Une caissière pas comme les autres

"David est un porc. Savoir que je partage une partie de son patrimoine génétique me donne toujours la furieuse envie de m'ouvrir les veines avec une enveloppe" lâcha Charlene en souriant.

"Quel genre de problèmes ?" demanda-t-elle, en retirant sa main de celle d'Elly. "Enfin, c'est peut être pas mes oignons mais... Je SAIS que ça peut être pas mal de se confier de temps à autre à une parfaite inconnue"

Elle fit un pas de côté, l'air pensive.

"Parce que je pense pas que tu vas devenir ma belle-sœur. Trop de poitrine, pas assez de poil. Navrée, cocotte si tu aimes sincèrement Eric mais... Ce n'est pas un garçon pour toi"

Charlene plissa les yeux. Et lança d'une voix neutre :

"Ne t'inquiètes pas. Ça va être surprenant mais... Comme ça tu comprendras que je ne suis pas ici pour aller tirer de l'argent à mon paternel"

Soudain, la silhouette de Charlene vacilla. Il y eut comme un halo de lumière blanche qui l'enveloppa, éblouissant Elly au passage... Et quand cette impression se dissipa...


Charlene était trois. Ou plutôt il y avait trois Charlene, chacune d'une dominante de couleur différente. Celle du milieu parla :

"Voilà ce qui cloche chez moi. Et personne de la famille ne doit être au courant"

Elle sourit et partit dans un rire franc.

"Tu t'attendais pas à ça, hein ?"

Sur le cul, c’était tout à fait l’expression qui correspondait à la réaction d’Elly. A la transformation de Charlene, la jeune fille ne put s’empêcher d’ouvrir de grands yeux ronds et tomba sur les fesses dans l’herbe, avant de se relever aussitôt, tapotant son popotin et vérifiant qu’elle n’avait pas sali la robe de sa mère.
Elle resta un moment béate, et la seule chose que la jeune fille put dire, fut :

« Oh merde ! »

Oh merde pour le fait que Charlene soit une mutante, c’était toujours impressionnant de voir des choses qui n’apparaissent que dans les films, mais oh merde aussi pour le fait que son père était totalement contre les mutants. Et dire qu’Elly avait cru que son interlocutrice était lesbienne. Sur ce coup-ci, elle avait été à côté de la plaque.
La demoiselle regarda de tous les côtés pour voir si personne n’avait vu ce qui s’était passé et prise d’une excitation presque enfantine, elle ne put s’empêcher, avec un grand sourire, de s’exprimer :

« Mais c’est génial ! Ce que t’arrive à faire, c’est un vrai don. Je n’avais jamais vu quelqu’un utiliser ses pouvoirs mais ce que tu arrives à faire là, c’est beau. Je me rends compte qu’il est vraiment criminel de vouloir vous enlever vos pouvoirs. Je ne dirais rien, tu peux me faire confiance là-dessus. »

Elly se rappela des paroles de Charlene, sur le fait de sa confier à un inconnu. Mais cette jeune femme était capable de faire des choses dépassant l’entendement et la demoiselle blonde avait déjà vécu ça. Elly regarda aux alentours, puis s’approcha de son interlocutrice.

« Bon puisque tu m’as confié quelque chose dont tu n’as jamais parlé à personne, je vais faire de même. »

La jeune fille prit sa respiration et se lança :

« Je n’en ai jamais parlé à personne, même pas aux babas cool avec qui je trainais à l’époque. Personne ne s’en rappelle pourtant il y avait des témoins ce jour là. J’avais 16 ans, et j’aimais beaucoup me retrouver seule, c’est un moyen pour moi de me ressourcer et puis je n’avais pas envie de communiquer avec les autres. On me disait parfois que j’étais une autiste. Et puis, un jour un gamin s’en est pris à moi et le reste du groupe a suivi. Ils m’ont traité de bizarroïde. Maintenant, quand j’y repense, ça me fait rigoler. Je suis aussitôt sorti de mes gonds et ce qui s’est passé… »

Elly stoppa un moment, avala sa salive, respira un grand coup et reprit :

« Ce jour-là quelque chose s’est ouvert en moins. Quelque chose de psychique, comme si ce truc, cette porte avait été toujours là, et que quelque chose l’avait brusquement ouverte. J’ai senti une partie de mon cerveau que je ne connaissais pas et là, ma colère a déclenché quelque chose de fort et de puissant. Je ne pourrais sans doute jamais te dire qu’est-ce que c’était. Mais ma colère a poussé quelque chose qui a fait que tous les petits emmerdeurs se sont retrouvés éjectés, comme si quelque chose les percutait. Il y a eu des blessés mais aucun mort. Puis, plus jamais rien. Le néant. »

Malgré elle, la demoiselle s’assit dans l’herbe, un peu par réflexe, prit un brin d’herbe et joua avec.

« J’en ai parlé à personne parce qu’on m’a toujours vu comme une paria, alors imagine si je leur disais qu’en plus il est arrivé une fois un truc de dingue. En tout cas, je suis sûre d’une chose. Ce truc venait de moi. »

Voilà, Elly s’était confiée à une inconnue et c’est vrai que ça lui faisait du bien. Elle sentait comme un poids s’alléger un peu. Et puis, la jeune femme la comprendrait mieux que personne.

Charlene fit légèrement la moue... Pensive la mutante réplicante, elle marmonna quelque chose qu'Elly ne put entendre, avant redevenir une et de s'asseoir aux côtés de la jeune fille.

"J'aime bien mes pouvoirs aussi. J'veux dire : mes copies sont un peu comme du moi dilué... C'est agréable de se sentir trois..."

Ses yeux partirent dans le vide, comme en plein flashback émotionnel.

"Parce que quand je m'en suis aperçue, je me sentais terriblement seule. J'ai toujours eu l'impression, dans cette famille, d'être un peu de trop... Mes parents n'auraient jamais pu comprendre. Bien sur, c'était avant que les mutants deviennent un phénomène connu. Je pense que Papa m'aurait traitée de suppôt de Satan à l'époque... alors que maintenant il voudrait juste me mettre dans sa fichue clinique..."

