Chambre de Georgia

"C'était ton premier baiser ?" répliqua Georgia du tac au tac.

Elle se gratta la tête, un peu songeuse...

"En fait, ça ne s'analyse pas un premier baiser. A mon sens, c'est une expérience, au delà des mots, limite fondatrice..."

Elle marqua une nouvelle pause. Que signifiait cet échange de salive qu'une convention sociale avait marqué d'un sens particulier ?

"C'est étrange comme on veut mettre du sens là dedans. Pour un observateur extérieur ça voudrait dire, peut être, qu'on est ensemble. Pour un autre, ce serait un pari, un jeu, un défi... Pour encore un autre, ce ne serait pas bien, pas convenable, inacceptable parce qu'on est deux filles... Pour toi, pour moi, je ne sais pas... Chercher du sens et nommer les choses c'est également les réduire. Je préfère garder l'expérience en moi, sans y chercher autre chose que ce qu'elle est... Un instant de partage"

Georgia partait encore dans son délire. Ne pouvait elle pas admettre simplement ce que Gaby lui avait fait et qui lui avait plu ? Un peu d'honnéteté alors...

"Mais j'ai vraiment aimé"

Pas de honte, pas de regrets, rien caché, rien gardé, Georgia était comme ça.

Georgia avait toujours le don pour analyser les choses, arriver à décrire l'indescriptible. Gabrielle partit d'un petit rire joyeux. Elle aimait bien parler avec la jeune fille. Durant ses moments, elle en oubliait ses résolutions, ses problèmes.

"Tant mieux si tu as aimé...ça veut dire que j'embrasse bien."

Gabrielle se mit à rire tout bas.

"Enfin franchement, savoir qui j'aime ou qu'est ce que j'aime. C'est pas quelque chose qui me tarabusque..."

Gabrielle s'installa un peu mieux sur le lit, elle replia ses jambes sous elle, tournée vers Georgia.

"La dernière fois, j'ai lu un magazine féminin. Je l'avais acheté pour voir. Et leur principal sujet de conversation, c'était les relations amoureuses. Je trouve qu'on en fait trop autour de ça.C'est souvent, faux, arrangé, artificiel. On se sert de l'autre pour nous renvoyer l'image qu'on souhaite, pour combler nos manques. Sur ce point-là, l'amitié est plus interessante à mon avis, car elle met tout le monde sur un pied d'égalité. Mais c'est aussi elle la plus dangereuse, car une vraie amitié demande de l'engagement et tout deception est cruelle."

Voilà pourquoi Gabrielle avait à présent bannie l'amitié de ses relations sociales. Ernest lui avait fait trop de mal. Elle preferait encore nouer une relation amoureuse avec quelqu'un plutôt qu'une relation d'amitié. Le problème était que Gabrielle appréciait de plus en plus Georgia et que si la jeune fille venait à l'abandonner comme l'avait fait Ernest, elle souffrirait à nouveau.

L'amour, l'amitié... En toi je me cherche, tu te cherches, on se cherche... A travers le miroir ? Ou l'effet miroir ? Es tu mon seul double de moi ? Georgia sentait bien que Gabrielle avait mis le doigt sur quelque chose d'à la fois sensible, intéressant mais complétement insoluble...

Si l'amour tel qu'il était vanté par les médias était quelque chose de complétement surfait et prévisible, voire limite embêtant (Il est là. Elle l'aime. Il l'aime. Ils s'aiment. Ils se mettent ensemble. Fin), l'amitié c'était à la fois plus simple & plus rare. Ou alors Georgia pensait encore de travers et c'était l'inverse. Ou les deux cas ne se présentaient jamais. Ou toujours.

"L'amour c'est le manque... Sympa comme phrase... Et l'amitié tu la vois comment alors ?"

Quoiqu'il en était, pour la spéculation, Georgia pensait bien que Gabrielle était son amie. Ou son amoureuse. Peu importe. En revanche, Gabrielle semblait un peu rétive à ça. Elle semblait même en avoir un peu peur. Tout en ayant envie d'une amitié franche et sincère. Vous suivez ?

"Hummm... Je pense que tu as raison... Ca me semble intéressant, ce que tu viens de dire... Mais alors nous, on est quoi ?"

La réaction de Gabrielle serait très intéressante pour la suite des événements. Allait elle se plier au programme d'action de Georgia (amour/amitié) ou allait elle se conformer à son anti-programme à elle (repli sur soi même) ? Auquel cas, des mesures devraient être prises...

Georgia aimait / appréciait vraiment beaucoup Gabrielle, et il fallait que celle-ci s'en rende compte d'abord et ensuite arrive à s'ouvrir un peu plus aux autres...

