[Grèce-Crête] Papoutsakias et autres spécialités...

Kyle resta courtois mais Elisabeth détecta qu'il était gêné, d'autant plus que ses questions semblaient l'indisposer. Lise avait espéré que cette gêne se dissiperait peu à peu, mais visiblement rien n'y faisait.
Mal à l'aise, Elisabeth passa une main dans ses cheveux en écoutant les réponses de Kyle. Ces dernières étaient assez évasives et restaient malgré tout laconiques. Il ne devait pas aimer parler de lui... Alors qu'il achevait et qu'il ne semblait pas vouloir poursuivre cette conversation, Lise déclara après un silence gêné:

"J'imagine que je ferais mieux d'y aller... Merci pour tout Kyle."

La jeune femme se leva du canapé où elle s'était assise peu de temps avant. Elle ne voulait pas s'imposer à Kyle et comprenait qu'il puisse ne pas apprécier sa présence. Mais malgré tout, elle trouvait ses réactions étranges... Et la jeune femme ne put s'empêcher d'imaginer des choses invraisemblables... Le malaise s'accentua donc et Lise sourit à Kyle avant de le saluer. Après tout, elle avait eut ce qu'elle voulait, sa famille avait été retrouvée et maintenant il fallait qu'elle la rejoigne et qu'elle les soutienne. Elle était certainement trop exigeante, ils avaient déjà fait beaucoup pour elle et les risques étaient grands, alors maintenant il fallait que chacun reprenne le cours de sa petite vie.
Ouvrant la porte, Elisabeth sortit de l'appartement de Cyrus.

Il semblait à la jeune femme qui lui manquait quelque chose. Elle avait dû mal à envisager la suite après ce qu'elle avait vécue. Elle avait découvert d'autres mutants et elle avait toujours pensé qu'il se passerait quelque chose à ce moment là. Elle ignorait quoi, peut-être de l'aide à gérer son pouvoir, peut-être une personne à qui parler de ses expériences, une personne qui la comprenne tout simplement.
A présent, elle devait aussi cacher la vérité sur cette histoire à sa famille. Ce ne serait pas simple de leur mentir. Elisabeth avait déjà préparé son mensonge. Durant tout le temps où sa famille avait disparue, elle leur dirait qu'elle était rester à l'hôpital en état de choc. C'était plausible et ils ne devraient pas poser trop de questions. Elle ne parlerait pas non plus de la soirée au restaurant, et si jamais ils l'interrogeaient, elle répondrait simplement qu'il y a eut quelques coupures de courant, une petite altercation entre clients...et ils s'en contenteraient.
Elisabeth appuya sur l'interrupteur de l'ascenseur. Elle voulait à présent rejoindre le restaurant. Elle prendrait une navette pour constater le chaos et voir si la police s'y trouvait toujours.

Le retour se fit sans encombre, même si Elisabeth pouvait sentir, sans forcément s'en rendre compte sur le moment, que tout semblait plus léger. L'air avait l'air plus léger, le soleil plus brillant, la température plus agréable, l'avenir plus serein... Elle allait retrouver ses parents, le restaurant serait bientôt reconstruit, et tout allait redevenir comme avant ?

Marchant dans la rue pour arriver jusqu'à son domicile et son lieu de travail, elle put voir d'où elle était qu'il y avait encore la police, mais il y avait aussi d'autres personnes. Ses parents, déjà, qui avaient l'air vaguement choqués, mais qui étaient en pleine conversation avec une personne en costume tenant une pochette estampillée du logo de leur compagnie d'assurance. Et une tierce personne était présente, à discuter avec ses parents et le courtier en assurance. Une que Lise ne s'attendait pas à revoir de sitôt.


Faisant quelques pas, et ouvrant grand les yeux pour mieux entendre, elle put capter le son de la voix de Beckers.

"Je vous assure que ma fondation prendra en charge tous les travaux de remise en état, et que tout sera effectué dans les plus brefs délais. Il est impensable qu'un tel attentat laisse ses traces dans votre si charmante ville."

Tout en parlant, il avait vu arriver Elisabeth, mais n'en avait pas spécialement fait montre.

La ville défilait sous les yeux d'Elisabeth qui restait à proximité des vitres de la navette profitant de la chaleur du soleil. Lise commençait à se sentir soulagée. Cette histoire était désormais achevée ou presque et c'était tant mieux! Le plus dur était fait, sa famille avait été retrouvée, le restaurant serait reconstruit et cerise sur le gâteau: la journée était magnifique. Elisabeth allait pouvoir oublier ces mésaventures et tout particulièrement Beckers/Midas, l'homme qu'elle haïssait le plus au monde désormais. Entourant ses bras, dans un geste protecteur, la jeune femme songea à ce qu'allait désormais faire sa famille... Ou allait-elle loger? Le premier étage était certainement instable avec la destruction du rez-de-chaussée... Mais ses parents avaient bien de la famille en Crête qui pourrait l'héberger ou même des amis…
Et puis, le restaurant serait reconstruit... Cela pourrait être l'occasion d'y faire quelques aménagements, de revoir un peu la disposition... Le rendre aussi plus attrayant... La jeune femme imagina plusieurs plans, plusieurs décors et différents effets de style à donner au nouveau restaurant.
Ses pensées dérivèrent ensuite sur Erinne... Elle serait en congé pendant un bon moment, à n'en pas douter... Elle avait dû être surprise en constatant les dégâts au restaurant ce matin… Elisabeth sourit. La serveuse qui se lassait de son emploi avait dû le trouver beaucoup plus excitant...
L'arrêt le plus proche du restaurant fut annoncé et Lise sortit de la navette. Elle rejoindrait à pied le commerce, un bon moyen de profiter de cette belle journée. La jeune femme était presque satisfaite à présent. Après ce qu'elle avait vécue, elle s'estimait...chanceuse.
Mais cette chance la quitta au détour d'une rue. A quelques pas de là, au restaurant où la police se trouvait toujours, ses parents à l'air choqué discutaient avec un assureur, mais pas seulement...
La seule personne qu'Elisabeth n'avait pas imaginé revoir était Beckers. Celui-ci était à quelques centimètres de ses parents. Lui, le responsable de leur enlèvement, lui le responsable de la destruction du restaurant: il osait leur parler en face. Elisabeth sentit sa colère ressurgir, néanmoins, elle garda un visage impassible.
Si Beckers croyait qu'elle avait compris quoi que ce soit de toute cette histoire, qu'il comprenait qu'elle le savait coupable ou pire qu'il apprenait qu'elle avait reçue de l'aide de Kyle et des autres, elle courrait de très grands risques.
Mais Lise comprit soudainement. Si Beckers était là, c'était que la police l'avait informé qu'Elisabeth l'avait accusé! *Quelle idiote!* Pensa-t-elle. Comment allait-elle s'en sortir à présent? Il était certain à présent que Beckers savait que Lise soupçonnait quelque chose à son sujet... Elisabeth n'en avait manifestement pas terminé avec les problèmes.
S'approchant du restaurant Lise entendit Beckers proposé à ses parents de remettre le restaurant en état aussi vite que possible. Un comble! Lise aurait ri si seulement la situation n'avait pas été aussi...dangereuse. En dénonçant Beckers comme responsable de "l'attentat" Elisabeth avait mis en danger sa famille. Avec cette proposition, Beckers souhaitait certainement se dédouaner. En effet, de quoi aurait l'air une personne qui détruit un bâtiment pour proposer de le reconstruire le lendemain? L'accusation de la jeune femme n'aurait aucun sens aux yeux de la police. Seulement cette dernière ignorait que cet homme avait fait cela pour s'amuser et qu'avec tout l'argent qu'il possédait, il pouvait se le permettre.
La proposition de Beckers permettait aussi de montrer toute sa bienfaisance et ainsi de faire passer Elisabeth pour une menteuse ou une aliénée qui accuse à tort et à travers. Beckers s'en sortirait, Lise en avait l'horrible pressentiment.
Elle croisa le regard de Beckers et celui-ci n'eut aucune réaction. *Quel bon acteur...*Perça Lise. La jeune femme ignorait comment agir, elle allait devoir rendre des comptes... On allait lui demander pourquoi elle avait désigné Beckers comme étant le responsable. Qu'allait-elle pouvoir répondre? Elisabeth n'arrivait pas à trouver une réaction appropriée, elle n'avait aucune preuve, et en fournir risquerait de la mettre en danger, elle, sa famille, Kyle et les autres... Elle l'avait accusé très stupidement sans réfléchir, portée par son intuition.
La seule réponse envisageable était un mensonge. Des mensonges plausibles fusèrent dans son esprit et la jeune femme trouva rapidement celui qui servirait à répondre à la police et à Beckers. Elle verrait bien en temps voulu.
Même si la joie de revoir ses parents était ternie par Beckers, Lise l'exprima tout à fait normalement. Elle embrassa ses parents et exprima son "total désarroi". Tout reposait désormais sur ses talents d'actrice. Portant sa main à son front, Lise expliqua:

"Papa... Maman... J'étais tellement inquiète... Vos lits étaient vides quand j'ai été réveillée par l'explosion... Le restaurant était détruit... La police m'a interrogée... Que vous-est-il arrivés? Où étiez-vous?"