Elle toucha l'épaule d'Elly, un léger sourire aux lèvres.

"Tu sais, en venant à cet anniversaire sordide, je me demandais bien pourquoi je le faisais ? Peut être revoir mes frangins ou tenter d'infléchir la position de mon père par rapport aux mutants... Mais sauver le monde, ça commence d'abord par sauver une seule personne..."

Le contact s'interrompit. Et la voix de Charlene devint plus lente. Plus reposante.

"Tu dois être une mutante. Il n'y a pas d'autre explication. D'ailleurs, c'est une honte que le gouvernement ne réagisse pas en faisant de la pédagogie. Tu as du avoir tellement peur ! Alors que c'est - qu'on le veuille ou non - quelque chose de naturel..."

La jeune femme s'éclaircit la voix puis termina :

"Tu sais ce que tu vas faire après ? J'veux dire, ton don, ton pouvoir - peu importe comment tu l'appelles - il va falloir que t'apprennes à vivre avec. A le domestiquer. Tes parents sont au courant ? Ils en pensent quoi ?"

Elly comprenait Charlene, peut-être mieux que personne. La sensation d’être seule, que personne ne peut comprendre, elle l’a vécu, et même mal vécu. Pourtant, la jeune fille la trouva bien courageuse. Essayer de changer les idées de son père, c’était comme tenter de bouger une montagne. Elly le pressentait comme cela mais Charlene connaissait mieux son père alors la demoiselle lui faisait confiance.

« Ben pour ton père j’te souhaite bon courage »

La jeune femme trouva une explication à l’évènement de ses 16 ans mais Elly avait vraiment du mal à l’admettre. Hormis ce moment, il ne s’était plus rien passé. On ne pouvait être sur de rien. Cette dernière préférait ne pas faire trop de conclusion hâtive.

« Ecoute, si ça se trouve j’étais une mutante avant mais peut-être que mes pouvoirs ont disparus. Il ne s’est plus rien passé depuis. Je me sens pas extraordinaire, juste différente, peut-être par l’envie de demeurer au calme, seule. Mais voilà rien de plus. »

Elly fut désolée pour Charlene car peut-être que cette dernière avait été contente de trouver une amie comme elle, mais la demoiselle ne ressentait plus cette partie de son être se rouvrir. C’était peut-être fini, elle avait surement perdu ce truc en l’ignorant sans l’exploiter.

« Bon pour l’avenir, ton avenir, il parait qu’il y a un institut que ton père n’aime pas. Donc il doit être potentiellement sympa, c’est l’Institut Xavier. J’ai lu ça sur un coupon d’article, une interview de ton paternel qui disait que cet institut n’était pas bien. Donc si on en suit la logique de ton père et vu qu’on pense le strict contraire, c’est surement l’endroit où aller. Par contre, j’ai voulu demander au copain de ton frère ce que c’était mais il ne m’a pas répondu. Donc je ne sais ni où ça se trouve ni si c’est réellement ce qu’on recherche. »

Malgré elle, Elly se mettait en quête d’un ailleurs. Au fond d’elle, la jeune fille savait qu’elle avait une potentialité à être mutante. Ce qui s’était produit à 16 ans n’était pas anodin. Si on pouvait la tester là-bas pour qu’elle soit certaine alors la jeune fille accompagnerait Charlene là-bas. De toute façon, sa mère avait longtemps abandonné son rôle de mère et donc d’autorité. Elle ne verrait aucun inconvénient à ce que sa fille s’absente, au contraire, ça voudrait dire que la femme pourrait inviter ses amants dans l’appart sans craindre la présence de sa fille. D’ailleurs, en parlant de la mère :

« Tu sais, ma mère s’en fiche pas mal de ce que je suis. J’pense que mutante, martienne ou elephant girl pour elle rien ne changerait du moment que je paie le loyer à temps et que je ne bronche pas quand elle ramène une de ses raclures dans la piaule. Alors tu vois, si un jour t’as besoin d’un refuge, chez moi c’est vraiment cool. Juste un conseil, n’accepte pas ses boissons douteuses, y a plus d’alcool dedans que dans un magasin pour vins. »

Elly n’avait jamais parlé à personne du problème d’alcool de sa mère, sauf à sa bande de baba qui n’avait surement rien retenu trop enfumé par la drogue. Et l’invitation n’était pas une chose dite en l’air, Elly ouvrait volontiers sa porte à quelqu’un qui la comprenait. La jeune fille avait un réel feeling avec Charlene.
Mais avec toute cette discussion, que devenait Eric.

« Dis moi, tu crois que ton père a tué Eric ? Ca fait longtemps qu’il discute ensemble, j’espère qu’il ne lui ai rien arrivé, David a dit qu’il montrerait une photo de son frangin avec son petit ami dans le lit à ton père au moment de la coupe du gateau. »

Elly s’était promis de prévenir quelqu’un de confiance de l’évènement qui se préparait. Faute de pouvoir en toucher un mot à la victime autant se confier à quelqu’un qui pouvait agir et en qui elle avait un peu confiance, qui était quelqu’un de foncièrement bon.

"C'est à toi de voir. A toi de voir si tu veux laisser en jachère une partie de ton âme. Mais crois moi : on a beau lutter, ta différence ne s'estompera jamais" lança Charlene.

"L'Institut Xavier semble être une bonne école. Moi, je vis au Canada. J'ai trouvé d'autres personnes comme moi et ensemble nous tentons d'oeuvrer pour le bien public. Nous nous faisons appeler les Canadian WonderKids. Nous sommes - enfin du moins nous essayons de l'être - des héros"

Charlene rigola. Un rire franc et enfantin. C'était si bon de rire.