Gabrielle s'était engagée sur une pente glissante. Georgia l'interrogeait à présent sur ses propres sentiments. Gabrielle se redressa, chercha une meilleure place, étendit ses jambes, puis ayant fait assez attendre la jeune fille, elle tenta de répondre.

"L'amitié, c'est l'échange sans dépendances et hierarchies aucune, c'est l'affinité entre deux personnes qui n'est pas parasitée par des questions de convenances ou autre...Enfin c'est ce que je pense, après tout je ne suis pas experte."

Oui, s'il y avait bien une personne qui n'était pas experte en amitié ici, c'était bien Gaby. Même après être resté des années en pensionnat, elle avait réussi à nouer seulement des liens superficielles avec ses camarades. Celles-ci la respectaient, en avaient un peu peur mais n'avaient sans doute pas été touchées par son départ précipitée.
Cependant, pour Georgia, il y avait un "nous" à présent. Sans être-égocentrique, bien au contraire, Gabrielle avait toujours essayer de rester au seul "je", pour protéger les autres de son emprise et se protéger elle-même.
D'où venait sa peur de faire souffrir et de souffrir? Elle n'avait jamais analysé tout celà et ne le souhaitait pas. Elle savait que ça remontait à son enfance et preferait garder cette partie-là bien enterré dans son inconscient.

"Je ne sais pas Georgia...Il y a moi et toi. Je t'apprécie comme tu es...Mais il y a tellement de contradictions. Si je t'appréciais vraiment justement, je devrais te protéger et me proteger...enfin c'est compliqué..."

Gabrielle s'emmelait les pinceaux. Elle ne voulait pas blesser Georgia, loin de là. Mais devait-elle revenir sur les promesses qu'elles s'étaient faite à elle-même? Elle avait essayé si fort de redevenir normale, de s'ouvrir aux autres. Elle avait joué les jeunes filles en achetant tout plein de vêtements et en les essayant avec River. Elle s'était même acheté un magazine féminin pour se renseigner sur les attitudes qu'elle devait affecter.
Elle s'était aussi confiée à Ernest, lui avait donné sa confiance comme jamais elle ne l'avait fait, il avait été son premier ami depuis bien longtemps et il l'avait abandonné sans un mot, le jour même de leur serment...
Devait-elle dire tout celà à Georgia? Non, Gabrielle ne voulait pas qu'elle ait pitié d'elle... Pauvre petite Gabrielle éprouvée par la vie..Non, elle detestait l'auto-apitoiement.
Mieux valait que Georgia la prenne pour une reine des glaces comme les autres...

"Je ne peux rien donner, ni promettre..."finit par dire Gabrielle après un moment de silence, s'adressant plus à elle-même qu'à son interlocutrice.

Gabrielle était un sujet rétif au programme d'action de Georgia. Au fond, dès qu'il s'agissait de parler d'elle et / ou d'exprimer des sentiments, elle se dérobait. Elle bottait en touche en exprimant d'une part des idées générales qu'elle avait pu glaner à droite ou à gauche et en invoquant d'autre part des résistances personnelles relevant d'un désir de protéger d'un risque imaginaire... Et si en voulant protéger Georgia, elle ne cherchait pas elle même à se protéger ? Mais de qui ? De Georgia, des autres ou d'elle même ? Gabrielle était complexe. C'était la fille qui fuyait, s'échappait... Tout ce qui fallait pour éveiller l'intérêt chez la New Yorkaise !

Il fallait donc en remettre une couche, adapter le programme pour créer une adhèsion de la part de Gaby, plus simple à penser qu'à réaliser en somme...

"Tu parles de convenance et l'instant d'après tu parles de protection... T'as pas l'impression, ma jolie, de faire tout pour éviter le contact en somme ?"

Une provocation. Un défi. Il fallait tester les résistances de Gaby.

Puis avant, de lancer la séquence suivante, Georgia se leva et s'approcha de Gaby, lui saisissant les mains par la même occasion. Comment allait elle réagir à ce contact inopiné ?

"Tu vois, mes mains dans certaines circonstances peuvent blesser, dans d'autres guérir... Je fais en pratique ce que la plupart se contentent de faire symboliquement. Tu veux me protéger. Moi je veux m'ouvrir. Je veux également voir la vraie Gabrielle. Quoique tu dises, quoique tu fasses, tu es mon amie... Individuellement, je ne vaux rien, avec toi c'est différent... Alors l'indifférence ou la différence ? A toi de voir... Mais je ne veux ni prendre ni obliger... Ni don, ni promesse, tu es toi et ça me suffit..."

