Chambre de Jeremiah et Jason

Pas de réponse depuis la salle de bain. Peut-être qu’il avait vraiment réussi à se noyer tout seul. Quelques secondes encore s’écoulèrent et enfin, la porte s’ouvrit après le cliquetis caractéristique du verrou qui se débloque. Jeremiah, défait, avait la tête baissée, espérant sans doute pouvoir un peu dissimuler ses yeux rouges et son nez qui coulait. L’essuyant une nouvelle fois du revers de la main, le jeune homme ne répondit rien à Michael. Sa mauvaise foi se heurtait à la logique implacable de son ami et ne trouvait pas le moyen d’avoir le dessus. Il aurait pu évacuer les questions pratiques et demandait où était passé Grégoire, ou pourquoi "lui aussi" "lui faisait du mal". Il aurait aussi pu ronchonner quelque chose à propos de Joanna, ou de ces connards de militaires. Au lieu de ça, il se contenta de remarquer que la place était libre et sans se poser plus de question, vint serrer Michael contre lui. Un autrichien, ça pouvait servir de cachette.

Jeremiah recherchant le contact d’autrui : c'était bien la preuve que rien n'était plus pareil aujourd'hui.

Michael soupira. Son meilleur ami ne lui répondait même pas. Aussi bien dire qu'au final, il s'était peut-être beaucoup plus attaché aux gens ici qu'eux à lui.

Le loquet. Le tyrolien retira la tête de la porte, histoire de ne pas basculer de tout son poids sur Jeremiah, qui pourrait prendre l'accident pour une agression.

Ils étaient face à face. Michael n'avait jamais vu son ami en si piteux état. En fait, il se demandait si il avait déjà vu quelqu'un d'aussi déconfit. Une théorie lui traversa alors l'esprit, pour la première fois : et si les asociaux limitaient leurs contacts pour se préserver des bouleversements, quitte à choisir dans la qualité plutôt que la quantité? Mais ça ne devait pas être ça... ce serait beaucoup trop orgueilleux de la part de Michael de penser cela!

Il resta les bras ballants et ne les écarquilla qu'au même moment que ses sourcils, quand le jeune homme se jeta dans ses bras. Michael resta interloqué, puis il referma son étreinte sur le bout d'homme, avec autant de précautions que si le geek était lui-même un objet aussi rare, précieux et fragile que le geste qu'il venait de faire. Il poussa l'audace à lui caresser le dos en signe de réconfort. Il respecta le silence imposé par le geek, mais ne put s'empêcher de penser que si Jeremiah ne les avait pas rappelés, il se serait retrouvé bien seul, en ce moment.

Lorsqu'il sentit que l'américain atteindrait bientôt les limites de ce qu'il pouvait tolérer, Michael défit doucement son emprise et se racla faiblement la gorge.

-Si tu préfères partir incognito... Il sous-entendait que ca lui allait aussi, bien qu'en réalité il aurait aimé partager un dernier moment avec chaque mutant présent.

-Je pourrai même te reconduire par tes parents, ou par peu importe qui t'hébergera, awant de retourner par les miens...

Évidemment, l'étreinte entre les deux amis ne dura pas longtemps. Juste assez pour que le geek ait le temps de se reprendre et lorsqu'il se détacha, les larmes avaient cessé de couler. Ne sachant que répondre aux propositions de Michael (d'un côté, l'avoir avec lui encore un moment était rassurant, de l'autre, prolonger les adieux ne lui disait pas plus que ça), Jeremiah haussa les épaules et s'offrit un peu de répit pour récupérer complétement, le temps de trouver un mouchoir puis de se rendre à salle de bain pour se passer de l'eau sur le visage, espérant se rendre un peu plus présentable. Alors qu'il fermait le robinet et chercher à tâtons une serviette pour s'essuyer, le jeune homme répondit enfin d'une voix lasse, de celui qui acceptait enfin son sort même si à contre-cœur :

"Je crois que je vais aller à Boston... Enfin, faudra que j'appelle Joanna avant pour savoir si ça la dérange pas. Mais ça ira, t'inquiètes pas."

Revenant vers l'autrichien, il lui adressa un de ses sourires tenant plus de la grimace qu'autre chose.

"Viens, on va aller dire au revoir aux autres."

[ Saut temporel]