"Je me suis déjà battue contre des filles de l'Institut. Suite à un malentendu, je te précise. Elles sont gentilles. D'ailleurs, notre premier chef - avant que je rejoigne l'équipe - Cap'tain Canada a rejoint les rangs de l'Institut. Ça me semble être un endroit intéressant où aller. Peut être que j'y ferai un saut, qui sait ?"

Le visage de Charlene se ferma complétement quand Elly révéla les plans de David.

"Mince ! Il faut l'en empêcher..."

Elle jura longuement comme pour aider à sa réflexion. Puis, impuissante, elle demanda à la jeune mutante :

"T'as une idée de comment on peut faire ?"

Elly fut impressionnée par le CV de Charlene. Cette dernière devait bien maîtriser son pouvoir pour faire tout ce qu’elle faisait. En fait, elle était une sorte de justicière masquée. Même si la demoiselle n’était pas encore sur d’être réellement une mutante, Elly se dit que c’était là-bas qu’elles devaient aller, et comme ça la jeune fille serait fixée sur son don potentiel ou pas. Cette dernière était persuadée qu’ils avaient des appareils, là-bas, permettant de savoir si elle possédait un don ou pas.

« Donc c’est ok ? On va là-bas une fois la petite fête finie ? Je rêvais justement de vacances. Là-bas, ils pourront surement me dire si je suis réellement une mutante ou non. Disons que je sais qu’il s’est passé quelque chose à 16 ans, mais je ne suis pas sure que ça puisse se reproduire. Je ne suis peut-être pas une mutante à part entière. Vois-tu, on est sur de rien. Et je préfère en avoir le cœur net, il n’y a que là-bas que je serais fixée. »

Puis la demoiselle se rendit compte qu’il n’était peut-être pas prévu pour Charlene de se rendre aussitôt là-bas. Elly, elle, ne pouvait pas attendre, son interlocutrice lui avait mis un doute sur ce qu’elle était vraiment. Il fallait qu’elle sache, quelque soit le résultat.

« Tu accepterais de m’accompagner là-bas ? »

Maintenant que les deux jeunes femmes partageaient les secrets de chacune, Elly se sentait plus proche de Charlene et en avait perdu son esprit farouche.
Puis, vint la question de la mauvaise blague qu’allait faire David. Son amie n’avait aucune idée de comment l’en empêcher, Elly réfléchit à son tour. Elle se gratta le derrière de la tête et ramena sa chevelure sur le côté droit.

« Est-ce que tu sais où ton frangin cache tout ce qui est secret pour lui ? J’veux dire par là qu’on peut essayer de récupérer la photo. Je fais diversion, comme c’est toi qui connais la maison le mieux, tu fouilles dans sa chambre. Si jamais il l’a sur lui, on est vraiment mal. Il faut à tout prix qu’on crame cette photo, en espérant qu’il en ai pas fait en double. Au pire on utilise la force pour lui tirer les vers du nez. Ca sera l’occasion de voir si mon pseudo don se remet à fonctionner. Alors t’en penses quoi ? Si tu trouves que y a des trucs risqués dis le, il ne faut pas qu’on commette d’erreur sinon c’est la fin pour Eric, et pour nous aussi d’ailleurs. »

Une fois de plus, son esprit stratège avait concocté quelque chose. Pas franchement génial et hyper risqué. Surtout qu’Elly ne savait pas encore comment fait diversion avec David. Avec Jody, puisqu’il était en manque, à la limite lui faire de la chauffe, mais pas longtemps. Elle ne voulait pas non plus qu’il lui saute dessus. Tout de même, Elly trouvait qu’en ce moment elle faisait des trucs de dingues.

« Dis moi Charlene, j’ai besoin de savoir tout ce à quoi David s’intéresse pour pouvoir lancer une conversation. Est-ce que tu ne saurais pas le meilleur moyen de faire diversion avec ton frangin à part parler crème de soin pour le visage et hygiène bucco-dentaire ? Ce qui lui serait vraiment utile. »

"Pourquoi pas ?" lança Charlene d'un air un poil désinvolte. Puis souriant de toutes ses dents, elle ajouta : "Et c'est pas comme si ça me faisait un méga détour pour rentrer chez moi. OK, on fait ça"

Le problème d'Eric, de la photo et des frangins infâmes était en revanche plus immédiat.

Charlene écouta Elly exposer ses idées, hochant par moment de la tête. Puis elle répliqua :

"Si c'est Jody qui a la photo, ça doit être sur son ordinateur. Il est tout le temps fourré dessus à ce que me racontait Père, donc c'est fastoche... Tu sais te servir d'un ordinateur, non ?"

Nouveau sourire éclatant. La mission semblait très possible.

"Connaissant David, il doit avoir un double sur son téléphone portable. Pour les sujets de conversation, euh... Dire du mal ? Non, franchement je ne saurai trop te dire... C'est pas mon frangin préféré et... on n'a jamais été proche. Vraiment pas. Disons que c'est un mec très imbu de sa personne. Tu devrais pouvoir trouver un truc"

Charlene se dirigea vers la porte permettant d'accéder à la maison.

"Bon, je vais faire mon devoir de bonne fifille à son papa. Occupes toi des frangins et... au besoin je serai pas loin"

Elle indiqua brièvement à Elly comment accéder à la chambre du frère puis pénétra dans la demeure.

Bon pour l’Institut, c’était réglé, Charlene l’accompagnerait. Elly se dit juste qu’après la fête, elle irait prendre sa valise chez elle et y mettre deux trois trucs histoire de pas être prise de court si le test s’avérait positif.

Mais là en locurrence, la demoiselle avait un problème épineux à résoudre et apparemment ça serait toute seule puisque Charlene partait voir son père. Il y avait donc deux détenteurs de la photo, mais ça pouvait être une hypothèse. Seulement, voilà si elle voulait détruire ces photos, elle devait prendre des objets que les deux hommes avaient tout le temps sur soi. Et là c’était vraiment problématique.
Elly aurait aimé que Charlene discute avec ses frangins le temps qu’elle aille sur le pc de l’un et qu’elle farfouille dans le téléphone de l’autre. Pfiou, cette histoire lui donnait des mots de tête.