Maintenant elle massait nerveusement les mains de Gaby.

"Et puis que tu le veuilles ou non tu as déjà beaucoup fait pour moi... Reste à savoir si j'ai fait quelque chose pour toi..."

Restait à être parfaitement honnéte...

"Mais je peut être aussi complétement folle... Et je comprendrais que tu ne veuilles pas te lier d'amitié pour une fille barrée... C'est vrai, tu as raison, c'est difficile l'amitié... Mais c'est pas difficile la vie aussi ? En tout cas, c'est difficile d'être seule... terriblement difficile !"

Gabrielle sentait le regard de Georgia qui la détaillait, tandis que les neurones de la jeune fille blonde (non ce n'est pas antithetique) s'activaient à plein régime. Gabrielle se faisait l'impression d'être un sujet d'experience de la jeune fille, une sorte de rat de laboratoire dont Georgia observerait les réactions. Un peu ce qu'elle-même faisait subir aux autres.
Ces premières paroles furent assez choquantes, du moins, Gabrielle, toujours sur la défensive, les ressentit comme une attaque.
Elle se raidit immédiatement, dardant son regard vert droit dans celui de Georgia, cherchant où elle voulait en venir.
Oui Gabrielle cherchait à éviter le contact. Mais celà se comprenait non, lors d'une des manifestations de son pouvoir, elle avait tué quelqu'un. Devait-elle pour autant tout confier à Georgia, lui racontait les cauchemars qu'elle pouvait infliger aux autres et qu'elle vivait elle-aussi? Georgia savait-elle qu'on pouvait faire mourrir quelqu'un de peur? Que Gabrielle n'avait pas besoin de contact physique pour enclencher son pouvoir, qu'il suffisait juste qu'elle perde le contrôle d'elle-même pour que le pire arrive? Le contrôle, tout résidait dans ce môt. Gabrielle était en contrôle permanent et pour celà elle ne devait être parasytée par aucunes émotions, aucuns sentiments.
Alors que Gabrielle la tête baissée raisonnait ainsi en toute vitesse, elle sentit soudainement les mains de Georgia saisirent les siennes.
La réponse fut violente chez la jeune fille qui ne s'attendait pas à ce contact impromptu. Gabrielle se raidit soudainement et se cabra comme si un scorpion venait de la piquer. Une lueur de pure angoisse, de terreur passa dans son regard avant qu'elle puisse la camoufler.
Quelle était cette lubie de la plupart des personnes de se toucher? Oui, pourquoi avaient-ils besoin de se trippoter ainsi? On pouvait très bien s'exprimer au travers des mots non, même des attitudes, pourquoi fallait-il rajouter ce contact humain?

Gabrielle n'avait pas retiré ses mains de celles de Georgia, car elle ne voulait pas froisser la jeune fille. Elle faisait un effort surhumain pour supporter ce contact. Elle en avait même du mal à se concentrer sur les paroles de Georgia.
Lorsque la jeune fille commença à masser les mains de Gabrielle dans un mouvement machinale, s'en fut trop pour la jeune fille, elle retira vivement ses mains qu'elle joignit devant elle, comme si elle avait été brulée par ce contact.

Gabrielle baissa la tête un peu honteuse. Elle se faisait l'effet d'un monstre aussi bien par son côté mutant que par son côté humain. Oui, elle était inhumaine dans sa froideur, dans sa volonté constance de rejeter tous les autres, tout ceux qui s'approchaient. Une véritable tour d'ivoire, une reine des glaces.

Lorsque Georgia eut finit de parler, Gabrielle releva la tête doucement. Pour une fois, elle ne savait pas quoi répondre, elle qui avait des mots pour tout.

"Je...je suis désolé, je ne supporte pas le contact..." dit-elle d'abord, balbutiante, pour s'excuser de son comportement.

Gabrielle se sentait fragile, mise à nue et elle detestait ça. Elle tenta de se reprendre, de retrouver l'assurance qui la caracterisait.

"Je..je, je ne sais pas qui est la vraie Gabrielle non plus. ele est enfouie sous une tonne de masques, d'armures diverses construites à travers les années. Je...je ne sais pas si un retour en arrière est possible."

Gabrielle s'arrêta quelques secondes, cherchant ses mots.

"A vrai dire, j'ai déjà essayé de...de faire confiance, de redevenir....humaine..."

Voilà le mot était lancé, Gabrielle l'inhumaine, voilà ce qu'elle était.

"Mais ça a été un echec...comme d'habitude. Je sais que la vie est difficile...oh oui, ça j'en ai bien conscience..."

