur son verre, et sa tête sur sa main.

"Le coupable est une personne aimant le chocolat et ne faisant pas régime. Je suis désolé pour les cookies aux noisettes, mais j'ai utilisé les dernières noisette pour un gâteau l'autre jour, et j'ai complètement oublié de dire qu'il y avait des noisettes dedans. Tu t'imagines si quelqu'un avait été allergique ?"

Tim haussa les épaules en entendant Sven. Il n'avait pas l'air de savoir grand chose à propos des veaux indiens et, à vrai dire, le français n'était pas d'humeur à poursuivre plus loin ses investigations. De toutes façons, il y allait bien avoir un Indien qui allait débarquer à l'Institut un de ces quatres.

Et puis, cette histoire de cookies l'intriguait. Il était certain de l'avoir noté sur la liste de courses. C'était une de ses seuls exigences, ça et un pack de glace saveur cookies... pur chocolat. Sans prévenir, il se leva de sa chaise et se rua vers le frigo. Après quelques secondes, il en sortit victorieux le pot de glace : "Cookie choco-noisettes "!

" Ahhh, ils me le paieront !" siffla-t'il entre ses dents.

Il rangea la boite et alla se rassoir tranquillement. Déjà, il ruminait une vengeance contre ce complot qui se tramait contre lui. Pas un véritable complot, bien sur, mais un manque de considération évident pour le jeune homme qu'il était. Perdu dans ses pensées, il hocha distraitement la tête aux suppositions de Sven.

" Personne n'a été malade, donc tout va bien...." ajouta-t'il sans y penser.

Il croisa les bras, le regard perdu dans le vide mais, finalement, abandonna toute idée de vengeance. Il n'en avait pas vraiment après la personne qui s'était trompée en faisant les courses. C'était juste... de la colère accumulée qui profitait de la moindre contrariété pour amplifier l'évènement. Le français soupira et, sans se rendre compte que c'était à Sven qu'il s'apprêtait à se confier, il commença :

" Tu sais que j'ai parfois le sentiment que les gens m'évitent dans l'Institut ? Regarde, hier, quand je suis arrivé dans le salon, tout le monde est parti. Alors j'ai filé dans ma chambre. Enfin, je ne parle pas de mon équipe, bien sur, je les vois tous les jours et il ne me fuient pas, encore heureux, ni d'Anna, bien sur. Mais, remarque, c'est peut-être moi qui ne suis pas très sociable. C'est vrai, ma mère a toujours dit que, comparé à elle, je n'étais pas très causant. Et, sincèrement, je ne l'ai jamais trouvé plus bavarde que ça. Mon père disait qu'elle le rendrait ou sourd ou fou. Mais je crois que c'était plutôt pour la taquiner !"

Tim profita de cette petite pause dans son monologue pour rire un peu en repensant à ses parents. Mais il reprit bien vite :

" En même temps, je n'ai ni frère ni soeur, alors je me demande bien avec qui j'aurais pu développer une quelconque aptitude à la conversation. Je.."

Il regarda Sven et lui sourit avec un air gêné :

" Je ne t'ennuie pas, au moins ?"

Sven avait ouvert la boîte de cookies, en avait pris un et l'avait cassé en deux, telle une figure mythique rompant le pain, et était en train d'examiner la tranche.

"Hum, non, tu ne m'ennuies pas. J'ai bien entendu ce que tu disais, bien que j'examinais les circonvolutions dans les cookies. J'ai entendu dire que l'avenir était inscrit dans les circonvolutions des cookies qu'on mangeait. Ou alors c'était des gâteaux chinois ? Je ne sais plus..."

Il montra la tranche de cookie à Tim et lui expliqua

"Tu vois ici, la forme de la pépite de chocolat, je crois que ça indique que tu es promis à un grand avenir. Alors que si j'en crois la façon dont ça s'émiette, ton chemin sera peut-être plus tortueux que celui des autres."

Il mangea alors le cookie.

"Je te rassure, je n'ai pas dévoré ton avenir." déclara-t-il la bouche pleine avant de pencher la tête de côté et de jeter un regard évaluateur à Tim. Un regard peut-être différent de son habitual air lunaire.

"Tu sais, je pense que les gens ici me trouvent bizarre, alors ils veulent pas discuter avec moi. Ni rien faire à part jouer au basket entre eux. Mais bon, en même temps, je les trouve bizarres. A part Ivy. Ivy, elle est bien. Elle aime les framboises. Et puis elle aime se jeter dans les ravins avec une liane aux pieds. Moi je trouve ça cool d'aimer les cookies aux noisettes et la glace aux cookies au chocolat."