Une chose était certaine, il fallait qu’elle fasse tout ça très vite avant que les deux hommes se rendent compte de quoique ce soit. Et toute seule, elle ne le sentait vraiment pas, sauf que Charlene était partie avec le paternel et il n’était pas question de l’embêter.

Finies les réflexions, la jeune fille mit sa veste et son sac à main et puisqu’elle n’avait pas encore vu Jody, il était temps aux présentations. Elly commençait à se forger un plan dans la tête au fur et à mesure qu’elle se dirigeait vers sa chambre. D’un seul coup, faire de la chauffe à cet homme apparemment en manque ne lui convenait plus beaucoup. La jeune fille sentait le stress l’envahir, et elle se força à respirer longuement. Pendant que la demoiselle montait les marches, elle se dit qu’elle aurait pu demander de l’aide à Eric mais c’était trop tard pour faire marche arrière, elle était arrivée devant la porte. Maintenant, il fallait qu’elle mette son plan en marche.

Devant la porte, Elly déglutit et frappa à la porte en s’obligeant à ne penser à rien. Sinon, il était certain qu’elle prendrait la poudre d’escampette.

Une voix mâle et haletante invita la jeune fille à entrer, ce qu'elle fit.

A l'intérieur, c'était un bordel sans nom : des piles de fringues froissées un peu partout au sol, des magasines de sport en vrac non loin d'un tas de cartons de pizza vides. Il y avait aussi des canettes de bière écrasées un peu partout dans la pièce et des cendriers par nature ou destination (assiettes et gobelets en plastique) débordant de mégots.

La pièce sentait le tabac froid et le renfermé. D'ailleurs, elle était plongée dans une semi obscurité, la seule source de lumière provenant de l'écran de l'ordinateur devant lequel s'était planté un jeune homme grassouillet qui portait fièrement un pyjama maculé.

Il semblait occupé à discuter avec un internaute quelconque comme en témoignant la fenêtre de chat ouverte sur son écran.

Néanmoins, il se retourna, tout en se grattant le ventre et observa un instant Elly. Puis, il dit :

"Salut. T'es qui toi ?"

Quand Elly rentra dans la pièce, il y eut une image qui se projeta dans sa tête, l’haleine de David. Visiblement, au niveau de la crasse, les deux étaient pas frangins pour rien. Si elle avait été la sœur de Jody, la demoiselle aurait aussitôt ouvert les volets, les fenêtres, pour que l’air devienne plus respirable. En entrant là-dedans, elle avait l’impression d’avoir oublié ses poumons dans le couloir. Mais, la jeune fille était là dans un but précis, alors pas question de reculer pour quelques canettes de bière, des mégots, et une odeur pestilentielle. Franchement, Charlene aurait pu l’accompagner, ça aurait été plus simple.

Mais non il fallait qu’Elly se retrouve dans la pagaille et toute seule, toute seule face à ce… ce porc. Oui, c’était vraiment le mot qui convenait, après la taupe mi-rat, voici le porc. Bonjour la famille. Néanmoins, elle n’avait pas le choix, pour sortir Eric de la panade, il fallait qu’elle fasse beaucoup d’effort.

*J’aurais vraiment dû être payé pour ce que je fais. J’vais vomir si j’reste plus longtemps, ce type est dégoutant*

Jody était la caricature parfaite du gros beauf, geek aussi puisqu’il restait apparemment nuit et jour sur son ordi. Bon puisqu’il lui avait posé une question, la demoiselle décida de répondre, le plus crédible qui soit :

« J’suis Angie, la petite amie d’Eric. Tu dois être Jody c’est ça ? Ravie de te rencontrer. »

Et voilà, Elly disait encore le contraire de ses pensées. En réalité, elle n’avait qu’une envie, c’était de partir le plus loin possible d’ici, mais elle le cachait bien. Elly étouffait un peu avec sa veste sur le dos mais pour rien au monde elle ne l’enlèverait.
Le fait qu’on lui ai dit qu’il devait probablement se commander une fille de joie sur le net ne rassurait pas la demoiselle. Surtout que son père lui avait dit qu’elle était fringuée comme une prostituée, il pourrait croire qu’elle est sa commande. Surtout la voix haletante du début, on se demandait bien ce qu’il fabriquait.
La jeune fille décida de rentrer aussitôt dans le vif du sujet, pour en finir vite.

« Dis moi, je pourrais t’emprunter ta connexion très vite, s’il te plaît ? J’ai reçu un appel de ma banque, il faut que je confirme un virement sur mon compte. Et vois-tu je ne rentre pas chez moi ce soir. Si je ne le fais pas dans les 24heures, je vais avoir de gros ennuis. On m’a dit que tu étais souvent sur ton pc donc je me disais que tu pourrais me le prêter 5 minutes histoire de me sauver la vie. »

Elly lui fit un de ces plus charmants sourires, mais rien d’autre. Inutile qu’il s’imagine des trucs.

« S’il te plaît »

"Oh..."

Jody rougit. Au bout de quelques instants, il lança néanmoins :

"Tu es la petite copine d'Eric ? Euh... Tu sais qu'il est gay quand même ?"

A ce moment là, le grassouillet frangin mata de haut en bas puis de bas en haut la jeune mutante. Visiblement, il avait l'air satisfait de ce qu'il voyait.

"C'est du gâchis... C'est toujours les mêmes qu'ont de la chance..." marmonna-t-il comme à lui même.

Il soupira.

S'écartant légèrement du PC, sans pour autant laisser sa chaise à roulettes, il termina :

"Bah... Euh, fais vite alors. J'ai une super fille en chat là alors... Fais vite. J'veux pas perdre mon plan"

Elly constata qu'il ne quittait pas l'écran des yeux. Par ailleurs visiblement dans la boite de dialogue avec la "fille" en question, la discussion tournait autour de la préoccupation majeure d'un jeune puceau de 30 piges passés...