Gabrielle s'embrouillait, elle ne savait pas exactement ce qu'elle voulait dire elle-même.

"Je ne voudrais pas faire de mal aux gens auquels je tiens, par mon pouvoir mais aussi par mon incapacité à m'engager, à rendre ce qu'on me donne, et je ne veux pas qu'on m'abandonne à nouveau..."

L'abandon...C'était un motif recurrent chez Gabrielle. Sa mère, son père, le monde, Ernest...

Gabrielle aurait aimé partir. Elle ne souhaitait pas que la conversation en arrive là et comme d'habitude, elle aurait voulu fuir, mais par respect pour Georgia, qui elle aussi faisait des efforts et à qui elle tenait malgré sa volonté farouche de rejeter toute amitié, Gabrielle resta.

Georgia fut un peu surprise par la réaction de Gaby... Non pas qu'elle ne l'avait pas attendue, mais un retrait aussi brusque faisait toujours un peu sursauter...

Ainsi, il y'avait effectivement un truc avec le contact à travailler... Au moins, Georgia en savait un peu plus sur sa charmante amie... Et puis, elle était plus hésitante, plus bafouillante et par la même plus expressive et plus humaine...

Georgia se redressa. Avec un grand sourire sur le visage. Il fallait laisser du temps à Gabrielle. Mais aussi, qu'elle sente qu'elle ne la rejetait pas, qu'elle essayait de la comprendre... En bref, que Gaby était son amie.

"Tu n'as pas à t'en excuser, Gaby, tu n'as pas à t'en excuser... Tu as tes raisons et un jour peut être, tu m'en parleras... En attendant, ça ne fait rien"

Puis Georgia fit quelque pas dans la chambre, comme pour se donner de la contenance, comme pour teinter de réalité ses doutes et en faire des arguments de poid...

"Tu sais... Moi non plus, je ne sais pas qui je suis... En fait, je ne sais pas si je peut réellement me définir par moi même. Si je n'ai pas besoin de quelque chose, de quelqu'un pour me définir... Je peut me définir par rapport à toi. Jamais par rapport à moi même. Nul ne peut être son propre référent, ma belle, ce n'est pas possible. Nous avons besoin les uns des autres..."

Elle fit face, l'air très sérieux à Gabrielle, dernière ligne droite avant ?...

"Tu es humaine, Gaby... Tu doutes, tu bafouilles, tu hésites, tu te trompes et tu échoues... C'est comme ça que ça marche pour les êtres humains. Le doute est humain. La certitude c'est pour les Dieux et les machines... Et tu es belle, quand tu doutes, Gaby..."

Enfin, se rapprochant de quelques pas, pour signaler sa présence physique sans pour autant l'imposer...

"Tu ne veux pas blesser et tu ne veux pas qu'on te blesse...Si je te dis que je ne t'abandonnerais pas et ce, sans condition, sans réciprocité demandée... C'est quoi, ma garantie ? Aucune... Ma bonne foi. Quand bien même je pourrais t'apporter de meilleures garantie, tu ne pourras jamais être sure à cent pour cent... Du coup , il faut faire confiance. J'ai choisi de te faire confiance, Gaby... Il faudra bien que tu fasses ce choix à un moment ou à un autre. Ne te presse pas. Mais saches que ce jour là, je serai là... Parole !"

Et Georgia tendit sa main scarifiée, paume vers le ciel, en guise d'offrande symbolique...

Georgia ne réagit pas négativement devant le rejet de Gabrielle. elle resta compréhensive et Gabrielle en fut soulagée. Certaines personnes prenaient la mouche quand on rejetait leur contact pensant qu'on ne les supportait pas ou qu'on en était dégouté.
Elle eut un petit sourire et écouta la jeune fille qui s'était écartée.
Lorsque Georgia finit par revenir et lui dit qu'elle était humaine et belle, les joues de Gabrielle prirent une teinte rosée et elle baissa les yeux, ne pouvant soutenir le regard franc de son amie.
Belle, elle ne se souvenait pas qu'on le lui ai dit depuis très longtemps. Peut-être son père quand elle était toute petite, mais celà remontait à si loin maintenant.
Georgia, en face d'elle, continuait à tenter de rassurer Gabrielle et ses paroles revenaient un peu à celles qu'avaient dites Ernest dans le salon, il n'y a pas si longtemps.
L'histoire se répéterait elle? Gabrielle souffrirait-elle à nouveau?
Georgia, en face d'elle, lui tendait la main. Comment pouvait-elle donner ainsi sans même un espoir de retour? Comment pouvait-elle s'engager dans une relation qui pourrait la faire souffrir? Il en était de même pour tous les autres? Etaient-ils plus courageux qu'elle-même, moins abimés par la vie?