Lise rendait volontairement ses propos confus. Elle observa un moment Beckers sans rien dire. Elle ne le salua pas et ne demanda pas non plus ce qu'il faisait là. Il s'en chargerait de lui-même, mieux valait ne courir aucun risque.
Être à proximité de cet homme dérangeait Elisabeth dans tous les sens du terme, autant parce qu'il lui faisait peur, autant parce qu'elle le détestait. Elle le détestait d'autant plus car elle devinait ce qui allait suivre.

Par chance, et dans une relative logique des choses tout de même, les parents d'Elisabeth se ruèrent sur elle, délaissant par le fait même leur courtier et Beckers qui discutèrent un bref instant, pour faire croire qu'ils gardaient un minimum de contrôle de la situation, et qu'ils n'avaient pas été abandonnés comme deux ronds de flan.

La mère d'Elisabeth ne parvenant pas à contenir son émotion, ce fut son père qui répondit :

"Nous étions à Knossos... Je ne sais pas comment nous sommes arrivés là... On dormait tranquillement, et je me suis réveillé dans une salle froide du palais. Ta grand-mère et ton frère sont arrivés peu après. Ils sont à l'intérieur avec la police. Je ne comprends pas ce qui c'est passé..."

Il faisait cette fois-ci allusion au restaurant, et sembla, dans son malheur, se réjouir d'une bonne nouvelle.

"Mais M. Beckers a gentiment accepté de financer la reconstruction. Et il va même nous aider à moderniser la cuisine ! Tu te rends compte ? C'est vraiment inespéré qu'il reste encore des personnes bonnes et généreuses comme lui, pour venir à notre aide malgré le malheur qui nous frappe."

Beckers afficha un petit sourire faussement gêné, bafouillant quelques remerciements de circonstance. La mère d'Elisabeth demanda, entre deux sanglots :

"Mais et toi ? Où étais-tu ?

Elisabeth fut soulagée d'embrasser ses parents, ils étaient bel et bien vivants. Ils n'imaginaient pas l'angoisse qu'elle avait ressentie ces dernières heures... Ni ce qu'elle avait fait, très certainement. Le père de la jeune femme lui répondit ce qu'elle savait déjà. Elisabeth prit un air étonné et perdu, son visage exprimait l'incompréhension. Son père l'informa en outre que ses frères et sa grand-mère se trouvaient à l'intérieur du restaurant. Elle les verrait plus tard, rien ne pressait...
Le parent de Lise exprima enfin son ignorance mais la jeune femme détectait presque une certaine...satisfaction. De là, son père lui expliqua les intentions de Beckers avant d'en faire un court mais explicite éloge. Elisabeth n'en croyait pas ses oreilles, c'était totalement ridicule. *Quel hypocrite!* Songea la jeune femme alors que le bienfaiteur remerciait courtoisement les restaurateurs.
Ceci n'était qu'une façade, à moins que Beckers ait soudainement des remords... Possibilité totalement improbable selon la description dressée par Kyle. Elisabeth observa sa mère en larmes, sa mère n'en avait pas l'habitude, elle avait les nerfs solides, mais il y avait de quoi être choquée. Cela gênait Lise qui garda néanmoins une réaction naturelle. Le plus dur restait à venir: mentir.
Et cela ne tarda pas puisque sa mère lui demanda ce qu'elle avait fait durant ce temps là. Son mensonge déjà prêt, Elisabeth répondit:

"J'étais à l'hôpital. Un pompier m'y a emmenée hier soir, et sur place on m'a donné une sorte de somnifère. J'ai dormi toute la nuit et le matin, je suis restée à l'hôpital jusqu'à ce que je me décide à revenir au restaurant..." Elisabeth marqua une courte pause et ajouta: "Je suis si soulagée que vous n'ayez rien..." Dernière phrase destinée à changer de sujet pour les empêcher de la questionner sur d'éventuels détails. Elle ne voulait pas mentir outre mesure, d'autant plus que Beckers était à ses cotés.

Puis, réagissant à ce qu'avait dit son père à propos du bienfaiteur, Lise se tourna vers lui et lâcha d'abord à l'adresse de ses parents:

"Je suis moi-même étonnée que M.Beckers nous vienne en aide..."puis à celle de Beckers:"...je ne pensais pas que notre restaurant vous avait plu hier soir."Agacée par tant d'hypocrisie, la jeune femme enchaîna dans le même registre:"Il faut croire qu'il existe encore des gens biens qui savent secourir des innocents. Je vous en remercie infiniment M.Beckers... Sans vous, nous serions vraiment..."*plus heureux!*"en difficulté... Je n'arrive toujours pas à comprendre comment quelqu'un ait pu s'attaquer à notre restaurant. Celui qui a fait ça doit vraiment avoir du temps à perdre..."

Elisabeth ne voulait pas aller plus loin, elle espérait en dire assez pour que cela puisse éventuellement embarrassé Beckers, mais trop peu pour qu'il devine quoi que ce soit. La jeune femme lui adressa un sourire reconnaissant. Elle s'inquiétait de ne pas voir la police fondre sur eux. Lise n'avait pas voulu demander à Beckers comment il avait atterri ici et proposer son aide. Elle craignait la réponse. La police avait peut-être appelé Beckers pour l'informer que Lise l'avait accusé et c'était pour cette raison qu'il se trouvait là. En proposant son aide, il apparaissait comme un bienfaiteur plutôt que le coupable. Cet homme était décidément très doué.
Elisabeth l'observait toujours, tachant de déceler une faille dans son jeu d'acteur. Elle avait envie qu'il meurt tout simplement, elle voulait en finir avec cette histoire malsaine, avec cet homme qui avait enlevé sa famille, détruit le restaurant, détruit tous ses souvenirs... Elle voulait détruire cet homme mauvais... L'étrange idée d'user de son pouvoir sur l'un des policiers pour qu'il dégaine son pistolet et tire sur Beckers lui vint à l'esprit... Si le pois-chiche était là, elle pourrait peut-être l'utiliser. Elle n'aurait que peu de remords à s'en servir, il avait été mesquin et condescendant, hier soir...
Non, Lise ne pouvait s'attaquer à Beckers, elle restait rebutée à l'idée de tuer un homme quel qu'il soit et imaginait très bien que si sa tentative échouait elle se mettrait directement en danger, elle, sa famille, Kyle et ses amis. Il n'en était pas question. Et puis Bekcers, allait reconstruire le restaurant, autant l'utiliser pour cela...

Ses parents se contentèrenet de hocher la tête face à ses explications. Le courtier en assurances les interpella alors, et ils s'éloignèrent de quelques pas, laissant Elisabeth en face à face avec Beckers qui put lui répondre un peu plus librement.

"Allons... Comme vous y allez. Je vous ai pourtant dit que je trouvais cet endroit charmant ! Je ne peux pas me résoudre à ce que des gens passionnés et travailleurs comme votre famille puisse risquer la misère dans des circonstances aussi...Dramatiques."

C'était donc, à l'en croire, de la pure grandeur d'âme qui l'inciter à aider...

"Je ne comprends pas non plus comment quelqu'un ait pu avoir l'idée de réduire ce restaurant en ruines... Pourquoi un restaruant ? Pourquoi de cette façon ? Pourquoi maintenant ?", il semblait être exagérément théâtral. "Ce sont autant d'énigmes que la police aura à résoudre, mais vous savez... Mon expérience du monde des affaires m'a enseigné une chose : il ne sert à rien de chercher à comprendre les fous."

Son ton traduisait un certain fatalisme, mais il arbora bien rapidement son sourire, alors qu'il jetait un coup d'oeil en direction des parents de Lise et du fameux courtier en assurance. Finalement, il prit un air plus sérieux.

"Je comprends les épreuves que vous traversez, croyez-moi... Vous êtes une jeune fille sans doute pleine de vie et de projets. Je vous vois mal passer votre vie à servir dans un restaurant, aussi remarquable et réputé soit-il que le vôtre. Et dans tous les cas, il va falloir du temps pour reconstruire. Qu'avez-vous l'intention de faire ?"

Son regard était plus perçant... Comme s'il allait lui proposer du travail.

Elisabeth se retrouva seule avec Beckers et elle sut qu'elle allait devoir poursuivre ce petit jeu hypocrite encore un moment. Elle écouta la première réaction de Midas sur ses qualités altruistes. Son discours soigneusement pesé venait d'atteindre le paroxysme de l'hypocrisie. Elisabeth afficha une mine complaisante alors qu'en son for intérieur elle réprimait ses envies meurtrières.
S'il voulait la faire craquer, c'était raté. Elisabeth savait garder son sang-froid quand il le fallait, les enjeux étaient trop importants pour se laisser aller à la colère... La deuxième remarque de Beckers était tout aussi fausse. Au service de sa réplique, Beckers avait gardé son habituel hypocrisie en ajoutant un ton presque tragique. *Pathétique...* Songea Lise en entourant ses bras. Elle voulait avoir l'air reconnaissante face aux paroles de Midas et en même temps peinée. Mais sa dernière remarque ne laissa pas Lise indifférente:

"Vous avez raison... Les fous sont vraiment partout... Le pire c'est que bien souvent, ils ont l'air comme vous et moi. Mais comme on dit, l'habit ne fait pas le moine, n'est-ce pas? Mais vous l'avez dit, les fous ne peuvent être compris, alors ne cherchons pas à saisir cette histoire, on ne peut que s'occuper de l'arranger..." Lise lui adressa un sourire en ajoutant: "Et nous avons beaucoup de chance de vous avoir, votre aide nous est très...précieuse."