Elly ne trouvait pas Jody trop méchant. Mais bon, elle n’allait pas non plus lui demander gentillement de supprimer la photo. Et si elle se faisait prendre, la demoiselle lui ferait la morale. C’est vraiment dégueulasse de faire un coup pareil à son frangin, surtout connaissant le paternel.

Visiblement, la jeune fille ne le laissait pas indifférent vu les rougeurs sur ses joues et son « c’est toujours les mêmes qu’ont de la chance ». Le pauvre quand même, il n’était pas tellement méchant, enfin pas très net disons, question hygiène et aussi question cul. Mais bon on a les crocs ou on ne les a pas. Pour ce qui était de la tendance sexuelle d’Eric, Elly fit comme si c’était une blague qui revenait souvent. Ainsi, elle jouait les ignorantes et ça valait mieux :

« Ah oui on lui a déjà faite celle-là je crois » Fit-elle un sourire amusé.

La demoiselle s’approcha de l’écran et découvrit la nature de ses occupations. Pas étonnant qu’il soit haletant tiens, il avait la trique tout simplement. Charmant… Comme Jody ne lui laissait pas son fauteuil, la jeune fille devait se pencher pour taper sur le clavier et c’était franchement sympa la vue sur son décolleté, vu que la veste était ouverte. Finalement, la jeune fille attacha un des boutons mais le vêtement n’avait pas été conçu à la base pour ça et laissait tout de même une magnifique vue.

*Eh merde!*

Elly jeta un coup d’œil au jeune homme pour vérifier s’il regardait ou non. Puis elle alla sur le site d’american express, sa véritable banque évidemment, rentra son identifiant et puis stoppa sur le mot de passe.

« Euuuh, écoute Jody, voilà ce compte c’est aussi celui de ma mère, du coup, bon elle m’a fait promettre de toujours taper le code dans un endroit sur. Elle est hyper parano et bon c’est pas que je n’ai pas confiance en toi mais voilà, j’ai promis que personne ne serait avec moi quand je serais sur mon compte. Elle est très à cheval là-dessus, on a eu des problèmes auparavant avec un de nos comptes en banque, du coup, bon voilà… désolée mais si tu pouvais sortir un moment le temps que je fasse ma confirmation… Ca sera rapide, promis. Juste préviens peut-être la fille que tu reviens dans cinq minutes, parfois leur site prend un temps fout à se lancer. »

Elly fit son plus joli sourire d’excuse, un vrai charme, et évidemment, mais ça elle n’y pouvait rien, la vue dans son décolleté ne devait rien arrangé. Pourvu qu’il sorte vite fait de la pièce. Elle se sentait mal dans cette position penchée contre l’ordi.

Jody semblait captivé par le décolleté de la mutante. Vraiment captivé.

"Ah ouais, bah David m'a filé une photo qui est un peu tendancieuse, on va dire... Mais si tu l'dis..."

Ses yeux étaient scotchés sur la poitrine d'Elly. Ainsi, il ne répondit qu'au bout de quelques longues secondes :

"Ouais pas de souci, j'vais juste dire à la meuf d'attendre..."

Il tapa :

SexyBoyLA : ATTDS 2SEC. J'AI MON EX KI ME PARLE

Puis il détourna, à contre-cœur, le regard.

La bouche d’Elly lui démangeait vraiment. Elle avait envie de lui dire le fond de sa pensée, mais elle ne le fit pas bien évidemment.

*Regarde ailleurs petit cochon!*

Par contre, la jeune demoiselle n’était pas du tout captivé par le jeune homme, c’est pourquoi il prononça une phrase très intéressante. David lui avait donc filé une photo, elle était bien sur le pc. Vraiment, elle ignorait que sa poitrine avait un de ces pouvoirs. Finalement, c’était peut-être ça son don, la poitrine hypnotiseuse de puceau en manque.

*Haha, quel pouvoir !*

N’empêche qu’elle tenta de fermer sa veste avec sa main mais rien à faire, ce foutu vêtement était plus un objet d’apparat qu’une réelle veste. Sa mère avait vraiment des trucs d’aguicheuses et visiblement sa fille avait hérité de sa poitrine. Mais contrairement à la mère, la fille ne s’en servait pas pour séduire les hommes, ou du moins, la réaction n’était pas souhaitée. Et là c’était le cas.
Elly se poussa un moment pour que Jody écrive son message et ce qu’elle vit lui fit ouvrir des yeux ronds, pour leur faire reprendre leur apparence normale presque aussitôt.

*Son ex ? Mais il s’invente carrément une vie lui!*

Le pseudo la fit rire intérieurement « SexyBoy ». Heureusement qu’il n’y avait pas de caméra parce que la fille verrait à quel point il n’est pas du tout sexy, mais alors pas du tout. Elly se dit qu’elle aurait plutôt mis « NiceBoy », mais pas sexy, loin de là. Il n’avait même pas d’abdominaux au ventre et avait l’air de se nourrir exclusivement de pizzas. Ce qui donnait un ventre grassouillet.

*Un petit régime mon cher ?*

Elly revint à ses moutons quand Jody s’éloigna un peu. Ouf, elle pouvait enfin s’assoir. La jeune fille tapa son code d’accés et entra dans son compte.

« Ca te dérange pas si j’efface l’historique de mon compte en banque après ? Juste cette partie là, désolée j’suis un peu parano. Je tiens ça de ma mère. »

Elly fit semblant de cliquer sur le site en marmonnant entre ses dents « Versements, vérification, nom ,… » Mais en vérité, elle s’était retrouvée en moins de deux dans les documents de Jody, dans ses images et avait lancé une recherche pour retrouver la photo d’Eric. La jeune fille tapa « Eric gay » sur l’encadré de la recherche et lança cette dernière. Elle espérait que le résultat ne se ferait pas attendre.
La jeune demoiselle masqua sa fenêtre et revint sur la page de son compte.