Gabrielle releva la tête et prit la main de Georgia.

"D'accord, je...j'essaye, je ferais des efforts, promis."

Elle conclua sa phrase d'un petit sourire, la tête penchée.Puis elle ajouta pour détendre l'atmosphère qui était devenue tendue avec tous ses serments et ses analyses psychologiques.

"Bah dis donc, je pensais juste qu'on allait avoir une petite conversation tranquille..."

Gabrielle semblait un petit peu émue. Et aussi flattée. C'était agréable de constater que quelques mots sincères pouvaient colorer le visage d'une amie.

"C'est jamais facile avec moi pour les conversations... Désolée mais c'est comme ça. Je suis un peu casse pieds, non ?"

Georgia était plus qu'amusée. C'était l'heure de la détente pour le moment. On pouvait souffler. Un cap avait été peut être franchi et les marins étaient tous sains et saufs... Au pire, naufragée volontaire en compagnie de Gaby, il y'avait pire comme destin...

La New Yorkaise, comme se souvenant que même les meilleures choses ont une fin se redressa et laissa filer, doucement, la main de Gaby.

"Faudrait peut être voir à aller en cours, Mademoiselle, non ? En plus, ça serait bien que j'enfile un pantalon... Peut être que nos enseignants apprécieraient mais je crois que j'ai fait assez la folle pour aujourd'hui..."

Et joignant le geste à la parole, Georgia se rendit quelque peu plus décente... Encore que cette tenue ne lui semblait en rien choquante. Juste inappropriée. Et encore !

Une fois prête, elle quitta sa chambre, espérant bien que Gaby lui emboiterait le pas...

Salle de classe

SAUT TEMPOREL - 14 janvier

Georgia ouvrit l'oeil. Il faisait froid bien sur mais pelotonnée dans sa couverture, elle s'en fichait un peu à vrai dire...

Il fallait toutefois se lever.

Certes.

Mais, l'envie de farniente était encore bien persistante pour l'heure. Histoire de profiter. Histoire de ne pas avoir encore à se lever et faire filer ses souvenirs précieux de détente auprès des siens au profit de quelques banalités échangées dans une cuisine ou sur le parvis d'un Institut gelé.

La New Yorkaise pensait avoir muri. Au contact de Gabrielle, tout d'abord. Ses sentiments avaient évolués aussi... Mais ça, ce serait pour une autre fois. Pas envie du bug cérébral d'entrée de jeu : jamais de si bon matin le déluge mental, jamais avant une bonne tasse de café...

Et puis elle avait réfléchi. Ecrit. Sur elle, sur l'Institut, sur ce qu'ils étaient eux... Tout ça. Un petit article faisant la synthèse de ses pensées, de ses espoirs, de ses envies, de ses visions. Mettant sa parano au service de la cause. Histoire là encore de faire acte de présence, oeuvre de foi et d'activisme, de servir à quelque chose... Elle l'avait envoyé par mail, sans en parler à qui que ce soit, comme ça, juste pour témoigner...

Il y'avait eu surtout les retrouvailles, toujours trop brèves avec ses parents, son quartier, son ancien milieu social. Ca c'était plutôt bien passé, enfin à part les deux tartes paternelles pour abandon du domicile familial sans prévenir. Effectivement sur le coup, Georgia n'avait pas fait preuve d'une grande maturité...

Au delà de ça, et de façon plus bassement matérielle, la New Yorkaise avait enfin des fringues, des trucs, des affaires et un peu de blé, pas beaucoup mais quand même un peu, en poche... Et un superbe tatouage dont elle était TRES TRES fière.

Bon allez. Ca suffit. Faut se lever sinon tu vas rouiller ma vieille. OK. La tête hors de la couverture. D'abord. Toujours. Puis le pied gauche. Le droit. Le reste suivra.

Une fois debout et après une douche brève et revigorante, Georgia décida de quitter sa chambre en quête d'une confrontation avec la psychologue de l'Institut. Car elle avait toutefois beaucoup de questions... Tellement de questions... Qu'il fallait que ça sorte à un moment ou un autre. Elle n'aimait pas les flics de la pensée mais Cassandre était cool. Elle n'avait pas mal réagie quand Georgia l'avait prise à partie pendant son cours. Alors, pourquoi pas elle ? Du coup exit le café et bonjour Papa/Maman/Oedipe/Et moi émoi...