Elisabeth avait envie de se jeter sur ce visage de tombeur au sourire assuré. Préservant son calme, elle inspira largement lorsqu'il se retourna vers ses parents et l'assureur. Lorsqu'il reprit, il avait l'air moins faux excepté sa première phrase sur sa compassion. Il était incapable de ressentir ce qu'elle avait vécue puisqu'il en était le responsable.
Il lui parla ainsi d'elle et de son avenir. Imaginait-il seulement un instant qu'il l'a connaissait? Qu'il connaissait ses projets et ses aspirations? Il termina en demandant ce qu'elle comptait faire. *Je ne sais pas...te botter le cul par exemple?* Pensa-t-elle en faisant mine de réfléchir à la question.
Il n'avait pas tort cependant. Lise ignorait ce qu'elle allait faire, il était vrai qu'elle n'avait pas désiré poursuivre dans la restauration et rester ici toute sa vie. Elle avait imaginée qu'elle reprendrait des études, elle ignorait de quoi, mais qu'elle essaierait de se trouver quelque chose qui lui plaît. Mais à présent, sa vie avait changée et ce, d'une manière irrémédiable. Elle avait conscience de l'existence d'autres mutants, et l'un d'eux avait détruit sa maison, enlevé sa famille... Et ce même personnage semblait désormais s'inquiéter de son avenir, du moins en apparence.
Beckers dirigeait une organisation de mutants selon Kyle, une organisation qu'il avait quitté car aux méthodes trop...subversives. Une organisation de mutants... Était-ce dans ce genre d'organisation dans laquelle Beckers souhaitait la recruter? Savait-il qu'elle était une mutante? Lise frissonna sous le regard perçant de Beckers. Cet homme était mauvais. Il lui proposait peut-être un travail...
Aussi impensable que cela paraissait, Lise ne parvenait pas à se décider aussi facilement qu'elle l'avait pensé au prime abord. Elle devrait refusé car cet homme lui avait fait du mal mais d'un autre coté, Elisabeth n'avait pas l'impression d'être à sa place désormais, elle en savait trop pour poursuivre sa vie comme avant... Que se passerait-il si elle acceptait le travail de Beckers? Était-ce un simple job qui lui était proposé? Proposition destinée à nouveau à cacher les apparences? Ou était-ce un travail autre, en lien avec ses talents?
Bosser pour un fou ne la gênait pas outre mesure, puisqu'elle imaginait que si elle se rapprochait de lui, elle pourrait un jour ou l'autre l'atteindre... En vérité, Lise était curieuse, elle désirait en apprendre plus sur les mutants, et se comprendre elle-même. Kyle ne l'y avait pas aidé mais si jamais elle rencontrait d'autres mutants peut-être cela lui serait-il possible?
*Calme-toi Lise, on ne t'a encore rien proposé, inutile de songer à cela.* Beckers ne pouvait pas lui proposer un travail en lien avec ses pouvoirs car il ignorait qu'elle était une mutante. Il le savait peut-être... Cet homme devait avoir les moyens de le savoir.
Lise releva la tête vers son interlocuteur et répondit:

"Je ne sais pas... J'avais quelques projets dont l'un était de reprendre mes études... Mais j'imagine que cela devra attendre. Je ne veux pas embêter mes parents avec ce genre de chose pour l'instant..."La jeune femme passa une mèche de cheveux derrière son oreille et demanda:"Quand je suis arrivée tout à l'heure, vous avez mentionnez votre "fondation"... De quoi s'agit-il exactement?"

Elle en apprendrait le plus possible de cette manière. A son tour, elle affichait un visage sérieux, jetant de temps à autre un coup d'œil à ses parents.

Beckers ne répondit à rien à Lise sur les fous. Sans doute n'était-ce qu'une déclaration de pure forme... Il laissa la jeune ex-serveuse à ses réflexions, en affichant un sourire patient et poli, puis il répondit à sa question.

"Oh, c'est une fondation caritative et humanitaire. Elle est financée par les activités de mes entreprises qui reversent un certain pourcentage des profits, et cet argent est utilisé pour divers projets. Soutenir des artistes, rénover des monuments, reconstruire des zones de guerre... Une sorte de mécénat.", expliqua-t-il d'un ton professionnel, qui ne parvenait tout de même pas à cacher l'intérêt sincère de Beckers pour ce genre de choses.

"Vous semblez être une personne qui pense beaucoup aux autres, et qui s'en soucie beaucoup... Vous voulez aider votre prochain, je me trompe ?"

Une fondation caritative et humanitaire... Rien que ça! Lise était de plus en plus perplexe. Un tel homme ne pouvait pas être aux commandes d'une fondation telle que celle-ci à moins que cette organisation ne soit qu'en apparence humanitaire. Pour le peu que Lise connaissait de cet homme, c'était à n'en pas douter.
Néanmoins, lorsqu'il évoqua les projets de sa fondation, son soutien aux artistes, la rénovation des monuments ou encore la reconstruction de zone de guerre, Beckers semblait vraiment intéressé par ces questions, plus encore il apparaissait sincère. Une nouvelle facette de la personnalité de Midas s'ajoutait au reste déjà fort complexe.
Beckers poursuivit en donnant une analyse-bateau de la jeune femme qui l'observait sans sourciller.
*Si je veux aider mon prochain? Certes... en me débarrassant de vous, je pourrai faire un grand pas dans cette direction...* Songea Lise qui planta ses ongles dans sa paume.
Kyle et ses amis lui avaient dit de ne pas s'occuper de Beckers, lui conseillant même de le fuir le plus possible. L'instinct de Lise la poussait à suivre leurs conseils, mais sa curiosité naturelle et plus encore son esprit revanchard exigeaient qu'elle s'engage dans la voie que lui proposait Beckers.
Mais avant tout, elle devait savoir pour quel genre de job elle postulait. Elisabeth voulait savoir si Beckers était au courant ou non pour ses capacités.

"Vous avez vue juste M.Beckers... Votre proposition est...intéressante... Mais je vois mal pourquoi vous m'offrez cela, je ne suis pas qualifiée pour ce genre de travail. Je n'ai pas fais d'études, je suis jeune et inexpérimentée. Et puis on se connaît à peine... Comment pouvez-vous m'accorder votre confiance? "

Ayant évoqué la confiance, Lise voulut poursuivre sur ce sujet. Elle hésita un instant après avoir réfléchit au comportement à adopter puis elle se lança:

"Je voulais savoir aussi... Hier soir quand vous êtes entré dans le restaurant, mon client n'avait pas l'air ravi de vous voir. J'ignore toujours pourquoi et cela ne me regarde peut-être pas... Mais mon client avait l'air sympathique et sa réaction ne m'incite pas à vous accorder ma confiance...Même si vous m'avez tout l'air d'être quelqu'un de bien..."

"Offrir ? Propose ?"

Une désagréable sensation de s'être faite avoir envahit Elisabeth.

"Je ne vous ai pas proposé d'emploi, jeune demoiselle. Je ne doute pas que vous soyez une jeune fille bourrée de talent et de motivation, mais je m'intéresse plus à des personnes ayant des talents très spécifiques... Des mutants, pour tout dire... "

Il regarda un instant autour, puis continua d'un air malicieux.

"Cela m'amène à répondre à votre deuxième question. Kyle a été un de mes employés. Quand je l'ai connu, c'était l'exécutant d'un roquet qui se prenait pour un parrain de la mafia, et qui se servait de lui pour ses basses besognes. Je l'ai sorti de là, et je lui ai donné une éducation, un travail honnête..."

Il laissa sa phrase en suspens, puis conclut.

"Je suis très déçu, et surpris, qu'il ait réagi de cette façon en me voyant. Nous nous étions quittés en bons termes, quand il a voulu voler de ses propres ailes."

Beckers reprit les propos d'Elisabeth, remettant en question les supputations de la jeune femme. Mal à l'aise, Lise détourna un instant le regard pour échapper à celui de Midas. Le malaise fut aussitôt suivit d'un certain soulagement puisque Beckers lui indiqua qu'il recherchait des mutants et non pas des humains normaux comme il croyait que Lise était. Son secret était donc toujours bien gardé. Il n'était ainsi plus question d'imaginer entrer dans l'organisation de Beckers. Oublié le projet de rencontrer des mutants et d'en apprendre plus sur elle-même... Lise en était presque déçue...
Mais la jeune femme se ressaisit et répondit à la remarque de Beckers au sujet du malentendu:

"Au temps pour moi M.Beckers. J'ai cru à tort que votre curiosité au sujet de mon avenir était intéressée... Je n'avais pas imaginé que ces questions se bornaient à de la stricte courtoisie..."