« Bon ça met encore du temps à charger, ça arrive quand y a beaucoup de monde, ça devrait pas tarder. J’ai juste deux trois trucs à faire avant de valider la confirmation. J’espère que ça va pas trop prendre de temps. »

Elly commençait à élaborer un plan pour éviter que le jeune homme se retourne. Tout simplement, elle lui faisait la causette pour lui changer l’esprit. Ainsi, il ne penserait peut-être pas à se retourner et s’il le faisait il verrait surement la fenêtre de son compte en banque chargé à force d’actualiser la page.

« Dis moi, tu ne participes pas à la petite fête en bas ? Bon c’est vrai qu’il n’y a que la famille très proche, mais ils sont tous à discuter dans le salon. Tu restes souvent seul comme ça ? Enfin d’un côté heureusement que t’as allumé ton ordi, tu me sauves la vie. »

Elly était toujours le nez rivé sur l’écran en espérant que dans l’onglet en bas, elle verrait « Résultats… »

Pendant qu'Elly faisait ses recherches sur le PC, Jody, regardant toujours ailleurs, marmonnait de vagues signes d'acquiescement à toutes ses questions.

Finalement, il lança d'une voix monocorde :

"Ben je sais que je suis gros, gras et pas très beau. Ma famille m'étouffe un peu et à part David qu'est pas souvent là j'ai du mal à communiquer avec eux... Alors faut bien que je fasse des efforts pour m'en sortir. Me trouver une petite meuf à aimer et à chérir... Punaise, Eric, il en a de la chance de t'avoir... Si t'étais à moi, ben jamais je te lâcherais..."

S'il n'y avait aucun fichier "Eric gay", Elly tomba néanmoins sur des photos du garçon. Trouvant celle qui pouvait semer le trouble - en l'espèce un cliché d'Eric, chez lui, en train d'embrasser son compagnon, pris visiblement depuis l'extérieur - Elly l'effaça.

Quand Jody regarda à nouveau Elly et l'écran, la jeune mutante avait eu le temps d'effacer l'historique et de fermer toutes les fenêtres qui pourraient laisser penser qu'elle avait fouinassé. Il ajouta :

"Mais là je vais bientôt descendre... David voulait montrer un truc à papa en l'imprimant sur mon PC. Il m'a dit que ça allait être drôle. Et David est toujours drôle... Enfin, à sa façon..."

D'ailleurs, quelqu'un tapa à la porte de la chambre de Jody. Et vu la voix et les propos tenus, il ne pouvait s'agir que de David !

"Alors Jody on s'encanaille avec la poulette de notre frangine ?"

Elly avait eu chaud mais mission réussie. Elle était fière d’elle, et avait envie de sauter au plafond en faisant une danse de la victoire. Toute cette joie en elle était aussi du au stress qu’elle avait accumulé depuis qu’elle était dans cette chambre. Maintenant, la moitié du poids qu’elle avait sur les épaules s’enleva, il ne lui restait plus que l’autre moitié, beaucoup plus délicate.

La demoiselle avait vraiment commencé par le plus facile, il fallait maintenant qu’elle trouve David. Pendant ses méfaits, en discutant avec Jody, ce dernier lui fit encore plus pitié. Finalement, il n’était pas mauvais comme son frère, Elly avait l’impression qu’il se faisait entraîner. Elle avait mal pour lui mais d’un autre côté, il devrait se prendre en main, arrêter de discuter avec des filles pas très nets, faire du sport, manger équilibrer et se trouver un job, même si c’était un job du style coursier, et quittait un moment sa famille, vivre ailleurs. Et puis, dans un sens Jody savait complimenter, pas comme son crétin de frangin à tête de rat. Bon, c'est pas pour autant que la demoiselle éprouvait quoique ce soit pour le jeune homme mais il ne lui était plus trop antipathique.

Elly se dit qu’au final, les deux êtres les plus malsains, c’était bien le père et David. Le reste n’était pas méchant mais ils n’osaient rien dire et suivaient les ordres tête bêche, sauf Charlene. Elle, elle avait osé faire le grand pas.

Quand Jody parla d’un truc drôle que David voulait montrer, Elly déglutit difficilement. C’était la deuxième partie de sa « mission ». Et puis en se rappelant des dernières paroles du jeune homme, la demoiselle se rappela qu’il était en quelque sorte au courant de la tendance sexuelle d’Eric puisqu’il avait une photo de ce dernier avec Clive, dans son ordinateur.
La demoiselle allait lui dire qu’elle doutait que la blague soit marrante, surtout venant de David, quand le concerné se pointa, et ce qu’il dit ne lui fit pas plaisir, mais vraiment pas.

« De votre frangine ? »

Elly se rappela de la scène pendant laquelle Charlene avait posé la main sur sa joue. Venant d’une famille aussi tyrannique que la leur, une simple main pouvait se transformer en péché, et une raison pour en faire un drame.

« Et je ne suis pas une poulette. Au fait, Jody m’a dit que tu allais montrer quelque chose de drôle, moi qui croyais que tu n’avais pas de sens de l’humour. Je me demande ce que ça peut bien être. »

Elly s’était levée de la chaise à roulettes, et se tourna vers Jody :

« Merci pour la connexion Jody, la confirmation a bien été remplie, tu m’as sauvé la vie. »

David, passant sa vilaine tête de rat dans l'encadrement de la porte, pouffa de rire.

"Ouais, notre frangine Eric, quoi"

Jody, quant à lui, ne réagit pas du tout du tout... Il fallait dire qu'il regardait presque tremblotant son frère. Aucun son ne risquait de sortir de sa bouche pour l'heure... Le Maître était là !

"Bah ouais drôle... Enfin p'têt pas pour toi, poupée ! Parce que voilà, une photo de ton prétendu mec avec un autre mec, ça va être super comique. J'imagine la tête de Père ! Hé, hé, hé... Et la tienne !"

Il s'approcha l'air très détendu du PC de Jody. Sans même prendre la peine de demander à ce dernier la permission d'y accéder, David pianota rapidement sur le clavier.