Bureau de Cassandre

[sa propre chambre-après-midi]

Angel esperait trouver la New Yorkaise dans sa chambre. C'était ce que faisait la plupart des jeunes en début d'après-midi, juste après le repas.
Il s'avança donc dans le couloir et s'arrêta devant la porte de la jeune femme.
Il tappa trois fois sur le bois de la porte.

"Hey Miss Georgia, c'est Angel! T'as deux minutes à me consacrer?"

Il laissa retomber son bras contre son corps et attendit une hypothetique réponse. Il passa la main dans ses cheveux comme il avait l'habitude de le faire, les ebourrifant au passage et jetta un regard des deux côtés du couloir. Les rencontres fortuites existaient, non?

Georgia était en train de finir de se préparer quand on toqua à sa porte... Angel ? Que voulait il ce grand dadet ? Elle l'aimait bien, certes... Mais une corvée édifiante l'appelait...

Bon...

Elle ouvrit sa porte sur la bouille de cocker battu arborée par le jeune Texan... Il était mignon ! Presque du genre qu'on adopte ! Mais la mère de Georgia lui avait toujours dit de se méfier des coureurs de jupons invétérés...

"Hello mon loup ! Ben oui, tu peut me parler, mais vite... J'ai des corvées à faire avec Hwang et River... Mais tu peut m'accompagner si ça te chante ?" lança t'elle son blouson en cuir sur l'épaule...

La jeune fille ne tarda pas à lui ouvrir la porte. Visiblement elle était occupée. ça tombait bien le jeune homme lui préparait un autre sale coup.

"Justement en parlant d'occupation..." lança t'il en s'appuyant contre le chambranle de la porte, les bras croisés, un large sourire taquin sur le visage.

"J'ai en mon souvenir un fort lointain pari qu'il me semble que j'avais gagné...Te souviens tu du prix que l'on pouvait gagner?"

Le sourire du jeune homme s'élargit tandis que des étincelles joyeuses brillaient dans ces yeux. Abusait-il du pari? Bien sur, mais c'était pour la bonne cause.

Georgia se mordit la lèvre... Texas Boy était un vilain ! Là où elle l'attendait pour lui tenir la jambe sur Ivy ou une autre des lolottes de l'Institut, lui, il lui rappelait une vieille dette de jeu qu'elle avait complétement zappée...

"Heu... Non, je ne m'en souviens plus..." lança t'elle paralysée par sa mauvaise foi révoltante...

En plus, ça le foutrait mal si elle se terrait dans sa chambre...

Restait juste à savoir ce que Texas Boy avait bien pu imaginer ?

La réponse de Georgia ne convainquit pas Angel, il se redressa et entra dans la chambre même si la jeune fille ne l'y avait pas invité.

"Désolé Georgie, mais va falloir faire mieux que ça!Tu n'es pas très bonne menteuse!"

Le jeune homme semblait exulté et profitait de ce petit moment. Georgia était en son pouvoir.

"Dis donc Miss, tu serais du genre à ne pas tenir tes engagements?"

Il haussa le sourcil, l'air interrogateur, un petit sourire ironique. Il s'avança vers elle et écarta les mains, paumes au ciel, dans un geste reflétant l'innocence.

"Crois tu que je pourrais te demander quelque chose de si atroce? As tu si peu confiance en moi?"

Punaise... Texas Boy venait de s'inviter dans sa chambre.

"On t'as jamais dit que c'est vilain de rentrer dans la chambre de demoiselles, sans y'avoir été au préalable invité ?"

Elle reposa son blouson et ferma la porte. Inutile que qui que ce soit d'autre ne se ramène...

"Bon en tout cas, OK, je suis bonne joueuse et je paye toujours mes dettes de jeu... Alors, arrête le suspens et donne moi mon gage..."

Georgia n'aimait pas trop ça : quand elle se retrouvait contrainte par sa propre faute à faire des trucs... Mais bon, quand on n'assume pas, on ne joue pas... Tout simplement ! Toutefois, histoire de faire sa crapule et de montrer que dans les choses de la vie elle se débrouillait mieux qu'Angel, elle ajouta avec un sourire de prédatrice :

"Si le gage, c'est embrasser Ivy, encore deux trois fois de plus, ça marche, je suis partante..."

La réplique de Georgia glissa sur le jeune homme sans lui faire perdre un milimètre de son sourire satisfait.
Il croisait les bras sur sa poitrine et observait la miss Georgia.
La petite attaque sur Ivy ne lui fit rien...enfin du moins, il n'en montra rien.
Il se mit à marcher lentement dans la chambre, faisant durer le suspens.Puis il se retourna enfin avec un large sourire.