Le ton était sec. Elisabeth commençait à en avoir assez de cet homme. Tant pis si elle ne lui plaisait pas, elle n'avait que faire de son argent pour le restaurant, après tout accepter de l'argent sale n'était peut-être pas une très bonne option. Et puis, Beckers devait trouver un intérêt à tout cela, intérêt obscur certes, mais présent, Lise en était certaine.
Elle l'écouta lui répondre à propos de Kyle et la jeune femme ne fut pas surprise. C'était bien là, la réaction à laquelle elle s'était attendu. Beckers se dédouanait à nouveau, rejetant les torts sur Kyle, "l'ingrat". Ces dernières remarques mirent en rogne Elisabeth qui avait envie de parler franchement à Beckers. Elle voulait faire tomber son masque, mais si elle le faisait elle ferait tomber le sien... Toutefois, elle ne pouvait pas rester inerte face à ses mensonges:

"Je ne suis peut-être pas une mutante M.Beckers, mais je ne suis pas une idiote non plus. Je ne peux pas croire que Kyle soit aussi ingrat envers vous: sa réaction était vraiment disproportionnée par rapport à votre...altruisme..." Lise reprit son souffle avant de continuer:"A mon avis, vous ne me dites pas tout. La véritable question est: pourquoi Kyle a t-il voulu "voler de ses propres ailes"? Pourquoi a t-il voulu quitter un homme aussi généreux que vous?" Elisabeth laissa ses questions en suspens et enchaîna:"A moins que vous ne soyez autre chose que ce que vous paraissez être M.Beckers... Vous savez, je ne crois pas à la générosité désintéressée, vous me répondrez qu'elle existe et que vous en êtes la preuve vivante, mais la réaction de Kyle ne m'amène pas à cette conclusion." Lise de plus en plus énervée par le faciès hypocrite de Beckers poursuivit sur le même ton:"Même votre organisation me paraît... fallacieuse. Je trouve étrange que votre organisme humanitaire se présentant comme un mécène ait besoin de recruter des mutants. Les visées de votre fondation ne me semblent pas requérir des capacités hors du commun, exceptées la générosité et la compassion, je me trompe?"

Elisabeth avait conscience que son raisonnement était plutôt maladroit et bancal, mais elle espérait, à défaut de faire tomber le masque de son opposant, qu'elle parviendrait à le fissurer, à apercevoir sa vraie nature.
Elle voulait aussi lui faire comprendre qu'elle n'était pas du genre à gober n'importe quoi, et qu'elle n'aimait pas être prise pour une idiote. Et puis, même si cela était dangereux, vain et sûrement mesquin: accuser Midas lui faisait du bien. Elle avait conscience qu'il était le responsable de ses malheurs et elle supportait mal l'idée qu'il s'en sorte aussi facilement. Alors lui livrer ses soupçons qu'elle n'aurait peut-être pas eu si elle avait revu Beckers sans revoir Kyle, la ferait peut-être passer pour une fille suspicieuse, ingrate et malpolie, mais il n'en restait pas moins qu'Elisabeth connaissait la réelle implication de Midas dans cette histoire. De ce fait, elle ne pouvait garder un visage reconnaissant, des paroles chaleureuses et un sourire béat durant cette conversation. D'autant plus que Beckers ne faisait qu'échanger des propos captieux...

Beckers se contenta d'un sourire face à la déception d'Elisabeth. Il semblait que tout ceci l'amusait, dans la mesure où il ne se départit pas de son sourire poli pendant toute la diatribe de la jeune fille.

"Si vous le permettez, je vais d'abord répondre à votre dernière question : pourquoi employer des mutants pour faire de l'humanitaire ou du mécénat. Prenons un exemple au hasard : vos parents. Si je m'étais présenté à eux avec uniquement de la générosité et de la compassion, cela ne leur aurait retiré ni souffrance, ni peine, et ça n'aurait pas reconstruit votre restaurant. Les personnes dans le besoin ont certes besoin de générosité et de compassion, ce que tout être humain est capable de fournir pour peu qu'il soit assez civilisé, mais aussi de résultats.

L'avantage insigne des mutants est qu'ils sont capables de prouesses qui leur font surpasser les meilleurs ouvriers aux commandes des meilleures machines, en un temps généralement record, sans qu'il y ait besoin d'autre source d'énergie que trois repas complets par jour, et un salaire décent pour mener une vie saine avec des loisirs. Vous pouvez y voir le comble du cynisme, ou de l'esclavagisme, mais je n'emploie pas d'esclaves. Je vois simplement ceci comme de l'écologie, ou faire en sorte que chacun donne le meilleur de lui-même."

Il sourit à nouveau et hocha la tête pour mieux appuyer son propos, puis enchaîna sur un ton mielleux, teinté d'une touche d'acidité.

"Maintenant... Vu comme vous parlez de M. Norman par son prénom, je suppose que vous avez eu l'opportunité de faire plus amplement sa connaissance. Et vu comme vous présumez de ses valeurs -et des miennes, par contraposée-, j'en déduis que vous avez parlé avec lui plus que ce à quoi votre profession vous habitue, je me trompe ? C'est vrai qu'il a un petit quelque chose de touchant. Il a toujours été une personne très sensible, cherchant à se donner une apparence de gros dur. Moi-même, je vous avouerai que je l'avais trouvé particulièrement charmant.

Mais... pensez-vous le connaître si bien que ça ?"

Encore raté! Après tout ce ne serait certainement pas une jeune femme de vingt ans qui mettrait Beckers mal à l'aise. Elisabeth l'avait écouté sans sourciller, guère surprise de trouver chez son interlocuteur une répartie à toute épreuve. Il pouvait répondre à n'importe quoi celui la!
Mais son discours ne collait pas avec ce qu'avait dit Kyle à Lise qui restait convaincue de la culpabilité de Beckers. Il mentait bien certes, mais il mentait tout de même et cela ne changeait rien au fond du problème. Son petit sourire satisfait donnait à Lise l'envie de lui sauter dessus. Non pas pour laisser libre cours à ses hormones comme l'aurait fait Claudia, mais plutôt pour le réduire à l'état de purée beckersienne.
Mais Lise reprit distraitement les paroles de Beckers comme pour lui signifier que la conversation était anodine à ses yeux:

"Que chacun donne le meilleur de lui-même... J'imagine que tant que cela reste dans la visée de ce noble objectif, votre organisme n'est pas à blâmer..." Puis, la jeune femme pour racheter son accusation tendancieuse ajouta:"Je suis toujours sceptique quand il s'agit de la bonté de la nature humaine, j'espère que vous me pardonnerez mes soupçons...déplacés..."

En vérité cette dernière phrase était tout aussi fausse que le sourire colgate de Beckers, mais la jeune femme devait paraître normale, telle était sa priorité.
Mais son interlocuteur, très perspicace, mit le doigt là où ça faisait mal. Pourtant, Lise avait fait attention à ne rien révéler de plus que nécessaire et surtout pas l'implication de Kyle. Seulement Beckers était intelligent et relevait les détails. Mais là encore, il ne pouvait être sûr de lui car ces détails ne prouvaient rien, cela dépendait de leurs interprétations. A sa première question, à savoir si la serveuse avait côtoyer Kyle en dehors des cadres de son travail, Lise lâcha avec un froid détachement:

"J'ai bien peur que cette fois-ci vous n'ayez pas vu juste M.Beckers.... Je connais Kyle en effet, et notamment son prénom parce que c'est ainsi que vous l'avez nommé, je n'ai fait que reprendre ce que vous avez dit. Je l'ai en outre appelé par son prénom parce qu'il m'était plus commode de l'appeler de la sorte qu'en le nommant M.X ou "mon client". Quant à son nom, je l'ignorai. Et puis vous savez, j'aime la...familiarité avec les gens... Alors j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur si désormais j'appelle M.Norman par son petit prénom..." Lise prenait soin d'accentuer le prénom de Kyle avec ironie tout en prenant un ton badin pour montrer à Beckers que son imagination était vraiment...débordante: "Et j'ajouterais que les valeurs de Kyle ne me sont peut-être pas inconnues, mais je me base uniquement sur ce que j'ai vu hier soir et notamment par déduction, en me référant toujours à la réaction qu'il a eu au restaurant en vous voyant... Je pense qu'une personne qui manifeste de la crainte envers une autre est nécessairement la victime dans l'histoire, d'autant plus que cette autre personne semblait très assurée et que, je tiens à vous le rappeler M.Beckers, vous n'avez guère été courtois avec mon client..."Elisabeth marqua une pause et conclut:"Donc oui, M.Beckers j'ai présupposé des valeurs de Kyle et des vôtres, en me fondant sur ma première impression, celle de Kyle était plutôt positive et la votre non. Mais il vous faut reconnaître qu'hier soir vous ne donniez pas la même image qu'aujourd'hui... C'est peut-être ce décalage qui me rend si...suspicieuse à votre égard."

Elisabeth se rendait compte à quel point elle était prolixe, mais elle se devait de l'être car Kyle était désormais en danger par sa faute à nouveau. Elle avait promit qu'elle ne révélerait pas son implication et celles de ses amis. Elle avait échoué à tenir sa promesse car Beckers quoi que puisse en dire Lise avait désormais des soupçons. Elle s'était laissé emporter et sa vigilance avait faillie. Durant cette réflexion, la jeune femme garda un visage innocent presque insouciant, comme si toute cette conversation était en réalité banale. Ce qui n'était pas le cas, bien au contraire, mais c'est l'impression qu'elle voulait donner à son interlocuteur.
Ce dernier avait ensuite enchaîné en évoquant Kyle et avait demandé à la jeune femme si elle pensait bien le connaître:

"Non, M.Beckers, je vous l'ai dis, j'ignore presque tout de Kyle. Il est pour moi un simple client d'un soir, effrayé par quelqu'un qui m'a parut au prime abord antipathique... J'ai trouvé M.Norman pour sa part très sympathique durant mon service , aimable et "charmant" pour reprendre votre propre expression... N'ayant pas fait plus ample connaissance avec Kyle, j'ignore qui il est en réalité, peut-être est-il le bad-boy de l'histoire..."Lise baissa un instant la tête et la releva avec un léger sourire entendu: "En tout cas M.Beckers, je n'ai pas pu m'empêcher de constater que vous aviez éludé l'une de mes questions... Je comprendrais très bien qu'elle soit d'ordre personnel mais comme vous avez l'air de penser que je présuppose beaucoup j'imagine qu'y répondre peut me permettre d'y voir plus clair dans toute cette histoire en me basant sur quelque chose de concret... Pourquoi Kyle Norman a t-il décidé de quitter un homme qui lui a tant donné?"