Son sourire disparut.

Il réitéra sa recherche. Puis, pris d'un accès de colère, David beugla :

"BORDEL JODY ! T'en as fait quoi ?"

"SexyBoyLA", l'air apeuré, tenta lui même la recherche. Finalement, il marmonna :

"Ben, euh... Elle est plus là. J'te jure, David, c'est pas moi, c'est pas moi..."

Jody tremblait de tout son corps. Et vu la moue que David faisait, le garçon à tête de rat était dans une colère noire. Il prit une grande inspiration et...

"Bon tant pis" lâcha-t-il, furax. Il sortit son téléphone portable de sa poche et ajouta en agitant l'objet devant Elly et Jody :

"Père la verra sur mon écran de mobile !"

Elly regarda la scène en comprenant enfin qui était le dominant et le dominée. Pourtant, Jody était la plus agé de la fratrie mais c’était David qui menait la danse. Jody était un dominé. La demoiselle avait envie de crier à ce dernier de ne pas se laisser faire, de taper du point sur la table, au lieu de trembloter comme un lapin apeuré devant le chasseur.

A ce moment, devant la réaction de Jody et les paroles de David, Elly éprouva une haine intense envers ce personnage. Elle n’avait qu’une envie, lui éclater sa tête de rat contre le mur à la seule force de ses poings. Evidemment, ça n’était pas possible mais rien que de s’imaginer la scène, la demoiselle se sentait plus sereine.

*Et moi j’imagine la tienne de tête en mille morceaux sur le mur*

Et quand David comprit que la photo avait disparu du pc, Elly faillit afficher un énorme sourire mais elle se ravisa, et se contenta d’une mine intriguée, comme quelqu’un qui ne comprend pas très bien ce qu’il se passe. Elle observa la réaction de Jody. C’était désespérant. Il se comportait comme un gamin ayant peur de recevoir une claque sur la tête parce qu’on croit qu’il a fait une bêtise. Un gamin battu en somme. Elly avait envie de le gifler pour le ramener à la raison. Comme David n’avait pas vraiment eu l’autorité d’un grand frère, il faisait vraiment n’importe quoi et se croyait tout permis. Elly trouvait que Jody avait échoué dans son rôle familial, à la place il se planquait derrière un pseudo minable à parler avec des filles en manque.

*C’est lamentable*

Et à ce moment, Elly avait vraiment envie de donner à David une bonne leçon. Elle, qui, au début, se disait qu’elle jouait seulement le rôle de la petite amie d’Eric pour lui servir de couverture, voilà que maintenant elle se prenait pour un agent chargé d’éviter un conflit familial. La jeune fille devait donc à tout prix détruire cette photo, de n’importe quelle manière qui soit. Et apparemment Charlene avait eu raison, la photo se trouvait aussi dans le téléphone portable de David.

Celui-ci l’agita devant Elly, grave erreur, une idée s’était infiltrée dans sa tête. Quand le portable arriva à une distance raisonnable de son visage, la jeune fille donna une grande claque vers le bas sur la main de David afin de faire tomber le portable. S’il tombait au sol, elle n’aurait plus qu’à faire un pas et écraser l’engin avec un de ses talons, enfin faisant bien attention d’écraser aussi la carte mémoire. Elly pourrait faire passer ça pour un accident et si la face de rat s’énervait, elle prendrait la poudre d’escampette.

En même temps que de donner la claque sur la main, Elly cria :

« Arrête tes conneries ! »

David resta interdit l'espace d'un instant après que la main d'Elly ait fait tomber le portable au sol.

Puis, la mutante écrasa l'objet du talon de plusieurs coups. Jusqu'à ce que cette technologie de pointe ô combien peu solide soit réduite à... pas grand chose. La carte mémoire, d'ailleurs, été brisée en plusieurs morceaux.

Jody paraissait stupéfait. Et David... David brailla :

"Espèce de truie !"

Puis il envoya un coup de poing contre la jeune fille, visant le visage. Et...

Cela se produisit à nouveau.

Le poing de David glissa contre la peau d'Elly, comme si une seconde peau, invisible, la protégeait quelque peu.

Nouvel instant de stupéfaction.

David regarda Jody. Jody regarda David.

L'homme à la face de rat hurla à nouveau :

"Une mutante ! La pouf d'Eric est une fichue mutante !"

Alors là c’était le bouquet ! Personne ne l’avait jamais insulté de truie, encore moins une face de rat. Cependant, elle n’eut pas le temps de lui renvoyer la pareil. La chose se reproduisit et cette fois-ci, cette partie d’elle-même qui ne s’était plus jamais montrée, s’ouvra en grand, en tellement grand que la demoiselle découvrit les possibilités, son don. Elle sut alors que tout ça c’était en elle depuis toujours mais que son envie de rentrer dans sa bulle, son envie d’être comme tout le monde pour qu’on la laisse tranquille, tout ça avait fait, que sans s’en rendre compte, la jeune fille avait enfoui ce pouvoir en elle.

Mais désormais, elle ne recommencerait pas cette bêtise. Elly assumerait cette partie et ça commençait par répondre à David :

« Ouais tu vois j’suis une mutante, et je l’assume, face de rat. »

Elly prit la poudre d’escampette, poussa violemment David sur le côté pour qu’elle atteigne la porte. La demoiselle fut rapide et descendit en trombe les escaliers. Même si son envie de partir immédiatement était grande, elle s’obligea à chercher Charlene. Qu’importe les dangers, la jeune femme savait où l’Institut Xavier se trouvait, contrairement à Elly.
Puis elle se souvint que la jeune femme lui avait dit qu’elle allait voir son paternel.

*Le salon !*

La mutante se dirigea vers cette pièce. Tant pis si c’était impoli ou quoique ce soit, elle trouverait bien une excuse, pourvu que David ne la rattrape pas.

Déboulant en toute hâte dans le salon, Elly tomba sur Charlene en train de se disputer avec son père.