"Oh tu sais, je crois que j'aurais pu trouver quelque chose d'horrible...mais je ne suis pas assez méchant pour ça."

A vrai dire, il aurait pu trouver bien pire mais là, il fallait dire que ça allait le dépanner.

"Tout à l'heure, tu as parlé de ta corvée, non?" demanda t'il, affichant toujours son petit air innocent.

"Peut-être aurais-tu l'amabilité de te charger aussi de la mienne...Je sais que tu aimes aider...De plus, tu feras la connaissance d'une personne tout à fait charmante nommée Juliette...Si tu peux lui passer mes amitiés."

Forfait accompli. Angel n'était pas très fier de refiler comme ça sa corvée à Georgia, mais un pari était un pari...et il aurait pu trouver bien pire.

"Alors ça te dit Miss Polemique?"

Georgia ronchonnait. Texas Boy voulait qu'elle lui fasse ses devoirs en somme ! Mais un pari étant un pari, il fallait l'honorer !

Mais avant d'accepter, elle devait savoir...

"Bon, et c'est quoi ta corvée ? Parce que déjà me farcir une Justix de bon matin... J'aime bien Juliette mais je sens qu'elle va me gonfler avec l'anniversaire de Carrie... Alors si en plus c'est récurer les toilettes..."

Elle reprit son blouson en cuir.

"Tu me permettras quand même de faire d'abord ma corvée ? Hein ? Tu seras mignon ?"

Mais elle savait que même si ils étaient potes, Angel allait s'en donner à coeur joie...

Georgia accepta et le sourire d'Angel fut triomphant. Il faisait d'une pierre deux coups. Il se libérait la journée et en plus, occupait Georgia pour que celle-ci ne vienne pas trainer dans ses pattes.

"Non, c'est pas récurrer les chiottes...C'est laver les planchers...Enfin ,j'te remercie Georgia d'honorer ton pari. J'crois qu'on pourra en faire d'autre, que je te laisse l'illusion d'une chance et que je te refile mes autres corvées."

Il asséna une tappe légère sur l'épaule de la jeune fille. Il l'aimait bien même si quelque fois, elle pouvait être extrème. En fait, il l'apprecierait encore mieux si elle ne mettait pas tout le temps sa langue dans la bouche d'Ivy.
Bon, si ceci était réglé, il était temps de partir.

"J'crois que je vais te laisser Miss, ton aprem' risque d'être chargée! A la prochaine."

Il se dirigea à pas lents vers la porte.

"Ah oui, au fait! Tu pourrais aussi rester loin d'Ivy?"

Si la demande avait été faite sur un ton humoristique, il était tout de même sérieux. Les baisers de Georgia n'avaient pas la même signification pour Ivy que pour celle qui les administrait. En plus, vu le nombre de filles qu'elle embrassait, elle refilait à force de lui refiler des trucs.

Laver les planchers... Bon, pourquoi pas après tout ?

Mais la revanche sera saignante. Et douloureuse. Et vile.

Et pour ce qui était de ne pas approcher Ivy, fallait pas déconner non plus... Limite Georgia avait envie de proposer à l'Irlandaise de s'amuser ensemble à nettoyer le jardin. Son communicateur la démangeait fortement en fait... Mais bon...

"T'inquiètes pas, je serai un ange..." lança t'elle avec un sourire mauvais...

Puis enfilant son blouson, elle quitta sagement sa chambre, vérifiant bien qu'Angel n'allait pas s'éterniser... Pour se mettre en direction de la cuisine...

Cuisine

Kirsten ouvra les yeux difficilement. Elle était blottie sous sa couette, serrant bien fort son oreillé douillé.

* Quel jour on est ?* se demanda-t-elle.

La soirée de l'event de son équipe avait été tellement éprouvante, que la jeune fille aurait besoin de pas mal d'heures avant d'être totalement reveillée.

Des souvenirs commençaient a lui revenir en tete: son cavalier, les sketchs, les costumes. Que de bon moments.
Un sourire radieux apparu sur ses levres et lui donna la force de se lever. Rien que l'idée de retrouver Fabrisio au recoin d'un couloir pour savoir ce qu'il avait pensé de la soirée lui donna de l'entrain.

Kirsten sauta dans ses pantouffles, se dirigea vers la salle de bain, se pomponna et sorti de la chambre pour aller prendre un bon petit dejeuner.

cuisine

Salon

La New-Yorkaise déboula le cœur léger dans sa chambre. L'autre blonde n'était pas là, ce qui ne fut pas pour lui déplaire. Peut être qu'elle pourrait lui "emprunter" quelques vêtements chauds ?