Elisabeth avait peut d'espoir désormais d'obtenir une parole sincère de la part de Midas et peut-être était-ce mieux ainsi... Il fallait sans aucun doute qu'elle abrège cette conversation au plus vite: les risques d'exposer Kyle et son groupe étaient de plus en plus importants à mesure que la conversation se poursuivait. Et la dernière chose qu'elle souhaitait, c'était mettre en danger son bienfaiteur. Elle avait conscience qu'elle ignorait tout de Kyle, mais ce qu'elle savait en revanche, c'était qu'il l'avait aidé, et que Beckers était très certainement à l'origine de ses mésaventures alors s'il essayait de dévaluer l'image de Kyle, Lise ne le croirait pas. Car à juste titre, elle avait plus confiance en Kyle qu'en Beckers.

"Bien sûr... Il est parfaitement compréhensible qu'une personne qui vient de subir un tel drame, qui semble ne pas avoir pour autre explication qu'une folle gratuité soit peu encline à donner crédit à la bonté humaine.", rétorqua Beckers d'un air malicieux.

Il se contenta de hocher la tête aux explications de Lise sur ses relations avec Kyle. Qu'il la crût ou pas, difficile à déterminer...

"Au temps pour moi, au temps pour moi... Cela m'apprendra à être trop prompt à en venir à des conclusions hâtives, et à dispenser un jugement en conséquence.", la remarque s'entendait de façon très nette pour Elisabeth, qui avouait littéralement avoir préjugé de lui. Il enchaîna néanmoins à une autre idée.

"Oui, pardonnez moi, je suis parfois un peu distrait. Pourquoi a-t-il quitté mon service ?" Il hocha les épaules en soupirant. "Pourquoi les enfants quittent-ils leurs parents ? Pourquoi les étudiants sortent du système scolaire ? Il faut bien qu'un jour les gens volent de leurs propres ailes, affrontent la vie, et fassent leur expérience. Je l'ai aidé, et je l'ai employé, je suppose qu'il voulait aller voir ailleurs, ou faire d'autres choses. Voguer vers d'autres lieux... Vous devriez plutôt lui poser la question à lui.", conclut-il sur un ton vaguement nostalgique.

Quelle que soit la situation, Beckers semblait la maîtriser et jamais il ne perdait son assurance et son calme apparent...
Le milliardaire avait parfaitement défini la motivation de son "attentat": "une folle gratuité". Elisabeth avait dû mal à croire qu'un homme à la tête d'une grande organisation humanitaire se comporte de cette manière. Tachant de concilier ces actions et l'homme en lui même, Lise conclut que Beckers devait être le genre de personne à posséder une intelligence oscillant entre le génie et la folie... Cela faisait de lui, un homme dangereux comme l'avait prouvé son attaque impulsive et absurde contre le restaurant. A moins que son attentat ait vraiment un but précis et dans ce cas celui-ci restait encore obscur aux yeux de la jeune femme.
Les allusions de Beckers étaient explicites mais Lise n'en était pas gênée, ce n'était pas à elle de l'être. Et puis, malgré ses dires, Elisabeth n'avait pas changé fondamentalement d'opinion sur Beckers depuis sa rencontre avec lui hier soir. Car oui, Beckers faisait certainement parti des contrexemples à ceux qui pensent que l'homme peut-être bon. Le milliardaire en avait l'apparence, mais il ne l'était pas.
Elisabeth avait peut-être mit Kyle hors de dangers mais elle n'en était pas sûre, Beckers ne la croyait peut-être pas. Elle s'inquiétait désormais pour le jeune mutant: qu'allait-il se passer si Beckers avait la certitude qu'elle et lui avait parlés et qu'il l'avait aidée? Cela énerverait-il le milliardaire ou resterait-il indifférent? Pourrait-il faire du mal à Kyle? Difficile à dire, Midas avait l'air d'être un homme...imprévisible.
Elisabeth s'était contentée d'acquiescer aux premières réponses de Beckers, puis elle écouta la réponse à sa question sur la défection de Kyle. Là aussi, Midas avait trouvé une parade pour le moins efficace, il ne se doutait certainement pas que Lise en savait beaucoup plus sur cette histoire qu'elle ne le laissait paraître...
L'ancienne serveuse avait envie à nouveau d'être franche avec son interlocuteur, pour lui rabaisser le caquet une bonne fois pour toute, mais sa promesse la retenait. Elle devait préserver sa famille, et ceux qui l'avait aidée. Elle espérait que la dernière phrase de Beckers, conseillant à Lise de poser sa question directement à Kyle ne démontrait pas qu'il avait connaissance d'un quelconque lien entre les deux jeunes gens...
Il valait mieux à présent écourter la conversation. C'était déjà assez étrange d'avoir parlé aussi longtemps avec un inconnu, ses parents devaient se demander ce qu'elle fichait avec leur bienfaiteur. Elle répondit alors:

"Je doute d'avoir l'occasion de revoir Kyle, mais si c'est le cas je n'hésiterai pas! En tout cas, je vous remercie pour votre franchise M.Beckers..." Elisabeth ne s'était jamais trouvée aussi fausse qu'en cet instant."Je crois que je ferais mieux de retrouver ma grand-mère et mes frères..." Et bien que cela la répugne, la crétoise devait montrer à nouveau sa reconnaissance comme toute jeune fille normale l'aurait fait:"Merci pour tout M.Beckers... Vous êtes...vous êtes..." S'échina à trouver Lise qui souhaitait exprimer une part de vérité dans son qualificatif:"...vraiment exceptionnel!" Acheva-t-elle en prenant un ton idolâtre, le tout servi avec un sourire béat. Comme Beckers prendrait le mot dans son usage courant et non au sens propre, il se dirait que la jeune femme était une pouffe ou pire, une groupie complètement obsédée... Après tout le milliardaire ténébreux devait avoir l'habitude de ce genre de personne.

Elisabeth aurait pu rester encore un moment à parler avec l'homme d'affaire mais ce faisant elle aurait prit plus de risques encore vis-à-vis de Kyle. Et puis, elle n'était pas certaine de pouvoir jouer la comédie encore longtemps.
Adressant un ultime sourire hyprocrite courtois à Beckers, elle le quitta pour rejoindre l'intérieur du restaurant où selon ses parents, le reste de sa famille se trouvait. Revoir des visages familiers ne pourrait lui faire que le plus grand bien. Mais à l'idée de mentir à nouveau Elisabeth se sentit un peu plus abattue: tous ces évènements lui avaient fait perdre son sens de l'humour. Celui-ci avait toujours été un échappatoire en toute circonstance... Provoquer, taquiner ou encore rester insouciante avaient toujours convenu à la jeune femme. Cependant, elle n'arrivait pas à tourner cette histoire en dérision ce qu'elle faisait généralement lorsque ça n'allait pas, mais il s'avérait qu'aujourd'hui, les gens dont elle était les plus proches avaient risqués leurs vies et cela changeait tout...
La jeune femme rêvait à présent de retrouver un semblant de normalité ou du moins une certaine sérénité pour pouvoir réfléchir à tout ça et prendre du recul...

L'intérieur du restaurant était à peu près semblable à son souvenir. Après tout, il ne datait que de quelques heures... Une grosse dévastation, mais les choses avaient l'air plus propres, plus lumineuses... Au centre du restaurant, la petite famille était réunie, et animée d'un enthousiasme et d'un frémissement qui était semblable à ce bourgeonnement inattendu se produisant au printemps.

Et ce frémissement prenait la forme de grands projets de construction. Le père d'Elisabeth expliquait en parlant à haute voix, tout en se contredisant, qu'il fallait tout refaire, tout changer, mettre les tables autrement, faire des choses plus modernes... Une véritable révolution.

Ce qui paraissait étrange à Elisabeth était que le monde s'était mis à tourner autour d'elle, mais qu'elle n'était que spectatrice des choses. Le restaurant était en pleine renaissance, et des décombres sortaient quelque chose de grand, mais cela ne la concernait plus vraiment...