"Non je me prostitue pas ! Et je suis pas clocharde non plus ! Je suis ! Je suis !"

La fille avait un peu de mal à le dire... Le tout face à un père qui faisait les yeux noirs, une mère qui finissait son verre de whisky et un Eric particulièrement amorphe.

"Une mutante ! C'est une mutante !" hurla David en arrivant à son tour dans le salon, tenant à la main les restes de son téléphone. "Et Eric est gay ! J'ai la preuve !"

En disant cela il agitait feu son mobile. Jody quant à lui s'était posté en soutien, derrière son frère, l'air de ne pas en mener large.

La lèvre du patriarche tremblait. Il avait les yeux écarquillés... de rage. Le Docteur Happy brailla hors de lui :

"Silence femme ! Je ne veux pas en entendre un mot de plus !"

Il tapa du poing sur la table.

"Mais quelle abomination, quelle infamie ! Des mutants ! Des homosexuels ! Des... Des mutants homosexuels !"

La tempête venait de commencer. Le Docteur Happy d'un revers de manche envoya valdinguer le verre de sa femme.

"Comme si avoir une femme alcoolique ne me suffisait pas ! Comme si voir mon fils tous les matins avec la furieuse envie de le claquer, ce n'était pas assez ! Vous... Vous êtes la pire famille qu'on pourrait imaginer !"

Hank Happy monta sur sa chaise et, d'un coup de pied, fit tomber son gâteau d'anniversaire au sol. Il hurlait, il était fou !

David en remit une couche :

"Papa, c'est la vérité. La "copine" d'Angie est mutante et homosexuelle, je l'ai vu dans le jardin avec Charlene. Pis, Eric, il est gay ! Il croit qu'il peut devenir mutant comme ça, pour être encore plus déviant !"

Charlene semblait dépassée... Elle était sur le point elle aussi d'hurler quand... Elle devint 3 à nouveau.

Le calme fut rétabli instantanément dans la pièce. Seuls des coups de klaxons provenant de la rue vinrent rompre momentanément le silence. Eric marmonna :

"Mince c'est Clive..."

Ca commençait à sentir le roussi. Le père rentra dans une colère immense. Elly eut peur sur le coup et recula d’un pas. Elle n’avait jamais vu quelqu’un être aussi furieux contre sa famille, pourtant il ne savait même pas la chance qu’il avait d’avoir une famille.
Elly avait envie de donner une raclée à cet homme abominable, détestable comme son fils, David. Comme si son paternel n’était pas assez en colère, il en remit une couche.

*Eh vas-y, étale ordure !*

Et en plus, voilà qu’il la prenait pour une homosexuelle, juste parce que Charlene avait eu un geste d’affection envers elle. C’est sur personne n’avait jamais du lui faire ça de peur de lui exploser quelques boutons au passage.

Franchement, ça la démangeait de plus en plus de leur dire leurs quatre vérités, au père et au frangin monstrueux. C’était eux les erreurs de la nature, les êtres abjectes sans aucune moral, sans aucune sympathie pour personne. C’était ces deux êtres qu’en ce moment Elly avait envie de claquer.

David racontait des mensonges aussi, ou alors, des faits que son esprit parano a cru vrai. Ok, Eric était gay, mais il ne se la jouait pas mutant pour paraître classe. Soit c’était une pure invention de l’imagination du jeune homme, soit c’était pour envenimer encore plus la situation.

Seulement, ce n’est pas David qui fit le final, non c’était Charlene et Clive. Charlene se redécomposa en trois et Clive klaxonna pour montrer sa présence, bref, une grosse catastrophe en perspective.
Le silence était pesant. Elly sentit qu’elle avait échoué dans sa mission, elle ne pouvait plus rien faire, mais partir maintenant n’était pas possible. S’éloigner pour causer tranquillement, c’était la seule solution.
La jeune femme fut rapide, elle prit la main d’Eric, cria :

« Charlene, viens ! »

Et la jeune fille se dirigea vers la porte d’entrée en direction de la voiture de Clive, entraînant Eric du mieux qu'elle put. Ce dernier était un bon échappatoire. Elly espéra que David ou son père ne les rattraperait pas.

C'est un Eric à l'air décomposé qu'Elly traina manu militari hors de la pièce... Un dernier regard jeté en arrière et la mutante vit le patriarche Happy en plein délire religieux.

"Satan est dans la pièce ! Satan est dans la pièce !" hurlait-il.

Et même l'infâme David ne semblait pas en mener large...

A l'extérieur, Ely, Eric et les 3 Charlene se jetèrent dans le véhicule de Clive.

"Mon Dieu, Eric ! Tu ne m'avais pas dit que tu avais des triplettes multicolores !" lança ce dernier d'une voix amusée.

Comprenant que l'heure n'était pas à la plaisanterie, il démarra tout de même le véhicule et fila en quatrième vitesse...


Le reste de la soirée fut plutôt sympathique. Eric avait retrouvé sa sœur. Charlene s'était révélée dans toute sa mutanité. Et les 4 jeunes gens blaguèrent comme de vieux amis jusqu'à tard dans la nuit...


Quelques jours plus tard, Elly avait organisé son départ avec Charlene. Cette dernière avait avancé tous les frais. "C'est pour la cause" s'était-elle justifiée, arguant que son équipe de super-héros avait récupéré pas mal d'argent récemment.

En revanche, Charlene ne venait pas. Pas sa place. Voilà ce qu'avait dit la jeune femme en serrant très fort Elly dans ses bras. Elles se reverraient. Oui c'est ce qui avait été dit. Elles se reverraient. Et la jeune mutante s'envola dans les airs pour de nouvelles aventures !

[Et c'est ainsi que s'achève ta phase de courtier ! Tu peux d'ores et déjà ajouter 3 points à ton barème. Par ailleurs, tu peux poster dans ce sujet. Lis bien les posts avant celui du courtier. Et... Bonne continuation ! ]