Georgia était restée très longtemps à la mode estivale et hormis son éternel blouson de cuir, elle n'avait pas grand chose pour ne pas se les cailler.

En plus, s'imaginant les pires choses au sujet des coins reculés des USA, elle voulait pouvoir avoir des vêtements qui feraient à la fois habit et habitat. Au cas où elle serait obligée d'abandonner le camp pour fuir l'attaque de types dégénérés du cru qui vivent dans la forêt et mangent des écureuils... Des cousins à Math très certainement !

Fourguant dans son paquetage des affaires bien à elle pour le style et à Snorrki pour les trucs laids qui tiennent chaud (et s'imprégner de l'odeur corporelle de la bonne à tout faire polaire), Georgia se rappela qu'elle avait oublié quelque chose...

Considérant la consistance du sac, elle comprit que ce n'était pas un truc à emporter. Mais une personne à laisser pour le voyage.

Saisissant son communicateur, elle envoya à sa belle :

"Je suis dans ma chambre. Si tu veux me rejoindre ça me ferait plaisir. J'ai pas beaucoup de temps, mais j'aimerai qu'on discute... Sur ma proposition. Je t'embrasse !"

Cuisine

L'islandaise arriva, toujours habillée de blanc et la toque sur la tête. Posant sa valise à couteaux de cuisine sur son lit et sa toque dessus, un regard rapide lui fit créer un petit nuage de neige autour d'elle, comme un ballon que l'on crève.

Georgia avait fouillé dans ses affaires.

Elle ne sait pas ce qu'elle cherchait, mais ses valises étaient ouvertes. Hjördis ne possédait pas grand chose, en tout cas rien de ce qui pourrait intéresser une urbaine comme la New Yorkaise. Que diable veut cette allumée? Se ressaisissant, l'adolescente tenta de paraître agréable. Après tout, elle s'était donnée comme objectif de supporter la peste blonde afin de combattre son impusivité.

"Ta question de la cuisine : Je viens d'Islande. Petit pays, peu d'habitants. Pas grand chose à valider. Pourquoi m'avoir appelée?

La situation était horriblement gênante. Alors qu'elle s'attendait de voir sa chère et tendre, elle avait à la place la fille a qui elle avait chouré des fringues...

C'était ubuesque. Surréaliste. Le genre de trucs à se dire que Dieu existe et que NON il n'aime pas Georgia...

"Oh resalut, Snorki... Je faisais un peu de ménage dans la chambre !"

En étalant des affaires à même le sol ? C'était une technique comme une autre... Ce qu'elle n'avait pas en efficacité, elle le gagnait en originalité !

En plus, elle parlait de son pays... Elle avait bu ou quoi ? Les délires patriotiques faisaient toujours un p'tit peu peur à Georgia. Elle pensait toujours que ça commençait comme ça et que ça finissait en allant s'entraîner avec des bergers allemands...

"Ah c'est cool... pour ton... euh, pays..."

En fait elle pensait que le patriotisme, c'était comme la religion, un truc en forme de fièvre qui passait normalement aux alentours de 15 ans... Ou au pire, avec les derniers boutons d'acné !

"Pourquoi je t'ai appelée ?"

Excellente question. Georgia avait elle des pouvoirs télépathiques secondaires ? Ou un truc de phéromones comme Kirsten qui n'agissait que sur les filles mignonnes ? A moins que...

"Ben euh, tu sais c'est ma théorie... Le désir de l'autre blablabla... Tout à l'heure je t'ai désirée dans la cuisine mais c'était pas moi en fait. Je ne faisais que m'ouvrir à ton propre désir ! Mais comme je l'avais dit l'autre fois à Alix, faut faire gaffe à pas refouler son désir dans des activités comme... genre la cuisine... Parce que c'est l'effet cocotte minute dit de RosRiver. Tu refoules, tu refoules et un jour ça pète ! Et là tu prends un pistolet mitrailleur et tu descends tout le monde, comme les JustiX en l'an 40..."

Elle stoppa la bouche grande ouverte : instant de prise de conscience. Peut être tout simplement s'était elle trompée en envoyant son message.

"Tu m'excuses, Snorki, j'ai un double appel" lança t'elle à sa cothurn' pour faire comme si elle n'était pas là en cet instant humiliant...

Puis elle prit son communicateur et envoya ce coup ci à la bonne personne :

"Camille ! C'est Georgia, ta belle... Ma beauté, tu peux venir dans ma chambre pour la proposition que je t'avais faite tout à l'heure ?"

Elle tremblait. Maintenant il allait falloir répondre à Snorki sur toutes les bêtises qu'elle avait pu dire...