Une fois entrée à l'intérieur de ce qui était auparavant son lieu de travail, Lise souffla quelques peu. Rien ou presque n'avait changé, le chaos était toujours le même, même si on y avait mit un peu d'ordre, seule l'atmosphère était remarquablement différente.
Au centre de la pièce se trouvait toute la famille, ses parents, ses frères et Ismène sa grand-mère. Son père s'égosillait, évoquant ses projets pour le futur restaurant, la restructuration de la salle, une décoration plus moderne... Et toute la famille l'écoutait avec enthousiasme. Ils semblaient partager quelque chose que la jeune femme n'arrivait plus à comprendre. Était-ce à cause de toute cette histoire? A cause des propos échangés avec Beckers? A cause de son pouvoir qui représentait une frontière entre elle et eux? Elisabeth n'en savait trop rien mais elle comprit qu'elle ne pourrait pas rester plus longtemps ici et s'investir comme elle le faisait avant. Elle ne pourrait plus revenir à son ancienne vie, pas après ce qui s'était passé.
Elle observa sa famille et se rendit compte à quel point, ils paraissaient si loin d'elle à présent. Ils n'avaient pas l'air plus ébranlés que ça par cette histoire. Ils n'avaient pas vécus la même angoisse qu'elle, ils n'avaient pas craints la mort de leur fille, mais elle, avait envisagé qu'ils le soient.
Plus elle écoutait son père parler, plus elle sentait le fossé entre elle et eux se creuser. Elle sentait en eux, un enthousiasme écœurant, une énergie nouvelle et une force qu'Elisabeth n'avait pas. Comment pouvait-elle l'avoir? Sa famille ignorait tout de la vérité, mais elle, en avait connaissance. A quoi bon poursuivre une vie, qu'il est si simple de balayer comme l'a fait Beckers?
De plus, cette nouvelle vie là semblait dérisoire, car elle serait construite grâce au responsable de la destruction de l'ancienne. Non, décidément, Elisabeth n'avait plus sa place ici. Mais alors, où était sa place? Dans une nouvelle vie, seule? Dans les études? Avec les mutants? De toute les propositions, celle qui attirait le plus la jeune femme était celle avec les mutants. Elle en était une, et Lise voulait comprendre et être comprise par des gens comme elle. Lise en avait assez de se sentir comme une paria et de cacher son secret à tout le monde. Quand elle avait été avec Kyle et les autres, elle s'était sentie plus à sa place, avec des gens qui lui ressemble...
Kyle... Et si Beckers était parti le voir après sa conversation avec Elisabeth? Si Beckers avait eut des soupçons et s'il avait voulu vérifier? Lise mal à l'aise annonça à ses parents du pas de la porte:

"Je suis désolée, mais je dois partir, j'ai vraiment une chose importante à faire... Super pour tes projets p'pa! Et au fait, j'ai toujours pensé qu'un aquarium en guise de bar, ce s'rait cool, alors...si tu pouvais intégrer ça!"

Ne laissant pas le temps à ses parents de répondre quoi que ce soit, Elisabeth sortit du restaurant avec anxiété. Beckers était peut-être encore dehors... Cela soulagerait la jeune femme de le savoir encore ici...
Si c'était le cas, elle irait tout de même voir Kyle pour lui évoquer les éventuels dangers, et si ce n'était pas le cas et bien, elle irait vérifier que Midas ne se trouve pas chez le jeune mutant. Après tout Beckers ne devait pas connaître l'endroit où vivait Kyle en ce moment, c'est-à-dire chez Cyrus, alors il n'y avait pas de raison de s'inquiéter.
Lise se dirigea donc vers la navette la plus proche pour rejoindre l'appartement de Cyrus.

Le départ précipité d'Elisabeth doucha vaguement l'enthousiasme de sa famille, mais plus de surprise que de déception. Beckers était toujours dehors, en train de consulter et signer des documents sur une tablette du courtier en assurance avec lequel il devisait d'un ton professionnel.

Tout dans cette journée sentait le printemps, jusqu'au monorail et au soleil qui perçait ses vitres. Et un étrange parfum de fleurs à l'approche de l'appartement de Cyrus... Dont l'origine se traduisit bientôt, en la forme d'un énorme bouquet de fleurs à deux jambes qui essayait d'ouvrir la porte d'entrée de l'immeuble. À en juger par le pantalon et les chaussures, il s'agissait de Cyrus...

Elisabeth était presque (égoïstement) satisfaite de constater que sa famille venait de perdre de son entrain. Elle avait du mal à concevoir comment ils pouvaient ainsi se tourner vers l'avenir ou du moins ce qui leur avait permit d'être aussi prompts à balayer de tels évènements... Ils n'avaient pas l'air de se poser beaucoup de questions et leur seule préoccupation semblait désormais le restaurant. Beckers les avait bien manipulé, il avait estompé le fâcheux évènement qu'était leur enlèvement en proposant son aide providentielle dans la reconstruction du restaurant... Lise débita alors un flot d'injures mentales à l'encontre de Midas. Tôt ou tard, il paierait.
Constatant qu'il était toujours près du restaurant, Elisabeth se sentit rassurer pour le coup. Formidable contradiction que ce soulagement... Mais ne dit-on pas: "garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près"?
Beckers semblait discuter avec le courtier en assurance et Lise imaginait les sommes folles que leur "bienfaiteur" devait dépenser. Enfin pour lui ce ne devait pas avoir une grande importance, mais quoi qu'il en soit, Lise avait l'impression désormais d'avoir une dette envers cet homme et ça la gênait.
Après réflexion, cette impression était injustifiée... Après tout, Beckers ne faisait que réparer ce qu'il avait détruit.
Lise espérait que Midas ne l'avait pas vu quitter le restaurant. Si jamais il essayait de la suivre, elle était fichue.

Lise rejoignit le monorail en courant, d'une part pour se détendre, d'autre part pour rejoindre au plus vite l'appartement de Cyrus.
Une fois installée à l'intérieur, Elisabeth chercha la meilleure manière de présenter les choses à Kyle. Peut-être lui dirait-il qu'elle avait eu le mauvais comportement? Devait-elle parler des doutes de Beckers quant à l'implication de Kyle? Les paroles ou plutôt les pensées de Renaud lui revinrent à l'esprit, il fallait qu'elle sois franche avec lui. Il avait prit des risques pour elle c'est le moins qu'elle puisse faire. Lise soupira avant de croiser les jambes. Elle en avait marre de se poser toutes ces questions, elle n'en avait pas l'habitude et surtout elle ne l'avait jamais fait aussi longtemps. Depuis deux jours, elle avait l'impression de vivre une véritable épopée, elle mettait à profit tous ses faibles moyens pour en ressortir indemne. Et ce n'était pas facile, ça demandait beaucoup de réflexion... La réflexion c'était pas trop son truc, elle préférait largement vivre avec insouciance et être naturelle le plus possible.
Qui plus est, elle se sentait frustrée, elle avait envie de se défouler sur quelque chose ou quelqu'un, de manière...ostensible. Elle désirait s'acharner sur le responsable -Beckers- et le frapper comme elle savait si bien le faire avec ses frères. Enfin, frapper Midas aurait été un autre genre de défi, du genre beaucoup plus...excitant que celui proposé par ses frères encore que, le plus âgé commençait à faire suffisamment mal pour que Lise ait un instant d'hésitation avant de le gifler... Bien évidemment, les baffes n'étaient jamais distribuées pour le plaisir, non elles étaient bien souvent méritées. Alcinoos et Alexandre les "deux petits monstres" les appréciaient presque car c'était pour eux l'occasion de se bastonner...
Lise interrompit sa réflexion sur ses sympathiques relations fraternelles alors qu'une voix robotisée annonçait l'arrêt le plus proche de l'appartement de Cyrus.
De même, elle courut pour rejoindre l'immeuble des mutants, appréciant ainsi la chaleur du soleil et...à mesure qu'elle s'approchait de sa destination, la fragrance de fleurs. Quoi de plus naturel au printemps? Enfin, avec du goudron un peu partout cela restait étonnant...
Elle constata, non sans surprise, qu'elle avait réussit à détecter l'odeur d'un énorme bouquet de fleurs au pied de l'immeuble où vivait Kyle et Cyrus. Le bouquet en question était tenu par Cyrus qui visiblement encombré ne parvenait pas à ouvrir la porte. Le pauvre garçon était aussi gauche que son compagnon...
Plus détendue et d'une certaine manière plus enjouée, Lise interpella:

"Hey!" Elle attendit que Cyrus en bouquet se retourne avant d'enchaîner: "Oui, toi le bouquet bipède!!" La jeune femme affichait un large sourire."J'ai le droit à une des fleurs si je t'ouvre la porte?"

La Crétoise attendit un court instant une réponse mais dans tous les cas elle ouvrit au jeune désespéré en ajoutant:

"Je suis désolée de venir interrompre votre idylle, surtout dans un moment aussi..." Elle reluqua le bouquet et acheva:"...inopportun. Mais..." Commença t-elle avant de prendre une voix grave et un ton très sérieux presque comique:"...faut qu'on parle."

Elisabeth ne laissait pas trop le choix à Cyrus puisqu'elle entra dans l'immeuble et l'engagea à poursuivre cette conversation à quelques étages au dessus en appuyant sur le bouton de l'ascenseur. Elle affichait un visage quelque peu ennuyé comme pour l'assurer de l'importance de sa visite. Lise souhaitait rejoindre Kyle au plus vite pour lui expliquer ce qui s'était passé avec Beckers.

Cyrus eut l'air surpris, et quelque peu gêné, de voir débouler à nouveau Elisabeth. Comme si cette arrivée était l'augure de nouveaux ennuis. Toutefois, il n'avait pas vraiment le choix non plus. Il bafouilla donc quelques remerciements pour la porte.

"Et... Il se passe quoi exactement ?" demanda-t-il de but en blanc, tout en ouvrant la porte.

Sitôt ouvert, il alla offrir les fleurs à Kyle, mais il apparaissait clairement à Elisabeth que sa présence avait outrageusement perturbé l'instant excessivement romantique qui avait été manifestement prévu. Cyrus semblait le plus excédé des deux de la situation, et s'éclipsa pour aller chercher un vase.