Maigre consolation...

Un grand avenir ? Un chemin tortueux ? Tim devait avouer que s'il avait un peu de mal à croire à la première partie de la prédiction de Sven, il savait que la seconde était totalement vérifiable ! Après tout, quel mutant était destiné à vivre une vie paisible et monotone, loin de tous les anti-mutants et de tous les autres problèmes qu'engendrait le gène X ? Seuls les gens avec un don "discret" avait la chance de pouvoir choisir entre la vie qu'ils avaient construite et une vie "camouflée" derrière les grilles de l'Institut.

Car bien qu'il ne regretta pas son choix de demeurer dans cette école, Tim avait parfois la nostalgie de sa vie banale et ennuyeuse à souhait. Un simple mot, un geste, une attention de l'un de ses camarades arrivait souvent à dissiper ce léger malaise, mais il avait dans l'idée que, ce soir, il en serait autrement. Mais il se trompait allègrement !

Et pour cause ! Bien les propos de Sven passaient souvent pour être suffisament légers pour que l'on n'y prête qu'une oreille, ils étaient d'un incroyable réconfort pour le jeune français.

" Tu trouves ça cool d'aimer les cookies aux noisettes et la glace aux cookies au chocolat.?.?." répéta-t'il pensivement, un sourire aux lèvres.

" Merci, Sven !" continua le leader des X-rays, " tu as trouvé les mots justes, comme toujours !"

Il regarda Sven droit dans les yeux et sourit une nouvelle fois :

" Et, si tu veux mon avis, les gens ne devraient pas s'arrêter à ça. Je ne prétends pas nier qu'il y a une certaine part de... bizarrerie en toi. Mais nous sommes tous un peu étrange ! Qui pourrait croire que je fais du pop-corn avec mes mains ?"

Le français gloussa un peu et continua :

" Tu as bien raison de trainer avec Ivy. Elle, au moins, est assez large d'esprit pour te comprendre ! "

Sven haussa les épaules et répondit comme si c'était la première des évidences qui avait échappé à la vigilance de Tim.

"Ben évidemment que c'est cool. D'habitude, les gens aiment les cookies aux noisettes parce qu'ils font un régime dissocié sans cookies au chocolat, mais ils se jettent systématiquement sur la glace au chocolat directement à la cuiller devant la télé au moindre coup de déprime. Faire l'inverse, c'est..."

Il s'était un peu emporté et cherchait ses mots.

"...c'est..."

"...C'est révolutionnaire !"

Sven rosit légèrement aux compliments de Tim. Il faut dire ! C'était la première fois que quelqu'un (à part Ivy) lui trouvait des qualités dans cet institut !

"C'est gentil... Et c'est cool aussi le pop-corn avec les mains. Je suis sûr que l'économie d'énergie micro-ondes contribuerait significativement à réduire l'impact sur le climat si tout le monde en faisait autant ! L'ennui, c'est que je sais pas encore comment faire. Moi, je sais juste faire des nuages magiques. Et faire des gâteaux. Mais ils ne sont pas magiques. Ils sont juste à manger."

Tim posa son verre sur la table en même temps qu'il posait un regard affectueux sur le jeune homme. Il savait qu'il n'en avait pas conscience, mais il était rassurant.

* Au moins, il y a des choses qui ne changent pas !* se dit-il en revoyant Ernest franchir le seuil de la porte de la cuisine pour ne plus revenir.

" J'aime les gateaux ! Et j'aime apprendre à en faire ! Tu me montreras à l'occasion ?"

Il devait faire des efforts pour se mêler un peu plus aux autres et, avec Sven, au moins, l'effort n'était pas trop grand. Bien qu'il ait été surpris la première fois qu'il avait croisé le norvégien, il s'était peu à peu fait à ses habitudes fantasques et ses discours étranges et, finalement, il avait appris à apprécier le jeune homme.

Tim mit soudain la main devant sa bouche pour couvrir un baillement. Il se leva tranquillement et posa une main affectueuse sur l'épaule de Sven :

" Il est tard. Tu devrais penser à aller te coucher. Moi, j'y vais !"

Il se retourna pour prendre son verre et le déposer dans le lavabo. Il franchit les quelques pas qui le séparait du seuil de la porte et, juste avant de sortir définitivement, il lança :

" Bonne nuit, Sven !"