"Tu es de retour ? Quelles sont les nouvelles ? Il s'est passé quelque chose ?"

Cyrus n'était guère enthousiaste de revoir Elisabeth qui comprenait sa réaction. Elle aurait trouvé...agaçant qu'une personne vienne la déranger lors d'un rencard. Mais Cyrus compréhensif demanda de quoi il en retournait et Lise se contenta de répondre:

"Midas..."

Elle ne voulait pas avoir à se répéter tout à l'heure, mieux valait raconter son histoire aux deux en même temps. Cyrus et elle entrèrent dans l'appartement et le mutant offrit son bouquet à son copain. Elle aurait bien crié "Tadaaa!" et réclamer à grand cri un baiser de la part des amoureux, mais sans doute le moment était-il mal choisi... Cyrus semblait en outre, peu enclin à plaisanter, la présence d'Elisabeth dans ce qui devait être un moment d'intimité avec son compagnon, l'offusquait. Au point, qu'il partit chercher un vase pour le bouquet laissant la jeune femme avec Kyle qui vint aux nouvelles. Lise répondit aussitôt:

"Quand je suis revenue au restaurant, j'ai eu la surprise d'y voir Midas...et aussi ma famille soit dit en passant..."Compléta la jeune femme. Puis, prenant un visage désabusé elle enchaîna: "Il a proposé de financer la rénovation du resto'! T'imagines un peu l'hypocrite!" Lança Lise avec un air faussement scandalisé."Je me suis retrouvée seule avec lui et on a un peu parlé."Ce que l'ancienne serveuse redoutait de dire allait bientôt sortir...Elle déglutit péniblement et poursuivit:"J'ai dû jouer le jeu de la fille reconnaissante, agréable...et tout le tatouin! Mais à un moment jn'ai pas été très prudente... J'lui ai dis que je le trouvais louche..." La jeune femme tordit alors ses doigts craignant la réaction de Kyle:"On a un peu parlé de toi, j'ignore s'il pense que tu es impliqué..." Elisabeth baissa les yeux, trouvant soudainement à ses pieds un irrésistible attrait:"J'suis désolée: tu risques peut-être d'avoir des ennuis par ma faute... J'imagine qu'il va peut-être tenter de te retrouver... Il est possible que ça ne lui traversera pas l'esprit mais dans le doute, j'ai préféré te prévenir mais tu le connais mieux que moi..." Redressant son visage vers Kyle, elle avoua spontanément:"Je ne me sens plus à ma place ici... Reconstruire le restaurant avec l'argent de Beckers... Ca m'plait pas... "

Kyle se fichait peut-être des états d'âme de la jeune femme mais elle avait ressentie le besoin de se confier. Il était un mutant comme elle et il semblait à même de pouvoir la comprendre. Lise craignait sa réaction de Kyle mais aussi celle de Cyrus qu'elle épiait à la dérobée. Il n'allait pas être content d'apprendre que son petit ami était en danger... Elle se souvenait de l'attitude très protectrice qu'avait eu Cyrus à l'accueil de l'hôpital...

Kyle eut l'air passablement contrarié d'entendre qu'Elisabeth l'avait, plus ou moins involontairement, et en heureusement pas de façon explicite, vendu. Toutefois, il préféra taire ce détail, et répondre simplement.

"Et bien au moins, tu sais maintenant pourquoi il a détruit le restaurant... Il aime se présenter comme l'homme providentiel. Il aime voir toutes ces choses qui s'affairent, chacune à leur place, pour construire, faire des projets, et à plus forte raison quand tout cela tourne autour de lui, ou ne saurait fonctionner sans lui. Que ce soit sans son argent ou son impulsion, dirons-nous."

Une personnalité très légèrement narcissique, en somme.

"Maintenant, son objectif était peut-être aussi de t'isoler. Si tu l'as contrarié, il a simplement fait en sorte que ton monde cesse d'exister, et que tous les gens auxquels tu tiens se retrouvent à te mettre de coté parce que tu ne penses pas comme eux, quand bien même tu aurais raison. Le risque c'est qu'isolée de cette façon, tu es vulnérable. Et j'espère pour toi que tu n'as pas été suivie."

Cyrus était revenu dans la pièce avec son bouquet de fleurs dans un vase, qui semblait bien insignifiant à présent.

"Et nous ?", se contenta-t-il de demander à Kyle, nonobstant la présence d'Elisabeth -oiseau de mauvais augure-.

"Nous, nous allons prendre quelques vacances... Rome... Florence, Venise, Paris, Londres..." un chapelet de destinations excessivement romantiques qui eurent au moins le mérite d'arracher un sourire à Cyrus. Kyle prodigua alors d'ultimes recommandations

"Quant à toi, tu ferais bien d'en faire autant. Mets toi au vert, quitte la Crête, et essaie de te faire une nouvelle vie loin. Et comme tu es une mutante, entraîne toi. Je ne sais pas quel est ton don, mais si Midas en a après toi, ton don est peut-être ta seule chance d'y survivre. En attendant, je ne connais qu'un seul endroit où tu pourrais éventuellement être protégée, et trouver de l'entraînement, et c'est l'Institut Xavier, en Amérique. C'est ta meilleure chance."

Bon, Kyle n'étais pas ravi mais au moins il ne semblait pas fâché. Quant à Cyrus il ne s'était pas manifesté, peut-être ne l'avait-il pas entendue... Tant mieux! Passant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, Lise écoutait la réaction de Kyle. Ce dernier dressa le portrait de Beckers apportant des éléments à ajouter à la liste que la jeune femme avait déjà établie. Il était égocentrique: typique des hommes puissants... *Certainement un problème de mec avec leur virilité mal placée...* Songea Elisabeth pour elle-même comme si cela pouvait être réduit à une simple théorie.

Mais Kyle en vint à préciser que Beckers avait peut-être souhaité l'isoler de sa famille en lui faisant subir une telle expérience et en la faisant passer pour une menteuse ou pire, à long terme, pour une timbrée. Enfin, ce n'était pas comme si cela pouvait la gêner d'être déconsidérée: elle faisait confiance à sa famille dans tous les cas... Mais force était de constater que Lise ne ressentait plus l'envie de poursuivre la même vie qu'avant: avec sa famille dans un nouveau restaurant...
Midas avait au moins réussit à l'isoler en partie: il l'avait éloignée de sa famille d'abord physiquement puis mentalement. Mais rien ne pouvait faire oublier à Elisabeth l'amour qu'elle portait à sa famille, en tout cas, pas un tordu...
Le fait était que, désormais elle ne voulait plus rester et garder son ancienne vie: elle voulait changer, et elle serait donc seule si elle devait quitter sa famille. Ce n'était pas Claudia, sa seule amie, qui l'accompagnerait... Étant seule et surtout isolée, elle serait vulnérable précisa Kyle qui espérait qu'elle n'avait pas été suivie. Lise l'espérait elle aussi...

Vulnérable... Seule... Sans famille... Isolée... Wooohh! Ca n'allait pas être facile pour le coup. S'asseyant sur l'accoudoir du canapé pour digérer les informations, elle écouta Cyrus d'une oreille distraite. Il évoquait son avenir avec Kyle qui lui répondit qu'un petit voyage très stéréotypé dans le genre: visiter la caillasse romaine avec ses colonnes branlantes, donner des miettes aux pigeons florentins, ou se promener en gondole à Venise sur des eaux puantes ou encore, manger dans un restaurant français en goûtant leurs horribles fromages, serait leur projet pour le moment... Bel avenir en somme!

Et elle, qu'allait-elle faire? Si ici, elle ne se sentait plus à sa place? Si seule, elle était vulnérable? Se terrer dans une grotte au fin fond de l'Himalaya? Elisabeth avait toujours rêvé de vivre à la dur, visiter les grands espaces... Mais bon, en pratique ce devait pas être pareil...
Ou tenter de se faire une vie n'importe où en espérant qu'elle ne soit jamais suivie? Serait-elle un jour certaine de sa sécurité? Ça ne lui disait pas trop de s'inquiéter tous les jours pour savoir si demain elle serait encore en vie... Et puis une vie d'ermite ça la rendrait sûrement folle, surtout si elle n'avait pas sa dose journalière de piment... Étrangement, sa bouche saliva alors que l'image d'un gros piment bien rouge et bien huilé s'imposa à son esprit. C'était bien le moment de penser à la bouffe...

Lise tourna son regard vide vers Kyle qui conseilla à la jeune femme une alternative pour le moins...inattendue! Quitter la Crête, pour fuir (dans le doute) un tordu multimilliardaire et mutant de surcroit (et donc puissant) afin de rejoindre un Institut en Amérique qui l'aiderait à maîtriser mieux son pouvoir pour, sur le long terme, pouvoir se protéger de Midas... Et bé! Le Kyle, il avait de la suite dans les idées!
Mais, il fallait reconnaître qu'il avait presque cerné les attentes d'Elisabeth, excepté qu'elle ne voulait pas quitter sa famille. Cependant, dans cette Institut, elle serait avec d'autres mutants comme elle, des p'tits gars sans doute très bien avec qui elle pourrait faire copain-copain...
Néanmoins, 'y 'faisait pas chaud en Amérique... Même plutôt frisquet... Si elle partait à cette époque, au printemps, le choc climatique ne serait peut-être pas aussi intense... *Nan mais à quoi tu penses ma pauv' Lise!* Renchérit une voix dans sa tête. Bon, si elle restait ici, elle finirait comme une grosse loque, si elle partait ailleurs, elle risquait de croiser Midas et le résultat ne serait certainement pas très glorieux... Si elle partait pour l'Institut, elle aurait peut-être froid mais au moins elle serait en sécurité et elle vivrait une vie susceptible de l'intéresser...

L'institut alors... L'institut Xavier... Jamais entendue parler, mais Kyle avait l'air de croire que c'était un endroit bien pour elle. Elle n'avait encore eu aucune raison de douter de lui jusque là. Elle lui ferait donc confiance encore une fois... Mais si jamais l'Institut était une école pour dégénérés... alors elle reviendrait lui botter les fesses!

Elisabeth répondit après ce moment de réflexion:

"J'imagine que rejoindre l'Institut est la meilleure option qu'il me reste... Faudrait que tu me dises où c'est... Va falloir que je vois avec ma famille..." Elle marqua une pause et annonça avec une solennité digne d'un navet hollywoodien:"Je te dois beaucoup Kyle... Je suis consciente d'avoir été une source de...problèmes plus qu'autre chose et crois-moi, j'le regrette."

La jeune femme sourit et lâcha: "En d'autres circonstances, je suis sûre qu'on aurait pu être bons amis et passer de meilleurs moment que ceux-là!" Se souvenant alors que Kyle ignorait la nature de son pouvoir elle indiqua:"Et au fait... Je contrôle les mouvements des gens, alors j'imagine qu'une soirée avec un mutant qui connaît mes pouvoirs, ça aurait pu être...délire!"

Lise se tourna vers Cyrus et ajouta personnellement:"Promis, j'te le rends maintenant, il est tout à toi... " Désireuse de commenter leur relation, elle indiqua:"Vous êtes vraiment bien assortis tous les deux... J'espère que vous m'enverrez des petites cartes à l'Institut pour me décrire votre voyage romantique...enfin... si vous en avez le temps les cocos!" Son sourire s'élargit et elle leur adressa un clin d'œil ambigüe.

Spontanément et avec une certaine audace (folie-courage?) concernant Kyle elle l'attrapa et le serra de la même façon qu'avec Derek, en chuchotant un "merci" sincère. Elle espérait ne pas recevoir une décharge comme la dernière fois où elle l'avait touché, c'est pourquoi, elle prit soin de n'être en contact qu'avec ses vêtements (en espérant que cela suffise, sinon tant pis, l'étreinte méritait bien cela!). Elle se retira et fit en sorte que Kyle croise son regard reconnaissant.
Puis se tournant vers Cyrus, elle ne lui laissa pas le choix non plus et le pressa à son tour. Dans son étreinte, elle souffla naïvement au creux de son oreille dans un murmure presque inaudible:

"Kyle est un grand timide et je crois qu'il a vraiment le béguin pour toi... Alors 'hésite pas à le ménager..."

La jeune femme libéra l'ange blond de son étau, le sourire aux lèvres. Désormais elle était bien décidée à rejoindre sa famille pour leur annoncer son départ pour l'Institut et donc pour leur avouer qu'elle était une mutante. Peut-être s'en doutaient-ils déjà? Lise n'avait jamais imaginé cette possibilité, trop certaine de son jeu d'actrice...mais après tout, cela n'avait rien d'invraisemblable étant donné la proximité familiale...

Le retour vers le restaurant serait aussi et certainement (si tout se passait bien) l'occasion de profiter une dernière fois du soleil crétois. Mais désormais, l'espoir venait de se faire une petite place au sein d'Elisabeth, et c'était de loin, le soleil le plus chaud...

Lise ne conserva pas de souvenirs très clairs de se qui se passa ensuite. Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'eut pas de châtaigne au contact de Kyle -toujours ça de pris-, et qu'il ne fit pas de réponse digne d'un intérêt plus grand que d'éventuelles banalités, vagues remerciements, ou encouragements de circonstance. Il en fut de même pour Cyrus, dont la réponse à l'ultime remarque d'Elisabeth n'avait rien de mémorable...

Non, ce qui était mémorable, c'est que cette journée était vraiment digne du printemps. Non pas pour cause de météo, mais par le sentiment de renouveau qu'elle inspirait. Les choses changeaient, l'hiver était fini, et c'était à présent au tour du soleil de briller. Et cela oblitérait tout le reste.


Tu peux à présent poster à l'Institut, en rejoignant ce sujet. Tu peux également ajouter 3pts à ton barème, en le postant avec sa mise en forme à la suite de ta fiche personnage.

Merci à toi pour cette phase, et bon jeu parmi nous ^^

Les adieux avec la famille furent brefs mais émouvants. La famille n'avait pas posée de problèmes au départ d'Elisabeth qui en fût relativement soulagée. Elle ne pleura pas, car elle savait qu'elle garderait contact avec eux...

Ils n'avaient pas eu l'air très surpris d'apprendre que Lise était...différente. Ses parents avaient remarqués quelques détails pour le moins...troublants. Ses frères, par exemple, avaient tendance à faire partir des projectiles de petits pois par-dessus la table au moment les plus inattendu: petits-pois qui venaient se ficher dans le dernier brushing de mamie Ismène... Cette dernière ne perdait jamais son calme, bien au contraire, ça la faisait rire et bien souvent elle répondait par une salve de purée de carottes (oui, Ismène était une femme très...joueuse, malgré son grand âge!).

Elisabeth avait ainsi fait usage de son pouvoir pour détendre des atmosphères trop pesantes à table, et comme elle était bien souvent la seule à ne rien recevoir, et qu'elle semblait concentrée sur les mouvements de chacun, ses parents avaient finis par deviner quelque chose de pas très net...

Ainsi les aveux d'Elisabeth n'avaient pas bouleversés sa famille qui ne jugea pas la jeune femme, bien au contraire, ses frères trouvaient son pouvoir trop cool!
Lise souhaita bonne chance à chacun, et dispensa de quelques conseils à ses petits frères, après avoir encouragé ses parents dans le projet de reconstruction du restaurant. Quand vint le tour de sa grand-mère, elle la prit dans ses bras. Sa confidente de toujours allait lui manquer à l'Institut... "Prends bien soin de toi..." avait soufflé Elisabeth.

Lise n'avait bien évidemment pas mentionné grand chose au sujet de ses sources quant à la trouvaille de l'Institut. Elle avait juste dit qu'elle en avait entendu parler et qu'elle souhaitait s'y rendre à présent, et que la démolition du restaurant avait été l'élément déclencheur, le signe qu'il était temps de prendre un nouveau départ... Sa famille s'était contentée de ces explications et c'était tant mieux. L'ancienne serveuse ne voulait pas leur faire courir un quelconque danger...

Puis, Lise prépara ses bagages, choisissant des pulls assez épais qu'elle ne portait jamais en temps normal. Elle plaça en outre quelques chemisiers et des petites jupes affriolantes... Après tout, ça pouvait être marrant de choquer les prudes Américains... Elle fila ensuite dans la cuisine et s'empara du bocal de piments rouges qu'elle fourra dans une des poches de sa valise en prenant soin de bien serrer le couvercle. Ces Américains n'aurait certainement pas ce genre de choses... Lise ajouta quelques effets personnels (ordinateur, bijoux, médailles d'athlétisme, quelques posters de Sarabi, et d'autres objets plus ou moins futiles...). Elle boucla le tout et partit avec sa famille en direction de l'aéroport.


Nouveaux adieux, et Lise embarqua en direction de Salem Center aux États-Unis. C'est dans l'avion que la jeune femme apprit le meurtre du président américain, meurtre commit par semblait-il, un mutant. Élisabeth, pieds sur le fauteuil, tête posée sur ses genoux, bras entourant ses jambes, observait le petit écran sur le dos du siège devant elle. Elle n'eut pas vraiment de réaction, si ce n'est de penser que les mutants n'allaient pas être dans les bonnes grâces du peuple américain, et ce, pendant quelques décennies... L'aversion des humains envers les mutants serait croissante, mais la jeune femme ne s'en souciait pas vraiment, elle songeait plus à l'Institut rempli de mutants. Ils devaient être en pleine effervescence...

La jeune mutante s'endormit sur ces considérations jusqu'à ce qu'une voix vienne la réveiller. Ouvrant une paupière, Elisabeth jeta un regard courroucé en direction du haut-parleur le plus proche. Il annonçait que l'avion allait bientôt atterrir... Elle détestait être réveillée, par autre chose que le soleil, ou peut-être par des câlins, mais ça, c'était autre chose...
Lise était désormais sur le sol américain, une nouvelle vie s'offrait à elle. La jeune femme avait encore du mal à en prendre conscience... Elle allait partager la vie de gens comme elle...
Lise se demandait à quoi pouvait ressembler l'Institut. Dans son esprit, des versions plus ou moins "fun" d'école pour mutants s'imposèrent successivement. La jeune femme n'arrivait pas à savoir quelle était la plus probable... Une école de dégénérés/d'illuminés? Une secte? Un camp d'entraînement? Une simple lieu d'apprentissage?
Mais en vérité ces questions n'importaient pas vraiment pour le moment... Après tout, Kyle lui avait conseillé de s'y rendre... Non décidément, la seule considération qui occupait l'esprit d'Elisabeth était:

*Pourvu qu'il ne fasse pas trop froid!*

Institut, Perron